Revue de presse théâtre
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LE SEUL BLOG THÉÂTRAL DANS LEQUEL L'AUTEUR N'A PAS ÉCRIT UNE SEULE LIGNE  :   L'actualité théâtrale, une sélection de critiques et d'articles parus dans la presse et les blogs. Théâtre, danse, cirque et rue aussi, politique culturelle, les nouvelles : décès, nominations, grèves et mouvements sociaux, polémiques, chantiers, ouvertures, créations et portraits d'artistes. Mis à jour quotidiennement.
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April 18, 2017 7:59 PM
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Les Inrocks - L’absurde et potache “Ubu” d'Olivier Martin-Salvan

Les Inrocks - L’absurde et potache “Ubu” d'Olivier Martin-Salvan | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Patrick Sourd dans Les Inrocks


Inspirés par les dégaines surréalistes des sportifs en salle, Olivier Martin-Salvan et sa drolatique bande de clowns éclopés transposent la farce cruelle du Père Ubu au pays des gymnastes.


L’ajout d’un gradin dans la cage de scène des Bouffes du Nord transfigure l’espace du théâtre en une arène sportive au centre de laquelle un carré de tapis de sol bleu et blanc délimite une aire de jeu à la manière d’un ring. La grande question posée par la proposition d’Olivier Martin-Salvan est de savoir si le légendaire Ubu d’Alfred Jarry serait soluble dans l’aérobic et la soupe des beats techno qui l’accompagne.


Habillant sa petite troupe de justaucorps aux couleurs pimpantes comme autant d’oriflammes, ce délire pousse jusqu’à l’absurde le côté potache de la pièce et transforme les coups de sang du Père et de la Mère Ubu en batailles de polochons dignes des élèves d’un internat un soir de bizutage.


Une dérive hystérique qui comble un public qui rit aux éclats
Sur le mode de l’obscène, chaque lubie des personnages devient prétexte à d’explicites séances d’humiliations à caractère sexuel. Le rêve haut en couleur de cette Pologne de fantaisie où se déroule l’action vire rapidement au cauchemar. Cette dérive hystérique comble un public qui rit aux éclats.


On s’inquiète qu’Olivier Martin-Salvan ne se retrouve vite à cours de munitions. Mais son hommage à la tradition de l’humour vache du slapstick se change en une délicieuse ironie quand il s’agit pour le couple des Ubu de s’exiler vers la France.

L’ambiance vire à la comédie musicale à la française, version Michel Berger-Luc Plamondon, tandis que la troupe empile tout ce qui se trouve sur scène pour s’agglutiner sur une embarcation de fortune digne du Radeau de la Méduse immortalisé par Géricault. Ce génial retour de flamme ramène la farce sur le terrain du politique pour conclure par un ultime coup de griffe visant le mythe de la France terre d’asile.



Ubu d’après Ubu sur la butte et Ubu roi d’Alfred Jarry, conception et jeu Olivier Martin-Salvan, avec Thomas Blanchard, Robin Causse, Mathilde Hennegrave et Gilles Ostrowsky, jusqu’au 23 avril, Théâtre des Bouffes du Nord, Paris Xe ; du 25 avril au 6 mai à la Maison des arts de Créteil ; en tournée jusqu’au 9 juin

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April 18, 2017 6:32 PM
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Johann Le Guillerm, hors piste

Johann Le Guillerm, hors piste | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Gilles Renault, pour Libération 

(portrait en dernière page du quotidien)


L’artiste inclassable, formé à l’école du cirque, poursuit sur scène un questionnement sans répit.

En même temps qu’il parle d’un ton posé, Johann Le Guillerm quitte régulièrement son interlocuteur du regard pour laisser ses yeux clairs fureter dans tous les coins de la pièce et même au-delà, à travers la fenêtre donnant sur une étendue verdoyante, à deux stations de RER du tintamarre parisien. Avec ses vestiges de la période coloniale, qu’un Poucet taquin aurait disséminés un peu partout, le jardin d’agronomie tropicale de Nogent-sur-Marne, où l’artiste entasse son bric-à-brac (planches, flexibles, cordes, ampoules, valises…), est un endroit propice au vagabondage. Ce faisant, il énonce : «C’est souvent en regardant ailleurs qu’on trouve quelque chose d’intéressant. Un peu comme pour un objet perdu sur lequel on finit par retomber au moment où on ne le cherche plus, à force d’avoir examiné tous les recoins en vain… Et dire qu’on l’avait peut-être même sous le nez.» Traduit en langage scénique, on obtiendra la note d’intention de son dernier spectacle, telle une béotienne béance donnant sur un questionnement abyssal : «Tout commence par une observation qui est devenue expérimentation. Ce que je vois me cache toujours quelque chose qui est derrière ce que je vois. Premiers vertiges, premiers doutes, premières perturbations des évidences.»

On pourrait soupçonner Johann Le Guillerm d’être complotiste. Mais il y aurait là quelque chose de paradoxalement réducteur, venant de quelqu’un qui, scrutant l’existence comme un inexhaustible jeu d’assemblage, s’emploie à démultiplier les points de vue à l’infini en croisant toutes les alliances, mouvements et coïncidences possibles et (in)imaginables. Kézako ? Limpidement labyrinthiques, les éléments de réponse sont fournis par son spectacle actuel, complet un peu partout, avec un titre, le Pas grand-chose, qui, naturellement, exige une lecture antiphrasique. Rompu à l’école du cirque, où il a côtoyé les illustres troupes Archaos et Dromesko, avant de fonder en 1994 sa propre compagnie (Cirque ici), on l’a vu, dépoitraillé, marcher sur des goulots de bouteilles, surfer sur des échafaudages en équilibre pour le moins instable, faire danser la poussière, étreindre de longues tiges de métal. Sculptures, performances, numéros ou installations affublés de néologismes (imaginographes, architextures, aalu), ce fils d’un père sculpteur et d’une mère céramiste a toujours fui la redondance. Et, cette fois, c’est à travers le langage qu’il poursuit sa trajectoire oblique d’«alchimiste».

Habillé en «conférence» (dispositif frontal, avec établi à tiroir et grand écran pour détailler graphiques et expériences filmées sur une paillasse), le Pas grand-chose survole «douze chantiers liés à des formes de connaissance». Concrètement (sic), il s’agira de démontrer comment «deux chiffres se cachent dans un», faire gigoter des bananes ou des pâtes, ou nomenclaturer un dico des flaques d’eau. De quoi en rester coi.

«Plier le monde à ses fantasmes» pour raconter ce que l’on a envie, sans éluder l’hypothèse que «ce que nous appelons aujourd’hui irrationnel, farfelu ou magique, pourrait très bien, demain, devenir scientifique» : voici résumé le credo incrédule de l’autodidacte qui, enfant, s’imaginait partir loin à vélo, avec une poule sur le porte-bagages pour assurer chaque matin le ravitaillement en œufs. Et qu’on invite, aujourd’hui, à croiser le verbe avec des philosophes, plasticiens, professeur de médecine, cartographes ou physiciens, à tout le moins intrigués par la quête de sens de ce bipède impavide à nattes fines et longues.

«Notre première rencontre date de 1984, resitue Stéphane Ricordel, trapéziste cofondateur des Arts Sauts - une des compagnies qui réforma l’univers du cirque, à la fin du XXe siècle. On nous avait conviés à Châlons-en-Champagne pour expliquer aux jeunes formant la première promotion du Centre national des arts du cirque la chance qu’ils avaient d’intégrer une école flambant neuve et bien chauffée. Johann était là, ado écarquillant ses grands yeux bleus comme pour dire qu’il n’en avait rien à foutre. Ça n’était pas pour autant de la provocation. Plutôt l’expression de quelqu’un qui semblait venir d’ailleurs.» En trente ans, les deux hommes ne se sont jamais perdus de vue. Néanmoins, Stéphane Ricordel, devenu entre-temps codirecteur du théâtre parisien le Monfort, ne prétend pas avoir percé l’«énigme» de celui auquel il prête une forme de «génie unique, digne des plus grands centres d’art contemporain». «Nous partageons beaucoup de choses, mais sans en faire de grands discours ; et, si je le considère comme un ami, je ne pourrais même pas certifier que la réciproque soit vraie… Pour autant qu’il puisse formuler une relation ainsi, dans le bordel ordonné de son cerveau.»

Johann Le Guillerm admet ne pas être insensible aux éloges, dithyrambe critique et ovation du public mêlés. Stéphane Ricordel suggère que, sans ces regards extérieurs synonymes de partage, «une forme de folie» pourrait poindre chez l’artiste. A 15 ans, on lui a prêté des tendances autistiques. A l’inquiétude légitime des parents, le gamin rétorque que «tout va bien», depuis le fond du chemin du village de la Sarthe où il grandit. «Bon en rien à l’école, sauf peut-être en dessin, j’étais juste captivé par l’observation de la nature dans la campagne environnante, ainsi que par un dépotoir où je récupérais les rebuts jetés par les gens, qu’ensuite on transformait dans un atelier, avec mes frères.» Devenu adulte, Johann Le Guillerm se déclare toujours «prêt à croire en tout, y compris au père Noël», du moment qu’il peut explorer la question sous toutes les coutures. Ce qui n’est pas encore le cas du «bazar électoral et son défilé assez triste de prétendants», où il entend néanmoins faire son choix, le jour J, notant au passage - et sans le souhaiter - que «toucher un jour le fond déclencherait peut-être un réveil collectif».

Non-stop sur la brèche, avec «toujours une idée dans la tête, qui en appelle une autre, parfois la même d’ailleurs, sous une forme différente», Johann Le Guillerm, qui réside à Champigny-sur-Marne, a autrefois sillonné le monde, du bush australien aux steppes de la Mongolie. Les apparences migratrices étant aussi trompeuses, il précise cependant se forcer à prendre des vacances en moyenne une fois… tous les sept ans. Il a une fille de 14 ans, mais vit séparé. Sourire entendu : «Ça se comprend.»

25 avril 1969 Naissance à Pruillé-le-Chétif (Sarthe). 

1993 Achète son premier chapiteau. 

1998 Départ d’un tour du monde de dix-huit mois. 

2011 Accueilli en résidence par la Mairie de Paris. 2017 Le Pas grand-chose en tournée.

Gilles Renault


Photo PATRICE NORMAND. LEEXTRA

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April 18, 2017 12:03 PM
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"Artefact" : Joris Mathieu bouscule les codes du travail et remplace les comédiens par des robots

"Artefact" : Joris Mathieu bouscule les codes du travail et remplace les comédiens par des robots | Revue de presse théâtre | Scoop.it


Par Odile Morain  pour Culturebox

"Artefact" la nouvelle création installation du metteur en scène Joris Mathieu pose la question de l'humain au milieu des objets

Le metteur en scène Joris Mathieu présente jusqu'au 13 avril sur la scène du TNG les Ateliers de Lyon sa nouvelle création. Comme son nom l'indique, "Artefact" est une forme hybride qui croise le théâtre et l'installation artistique. Au coeur de la question du travail, le projet met en scène des comédiens peu ordinaires sous la forme de robots. Le spectacle part ensuite en tournée en France.
Peut-on imaginer sérieusement que les objets se servent de nous pour se reproduire et qu’ils nourrissent le projet de dominer les humains ? Que reste-t-il de l'Homme quand la machine prend sa place ? C'est à ces questions à la fois philosophiques et sociétales que le metteur en scène lyonnais Joris Mathieu de la compagnie Haut et Court tente de répondre dans son installation-spectacle, "Artefact".

Présenté sur la scène du théâtre des Ateliers de Lyon pour un public à partir de 14 ans, le dispositif déambulatoire en trois étapes est totalement immersif. Le jour de notre venue, notre visite se déroule avec un groupe de lycéens en Bac Pro. 


Quand le robot devient comédien 


Casque sur les oreilles, nous nous installons devant le premier module pour un voyage au pays des robots de 45 minutes. Mais rien à voir avec une chaine de fabrication industrielle ou une démonstration de petits humanoïdes agités.

