Par Alain Fraval. OPIE-Insectes. Les Épingles entomologiques - En épingle en 2017 : Novembre
"Le champignon Ophiocordyceps unilateralis (Hypocréale) parasite la fourmi charpentière d’Amérique tropicale Camponotus castaneus (Hym. Formiciné). Il manipule l’ouvrière, l’amenant à grimper et à se pendre sous une brindille ou une feuille les mandibules bloquées, après quoi il produit une tige qui émerge du crâne de la victime morte, à partir de laquelle sont dispersées les spores. Jusque là, il était admis que le parasite produisait des substances – à découvrir – agissant sur le cerveau de la fourmi et pouvant modifier l’expression de gènes, en provoquant une atrophie des mandibules notamment.
David Hughes, entomologiste à l’université d’État de Pennsylvanie (États-Unis), et ses collaborateurs ont découvert que le champignon se développe dans tout le corps de son hôte. Tête, thorax, abdomen et pattes sont envahis par un réseau d’hyphes, dont certaines pénètrent dans les muscles (riches en énergie). Et qu’un seul organe échappe à l’infestation, le cerveau.
Pour parvenir à ce résultat, ils ont procédé à des coupes sériées d’individus saisis au moment où ils s’accrochent par leurs mandibules, les ont photographiées au microscope électronique, et ont empilé ces clichés pour reconstituer une vue en 3 dimensions (manip classique). Pour l’interpréter, ils ont mis au point un programme informatique apprenant capable de distinguer les cellules de la fourmi de celles du champignon. Des fourmis inoculées par Beauveria bassiana, « simplement » entomopathogène, ont été étudiées parallèlement.
Il apparaît que le champignon maîtrise l’insecte de façon périphérique, par son réseau d’hyphes connectés, réparti dans le corps de celui-ci. Pourquoi n’exploite-t-il pas le cerveau ? Cet organe est sans doute indispensable, jusqu’à la mort de l’hôte ; peut-être est-il manipulé chimiquement."
D’après « 'Zombie ant' brains left intact by fungal parasite », par Chuck Gill, lu le 7 novembre 2017 à //phys.org/news/
Illustration : reconstitution en 3D d’un muscle adducteur de la mandibule entouré d’hyphes (en jaune). Hughes Laboratory / Penn State.
À (re)lire : Le chlorion et autres manipulateurs, par Alain Fraval. Insectes n° 163 (2011-4).
Et, à propos d’un autre Ophiocordyceps : Une ressource médicale himalayenne extraordinaire, par Michèle van Panhuys-Sigler. Insectes n° 171 (2013-4).