La mort n’attend pas, et le cadavre est une ressource très convoitée. Bactéries, moisissures, insectes et grands charognards (corbeaux, renards, sangliers) se disputent le morceau.
Par Damien Charabidzé, 08.10.2018
Les asticots, des animaux sociaux
"Durant leur développement sur le cadavre, les asticots se regroupent et forment de gigantesques masses larvaires pouvant regrouper plusieurs milliers à plusieurs millions d’individus. Il y a là quelques frères et sœurs (chaque mouche pondant environ 200 œufs, les familles sont nombreuses), mais aussi de la parentèle éloignée, et surtout de parfaits inconnus, voir des étrangers. Car les larves ne sont pas sectaires : bien que capables de reconnaître leurs congénères, elles n’hésitent pas à se joindre à d’autres espèces pour grossir leur rangs, quitte à les préférer à leur propre fratrie. Comme nous le verrons, l’union fait leur force.
À première vue, ces flaques de larves semblent totalement désordonnées, grouillantes et ondulantes dans une frénésie anarchique ou le chacun pour soi semble être la règle. Pourtant, de puissants mécanismes comportementaux maintiennent ici une organisation sociale rudimentaire mais terriblement efficace. L’agrégation, première forme de socialité, est élevée en véritable stratégie de développement par les asticots.
Car seul, l’asticot est impuissant : lent, fragile, sans défense, il est exposé à de nombreux prédateurs. Il a du mal à s’alimenter si la viande est trop dure, et souffre du soleil, du froid et de la dessiccation. Bref, ses chances de survie sont faibles. Mais en groupe, les choses sont bien différentes. Rares sont les charognards prêts à ingérer un cadavre grouillant d’asticots : un danger de moins.
Mais surtout, le groupe est en mesure de contrôler son environnement, de le façonner selon ses besoins. L’action conjointe de milliers de bouches crachant des enzymes permet de liquéfier la nourriture, transformant les muscles riches en protéines en une soupe facile à aspirer. Ce processus d’exodigestion est amplifié par l’action mécanique des larves, qui casse les chairs et leur permet d’accéder à de nouvelles ressources."
(...)
- Interspecific shared collective decision-making in two forensically important species / Aggregation of necrophagous larvae | Proceedings of the Royal Society of London B: Biological Sciences, 10.02.2016 http://rspb.royalsocietypublishing.org/content/283/1824/20152676
"To date, the study of collective behaviour has mainly focused on intraspecific situations: the collective decision-making of mixed-species groups involving interspecific aggregation–segregation has received little attention. Here, we show that, in both conspecific and heterospecific groups, the larvae of two species (Lucilia sericata and Calliphora vomitoria, calliphorid carrion-feeding flies) were able to make a collective choice."
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