Guidé par la voix suave d'une Intelligence Artificielle, c'est une petite révolution des genres qui s'opère. Car cette fameuse "IA" (déjà rencontrée dans le film "Her" avec la voix de Scarlett Johansson), veut trouver sa place sur la scène artistique. Atteindre le sommet et jouer Shakespeare ! Rien de moins ! Joris Mathieu nous révèle à ce propos avoir testé plusieurs "Chatbot", ces fameux petits logiciels de communication. "Et puis un jour à force de tenter différents outils, il y en a un qui me dit aimer le théâtre de Shakespeare !". Une aubaine pour le metteur en scène qui place la croyance au centre de l’acte théâtral.
Installation "Artefect" de Joris Mathieu


Le théâtre dans le théâtre 


Dans l'agora d'Artefact, le robot prend la place du créateur. Tour à tour comédien, metteur en scène ou poète, c'est un bras robotique ou une imprimante 3D qui crée sous nos yeux. La voix off continue de nous accompagner, nous donne sa vision de la création, nous émeut et parfois même, nous fait rire. Car il arrive que le robot bug, se trompe de mot ou soit un peu à côté de la plaque. Plongés dans l'histoire, les spectateurs attentifs à l'action continuent de percevoir le monde extérieur, les autres et l'espace. 


Du simulacre à la magie 


Dans "Artefact", Joris Mathieu nous emmène dans les méandres de la création artistique quasi ancestrale et hyper technologique. Deux petits castelets font office de scène qui accueillent l'imprimante 3 D. Sorte de work in progress, de théâtre dans le théâtre, c'est ici que l'intrigue prend forme. Des personnages virtuels jouent leur rôle (d'une comédie facile, car chez les robots "c'est ce qui marche"...), un bras robotique offre une chorégraphie alliant la précision et l'élégance et le décor prend forme comme par magie. Car la force des robots, c'est aussi de nous faire rêver.


Tout ce dispositif "Low Tech", ce théâtre d'ombre artisanal, cette ambiance rétro futuriste évoque les codes de la perception narrative commune. De Shakespeare à Mélies, de Calderón à Frankenstein, Joris Mathieu nous convie à une réflexion qui pose la question de la place du comédien dans le futur. Et quand on lui demande de savoir s'il s'agit encore de spectacle vivant, le metteur en scène hésite un peu et répond : "c'est un 'Artefact' de théâtre".

Le théâtre comme acte politique 


A la croisée de la littérature, des nouvelles technologies, des sciences et des sciences humaines, "Artefact" produit un effet unique sur chaque spectateur. "Je me suis senti super mal à l'aise, ça fait un peu peur même", rapporte un lycéen lors de l'échange avec l'équipe artistique. Il faut dire que le théâtre de Joris Mathieu interroge nos zones intimes, nous confronte à nos peurs, à la mort, éveille le plaisir ou la beauté mais se place toujours comme un acte de résistance.

"Créer, évoluer, progresser avec toujours la volonté de transformer les matières premières naturelles en objets manufacturés et reproductibles", ce postulat de départ fait réagir les jeunes générations. Une lycéenne avoue avoir un peu peur du travail tel qu'il est aujourd'hui. Une autre se dit optimiste et pense que l'être humain va s'adapter aux nouvelles technologies. Pari gagné pour le metteur en scène pour qui le débat de société autour du revenu universel, de la valeur du travail et de la disparition de certains emplois est au centre des questions essentielles de nos sociétés qui ont construit leur modèle via le capitalisme et le communisme.

Comment se projette-t-on dans un univers où l'homme ne produit plus par son travail du sens de sa vie ?"


A la fin de la déambulation, Joris Mathieu et un comédien au chômage (un robot lui a pris son rôle !), échangent systématiquement avec les spectateurs. "C'est important de revenir au réel et de connaître l'expérience que les gens ont vécu à travers cette installation".

Le théâtre apparaît comme le révélateur de la condition humaine : Sommes-nous acteurs ou spectateurs du monde qui se construit ?


Artefact en tournée :
- Du 25 au 28 avril 2017 Le Merlan, Scène nationale de Marseille
- Les 4 et 5 mai 2017Le Lux, Scène nationale de Valence
- Du 11 au 18 mai 2017 Le Grand R, Scène nationale de La Roche-Sur-Yon
- Du 13-26 novembre au festival Micromonde de Lyon
Infos pratiques

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Site du TNG


Photo © Nicolas Boudier

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April 17, 2017 6:20 PM
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Lourdes, texte et mise en scène Paul Toucang

Lourdes, texte et mise en scène Paul Toucang | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Entretien réalisé par Catherine Robert dans La Terrasse


Pour respecter le testament de son gourou, une communauté sectaire de jeunes adultes se rend en pèlerinage à Lourdes. Les idoles tremblent et vacillent ; Paul Toucang rit et fait rire.


« La pièce, au fond, parle de cela : la radicalisation du désir qui s’exprime en termes religieux. Et on rit ! » 


 Comment l’idée de cette pièce est-elle née ? 


 Paul Toucang : Le point de départ, c’est le réveillon 2015-2016. Je devais faire une randonnée dans les Pyrénées avec des copains et je suis arrivé par hasard à Lourdes, faute de trouver l’hébergement que je cherchais. A l’époque, j’expérimentais la prise de champignons hallucinogènes. Le soir du réveillon, je suis allé dans le sanctuaire de la Vierge et j’ai pris des champignons… J’ai fait un bad trip très marquant, sur une trame paranoïaque, avec l’impression que le monde était une mise en scène destinée à me faire accepter que j’étais un fantôme déjà mort… 


 Et ensuite ? 


 P.T. : Après, et bien… Ça allait mieux ! A l’époque, j’étais encore au Conservatoire. On nous proposait de proposer des idées. Je voulais écrire des portraits d’acteurs avec l’idée de convoquer ce mort qu’on porte en soi : mon expérience hallucinogène à Lourdes m’avait offert un premier matériau. J’ai récolté d’autres matériaux, par des entretiens, des improvisations, et mené une première session de travail avec mes camarades du Conservatoire. Eux-mêmes sont d’ailleurs allés à Lourdes pour y prendre des champignons. Indispensable ! Nous avons donc fait un deuxième voyage, pendant lequel j’ai refait mon bad trip… Voilà pour l’expérience initiale : ce trip sous contraintes. 


Comment êtes-vous passé à l’écriture ? 


 P.T. : Le trip c’est un temps de fête, les corps vont là où ils veulent. Mais je voulais organiser cette expérience dans et par la création. Je me suis attaché à constituer une histoire hyper solide. J’ai imaginé celle d’une communauté sectaire, adepte d’une sorte de nouvelle religion de guérison. Le gourou, un ancien gynécologue, décède. Le public est accueilli à ses funérailles. Dans son testament, il recommande à quatre femmes de partir à Lourdes, lieu du mystère de sa révélation. Les sectes affirment toujours posséder des vérités plus vraies que la vérité commune. Gilbert, le gourou de cette histoire, est un personnage invisible, conçu sur le principe d’une grosse tête de carnaval, dont on ne comprend la cohérence psychologique et existentielle qu’à la fin. Les quatre filles partent donc à Lourdes, arrivent à l’hôtel Soubirous, qui est aussi un lieu de révélation. On est dans le lieu hystérique de Bernadette, et là, plein de nouveaux personnages arrivent. 


 Qu’interrogez-vous avec ce spectacle ? La foi ? Le pouvoir de l’invisible ? 


 P.T. : J’essaie surtout de comprendre le rapport que ceux de ma génération entretiennent avec tout ça. Je ne crois pas tellement au théâtre ; je ne lui voue aucun culte. Je suis allé voir des sectes, des pseudo sectes : ça m’intéressait de voir ces gens en quête d’aventure personnelle, de chercher à comprendre leur personnalité. Un mystère plus fort que le théâtre les guide et les anime, et c’est la violence de ce désir que je voulais explorer. La pièce, au fond, parle de cela : la radicalisation du désir qui s’exprime en termes religieux. Et on rit ! Même si c’est un rire noir… 


 Propos recueillis par Catherine Robert 





LOURDES du 19 avril 2017 au 13 mai 2017 La Colline – Théâtre National 15, rue Malte-Brun, 75020 Paris. 

Du mercredi au samedi à 20h ; le mardi à 19h ; le dimanche à 16h. Tél. : 01 44 62 52 52.

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April 17, 2017 5:01 PM
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Wajdi Mouawad raconte la légende de l'oiseau amphibie

Wajdi Mouawad, auteur, metteur en scène et comédien, directeur du Théâtre national de la Colline, invité des "Matins", raconte la légende de l'oiseau amphibie. > http://bit.ly/2otrnVa


L'invité des Matins de France Culture. Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 14 Avril 2017) 

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April 17, 2017 12:24 PM
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Democracy in America - Journal La Terrasse

Democracy in America - Journal La Terrasse | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Romeo Castellucci s’inspire de l’essai d’Alexis de Tocqueville qui explore la nouvelle démocratie américaine.


Au-delà de l’existant, au-delà du régime mimétique, le théâtre de Romeo Castellucci pose question, ébranle les certitudes et réactive la réception. Son théâtre radical et sensoriel, forgé par des images physiques, puissantes, parfois brutales, s’aventure hors des champs de la conscience et du présent. Après Go down Moses, présenté à Montpellier en 2015, le maître italien s’inspire librement de l’ouvrage phare d’Alexis de Tocqueville (1805-1859), qui, de retour d’un long voyage dans les tout jeunes Etats-Unis d’Amérique, analysa ce nouveau modèle de démocratie représentative dont il souligne les promesses, les atouts et les limites. Un modèle en rupture totale avec le cadre athénien et l’expérience « antibiotique » de la tragédie. « On assiste au déclin de l’expérience de la tragédie en tant que forme de conscience et de connaissance politique de l’être. » relève Romeo Castellucci. Il fait théâtre de de la grandeur de cette perte, reliée à « a Puritan Foundation », selon les termes de Tocqueville. Dans cet instant d’indétermination qui précède la politique, ce rite sans nom vise à retrouver la fonction première du théâtre, « double obscur et nécessaire du combat politique et des formes que prennent les sociétés de l’espèce humaine ».

Agnès Santi






A PROPOS DE L’ÉVÈNEMENT
DEMOCRACY IN AMERICA
du 15 juin 2017 au 17 juin 2017


Printemps des Comédiens
178 Rue de la Carrierasse, 34090 Montpellier, France
www.printempsdescomediens.com
Du 30 mai au 1er juillet 2017.

Tél : 04 67 63 66 67.


© Societas RC Democracy in America, une première française.

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April 17, 2017 10:18 AM
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Pourquoi applaudit-on ?

Pourquoi applaudit-on ? | Revue de presse théâtre | Scoop.it

ECLAIRAGE
Vous venez d’assister à un spectacle, à un meeting politique, au concert improvisé de l’un de vos enfants ou encore à la cérémonie des Oscars : vous applaudissez. Mais savez-vous pourquoi ?
Si on ne peut pas vraiment dater le premier applaudissement, on peut néanmoins remonter assez loin pour trouver les premières traces de ce geste de congratulation. Codifié dès l’Antiquité au théâtre et en politique, l’applaudissement a traversé les âges pour devenir une convention sociale extrêmement contagieuse. 


Explications en trois minutes.


Voir la video : http://www.lemonde.fr/culture/video/2017/04/17/pourquoi-applaudit-on_5112486_3246.html


LE MONDE

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April 16, 2017 6:50 PM
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L’éducation artistique, un enjeu politique dans la campagne présidentielle

L’éducation artistique, un enjeu politique dans la campagne présidentielle | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Clarisse Fabre dans Le Monde :



L’accès à la culture, notamment à l’apprentissage musical, dès le plus jeune âge est jugé essentiel par les candidats, qui y voient le moyen de diffuser leurs messages. Comparaison des programmes sur ce thème.

Qui a dit que l’éducation artistique et culturelle était un sujet consensuel, dénué de tout enjeu politique ? En 2017, ce thème est devenu un véritable marqueur pour les principaux candidats. Ce n’était pas le cas il y a dix ans. En 2007, les débats se focalisaient sur le téléchargement illégal des œuvres. Par ailleurs, le Front national n’avait pas la place qu’il occupe aujourd’hui dans les esprits – et l’enseignement des arts, on le sait, peut virer à la propagande.

En 2017, Marine Le Pen a saisi toute l’importance de la culture pour diffuser son message patriotique. Et la musique est un médium particulièrement adapté, explique son porte-parole pour la culture, Sébastien Chenu, conseiller régional (FN) des Hauts-de-France : « Nous voulons généraliser les orchestres et les chorales dans les écoles. Car la musique permet de diffuser de l’influence française », dit-il. Les répertoires seraient donc « francophones », confirme celui qui est aussi membre du conseil d’administration de l’Opéra de Lille : « A travers les chants, les enfants découvrent et apprennent le patrimoine de leur pays, et de l’espace francophone. Ils seront porteurs de cette parole tout au long de leur vie. » Quid du reste du monde ?

