Un virus utilisé par une guêpe parasite a colonisé tous ses chromosomes | EntomoNews | Scoop.it
Les guêpes parasites Cotesia se développent à l’intérieur du corps de chenilles. Lors de la ponte de leurs œufs, elles injectent des particules produites grâce à un virus, intégré dans leur génome depuis 100 millions d’années.

 

INEE CNRS, 25 janvier 2021 

 

"Le génome de Cotesia vient d’être assemblé à l’échelle des chromosomes. L’étude a permis de dresser pour la première fois une carte complète de l’organisation des gènes viraux dans le génome d’une guêpe parasite. Elle révèle que le génome viral s’est considérablement étendu jusqu’à coloniser tous les chromosomes de la guêpe.

 

Dans le cadre de cette dispersion, une partie des gènes viraux reste néanmoins concentrée dans des régions spécialisées du génome, l’une d’elles représentant la majeure partie du bras court d’un chromosome.

 

Ces résultats, parus dans Communications Biology, suggèrent que l’évolution d’un virus intégré dans un génome eucaryote est totalement différente lorsqu’il est utile à l’organisme qui le porte.

En effet,

 

les innombrables virus intégrés qui constellent les génomes sont considérés comme des vestiges d’infections anciennes voués à un lent déclin, n’apportant qu’en de rares cas une protection contre d’autres infections. Le virus de Cotesia se distingue par le fait qu’il est absolument nécessaire à la réussite du parasitisme.

 

En effet, il introduit des gènes induisant une immunosuppression chez la chenille qui empêche la destruction des œufs de la guêpe, puis une manipulation complexe de la physiologie de l’hôte au bénéfice du parasite. Ceci explique sans doute son expansion exceptionnelle dans le génome de la guêpe."

 

(...)

 

"Les virus ne sont pas toujours néfastes : ils peuvent apporter de nouvelles fonctions aux organismes qu’ils infectent. L’exemple le plus spectaculaire consiste en l’utilisation par des guêpes parasites du genre Cotesia d’un virus (nommé bracovirus) qu’elles ont intégré à leur génome au Crétacé, il y a 100 millions d’années. Ces guêpes attaquent des chenilles dans lesquelles leur progéniture se développe. Pour cela, elles fabriquent massivement des particules de bracovirus et les injectent, en même temps que leurs œufs, dans le corps de la chenille. Les particules infectent les cellules de l’hôte et les gènes viraux ainsi introduits assurent la production de facteurs de virulence. Ces derniers vont inhiber les défenses immunitaires de l’hôte et modifier de nombreux aspects de sa physiologie, rendant ainsi possible le développement des larves de guêpes à l’intérieur du corps de la chenille. Les guêpes Cotesia sont utilisées en lutte biologique du fait de leur redoutable efficacité contre certains lépidoptères ravageurs des cultures. En particulier, elles sont produites à grande échelle au Brésil depuis les années 80, pour traiter des millions d’hectares de cannes à sucre contre des chenilles foreuses de tiges, peu accessibles par les traitements phytosanitaires.

 

Un consortium international (France, Pays-Bas, Brésil, Etats-Unis) dirigé par l’Institut de Recherche sur la Biologie de l’Insecte (IRBI - CNRS/Université de Tours) vient de montrer, grâce à l’obtention d’un assemblage complet du génome de la guêpe, que les gènes du virus ont colonisé tous les chromosomes. Alors que les virus intégrés dans les génomes se dégradent en général peu à peu, finissant par être complètement éliminés, le bracovirus, au contraire, a fait l’objet d’une large expansion qui en fait un “virus géant”. En effet, son génome par sa taille, de près d’1 Megabase, soutient la comparaison avec les plus grands virus connus, comme le Mimivirus qui infecte les amibes. Les gènes viraux sont dans l’ensemble dispersés dans les chromosomes de la guêpe, cependant certaines régions concentrent des gènes spécialisés dans les fonctions virales essentielles comme la formation des particules et des cercles d’ADN qu’elles incorporent pour les introduire dans les chenilles. La plus grande, d’un ordre de grandeur comparable au Complexe Majeur d’Histocompatibilité (CMH) essentiel à l’immunité des mammifères, constitue la majeure partie du bras court du chromosome 5 (C5). La comparaison de ces régions entre différentes espèces de guêpes apparentées montre que cette architecture est conservée suggérant l’action de fortes contraintes évolutives dans leur maintien. Malgré l’activité massive de production des particules dans les ovaires, l’analyse de l’expression des gènes de l’immunité montre que la guêpe ne considère pas le virus comme un corps étranger. Ainsi, après 100 millions d’années de domestication, le virus a été complètement intégré à la physiologie de la guêpe."

(...)

 

 

[Image] Carte de l’organisation des gènes du bracovirus dans le génome de la guêpe parasite Cotesia

 
[Cotesia congregata, C. rubecula, C. glomerata, C. vestalis, C. flavipes, and C. sesamiae / Microplitis demolitor]