Ce texte propose une lecture maritime de la Grande Guerre, assez largement ignorée des manifestations officielles du centenaire de celle-ci, en même temps qu’une lecture française de l’histoire de notre Marine, puisant par ailleurs et pour l’essentiel aux sources des travaux récents des historiens, notamment britanniques et américains, points de passage obligés pour tout Français qui s’intéresse aux choses de la guerre sur mer. La Grande Guerre sur mer se lit en premier lieu au prisme et au miroir d’une série de trois paradoxes. Sur mer, comme dans les armées de terre, les marins partent pour une guerre courte et s’installent dans une guerre longue. Sur mer, comme dans les armées de terre, les marins se préparent à un engagement décisif. Ils doivent en fait conduire un blocus et protéger les lignes de communication. Enfin, si la guerre est gagnée sur terre, la fin de la Grande Guerre voit le triomphe des puissances maritimes. On rappellera ici une réalité bien connue des marins. Lorsque la guerre commence, on la conduit avec l’instrument, l’organisation et les concepts d’emploi existants : soit, en 1914, un outil naval offensif, conçu, construit et armé pour la guerre d’escadre en haute mer. Or la Grande Guerre ne connait de ce point de vue qu’un grand combat sur mer, pas véritablement décisif, au Jutland le 31 mai 1916 et ce sont d’autres armes, d’autres hommes, d’autres formes d’organisation, d’opérations et de combat qui gagnent la guerre sur mer. [...]
Tristan Lecoq, inspecteur général de l’Éducation nationale
Via HG Académie de Rennes