On pourrait se poser une question similaire lorsque l’on consulte le site officiel de François Fillon. L’enseignement artistique, avec le renforcement de l’histoire de l’art, y est inscrit en tête du chapitre culture. L’objectif, lit-on, est de « développer la conscience d’appartenir à cette civilisation singulière et brillante qu’est la civilisation européenne ». Dans l’entourage du candidat, on se défend de tout repli en arguant qu’il s’agit de « réaffirmer la confiance dans l’Europe ».

Dès la crèche

Si la musique, encore elle, a la préférence du candidat d’En Marche !, du moins en ce qui concerne les plus jeunes, c’est pour des raisons pédagogiques, selon Frédérique Dumas, conseillère régionale d’Ile-de-France et productrice de films : « Des études scientifiques récentes en neurosciences ont démontré le lien entre l’apprentissage musical et le développement des compétences cognitives, intellectuelles et sociales. Notamment chez les tout-petits. Il est donc prioritaire de développer l’éducation artistique dès la crèche et la maternelle pour mieux préparer à l’apprentissage des fondamentaux et réduire ainsi les inégalités », ­préconise-t-elle.

Mais comment Emmanuel Macron compte-t-il financer cette politique, à budget constant, tout en continuant de demander des efforts aux collectivités locales ? L’équipe d’En Marche ! n’exclut pas d’accompagner des initiatives, de recourir au privé, et elle mise sur un effet d’entraînement, son président érigeant l’éducation artistique « en priorité nationale ».

Cette politique a un coût, réagit-on du côté de Benoît Hamon et de Jean-Luc Mélenchon – tous deux prévoient une nette augmentation des dépenses culturelles. Le candidat socialiste veut créer une « Agence nationale » qui aurait autorité pour faire travailler ensemble les deux ministères de l’éducation et de la culture. Par ailleurs, les artistes qui animent des ateliers pourraient intégrer ces heures (jusqu’à un tiers) dans le calcul des 507 heures qui ouvrent droit à l’assurance-chômage. De son côté, l’équipe de La France insoumise a chiffré à « 100 millions d’euros » la généralisation de l’éducation artistique, de la maternelle au lycée.

Comme le résume le sociologue ­Em­manuel Ethis, vice-président du Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle, il est crucial de définir ce qu’est l’éducation artistique. « C’est la raison pour laquelle nous avons rédigé une charte. Il y a trois piliers : la rencontre avec des artistes, la pratique artistique et la transmission de références. Tous les enfants doivent y avoir accès, et l’Etat doit construire une égalité territoriale. A terme, il s’agit de faire culture commune. »

Clarisse Fabre
Reporter culture et cinéma

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April 16, 2017 9:15 AM
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Ciao, signore Gatti !

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Par Amélie Meffre pour le site des Chantiers de la culture :



Le 19 avril 2017 à 18h30, la Maison de la Parole Errante, sise à Montreuil (93), rendra un ultime hommage à Armand Gatti. À l’âge de 93 ans, le célèbre baroudeur et metteur en scène a tiré sa révérence le 6 avril après une vie pleine de combats et de créations. Maquisard, parachutiste, journaliste, dramaturge, cinéaste, écrivain, le bel insoumis nous manque déjà.


« Fils d’Auguste Rainier Gatti, éboueur-balayeur, et de Letizia Luzona, femme de ménage, immigrés italiens, Dante Gatti grandit entre le bidonville du Tonkin à Monaco et le quartier Saint-Joseph de Beausoleil, porté par le regard d’un père, militant anarchiste, […] transfigurant la moindre réalité d’apparence triviale en conte fantastique, […] et celui de sa mère l’incitant à investir le monde du langage, à se l’approprier afin de pouvoir échapper à la stricte reproduction d’un sort social tracé d’avance. » La notice biographique d’Armand Gatti rédigée par Gilda Bittoun pour le Maitron des anarchistes, le fameux dictionnaire du mouvement ouvrier et du mouvement social, commence fort. Normal, sa vie se conjugue par tous les temps, avec le A en toile de fond.

A comme Armand ! Ses parents l’avaient appelé Dante mais ce n’était pas assez français pour la mairie de Monaco en 1924. A comme Anarchie ! Une affaire de famille : outre l’engagement de son père, il confiait au micro de France Culture en 2010 que sur quatre de ses oncles piémontais, partis à Chicago, deux furent pendus parce qu’anarchistes. « Chez nous, dans ma famille, les armes sont les livres, les combats sont les mots, la révolution, c’est les mots ! ». A comme Aventure ! Celle de la résistance à l’adolescence quand on lui donnait du Don Quichotte puis du « Donqui », celle du journaliste engagé que certains lecteurs récalcitrants du Parisien tout juste « libéré » nommaient « l’ondoyant macaroni », celle encore du métier de dompteur qu’il apprend pour réaliser l’enquête « Envoyé spécial dans la cage aux fauves » qui lui vaut le prix Albert Londres en 1954. L’aventure, encore, comme grand reporter en Amérique latine, au Guatemala notamment, où il rencontre le futur Che Guevara…

A comme Art ! Armand Gatti fut poète, cinéaste, metteur en scène, écrivain, dramaturge. Le Crapaud-Buffle, sa première pièce montée en 1959 par Jean Vilar au Théâtre Récamier, la seconde salle du TNP, fait scandale. Transgressant les règles de l’écriture et de la mise en scène, elle est boudée par la critique. En décembre 1968, malgré la médiation d’André Malraux et dans une mise en scène de Gatti lui-même au T.N.P. de Chaillot, La passion du général Franco encore à l’heure des répétitions est interdite, retirée de l’affiche sur ordre du gouvernement français à la demande du gouvernement espagnol. Le théâtre qu’il porte, à travers plus de quarante textes (Le poisson noir, La vie imaginaire de l’éboueur Auguste G., Rosa Collective…), c’est celui de la Parole errante, selon l’image du « juif errant », confiera-t-il. La Parole errante, qui devient Centre international de création, ouvre ses portes en 1986 à Montreuil. Douze ans plus tard, missionnés par le ministère de la Culture, Armand Gatti et son équipe ouvrent la Maison de l’Arbre dans les anciens entrepôts du cinéaste Georges Méliès.

 

En mai 2016, le bail qui lie le conseil départemental de Seine-Saint-Denis à la Parole errante arrive à échéance, il n’est pas renouvelé dans les mêmes termes. Le risque qu’il soit fait table rase du travail de Gatti, du passé et du lieu, est important. Un collectif d’usagers (metteurs en scène, comédiens, libraires, écrivains, réalisateurs, musiciens, enseignants, éducateurs, militants) essaye d’imaginer un devenir pour le site. Il a écrit un projet nommé La Parole errante demain. Quoiqu’il advienne, laissons le dernier mot à son équipe : « De Gatti, Henri Michaux disait à leur première rencontre : « Depuis vingt ans parachutiste, mais d’où diable tombait-il ? ». La question reste ouverte. Gatti est à jamais dans l’espace utopique que ses mots ont déployé, celui où le communard Eugène Varlin croise Felipe l’Indien, où Rosa Luxembourg poursuit le dialogue avec les oiseaux de François d’Assise, où Antonio Gramsci fraternise avec Jean Cavaillès, Buenaventura Durruti avec Etty Hilsum, Auguste G. avec Nestor Makhno. Gatti, si on ne le sait déjà, on le saura bientôt, est l’un des plus grands poètes de notre temps et des autres ».

Armand Gatti, le rebelle aux racines italiennes, l’auteur de quelques cinquante pièces, s’en est donc allé. Une voix puissante s’est tue à jamais, passionnante et toujours passionnée. Faisant fi du temps qui ronronne à l’horloge du salon, laissant derrière elle le souvenir d’une vie aux moult rebondissements, créations et récits. Arrivederci l’ami, camarade Gatti ! 


Amélie Meffre

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April 16, 2017 3:49 AM
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Robin Renucci : « L’industrie du divertissement nous dévore »

Robin Renucci : « L’industrie du divertissement nous dévore » | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Propos recueillis par Sandrine Blanchard dans Le Monde :



Acteur, metteur en scène, directeur des Tréteaux de France et des Rencontres internationales artistiques, Robin Renucci, le médecin de campagne de la série télévisée « Un village français », sera à l’affiche du Festival d’Avignon.


Je ne serais pas arrivé là si…

… si Mme Martin, ma première institutrice, n’avait pas, tous les matins, demandé à sa classe d’agencer des petites cases africaines et des petits hommes noirs. Et si M. Richard, mon maître d’école primaire, ne m’avait pas fait découvrir la poésie avec Les Pauvres Gens de Victor Hugo. Enfant, je vivais à Tonnerre, dans l’Yonne, au-dessus de la cellule de dégrisement de la gendarmerie où mon père travaillait. De ma chambre, j’entendais des cris. Très vite, j’ai compris qu’on pouvait mettre à distance des craintes, des angoisses, grâce à la fiction, au récit. L’inquiétude de l’enfant qui a du mal à s’endormir ou qui a peur, et à qui on raconte des histoires dans lesquelles il peut s’identifier, se réfugier, tout cela lui permet de comprendre le monde, d’être humain.

Je rentrais chez moi avec plus de quiétude et avec l’essentiel : le goût de la différence de l’autre. Hors de mon cadre familial, dans un autre lieu de transmission qu’est l’école, grâce à l’éducation artistique et culturelle, j’acquérais d’autres valeurs. J’ai eu très jeune le désir de m’émanciper. J’étais en très bons termes avec ma famille, mais je savais que je ne serais pas gendarme, que je ne manipulerais pas les armes et que je ne vivrais pas dans des champs d’angoisse.

Votre mère était couturière. C’est grâce aux costumes qu’elle faisait que votre vie a changé…

Absolument. Ma mère reconstruisait des costumes de théâtre sur la table de la salle à manger. J’avais 15-16 ans, et, un jour, je vois des comédiens entrer dans notre appartement à Auxerre. Ils venaient du Théâtre national de Strasbourg (TNS) pour refaire leurs costumes de La Comtesse d’Escarbagnas et de Mademoiselle Julie. J’avais le sentiment qu’ils étaient libres, différents, dans leur comportement, leurs vêtements, leur parfum. Ils sentaient le patchouli ! Ils m’ont proposé d’assister à leurs répétitions. Puis j’ai suivi les stages organisés par le directeur de la troupe, Maurice Massuelle, dans la maison de Romain Rolland à Vézelay. J’y ai passé un été entier d’émancipation absolue. La naissance de la liberté.

C’est donc au cours de cet été-là que vous décidez de votre voie…

Oh oui ! C’était comme un appel. Nous étions mélangés entre amateurs et professionnels, et menions un travail rigoureux, très exigeant. Il n’y avait pas ce que j’ai pu entendre par la suite – et contre quoi je me suis battu toute ma vie : l’idée que l’amateur est lié à l’amateurisme. L’« amateurat » est quelque chose de très puissant, c’est la genèse, c’est ce qui m’est arrivé : cela s’appelle l’éducation populaire. Le monde qui s’ouvre tout d’un coup.

L’été suivant, j’ai refait des stages à Valréas, dans la Drôme, avec René Jauneau, autre rencontre fondamentale. J’y rencontre Hubert Gignoux, Jean Dasté. Je suis entraîné dans un mouvement, celui de la conscience politique du théâtre, et de la décentralisation théâtrale. Mes pères et parents s’appellent Charles Dullin, Jacques Copeau, Louis Jouvet… Il y a une phrase de Dullin qui est pour moi fondamentale : « Le théâtre est une entreprise artisanale qui met en contact profond un auteur et un public. »

En tant que spectateur, quel a été votre premier coup de cœur théâtral ?

1789, d’Ariane Mnouchkine, que j’ai vu lorsque j’étais lycéen grâce à mes professeurs de musique et de philosophie. Il s’agit là encore d’éducation populaire : tous ces animateurs de MJC, ces médiateurs, ces enseignants de l’éducation nationale, passionnés de littérature, de poésie, de théâtre, nous transmettaient de la culture. Je me souviens d’une professeure de mathématiques qui nous emmenait à un concert de Brassens à Paris et qui nous conseillait de voir Tous les autres s’appellent Ali, de Fassbinder. J’ai été marqué par ces gens qui nous faisaient de l’éducation à l’art alors que ce n’était pas au programme scolaire. Je suis attaché à ces valeurs de transmission.

