« C’est une question de câblage » : s’il est fait bien symétrique, la mouche passe pour saoule | EntomoNews | Scoop.it

Par Alain Fraval. OPIE-Insectes. Les Épingles entomologiques - En épingle en 2020 : Mars


"Cette fois, notre Mouche du vinaigre à tout faire est dans une sorte de petit cristallisoir, sous une lumière parfaitement homogène. Devant elle, une bande noire verticale et dans son dos, la même. Et les deux sont également attirantes. On lui demande juste de jouer l’âne de Buridan miniature, allant d’un stimulus attractif à l’autre sans jamais se décider. Ses allers et venues sont enregistrés.


Comme attendu, d’après des observations antérieures, certaines drosos marchent en droite ligne, d’autres zigzaguent, font des tours et des détours. Soit deux personnalités différentes : fonceuse et irrésolue. D’où vient la différence, est-elle héritée ou forgée par la vie ?


À cette question très débattue, qui concerne bien évidemment Homo sapiens (pas besoin d’exemples...), on a répondu récemment que la cause pourrait être le « simple » hasard, intervenant au moment de l’établissement des liaisons entre les neurones dans le cerveau.


Pour vérifier cette hypothèse, une équipe franco-germano-belge a mis en route et interprété plusieurs manips – dont celle évoquée ci-dessus.


Il en résulte qu’une Mouche du vinaigre conserve toute sa vie, soit 40 jours, sa personnalité, que la variabilité interindividuelle du comportement ne dépend ni du sexe ni de la variabilité génétique de  la population testée et que la personnalité n’est pas un caractère héritable.


Selon une vieille hypothèse sans preuve expérimentale jusque-là, la vision bilatérale de la drosophile implique une dissymétrie de la perception des objets par chaque œil. Les chercheurs ont montré, par des dissections et la mise en évidence des cellules nerveuses que les neurones , dits DCN, situés à l’avant des lobes optiques du cerveau (qui ont des dendrites ipsilatéraux et des axones contralatéraux) et qui relient les parties gauche et droite du cerveau antérieur ont des configurations propres à chaque individu. Ces configurations s’établissent avant l’émergence, au stade nymphal dans la pupe.


La Mouche du vinaigre, individuellement analysable du niveau cellulaire à celui du comportement et manipulable, devient un très bon modèle pour comprendre la formation de la personnalité des animaux, y compris l’Homme. Elle fournit là une illustration du rôle du hasard, sans doute nécessaire à la survie des espèces dans des environnements variables de façon imprévisible."


Article source (gratuit, en anglais)

 

 

Illustration : dispositif expérimental et trajets des mouches mâles en haut et femelles en bas (détails dans la publication). Infographie des auteurs