Les tiques sont connues pour transmettre diverses maladies, dont la maladie de Lyme. Mais on sait moins que leur salive, assimilable à un venin, peut parfois causer de sérieux problèmes de santé.
Nathalie Boulanger
Publié: 16 août 2022
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Les envenimations dues aux tiques molles
Sur les 900 espèces de tiques identifiées de par le monde, 200 espèces appartiennent à la famille des tiques molles, ou Argasidae. Parmi celles-ci, l’envenimation la plus documentée est celle associée à la piqûre de la tique du pigeon (Argas reflexus). Habituellement inféodée aux pigeons, cette tique vit à proximité de ses hôtes, donc dans leurs nids. Elle se nourrit régulièrement de sang, durant des repas nocturnes qui durent quelques minutes à quelques heures.
Compte tenu des nuisances que causent les pigeons (dégradation des bâtiments publics et des habitations, propagation de différentes maladies humaines, dont la cryptococcose, une infection fongique grave pour les personnes dont le système immunitaire est affaibli), des campagnes de lutte sont menées pour limiter leur population.
Le problème est que, lorsque les nids sont abandonnés, les tiques, qui ne trouvent plus leurs hôtes habituels, rentrent dans les habitations, où elles piquent l’être humain. Les piqûres répétées peuvent induire une sensibilisation allergique avec des manifestations locales (démangeaison, œdème et érythème) voire, dans les cas les plus extrêmes, des réactions généralisées avec risque de choc anaphylactique. La protéine de salive de tique responsable de cette allergie n’a été identifiée que récemment, en 2010.
Malheureusement, en cas d’infestation, la désensibilisation des patients et la désinsectisation sont illusoires : il faut changer d’habitation. Ces tiques peuvent en effet survivre très longtemps sans se nourrir : jusqu’à près de 20 ans dans certaines conditions de laboratoire ! Les acaricides à base de pyréthrines étant toxiques, pour tenter de lutter contre les tiques molles, l’utilisation de terre de diatomée a été rapportée. La terre de diatomée est déjà connue pour son utilisation dans la lutte contre les punaises de lit. Elle doit être utilisée avec précaution car c'est une silice naturelle qui peut être irritante pour les poumons.
Les envenimations par les tiques dures
Les 700 autres espèces de tiques connues appartiennent à la famille des tiques dures, ou Ixodidae. Elles vivent dans des environnements très variés, et prennent des repas sanguins qui durent plusieurs jours, ce qui entraîne une exposition plus longue de l’hôte vertébré (humain ou animal) à leur salive, et donc au risque potentiel d’envenimation.
On distingue les tiques dotées de pièces piqueuses longues (« longirostres »), comme les tiques appartenant aux genres Ixodes, Amblyomma et Hyalomma, et les tiques aux pièces piqueuses courtes (« brévirostres »), telles que les tiques des genres Dermacentor, Rhipicephalus, Haemaphysalis. Les tiques longirostres induisent lors de la piqûre des lésions plus importantes, car elles pénètrent plus profondément dans le derme que les tiques brévirostres.
Les tiques dures sont susceptibles de provoquer différentes sortes d’envenimations, non seulement chez l’animal, mais aussi chez l’être humain.
Paralysie ascendante à tique
Lors de la piqûre d’une tique femelle, des toxines contenues dans la salive sont injectées à l’hôte et peuvent induire des perturbations de la conduction nerveuse provoquant une paralysie ascendante. Si la tique n’est pas retirée, la paralysie progresse et l’hôte meurt par arrêt respiratoire. Lorsque la tique est extraite à temps, la paralysie est rapidement réversible et l’amélioration observée après 24 h.
Décrite en 1912 en Colombie-Britannique (Canada), la paralysie due à la piqûre de tique demeure rare chez l’être humain. Il s’agit surtout d’un problème important d’un point de vue vétérinaire. Cette maladie est cosmopolite, mais certaines zones géographiques sont plus touchées que d’autres comme la côte est de l’Australie et la région nord-ouest de l’Amérique du Nord.
Les toxines responsables de la paralysie ont été décrites chez 69 espèces de tiques, parmi lesquelles 55 tiques dures et 14 tiques molles (principalement les larves de ces dernières). Ce sont surtout les tiques dures Ixodes holocyclus qui sont impliquées dans ce phénomène pour ce qui est des régions australes, et les tiques dures Dermacentor andersoni et D. variabilis en ce qui concerne l’Amérique du Nord.
Très récemment, grâce à l’identification de la toxine chez la tique Ixodes holocyclus (holotoxine), un vaccin contre cette allergie a été testé chez les chiens en Australie.
Allergie croisée viande rouge et salive de tique : le « syndrome alpha-gal »
Chez l’être humain, on a récemment découvert que la piqûre des tiques pouvait parfois provoquer des allergies à la viande de mammifères, ou plus précisément à l’un des résidus sucrés qu’elle contient, l’alpha-galactose, également présent dans la salive des tiques et dans leurs glandes salivaires.
Ce « syndrome alpha-gal » a été décrit en Australie et en Europe, suite à des piqûres par les tiques dures du genre Ixodes. Aux États-Unis, ce syndrome a également été décrit, impliquant la tique dure Amblyomma americanum."
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- Immunomic Investigation of Holocyclotoxins to Produce the First Protective Anti-Venom Vaccine Against the Australian Paralysis Tick, Ixodes holocyclus, Frontiers in Immunology, 04.10.2021 https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fimmu.2021.744795/full
- Discovery of Alpha-Gal-Containing Antigens in North American Tick Species Believed to Induce Red Meat Allergy, Frontiers in Immunology, 17.05.2019 https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fimmu.2019.01056/full
[Image] Les pièces piqueuses d’une tique appartenant au genre Ixodes, avec au centre l’hypostome denticulé, encadré par les chélicères. Nathalie Boulanger / DR, Fourni par l'auteur
Dans ce second épisode de notre série d’été « Un été qui pique » (le premier est à relire ici), Nathalie Boulanger (Université de Strasbourg) nous présente un passager clandestin dont la découverte a déjà gâché bon nombre de retours de promenades : la tique. Car oui, les tiques piquent, elles ne mordent pas. Et la salive qu’elles injectent à cette occasion peut provoquer des envenimations aux conséquences étonnantes, ou, parfois, dramatiques…