Quand vous partez à Paris, quel regard vos parents portent-ils sur votre souhait d’une carrière artistique ?

Ils ont laissé faire. Je suis parti à Paris dès le bac en poche, pour intégrer l’école Charles-Dullin. Je m’étais malgré tout inscrit en fac d’italien à Censier, mais j’ai très vite arrêté. J’habitais dans une chambre de bonne de 10 mètres carrés. Je faisais des ménages dans l’école Dullin pour payer ma formation. Mes profs m’avaient repéré, et très vite j’ai donné des cours. Et puis il y a eu la cerise sur le gâteau : j’ai décroché le concours du Conservatoire national d’art dramatique. Entrer au Conservatoire… le bonheur décuplé ! J’étais stakhanoviste dans mon envie d’apprendre. Elève, alors que je ne faisais aucun casting, que je n’avais pas d’agent, là encore la chance survient : je tourne dans Eaux profondes, de Michel Deville, avec Jean-Louis Trintignant et Isabelle Huppert, puis dans Les Quarantièmes rugissants, avec Michel Serrault.

A quel moment choisissez-vous de changer votre nom et de vous appeler Robin Renucci et non Daniel Robin ?

Petit, tout le monde m’appelait Robinou, Robinet, Binbin. Daniel, c’était pour mes parents. Lorsque j’entre au Conservatoire, il y a Muriel Robin parmi les élèves. Cela faisait deux Robin ! J’ai eu envie de rassembler les noms de mes deux familles : celle, hédoniste bourguignonne, de mon père et celle, autarcique corse, de ma mère. Ma mère disait toujours : ne rit pas trop parce que tu vas pleurer demain. C’est horrible, non ? J’ai été élevé dans les cimetières où elle allait pleurer le dimanche pendant que je jouais avec les graviers et les fleurs.

« Escalier C », le film de Jean-Charles Tacchella, vous vaut, à 30 ans, une nomination au César du meilleur acteur. Pourtant, à cette époque, vous critiquez le cinéma et dites aimer votre métier, mais pas la profession. Pourquoi ?

C’était sincère. Je me suis peut-être grillé en disant cela. Mon premier plan de cinéma, je l’ai fait avec Jean-Louis Trintignant. Le moteur n’est pas encore lancé, il entoure mes épaules de son bras et me dit : “tu sais, ça va être formidable, ça va bien se passer”. [Long silence. Les larmes lui montent aux yeux]. Excusez-moi, cela m’émeut parce qu’être mis en confiance c’est l’humain absolu, et non pas ce rapport de compétitivité dans lequel on évolue en permanence. Lorsque ensuite j’ai tourné avec des gens qui étaient plus égotiques, cela n’avait pas la saveur du début, cette envie de voir l’autre aller au maximum de ses possibilités.

Je suis entré dans ce qu’on appelle l’industrie cinématographique, avec ses qualités mais aussi ses grands défauts en matière de sens et de rapports humains. Nous sommes dans les années 1980, le libéralisme se développe, l’individualisme forcené, qui clive les gens, se met en place. Entre ma sortie du Conservatoire, en 1981, et 1990, ce sont mes années de cinéma les plus importantes, mais elles n’ont jamais le goût de ces moments avec le public que j’avais connus à Valréas. Le métier est piteux en conversations de fond, beaucoup de personnes ont pour projet principal de gagner de l’argent. On ne me proposait que des sous. On ne me regardait que par rapport au succès d’un film. Escalier C m’a offert un décollage terrible, mais, en même temps, c’était corrosif.

Pourquoi ?

Parce qu’on parle de vous comme d’une tête de gondole qui entre sur le marché. Financièrement aussi, ce n’est pas évident – quand on vient d’un milieu modeste où l’on sait ce qu’est l’argent – de gagner trois ou quatre smics par jour. Par jour ! Tout d’un coup, il y a un problème de sens. On me propose trois ou quatre films dans l’année, mais j’ai le sentiment de ne pas être à ma place. Je n’ai pas voulu me brûler les ailes. Je voulais simplement être un bon acteur – loin du star-system –, qui peut avoir la reconnaissance du public tout au long de sa vie.

C’est pour cela que vous acceptez Le Soulier de satin ?

Oui. Antoine Vitez m’explique qu’il part sur une aventure de deux ans avec une pièce de douze heures. Il y a aura Didier Sandre, Ludmila Mikaël… Cela a été ma bouée. Jouer à Avignon, dans la Cour d’honneur, c’est un moment de grâce du théâtre. Et puis retrouver les pas de Jean Vilar, la réflexion sur l’éducation populaire, sur la décentralisation, tout cela me ramenait au bon endroit. Mais je voulais aussi faire de la télévision. Mes parents n’allant ni au cinéma ni au théâtre, ils ne pouvaient me voir que dans des téléfilms. Par la suite, j’ai été content de retrouver au cinéma Claude Chabrol, Bernardo Bertolucci ou Gérard Mordillat, des réalisateurs qui avaient du sens.

Vous dites : « Je suis un pur produit de l’éducation populaire. » Est-ce pour cela que vous avez créé l’Association des rencontres internationales artistiques (ARIA) en 1998 ?

Oui, bien sûr. Je gagne ma vie, je n’ai pas de problème d’argent, nous vivons en Corse avec nos quatre enfants, tout va bien. Je me dis : comment être utile, comment rendre à d’autres ce que j’ai reçu, être cohérent avec moi-même ? Dans cette montagne corse qui m’a tant donné de par ma mère et qui est tellement en voie de désertification, je raconte à des élus les aventures fondatrices que j’ai vécues à Vézelay et à Valréas. Et je leur propose de rendre un ancien et immense bâtiment scolaire, qui tombait en ruine, à l’éducation populaire. D’y organiser des stages en été. Ils m’ont fait confiance.

N’ont-ils pas trouvé cela utopique ?

Si, complètement. Mais, dès le premier été, les quinze spectacles réalisés ont eu un grand succès. Alors on a continué, trouvé des financements, réhabilité le bâtiment, construit un théâtre, et cela fait bientôt vingt ans que dure l’aventure, avec toujours la même exigence artistique. L’ARIA – pour laquelle je suis évidemment bénévole – a créé des vocations de metteurs en scène, d’acteurs. Le théâtre sert à unir et à libérer, encore faut-il nommer les chaînes qui nous aliènent.

Dans notre société de consommation effrénée, on se sent perdu. On va dans le mur sur plan écologique, mais on continue. Le théâtre mise sur l’intelligence du public, reste le lieu où l’homme parle à l’homme. Les gens ne se rendent pas compte qu’ils sont dans une industrie du divertissement qui les mange, les dévorent. L’obscène est revenu, mais ils ne savent pas nommer cette angoisse naissante.

Etes-vous pessimiste ?

Je ne suis ni pessimiste ni optimiste, je suis absolument combatif. Il faut agir et faire. J’agis dans un centre dramatique national itinérant, Les Tréteaux de France, parce que la notion de service public m’importe beaucoup. L’idée est de poursuivre le chemin de Jean Vilar, d’aller à la rencontre d’un public qui manque au théâtre. Mon combat est de tenter que les gens s’emparent de la langue. Le grand privilège d’aujourd’hui, c’est ceux qui ont les mots face à ceux qui ne les ont pas. D’où l’importance de l’éducation artistique et culturelle dès l’école.

Qu’est-ce qui vous a convaincu de participer à la série télévisée grand public « Un village français » ?

L’idée était séduisante : il s’agissait de raconter, à travers 72 heures de fiction, la seconde guerre mondiale dans la zone « grise ». Daniel Larcher, mon personnage de médecin, va se conscientiser au contact de l’Histoire. Il n’est ni un héros ni un salaud. On nous a beaucoup menti sur la réalité. Durant toute ma scolarité (je suis né dix ans après la guerre), le « roman national » consistait à raconter que toute la France avait été résistante.

Quel regard portez-vous sur cette campagne présidentielle ?

Nous sommes davantage dans le bavardage que dans la parole. Cette campagne électorale est complètement tiraillée entre ceux qui sont pour l’intérêt général et ceux qui sont pour la défense des intérêts privés. Nous n’avons pas été clairs sur la nécessité d’assainir les liens entre l’argent et le pouvoir. Le Conseil national de la Résistance – auquel je reste très fidèle, car c’est de là que vient la question de l’éducation populaire – disait très précisément qu’il fallait séparer les banques du pouvoir et séparer les médias du pouvoir.

Aujourd’hui, il y a ceux qui sont capables de tenir ce programme et ceux qui ne le sont pas. Cela se voit de manière extrêmement claire. Après, ce qui est déplorable, c’est que ce soit édulcoré par, d’un côté Poutou, d’un côté Mélenchon, d’un côté Hamon… Tout cela crée de la division dans des pensées qui pourraient être rassembleuses mais qui se diluent. Je suis atterré de savoir que Marine Le Pen risque d’être au deuxième tour et que, vraisemblablement, ce sera face à Fillon ou Macron. Mes pensées sont de gauche. Mais, franchement, je ne sais pas si je serais sécurisé que la gauche soit maintenant au pouvoir. Il faudrait vraiment qu’elle soit active, pas comme elle l’a été ces dernières années.

Une chose est certaine : le libéralisme tel qu’il nous est proposé est une impasse absolue et l’avenir est au métissage de nos sociétés. Il est inconcevable de ne pas se rendre compte que l’évolution du monde, quoi qu’il arrive, va vers le métissage. C’est l’avenir de l’humanité. Quant à l’avidité envers l’argent, c’est un système corrosif dont il faut sortir. Peut-être Benoît Hamon est-il en avance sur la question du travail et de la subsistance qui serait assurée par la société ?

Propos recueillis par Sandrine Blanchard

« Le Faiseur », de Balzac, mise en scène Robin Renucci, en tournée du 21 avril au 5 mai

« L’Enfance à l’œuvre », à partir de textes de Romain Gary, Henri Michaux, Arthur Rimbaud, Marcel Proust. Spectacle itinérant du 7 au 26 juillet dans le cadre du Festival d’Avignon

20es Rencontres internationales de théâtre en Corse, du 5 au 12 août



Sandrine Blanchard
Journaliste au Monde

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April 15, 2017 12:17 PM
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Philo : «Polichinelle», une vie d’envers, par Giorgio Agamben

Philo : «Polichinelle», une vie d’envers, par Giorgio Agamben | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Luc Chessel dans Libération



Giorgio Agamben s’inspire des dessins du Vénitien Giandomenico Tiepolo (1727-1804) dans un essai sur le roi tragi-comique du divertissement, dont la traduction vient de paraître.


«Est-ce que le monde te fait rire ou est-ce qu’il te fait pleurer ?» demande l’artiste vénitien Giandomenico Tiepolo (1727-1804) à Polichinelle dans l’un des petits dialogues qui scandent le livre. Et le personnage de répondre, dans sa langue napolitaine : «Regarde bien mon masque : tu ne vois pas que je ne ris ni ne pleure jamais, ou plutôt que je maintiens les deux choses si étroitement liées qu’il n’est plus possible de les distinguer ?»

L’Italien Giorgio Agamben, tout au long d’une œuvre influente commencée dans les années 60, a toujours été un philosophe tragicomique. Ceux qui ont assisté à ses séminaires connaissent son art de souffler le froid et le chaud, de pousser la science de l’apocalypse jusqu’à son aggravation en farce, performant d’un seul et même geste la figure du maître et sa désactivation bouffonne, un pied de chaque côté de l’abîme. Façon Jekyll et Hyde ou sado et maso, ses livres se départagent à leur tour : où la grande série tragique Homo Sacer (1995-2014) et ses neuf volumes théologico-politiques traquant le couple démoniaque du Pouvoir et de la Vie, côtoieraient la série comique plus souterraine de La communauté qui vient (1990) et des textes sur l’art et la littérature.

Zonards.


Ce Polichinelle ou divertissement pour les jeunes gens en quatre scènes, écrit à partir d’un album de dessins de Giandomenico Tiepolo (fils de son père dans une lignée d’artistes), composé entre 1797 et 1804 et racontant la vie sans queue ni tête du personnage de la commedia dell’arte, se présente explicitement comme un essai tragicomique - se cherchant une troisième voie, une échappée entre les larmes et le rire. Si la comédie de l’art et la tragédie du monde y dansent ensemble, c’est pour mieux trébucher : tout bon sketch est l’occasion d’une bonne chute.

