Résoudre la question alimentaire à l’échelle planétaire, en se passant de l’agriculture conventionnelle ? Ça ressemble à une utopie, mais c’est la réalité de demain, selon certains. Parmi eux, l’agronome Jacques Caplat. Entretien.
Via Vincent Laviolette, ADecroissance, PhotoSphEric
Dans un monde sans croissance durable et avec un cout de l'énergie qui va augmenter, Il faut désindustrialiser l'agriculture et non la mettre entre les mains d'une minorité mécanisée.
Les surfaces agricoles actuelles peuvent nourrir 10 milliards de gens si une forte proportion de ceux-ci travaille sur leur propres terres à une agriculture vivrière et pas pour faire des agrocarburants et nourrir des usines à viande.
Ensuite, justement, il n'y aura pas plus de bras dans les champs. Les gens ne veulent pas travailler la terre, surtout à la main. C'est là que réside le délire utopique des soutenants de cette cause.
Non, il faut bien évidemment ultra-mécaniser et c'est ça qui implique de grands changements.
Quand aux compétences des paysans, ils ne les ont déjà pas dans l'agriculture actuelle, qu'ils ont gavée de pesticides inutilement, jusqu'à empoisonner les sols et réduire leur revenu. les agriculteurs industriels, les très gros paysans, qui travaillent des milliers d'hectares, mettent jusqu'à 70% moins de pesticides. Ils traitent la nuit, ce qui permet d'avoir des concentrations 40% plus faibles. Les traitements sont essentiellement curatifs plus que préventifs, tout simplement parce que si on a 2000 hectares à traiter, un traitement, c'est 150'000€ au bas mot. Pour ça, ils paient des ingénieurs agronomes qui élaborent des plans de culture et de traitements serrés.
Les paysans de petite taille et taille moyenne, eux, ne gagnent plus leur croûte tellement ils gavent "par sécurité". Moi-même j'ai eu mis des quantités hallucinantes de saloperies dans les champs.
Maintenant, pour vos croyances, sur les ravageurs...jusque dans les années 50, les paysans allaient dans les champs les enlever à la main. Les années où il y en avait trop, les récoltes étaient détruites. C'est gràce aux méthodes que vous dénoncez qu'on a pu lutter contre les ravageurs. A tel point que même le bio autorise des dérogations de traitements lorsque ça arrive. Des ravageurs, il n'y en a jamais eu si peu.
Et les "besoins d'intrants" n'existent pas vraiment. Ce n'est qu'une question d'évolution. Au début, on a inventé l'insecticide. Le soulagement, le bonheur. Puis l'herbicide, alleluïa. Puis les fongicides. Puis les phytosanitaires sont devenus systémiques, résiduaires...de plus en plus de marques sont apparues, ça a viré à la folie.
Dans les années 70, les grands groupes agrochimiques ont proposé que les traitements soient faits par des sociétés dûment équipées, avec des employés bien formés, selon des plans de traitements établis en fonction des circonstances. Les paysans se sont outrés et ont répondu qu'ils n'avaient besoin de personne...ça a donné ça.
Aujourd'hui, il faudrait qu'ils travaillent en agroécologie, qui est INFINIMENT plus compliqué. Très très peu sont capables de ça, même en suivant des plans de culture. C'est un autre monde. Et si les quelques-uns qui bricolent comme ça s'en sortent bien, c'est justement parce que c'est à échelle micro. Les plus grandes surfaces sont en Inde, où la main-d'oeuvre peu délicate et bon marché, corvéable à merci, est abondante. Chez nous ce ne sera bien évidemment pas le cas.
Pour moi, ils sont incohérents à cours terme et totalement inopérants à long terme.