JIM.fr - Les pharmaciens britanniques entre déprime et colère | Co-creation in health | Scoop.it

Londres, le jeudi 11 février 2016 - « Vu de l’extérieur, mon rôle (de pharmacien) n’est perçu que comme celui d’un commerçant. Le sentiment général qui prévaut est donc que je ne suis là que pour commander des médicaments et les prendre sur une étagère avant de les mettre dans un sac joliment plié ». Ce plaidoyer teinté d’un brun d’amertume n’est pas tiré de la récente campagne de communication de l’Ordre national des pharmaciens (CNOP), mais des colonnes du quotidien national britannique The Guardian.
Intitulé « Les pharmaciens devraient être la figure de proue du système de santé, désormais nos emplois sont menacés », l’article est le témoignage désabusé d’un pharmacien d’officine anglais qui constate avec anxiété et colère la dégradation constante de l’image de sa profession au moment même où le système de soins public britannique, le National health service (NHS) a décidé de couper dans les crédits alloués aux pharmacies communautaires (en Grande-Bretagne, 13 000 pharmacies d’officines sont intégrées au NHS).

« Full time job »

A lire le compte-rendu de sa semaine type, on devine l’attachement de ce pharmacien à sa mission de santé publique: « Je contrôle légalement des centaines de prescriptions et cliniquement plus de 1 500 médicaments. Je vaccine contre la grippe, délivre des contraceptions d’urgence, examine les ordonnances et m’assure de la bonne observance des patients, tout comme je fournis un ensemble d’autres services que le NHS juge actuellement rentable ».

Debout « 10 heures par jour » derrière son comptoir, il jure qu’il a « perdu le décompte du nombre de fois où (on lui a) présenté une prescription erronée ou même dangereuse» et déclare qu’il a découvert « tellement d’erreurs issues des consultations » qu’il a fini par se demander « ce que les infirmières et médecins prescripteurs faisaient vraiment ».

Coupe sombre dans les budgets

Malgré tout cela, personne ne semble se rendre compte que lui et ses collègues officinaux ont un « impact sur la prise en charge des patients ». Pire, les patients « s’en fichent » et « demandent un service instantané alors que cela ne les gêne pas d’attendre pour avoir un rendez-vous à l’hôpital ou chez les généraliste ». Pour enfoncer le clou, le gouvernement vient d’annoncer une coupe de 6 % dans le budget alloué aux pharmacies d’officine pour l’exercice  2016/2017. Ces 170 millions de livres sterling, soit plus de 215 millions d’euros représentent « un montant gigantesque qui devrait signifier l’arrêt de certains services (…), la fermeture d’officines, des pertes d’emploi et des baisses de salaire pour ceux qui restent ».

Le modèle de service de type « supermarché » vers lequel tend le gouvernement britannique pourrait donc voir s’accomplir cette « prophétie autoréalisatrice » qui relèguerait le pharmacien au rôle auquel beaucoup l’assimilent aujourd’hui, celui de «marchand de médicaments incapable de rendre les services qu’il rend aujourd’hui ». Une pétition contre cette mesure a, à ce jour, recueilli 40 000 signatures avec l’objectif des 100 000 pour déclencher un débat parlementaire.

Benoît Thelliez


Via Lionel Reichardt / le Pharmageek