Agamben est l’explorateur, en philosophie et en politique, d’une forme singulière de dialectique où le troisième terme n’est pas la relève mais la chute, pas le dépassement mais la fuite. Les solides concepts qu’il décrit par couples : le pouvoir souverain et la vie nue, la puissance et l’œuvre, ici le tragique et le comique, entrent toujours dans un «seuil d’indistinction», une zone intermédiaire où s’opère leur destitution. En dramaturge, il n’est jamais meilleur que quand il peuple ces seuils de personnages, figures-limites qui sont autant de zonards conceptuels : le «musulman d’Auschwitz», le moine franciscain ou l’ange approximatif forment une galerie dont le dernier en date, qui les récapitule, est le grotesque et sublime Polichinelle. «Là où il y a une catastrophe, il y a une échappatoire», maxime du livre et de l’œuvre : quelle vie à l’endroit du danger - là où il n’y a plus ni perte ni salut qui tienne ? Tiepolo fait son Polichinelle comme une réponse comique à la trahison et l’effondrement sanglant de la république de Venise devant Napoléon. Agamben fait le sien dans les temps que nous vivons. Et les deux font, de la biographie impossible d’une figure insaisissable, non seulement un évangile retourné en blague (Polichinelle, Christ difforme qui ne meurt jamais quand bien même on le fusille), mais aussi une autobiographie, comme seule manière, secrète et publique, de poser la question d’une vie.

Echappée.


La tragédie comme exécution du destin (invivable), la comédie comme répétition du caractère (inéluctable) et, entre les deux, «une vie» qui mange des gnocchis et fait des lazzis sur le seuil.

Dans la couleur des fresques de la villa Zianigo, puis dans l’encre brune des dessins du fameux album, lui-même intitulé Divertissement pour les jeunes gens, Giandomenico Tiepolo traque Polichinelle, le Christ sans dieu et sans bonne parole, un pur intermédiaire couronné, le roi de l’entertainment. Sa vie, une série de planches qui se contredisent entre elles, prime sur l’œuvre : se présentant, elle défie toute présentation et toute clôture. Ses traits de pantin sans fil, son masque sans visage dessinent «une idée, à qui il manque la chose». Une vie : ce qui ne pleure ni ne rit, mais se montre, et en se montrant, s’efface. «Le secret de Polichinelle est que, dans la comédie de la vie, il n’y a pas de secret, mais seulement, à tout instant, une échappée.» Se rendre indifférent à la question de savoir si cela finit mal ou si cela finit bien : le secret de l’éthique est bien un secret de Polichinelle. C’est aussi un anti-héroïsme dans une histoire qui ne finit jamais parce qu’elle est toujours déjà finie - une «impolitique» que l’art permet d’esquisser sans pour autant s’en fabriquer une maxime.

Luc Chessel
Polichinelle ou divertissement pour les jeunes gens en quatre scènes de Giorgio Agamben Illustrations de Giandomenico Tiepolo Editions Macula, 108 pp., 18 €.


Illustration :  «Polichinelle et les acrobates» (1797), de Giandomenico Tiepolo. Photo DeAgostini. Getty Images

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April 15, 2017 11:20 AM
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Organiser le pessimisme (1), un texte de Maguy Marin

Organiser le pessimisme (1), un texte de Maguy Marin | Revue de presse théâtre | Scoop.it



Par Maguy Marin,  chorégraphe 

Publié dans le journal l'Humanité 


Il faut, et d’urgence, s’occuper des enfants. 
Virage néolibéral d’une société qui abandonne et sacrifie les plus fragiles au bénéfice de quelques-uns. 


Nos responsables politiques, complices des banquiers et des grands patrons d’entreprises, s’occupent activement à nous concocter des planifications politiques et économiques, des ajustements structurels, conséquences d’une dette que le « peuple » doit éponger. Avec l’entreprise qui créée de l’emploi et la pseudo-horizontalité de ses rapports sociaux, ce « peuple » enfin libéré d’une servitude appartenant au passé a été invité à « danser » sa propre humiliation, jouissant allègrement d’un présent sans passé comme point d’appui pour conduire ses actions, sans futur à faire advenir. 


Il nous faut donner forme à la colère pour réactiver par des actes une pensée critique et rebelle à ces forces destructrices. 
Il faut, et d’urgence, s’occuper des enfants. En leur donnant le goût de la réflexion et du partage, de l’invention et de la fantaisie par une pratique populaire des arts, nous pourrons retrouver avec eux la perception d’une réalité bouleversante que la vie quotidienne nous dissimule et nous fait oublier, ce que l’art ne cesse de travailler : notre présence commune au monde. La peinture, la musique, la littérature, le théâtre, le cinéma, les arts plastiques ne sont pas les échappatoires d’une réalité pénible, c’est exactement l’inverse. Ce sont des moyens puissants et dynamiques pour se ressaisir d’une réalité en mouvement et en faire un levier, une arme.
 
(1) Walter Benjamin

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April 14, 2017 3:54 PM
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Agamben pirouette avec Polichinelle

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Par Nicolas Weill dans Le Monde des Livres


En méditant sur Tiepolo, Agamben opère un retournement joyeux de sa philosophie.


Polichinelle ou divertissement pour les jeunes gens en quatre scènes (Pulcinella ovvero Divertimento per li regazzi), de Giorgio Agamben, traduit de l’italien par Martin Rueff, Macula, 108 p., 18 €.


Les horizons du philosophe italien Giorgio Agamben ont longtemps été sombres : Auschwitz et ses internés parvenus à l’extrémité de leurs forces ou de l’humanité, le martyre des corps, les dérives totalitaires de nos démocraties, etc. Son cycle en neuf volumes, Homo Sacer, a fait l’objet d’une publication intégrale au Seuil en 2016. L’un de ses tout derniers livres porte également un titre inquiétant : Le Mystère du mal. Benoît XVI et la fin des temps (Bayard, 120 p., 14,90 €). Or, voici que cet « avertisseur d’incendie » (comme disait Walter Benjamin), qui se défend d’être un mauvais coucheur, poursuit son parcours, non en farce, mais par une comédie divertissante.

D’où ce détour par la commedia dell’arte et la « joyeuse » peinture de Giandomenico Tiepolo (1724-1804) abordées d’un seul tenant dans une étude consacrée à la figure de Polichinelle chez cet artiste vénitien. La traduction française, par Martin Rueff, poète autant que chercheur, donne à ces pages une saveur rare. Elle passe notamment par le rendu du dialecte napolitain qu’Agamben a mis dans la bouche de ce personnage masqué, tout de blanc vêtu comme un spectre, bossu et ventru, une coiffe en forme de cône tronqué juchée sur le crâne. Mais Polichinelle parle d’égal à égal avec Tiepolo ou Leibniz. Il est une métaphore philosophique.

La vie dans sa nudité la plus crue

Car le but de ce Divertissement n’est pas – ou pas seulement – l’allégement, grâce à la comédie, des véhéments tableaux d’Homo Sacer. La marionnette à la voix haut perchée est un symbole dérisoire et bouleversant de l’homme, de la vie dans sa nudité la plus crue et même de l’indétermination des sexes. Polichinelle, nom tiré de l’italien pulcinello (« poussin »), a été féminisé en Pulcinella avant de faire son apparition en France aux alentours du XVIIIe siècle. La silhouette de ce curieux androgyne, né d’un œuf, rappelle autant celle d’un gallinacé que d’un être humain.

Tel que la convention fixe son caractère, Polichinelle efface les frontières trop tranchées entre l’homme et l’animal, le mort et le vivant, le héros et le pantin. Parvenu à l’âge d’Agamben lui-même, né en 1942, Tiepolo, choqué par l’autodissolution de la République de Venise (1797) sous la menace des armées de Bonaparte, fit proliférer les Polichinelle en lavis ou en fresques qui ornent aujourd’hui les murs de la Ca’Rezzonico, sur le Grand Canal. Toute l’entreprise d’Agamben s’efforce d’en expliquer les raisons. « Vivre, rendre sa propre vie possible, peut signifier seulement (…) se saisir de sa propre impossibilité à vivre » : telle serait pour Agamben la leçon de Polichinelle ou, mieux, son fameux secret.

Nicolas Weill
Journaliste au Monde

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April 18, 2017 7:27 PM
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Chose commune, par Emmanuel Bex et David Lescot

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Par Caroline Châtelet pour Regards.fr


Reliant l’imaginaire de la résistance du jazz à l’histoire de la Commune de Paris, les artistes Emmanuel Bex et David Lescot composent une forme musicale exploratoire où la révolte est nécessairement plurielle.

Le 29 novembre 2016, l’Assemblée nationale a voté un texte réhabilitant les victimes de la Commune de Paris. Déposée en 2013 par le député de Paris Patrick Bloche en 2013, et visant à rendre justice aux différentes victimes de la répression – qu’ils aient été exécutés, condamnés à mort ou déportés au bagne –, cette résolution atteste du regain d’intérêt actuel dont bénéficie cet épisode sanglant de l’histoire de France. D’autant que si la Commune de 1871 (re)devient un symbole pour une grande partie de la gauche – au-delà du seul PC – l’attention qui lui est portée excède le champ politique. Un mouvement signalant, peut-être, en cette période électorale, l’intérêt durable pour l’action et la capacité de mobilisation collectives.

S’inscrivant dans ce sillon, les deux artistes Emmanuel Bex et David Lescot se saisissent de cette histoire et créent La Chose commune. Ce faisant, le jazzman et compositeur Bex et l’auteur, metteur en scène et comédien Lescot font un choix pour le moins inhabituel, puisqu’ils décident d’acoquiner à la Commune le jazz. Ainsi, c’est autant à une exploration de l’événement politique qu’à son déplacement que La Chose commune procède.

Echappées musicales et textuelles


En compagnie de la chanteuse et comédienne Elise Caron, du slammeur Mike Ladd, de la saxophoniste Géraldine Laurent et du batteur Simon Goubert, les maîtres d’œuvre du projet conçoivent une forme musicale, transversale et collective. Se succédant ou partageant le plateau, les musiciens et chanteurs passent de mélodies en français à des morceaux spoken word en anglais aux tonalités hip-hop ou slam. Façon de relier la diversité des univers des artistes réunis, manière, aussi, de souligner les racines contestataires des différents styles convoqués. Si le jazz recouvre aujourd’hui des genres extrêmement variés, il incarne, de par son origine, la musique de la révolte et déploie dans sa structure des espaces de libertés.

À bien y écouter, ce sont d’ailleurs non seulement des échappées multiples musicalement, mais aussi textuellement que l’équipe compose. Suivant un déroulé chronologique des événements, les textes offrent une traversée de la Commune et de ses figures, des débuts du soulèvement le 18 mars jusqu’à la semaine sanglante du 21 au 28 mai 1871, avec la répression meurtrière de l’insurrection parisienne.

Sur des écrits d’époque (La Canaille d’Alexis Bouvier, Chant de guerre parisien d’Arthur Rimbaud, Ballade en l’honneur de Louise Michel de Paul Verlaine, etc.) ou contemporains (signés par David Lescot ou Mike Ladd) composés ou arrangés par Emmanuel Bex, La Chose commune traverse toutes les atmosphères de cette histoire. De la fébrilité joyeuse à l’inquiétude sourde jusqu’à la tension et violence finales, le concert met en œuvre dans un souffle commun une multiplicité de regards et de voix, qu’elles soient historiques, politiques ou esthétiques. 


La Chose commune, spectacle d’Emmanuel Bex et David Lescot. Théâtre de la Ville – Espace Cardin, à Paris : du 19 au 29 avril - Location 01 42 74 22 77. 


Jazz in Marciac : le 1er août. 


CD La Chose commune, le triton.


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April 18, 2017 6:07 PM
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Coaching : politiques cherchent cours d’art dramatique

Coaching : politiques cherchent cours d’art dramatique | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Margherita Nasi dans Le Monde :


Pour aiguiser leur gestuelle et leur voix, nombre de candidats et d’élus recourent aux services d’artistes aguerris.


C’est une carrière qui se termine dans le noir glissant d’un escalier. Alors qu’il s’apprête à interpréter le rôle du sacristain dans Tosca, à l’Opéra de Paris, en septembre 2016, le chanteur Jean-Philippe Lafont chute de dix-huit marches, la tête la première. Il perd connaissance. Sept mois plus tard, il n’a toujours pas récupéré ses moyens physiques : « J’aurais aimé une fin différente, choisir une production, ne pas partir comme un rat en arrière-scène. Mais je suis tout sauf un type qui baisse les bras, et j’ai d’autres cordes à mon arc », confie-t-il.

Après une vie passée sous les projecteurs, le baryton-basse se mue, à 66 ans, en personnage de l’ombre. Retiré des planches, il arpente un autre genre de coulisses. Rangé des salles d’opéra, il murmure aux oreilles d’orateurs d’une autre espèce : il a rejoint les rangs des artistes qui « coachent » le personnel politique.

Jean-Philippe Lafont est maintenant la voix d’Emmanuel Macron. Les deux hommes se rencontrent en décembre 2016, à la veille du meeting de la porte de Versailles.

« On ne s’est vus qu’une heure trente, on n’a pas vraiment eu le temps de travailler en profondeur. »
« Je me suis mis à crier, je faisais du Macron »

On connaît la suite : galvanisé par la foule, le leader d’En marche ! s’emporte, et ses rugissements fanatiques sont aussitôt tournés en dérision sur la Toile. Quelques jours plus tard, Jean-Philippe Lafont retrouve le candidat. « Je me suis mis à crier, je faisais du Macron, ça l’a fait rigoler. » Ils travaillent sur le souffle de Macron, les variations de la tonalité de sa voix :

« Un jour, alors que je chantais une mélodie de Schubert, un grand maître allemand m’a reproché d’utiliser ma belle voix pour un mot qu’il fallait prononcer d’une tonalité âcre. C’est un bon conseil de coaching vocal : j’essaie de “monétiser” la voix de mes apprentis – au sens de Claude Monet, le peintre impressionniste –, pour qu’ils la colorent de mille couleurs et inflexions surprenantes. »

Emmanuel Macron n’est pas le premier politicien à recourir à un artiste pour perfectionner sa prise de parole en public – tant s’en faut. Ségolène Royal ne s’en était-elle pas remise aux bons soins de la metteuse en scène Ariane Mnouchkine en 2007 ? En son temps, déjà, le général De Gaulle avait fait appel à Louis Seigner, figure de la Comédie-Française et grand-père d’Emmanuelle et Mathilde Seigner. Il lui avait donné pour simple consigne : « Enseignez-moi la bonhomie. »

Luc Teyssier d’Orfeuil découvre cette passerelle entre théâtre et politique dans les années 1980. A l’époque, le comédien vient de monter un espace consacré au coaching pour acteurs. Son frère se lance dans la politique et devient un des plus jeunes élus de Paris. « J’ai commencé par aider mon frère et ses copains, puis le coaching politique est devenu à la mode. En ce moment, c’est la course, j’ai beaucoup de demandes pour les législatives », témoigne le fondateur de Pygmalion Communication – « avec un P », précise-t-il, pour éviter la confusion avec Bygmalion, agence au cœur d’une affaire politico-financière –, qui travaille aujourd’hui avec des mairies et des députés.


Si la tâche est rémunératrice – compter près de 2 200 euros pour une journée de formation –, l’exercice n’est pas des plus faciles.

« Au niveau municipal, en cas de majorité plurielle, un discours est relu par tous les membres de la majorité pour qu’il soit au goût de tout le monde, même des deux écologistes de la collectivité. A la lecture, on sent tout de suite que l’élu n’est pas en cohérence avec un texte qui a été repris d’innombrables fois. »
Pas question de se trahir

En l’occurrence, le formateur doit montrer l’exemple : pas question, pour lui non plus, de se trahir. Comme beaucoup de coachs, M. Teyssier d’Orfeuil se cantonne « au milieu de l’échiquier » : il refuse de travailler avec les extrêmes. Le comédien Franck de Lapersonne, abonné aux seconds rôles et aux téléfilms érotiques, devenu conseiller du FN sur les questions culturelles, fait figure d’exception. « Une fois seulement, j’ai failli aider le maire d’une municipalité communiste – pour des raisons “humaines” : la personne m’avait touché, précise M. Teyssier d’Orfeuil. En revanche, je refuserais certainement de travailler pour le FN. »

« QUE PERSONNE NE SACHE QU’ILS SE FONT COACHER »


Il s’agit aussi d’amadouer un public qui n’est pas toujours à l’aise avec la pédagogie théâtrale. « Ils arrivent avec leurs stylos et leurs papiers et sont surpris qu’on les envoie sur scène. Souvent, je me rends à leur bureau tard le soir, pour que personne ne sache qu’ils se font coacher », raconte M. Teyssier d’Orfeuil.

Assister à une séance d’entraînement oratoire relève ainsi de l’impossible : la plupart des élus n’assument pas l’exercice, craignant qu’on leur reproche un manque d’authenticité, et ceux qui ne s’en cachent pas veulent préserver un moment qui, très souvent, touche des cordes très intimes. Le coach vocal Marco Beacco évoque les larmes de cette femme qui ne peut pas s’empêcher de pleurer à chaque fois qu’elle hausse le ton :

« Nous sommes remontés à son enfance. Ses parents lui avaient interdit de chanter et de parler fort afin de respecter la mémoire des victimes de la Shoah. Le coaching vocal, c’est un exercice très personnel. Et la voix, c’est la dernière chose que je travaille ; je m’occupe d’abord des émotions. »


Ce coach vocal, qui collabore avec des artistes, des élèves de la « Star Academy » et des dirigeants du CAC 40, a suivi François Hollande pendant la campagne présidentielle de 2012.

Des exercices simples, comme crier “orang-outan”

« J’étais avec lui pendant tous ses meetings, toujours au premier rang, en contact visuel. Nous avons beaucoup travaillé sur la respiration diaphragmatique à travers des exercices simples, comme crier “orang-outan”. »


Depuis, Marco Beacco est sollicité par de nombreux élus. Il commence généralement par leur mettre un casque sur les oreilles, pour qu’ils puissent entendre leur propre voix.

« En l’écoutant pour la première fois, ils sont surpris, la trouvent plus grave, ou plus aiguë que prévu. Quand on parle, on s’entend uniquement de l’intérieur, par résonance des os, on n’entend jamais notre voix par le système auditif. A partir de là, on commence à travailler sur le débit, l’articulation, la posture. »


Jean Sommer s’est pour sa part intéressé au coaching à la suite d’une opération aux cordes vocales. Forcé au silence, l’auteur-compositeur-interprète, qui joua jadis en première partie de Jean Ferrat, s’interroge alors pour la première fois sur ce qu’est une voix.

« Je suis devenu expert, j’ai commencé par conseiller mes amis chanteurs et comédiens, puis j’ai travaillé pour Radio France, ensuite pour des entreprises et des personnalités politiques, des ministres, des députés, des maires. »
Derrière une voix, le coach entend un accent, une origine, un milieu social, parfois un complexe :

« La voix crée une relation animale : le public ressent beaucoup de choses, sans pour autant les analyser. »


Celui qui, du fait de ses origines modestes, a toujours manqué d’assurance dans le milieu de la chanson – que ses proches ne jugeaient pas « sérieux » –, dit aujourd’hui enseigner la confiance qui lui faisait défaut : « Une mauvaise diction, un mauvais placement de la voix sont autant de petits défauts témoignant d’un manque de confiance, même auprès de personnes dont la profession implique une prise de parole en public. » Jean Sommer travaille alors sur la respiration, l’empreinte vocale ou encore l’équilibrage des voyelles et des consonnes.

Chaque coach possède ses stratagèmes. Eléonor, qui travaille pour la société RS Management et affiche un parcours plus classique de comédienne, privilégie l’improvisation théâtrale.

« On se regarde dans les yeux. Au début, je souris. Puis j’assombris mon regard, et généralement, la personne va se fermer, aura du mal à déglutir. Il faut apprendre à ne pas répondre à l’agressivité par l’agressivité. Je peux aussi demander de défendre l’indéfendable, de justifier par exemple que Jacques Brel, c’est nul. »


Psychologie, linguistique et synergologie

D’autres estiment que le propre du coach, c’est de ne jamais cesser de parfaire sa palette d’outils. Ainsi, après plusieurs années de théâtre et des formations en psychologie et en linguistique, Stephen Bunard s’est intéressé à la synergologie, une discipline qui décrypte la gestuelle. Victor Hugo écrivait que « la forme, c’est le fond qui remonte à la surface ». M. Bunard traque cette forme : « Lorsque François Fillon affirme que la victoire est à sa portée, tout en effectuant un retrait labial, c’est qu’il n’est pas sûr de lui », estime-t-il.

« MME LE PEN A TRAVAILLÉ SES SOURIRES, C’EST JUSTEMENT À CELA QU’ON VOIT QU’ELLE EST MAL À L’AISE »



Le coach filme les députés européens, conseillers régionaux ou adjoints au maire qui le contactent, et se livre ensuite à l’analyse. Mais son travail ne consiste pas à apprendre aux candidats des gestes stéréotypés :

« Mme Le Pen a travaillé ses sourires, c’est justement à cela qu’on voit qu’elle est mal à l’aise. Depuis Cahuzac, on sait qu’on peut mentir en regardant droit dans les yeux. Le coaching, c’est du travail sur mesure, on aide la personne à être en accord avec ce qu’elle raconte. »
M. Bunard regrette que le coaching soit souvent pratiqué superficiellement, à coups de recettes toutes faites. Il n’est pas le seul : c’est ce qui a poussé Bernard Ortega à mettre un terme à son travail avec des élus, qu’il soumettait à l’exercice dit « du scalpel ».

« Je l’appelle ainsi car ils en meurent tous. Ils ont une minute trente pour se présenter, et dès que quelque chose ne va pas – un geste, un regard –, ils recommencent. Certains reprennent leur présentation près de quatre-vingts fois ! C’est merveilleux, on voit des pingouins se transformer en êtres humains. »


Mais le comédien a fini par se lasser des hommes politiques qui ne prennent pas le temps suffisant pour exprimer une sincérité.

« Quand un comédien sur scène récite “Hamlet”, il ne ment pas. Il essaie de dire la vérité à travers son personnage. Soumis à un stress continuel, surveillés dans leurs moindres mots, les hommes politiques ne connaissent pas cette authenticité. C’est dommage : on n’a jamais vu d’aussi mauvais acteurs pour un aussi grand public. »


Margherita Nasi

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April 18, 2017 8:44 AM
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Nomination de Nathalie Garraud et Olivier Saccomano à la direction du Centre dramatique national de Montpellier

Nomination de Nathalie Garraud et Olivier Saccomano à la direction du Centre dramatique national de Montpellier | Revue de presse théâtre | Scoop.it
Communiqué de presse - Ministère de la culture et de la communication

Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la Communication, donne son agrément à la nomination de Nathalie Garraud et d’Olivier Saccomano à la direction du Centre dramatique national de Montpellier à compter du 1er janvier 2018.

Cette décision fait suite à l’examen des deux projets retenus à l’issue des délibérations du jury qui a réuni le 23 mars dernier les représentants de l'Etat, de la mairie de Montpellier, de la métropole Montpellier Méditerranée, du département de l’Hérault et de la région Occitanie. Cette décision est également le fruit d’un échange avec Philippe Saurel, maire de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole, que la ministre a reçu le lundi 17 avril pour lui faire connaître sa décision et évoquer avec lui plus largement la politique culturelle menée à l’échelle du territoire métropolitain.


Nathalie Garraud et Olivier Saccomano ont proposé pour le Centre dramatique national de Montpellier un projet de théâtre en prise avec son époque autour d’auteurs en résidence et d’auteurs-metteurs en scène mais également à travers une vision du répertoire ancrée dans les préoccupations contemporaines. Ils ouvriront le théâtre à de nouveaux publics, en allant au-devant de la population à Montpellier, dans la métropole et dans toute la région. À travers des échanges avec différents artistes du pourtour méditerranéen, ils entendent positionner la métropole de Montpellier au cœur d’un projet de Biennale des arts de la scène en Méditerranée, associant les lieux culturels de la région.


Nathalie Garraud, metteure scène et Olivier Saccomano, auteur et dramaturge, codirigent depuis 2006 la compagnie du Zieu. Ils incarnent une nouvelle génération d’artistes, qui abordent l’écriture contemporaine et le travail artistique collectif. Nathalie Garraud et Olivier Saccomano succéderont à Rodrigo Garcia, figure majeure du renouvellement de la scène théâtrale européenne, que la ministre tient à remercier pour son travail à la direction de ce théâtre.

Lors de l’entretien avec Philippe Saurel, la ministre a été attentive à son ambition pour une politique théâtrale métropolitaine. Elle a décidé que cela pourrait se traduire par un soutien renforcé au festival « Printemps des comédiens », qui pourrait devenir à terme le chef de file d’un projet de théâtre et de cirque à l’échelle de la métropole, sous l’impulsion de Jean Varela, directeur du festival.

Photo : Siegfried Forster / RFI
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April 17, 2017 5:34 PM
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I/O n°55 - I/O Gazette

I/O n°55 - I/O Gazette | Revue de presse théâtre | Scoop.it

N° spécial consacré au Festival Chantiers d'Europe organisé par le Théâtre de la Ville du 2 au 21 mai 2017


Lien de téléchargement du n° 55 : http://www.iogazette.fr/blog/wp-content/uploads/delightful-downloads/2017/04/IO-55.pdf


I/O n°55

17 avril 2017

© Anastasiia Sapon

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April 17, 2017 1:38 PM
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Trahisons sentimentales et politiques au Vieux-Colombier

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Par Fabienne Darge dans Le Monde



A la suite d’une déprogrammation, Eric Ruf met en scène « Bajazet », une pièce de Racine rarement jouée.


Le sérail est un étrange boudoir, dans ce Bajazet qu’Eric Ruf, l’administrateur de la Comédie-Française, a dû monter de manière impromptue. A l’origine, c’est La Cruche cassée, d’Heinrich von Kleist, qui devait être jouée au Théâtre du Vieux-Colombier de début avril à début mai. Mais le Français a été contraint de déprogrammer cette production, mise en scène par Jacques Lassalle, en cours de répétition.

Eric Ruf a donc relevé le défi de monter une nouvelle production en moins de deux mois, avec les comédiens qui avaient été choisis pour jouer La Cruche cassée. Et, lui qui est un grand racinien, a choisi Bajazet, l’une des pièces les plus rarement jouées du maître de la tragédie classique française. C’est donc sur un étrange boudoir, aux airs fantomatiques, que le rideau se lève : la scène est encombrée de lourdes armoires traditionnelles en bois, comme remplies de secrets, et le plateau recouvert d’une superbe collection de chaussures, toutes plus féminines les unes que les autres.

LES COMÉDIENS-FRANÇAIS SONT À PEU PRÈS LES SEULS À POUVOIR JOUER LA LANGUE DE RACINE AVEC UNE TELLE AISANCE ET UNE TELLE PURETÉ


Ce boudoir est celui de Roxane, la favorite du sultan Amurat. Parti assiéger Babylone, il lui a confié tous ses pouvoirs. Mais Amurat (Mourad IV dans la « vraie » histoire) soupçonne son frère, Bajazet, de vouloir lui ravir l’empire. Il fait envoyer à la nouvelle sultane une lettre porteuse d’un ordre de mise à mort. Le grand vizir, Acomat, complote, lui, pour que Bajazet accède au trône. Il jette Roxane dans les bras de son protégé, afin qu’elle l’épouse et lui offre ainsi le pouvoir. Mais Bajazet aime depuis toujours la princesse Atalide…

Le cœur du pouvoir et le pouvoir sur les cœurs se mêlent, comme toujours chez Racine. Antoine Vitez le disait bien, qui observait que chez lui « l’amour et le pouvoir politique sont enlacés en une double métaphore : l’amour est la métaphore du pouvoir, qui est la métaphore de l’amour ».

Lire le portrait chinois d’Eric Ruf dans « M » :   « Le fauteuil de Molière n’est pas le sien »

Un décor d’armoires normandes

Pour concentrer tous les thèmes raciniens, Bajazet n’est pas, tant s’en faut, la plus belle de l’auteur de Phèdre et de Bérénice. Et le spectacle que signe Eric Ruf se ressent un peu de la précipitation dans laquelle il a dû être monté. Ce décor d’armoires normandes, notamment, ne fait pas vraiment sens, mais sans doute était-il trop tard, quand Ruf a repris le flambeau, pour concevoir une scénographie à part entière pour le spectacle.

Il n’en reste pas moins que les Comédiens-Français sont à peu près les seuls à pouvoir jouer la langue de Racine avec une telle aisance et une telle pureté, et que ce Bajazet offre un vrai plaisir d’acteurs. Les rôles féminins sont ici particulièrement bien travaillés : c’est un bonheur de voir ce que Clotilde de Bayser, avec une intelligence de jeu et une belle humanité, fait du personnage de Roxane, femme de pouvoir avant l’heure, défaite par l’amour.

Lire également l’entretien :   « Le mouvement pour l’égalité des sexes dans le théâtre est irréversible »

La jeune pensionnaire Rebecca Marder, pour son premier grand rôle dans la maison, est une magnifique Atalide : une princesse aussi ardente en amour que consciente des enjeux de pouvoir qui se trament dans le gynécée. Denis Podalydès est, une fois de plus, impérial en Acomat : il a quelque chose de son maître Michel Bouquet dans ce rôle de vizir à la fois veule, inquiétant, manipulateur et impuissant.

La seule réserve, ici, vient du Bajazet de Laurent Natrella, qui apparaît trop âgé pour le rôle, et peine à déployer l’intensité de son personnage. C’est ainsi : dans ce Bajazet, ce sont les femmes qui mènent le jeu, du haut de leurs escarpins et de leurs bottines à hauts talons.

Bajazet, de Jean Racine. Mise en scène : Eric Ruf. Avec Alain Lenglet, Denis Podalydès, Clotilde de Bayser, Laurent Natrella, Anna Cervinka, Rebecca Marder. Comédie-Française, Théâtre du Vieux-Colombier, 21, rue du Vieux-Colombier, Paris 6e. Tél. : 01-44-58-15-15. Mardi à 19 heures, du mercredi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 heures. De 12 € à 32 €. Durée : 2 h 15. jusqu’au 7 mai. www.comedie-francaise.fr

Fabienne Darge
Journaliste au Monde

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April 17, 2017 10:51 AM
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DO DISTURB les 21, 22 et 23 avril au Palais de Tokyo

DO DISTURB les 21, 22 et 23 avril au Palais de Tokyo | Revue de presse théâtre | Scoop.it

DO DISTURB

Pour sa 3ème édition, le festival DO DISTURB remet à nouveau le Palais de Tokyo en effervescence, de jour comme de nuit, les 21, 22 et 23 avril 2017.

Au programme de cette édition figurent plus de 40 propositions au croisement de la danse, de la performance, du théâtre et de la musique : des créations nouvelles, des pièces inédites en France ainsi que des performances revisitées pour l’occasion.

DO DISTURB poursuit cette année encore sa politique d’invitation à des partenaires culturels en France et à l’international. Après avoir, pour sa première édition, collaboré avec de grandes institutions comme le MoMA PS1 ou la Tate Modern et, pour sa seconde édition, avec des écoles d’art françaises et étrangères, DO DISTURB propose cette année une collaboration avec quelques-uns des festivals de performance et de spectacle vivant les plus dynamiques dans le monde :

 

Actoral (Marseille, France) invite Miet Warlop, Thomas Mailandaer et Alexander Vantournhout

Camping – CND Centre national de la danse (Paris, Pantin, Lyon - France) invite Lorenzo de Angelis

Dias Da Dança (Porto, Matosinhos, Gaia -  Portugal) invite Jonathan Uliel Saldanha

Santarcangelo Festival (Italie) invite Silvia Gribaudi et Francesca Grilli

TBA Festival – Time-Based Art Festival (Portland, États-Unis) invite Dorothée Munyaneza & Holland Andrews

Nuits sonores (Lyon, France) fête ses 15 ans du 23 au 28 mai 2017.
Carte Blanche à Nuits sonores x Mutante, avec Calling Marian, Portable (Live), Veronica Vasicka et Powell.
Rendez-vous samedi 22 avril de 23 h à 06 h.

 

En parallèle de cette invitation faite aux festivals, le Palais de Tokyo convie des artistes français et étrangers à créer et présenter leurs idées et projets les plus ardents :

 

Alex Baczynski-Jenkins : The Tremble ; US Swerve

Rochdi Belgasmi : Zoufri

Jacopo Belloni : Peripezia n°1: l’ostacoliere ; Festa con piccola tragedia

Julie Béna : Tweedledee, the zombie and the mermaid

Rotten Bliss : The Nightwatchman Sings

Eglè Budvytytè : Shaking Children 
(en collaboration avec Bart Groenendaal)

Benedetto Bufalino : Le terrain de basket du Palais de Tokyo  
(sur une proposition de Jean-Christophe Arcos)

Boris Dambly (RE:c) : The Blind Boxing Brides
(sur une proposition de Stéphanie Pécourt)

Lorenzo De Angelis : Haltérophile
(sur une proposition de Camping – CND)

Laurent Goldring : ALTER EGO 

Piero Golia
(sur une proposition de Pier-Paolo Pancotto)

Célia Gondol : Slow

Silvia Gribaudi : A corpo libero
(sur une proposition du Santarcangelo Festival)

Francesca Grilli : The Forgetting of Air
(sur une proposition du Santarcangelo Festival)

Séverin Guelpa : The Big Breath

Thomas Mailaender : Soupe à l'oignon
(sur une proposition d’Actoral)

Jacopo Miliani : A slow dance without name ; Throwing balls at night

Dorothée Munyaneza & Holland Andrews : Fireball Lily

Musarc : Les Tableaux Vivants
(avec Sam Belinfante, Ben Hadley, Neil Luck, Joseph Kohlmaier, TONGUE & Sarah Kate Wilson. Music director: Cathy Heller Jones) 

Simon Pfeffel: I will carry YOU
(sur une proposition de Jean-Christophe Arcos)

Nicolas Puyjalon: Mont analogue

aalliicceelleessccaannnnee&soonniiaaddeerrzzyyppoollsskkii : 是中国人

Lara Schnitger : Suffragette City

Pablo Tomek : PalaisInstaResidency + Peintures Vivantes

Naama Tsabar : Untitled (double face)

Jonathan Uliel Saldanha : Oxidation Machine
(sur une proposition du Festival DDD - Dias Da Dança)

Studio Dennis Vanderbroeck : How I try to achieve several difficult things at the same time

Alexander Vantournhout : Aneckxander
(sur une proposition d’Actoral)

John Wood and Paul Harrison : Boat, Board, Legged, Device

Miet Warlop : Nervous Pictures    
(sur une proposition d’Actoral)

Tori Wrånes

La sélection de projets BYOP (Bring your own performance) donne lieu à un certain nombre de surprises !
(Avec : Medhi Besnainou, Alexis Chrun, Rafaela Lopez, Amandine Maas, Nid Gâté, Nouvelle Collection Paris, Julie Sas et YOURS)

Commissaire générale du festival : Vittoria Matarrese
Festival
Du 21/04/2017 au 23/04/2017
Vendredi 21 avril
18h – minuit

Samedi 22 avril
Midi – minuit
23 h – 6 h : Nuit DO DISTURB au YOYO

Dimanche 23 avril
Midi – 18h
Acheter un pass 3 jours
Acheter un billet "La Nuit"
Acheter un pass 3 jours + "La Nuit"
Télécharger le programme : http://www.palaisdetokyo.com/sites/default/files/programme-dd-2017-web.pdf

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April 17, 2017 7:18 AM
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Le metteur en scène Bernard Meister est décédé

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Canton de Genève

L'ex-directeur du Grütli Bernard Meister est décédé dimanche, indiquent ses proches dans un avis mortuaire paru mardi dans la presse.



Dès 1979, Bernard Meister a mis en scène une vingtaine de spectacles avec sa compagnie, le Théâtre de la Ville, dont «140 mètres par temps calme», «Pour un funambule», «Macbeth» et «Les Bonnes». Ensuite au Grütli, qu'il dirige de 1991 à 1999, il montre son attachement pour les auteurs allemands avec des pièces de Georg Büchner ou Manfred Karge.

Plus récemment, en 2006, il a mis en scène »La Folie d'Héraclès« à la Comédie de Genève. En 2007, il a monté au Grütli la pièce de Heiner Müller «Philoctète», inspirée d'un texte de Sophocle.

Il est décédé dimanche à l'âge de 65 ans. Bernard Meister était marié à la comédienne Fabienne Meister-Barraud, selon le Dictionnaire du théâtre en Suisse.




(ats/nxp)

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April 16, 2017 6:45 PM
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Les Inrocks - Franck de Lapersonne, acteur de seconde zone devenu le M. Culture du FN

Les Inrocks - Franck de Lapersonne, acteur de seconde zone devenu le M. Culture du FN | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Mathieu Dejean dans les Inrocks



Franck de Lapersonne a rejoint les rangs du Front national. Il occupe le devant de la scène des meetings et conseille le parti sur les questions culturelles. Comment est-il passé de Valérie Lemercier à Marine Le Pen ?


Le 4 février, dans les travées du Centre de congrès de Lyon, où Marine Le Pen lance sa campagne pour la présidentielle, personne ne sait encore qui est Franck de Lapersonne. Quand le comédien se hisse à la tribune d’une démarche un peu gauche, tiré à quatre épingles, son texte à la main, les militants se jettent des regards interloqués. Les plus jeunes, comme Marion Maréchal-Le Pen, reconnaissent le protagoniste d’une pub pour la Maaf.


Les plus de 40 ans, eux, se souviennent de l’animateur de Sexy Zap, l’émission érotico-comique diffusée sur M6 de 1995 à 1998 – “Un programme d’avant-garde !”, défend-il encore aujourd’hui. Pour les caciques du parti, qui espéraient que “l’invité mystère” serait un député Les Républicains rallié à leur cause, la déconvenue est de taille. D’autant plus que, comme prise de guerre dans le monde des arts et de la culture, on peut faire mieux.


“On lui a toujours fait jouer des rôles de conservateur”


Abonné aux seconds rôles, ce rouquin bedonnant au teint pâle et à la calvitie prononcée s’est fait connaître dans la série télévisée Palace, réalisée par Jean-Michel Ribes dans les années 1980. Depuis, on l’a vu en directeur financier cynique dans la série Les Vivants et les Morts de Gérard Mordillat (2009), en conseiller de dictateur nostalgique du colonialisme dans Le Crocodile du Botswanga de Fabrice Eboué et Lionel Steketee (2012), en curé raciste dans Case départ d’Eboué, Steketee et Thomas Ngijol (2010), ou encore en ministre de la Santé dans Palais-Royal ! de Valérie Lemercier (2005). “On lui a toujours fait jouer des rôles de conservateur. D’une certaine manière, la personne a rejoint le personnage”, philosophe amèrement Jean-Michel Ribes, qui l’a longtemps compté parmi ses proches.


Mais ce samedi-là, à la grand-messe frontiste, l’acteur ne joue plus. Derrière son pupitre estampillé d’une rose bleue, face à une multitude de pin’s lumineux “Marine présidente”, il tonne contre “les liquidateurs de la culture française”, fustige Emmanuel Macron, ce “fringant poulain du parti de l’étranger”, et tacle Najat Vallaud-Belkacem : “Victor Hugo n’a pas appris l’arabe à l’école, et cela me fait plaisir de le savoir.”

Puis vient l’instant introspectif : “Ah oui, j’étais un mélenchoniste ! Plus exactement, j’étais dorloté dans le lit des amitiés professionnelles qui roulaient pour Jean-Luc Mélenchon. (…) Si vous saviez comme je me sens mieux aujourd’hui !” Salve d’applaudissements.



“Je ne l’avais jamais vu exprimer cette hargne”


Dans l’entourage de Gérard Mordillat, qui l’a fait jouer dans quatre de ses films, on tombe à la renverse en découvrant ces images. Son directeur de la photographie, François Catonné, est “estomaqué par ses propos et son style” : “Avec Gérard, il a joué dans le registre dramatique, mais je ne l’avais jamais vu exprimer cette hargne.”


Le coming-out frontiste de Franck de Lapersonne a logiquement choqué une partie du cinéma français, qui s’est brusquement désolidarisé de lui. Contactés pour ce portrait, de nombreux acteurs ont refusé de s’exprimer sur celui qu’ils ont désormais rebaptisé “Mister Nobody”.

Les Cinq Parties du monde de Gérard Mordillat (2011)


Quelques mois plus tôt, Gérard Mordillat l’avait sollicité pour jouer le rôle d’un patron dans sa nouvelle fiction, Mélancolie ouvrière, adaptée d’un essai de Michelle Perrot sur la première femme syndicaliste. Commande annulée. Il devait aussi interpréter l’ensemble des ministres d’une présidente d’extrême droite fraîchement élue, dans une farce intitulée Moi, présidente.
Une première représentation était même programmée au Théâtre du Rond-Point, le 10 février. Elle n’a pas eu lieu. “Comme son rôle attaquait implicitement le FN, il a préféré l’autre production”, soupire Jean-Michel Ribes, le directeur du lieu, le regard désespéré derrière ses petites lunettes rondes.



Une rencontre déterminante avec Florian Philippot


Pour le nouveau chauffeur de salle de Marine Le Pen – une mission qu’elle lui a expressément confiée pour ses meetings à Nantes et à Lille –, Moi, présidente constitue un point de rupture. Peut-être même l’origine de son virage à 180 degrés : “Je ne vous cache pas que la lecture de ce texte a été un premier déclic. Je l’ai trouvé  d’une grande indigence, et volontairement vulgaire vis-à-vis de ‘la présidente’.” Sa rencontre avec Florian Philippot, en janvier, dans un café de la rue d’Assas où ils habitent tous les deux, achève de le convertir.

Depuis, ils sont quasiment inséparables. Le 23 février, ils “trinquent” (avec des tasses de café) “à la cafète de Marine Le Pen”, dans une vidéo de la chaîne YouTube du vice-président du FN devenue culte en raison de la gêne qu’elle a suscitée.
Le 31 mars, ils badinent à la Foire du Trône, entre un stand de crêpes et une attraction. A tel point que le bras droit de Marine Le Pen annonce spontanément, le 1er avril dans On n’est pas couché, que cet acteur “à la puissance comique énorme” pourrait venir chanter à Hénin-Beaumont en cas de victoire du FN à la présidentielle. C’est dire s’il fait désormais partie de la famille.
“Quand on a parlé des problèmes culturels, on était en phase”
C’est par l’intermédiaire de l’énarque frontiste que Franck de Lapersonne a fait la connaissance de Marine Le Pen. Une semaine avant les assises du FN à Lyon, ils avaient rendez-vous au QG de la candidate, situé au 262, rue du Faubourg-Saint-Honoré (la même rue que l’Elysée), dans le VIIIe arrondissement de Paris – toujours en présence de “Florian”.


“La sympathie est passée tout de suite. Quand on a parlé des problèmes culturels, on était en phase. Je n’ai pas la carte au FN, mais j’ai fait le choix d’une personne, ou plutôt de deux : Marine et Florian”, confie le comédien. Le courant est si bien passé que Marine Le Pen l’a nommé “délégué aux questions culturelles”. Pendant un mois, il a bûché pour lui remettre ses “70 propositions” dans le domaine, dont il n’est pas peu fier. A croire qu’il se voit déjà ministre de la Culture – il cite d’ailleurs abondamment Malraux.


“Sa démarche est une forme de suicide” 

Gérard Mordillat



Dans son salon décoré d’un portrait de Lénine et d’une photo d’Antonin Artaud, Gérard Mordillat est encore sonné par cette improbable idylle. “Je me rends compte que Franck était un acteur désespéré, car sa démarche est une forme de suicide : comment peut-on se tourner vers l’opposé de ce qu’on incarne ?”, s’interroge-t-il.


Pour l’auteur de Vive la sociale !, qui a reçu un mail “délirant d’amertume” de Franck de Lapersonne en janvier, s’en prenant à la “gauche bien-pensante” et à la “fausse générosité” de ses amis du milieu artistique, ce basculement tient beaucoup à un sentiment d’abandon : “Il a très peu travaillé en 2016, il était déprimé. Il a finalement trouvé le moyen d’avoir un public et des projecteurs braqués sur lui. C’est de nouveau un acteur, il joue in vivo ce qu’il devait interpréter au théâtre.”


“Il y a encore en lui quelqu’un qui est en train de jouer la comédie”
Jean-Michel Ribes, qui appréciait chez lui “son insolence, son bagou, son côté wildien et son humour aristo”, est du même avis : “Il y a encore en lui quelqu’un qui est en train de jouer la comédie, avec un nouveau territoire de jeu et de reconnaissance. Si la politique est la société du spectacle, alors il y jouera un rôle charismatique.”


De Lapersonne vient d’être bombardé candidat aux élections législatives pour le FN, dans la première circonscription de la Somme, face à François Ruffin. Il a pourtant grandi à Paris, et si ses origines familiales plongent dans la Picardie du côté de son père, il reconnaît lui-même que “c’est un hasard absolu”.


Les courtisans de Marine Le Pen ne s’en émeuvent pas, mais chez les élus locaux du FN, cette trajectoire météorique fait grincer des dents. Suite à cette investiture-éclair, la conseillère départementale de la Somme Patricia Wybo a démissionné du parti.



“Je ne pense pas que Franck de Lapersonne soit venu pour travailler sur le terrain”
 Patricia Wybo, conseillère départementale FN



“Je vois bien l’intérêt de Marine Le Pen à recruter des personnalités médiatiques, mais je ne pense pas que Franck de Lapersonne soit venu pour travailler sur le terrain et défendre les intérêts des Samariens. Il n’a jamais distribué le moindre tract de sa vie !”, argumente-t-elle, pointant le manque de méritocratie en interne. La réplique – très sérieuse – de l’intéressé à ses éventuels contempteurs est osée : “J’assume pleinement le fait d’être un parachuté en terre de Somme car vous savez, les Normands étaient bien contents de voir arriver les parachutistes en Normandie à la Libération.”



Il se prend ainsi à faire l’éloge du réalisateur de Merci patron !
En attendant le débarquement, Franck de Lapersonne navigue à vue dans un parti qu’il pense “en gestation”, et dont la “sève vitale” est à ses yeux composée d’anciens chevènementistes, garants d’une “gauche patriotique” qu’il souhaite voir renaître.


Au cours d’un entretien qui vire parfois au soliloque, il se prend ainsi à faire l’éloge du réalisateur de Merci patron !, pourtant son adversaire aux législatives : “J’ai voté pour son documentaire en tant que membre de l’Académie des César ! J’adore ce mec, je trouve qu’il est formidable, il a des idées assez incroyables.” Et qualifie Jean-Luc Mélenchon de “visionnaire”, même s’il est trop “européiste” à son goût.



Pas sûr que la blague fasse beaucoup rire au FN, qui peine toujours à recruter des artistes. La visibilité acquise par Franck de Lapersonne dans la garde rapprochée de Marine Le Pen est doucement moquée par certains cadres du parti. “On est loin d’Alain Delon”, soufflent-ils, rappelant que l’acteur culte revendiquait son amitié avec Jean-Marie Le Pen. Et si le passage au FN de Franck de Lapersonne n’était qu’une mauvaise comédie à ajouter à sa filmographie ?


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April 16, 2017 9:09 AM
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"Théâtre versus politique": les lumières d'Olivier Neveux

"Théâtre versus politique":  les lumières d'Olivier Neveux | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Joëlle Gayot sur le site de son émission sur France Culture  


Olivier Neveux, auteur de Politiques du spectateur : les enjeux du théâtre politique aujourd’hui. (Éditions la Découverte)


Ecouter l'émission : https://www.franceculture.fr/emissions/une-saison-au-theatre/theatre-versus-politique-les-lumieres-dolivier-neveux

Dans une semaine à la même heure, selon toute logique, nous connaîtrons le résultat du premier tour des élections présidentielles. Nous saurons alors les noms des deux responsables désignés par le vote des Français pour poursuivre leur marche vers l’Elysée. Dans cette campagne 2017, une fois encore, la culture n’a pas été à la fête. Elle aurait pourtant pu trouver sa place, sans rougir, au rang des arguments déployés par les candidats. Littérature, cinéma, musique, danse, théâtre : Au contact de l’art, sous toutes ses formes, l’humain apprend à se connaître lui-même et à connaître l’autre. Et c’est, à chaque fois, un pas de fait vers plus de fraternité.

Le théâtre, affirment certains, se mêle de politique dès lors qu’il occupe la scène. Oui, mais politique, c’est un mot vaste, c’est un mot vague, qui va d’un bord à l’autre bord et embrasse, sur sa route, de multiples notions : idéologie, militantisme, pouvoir, puissance, démocratie, engagement, citoyenneté, ordre, lois, règles, subversion, transgression, cité ou peuple.

Comment s’y retrouver ? Comment le théâtre, depuis l’obscurité des salles où il se manifeste, peut-il nous aider à y voir clair dans ce qui, au quotidien, nous aliène et, loin de nous ouvrir les yeux, nous fait nous recroqueviller un peu plus sur nous-mêmes ?

Olivier Neveux est professeur d’histoire et d’esthétique du théâtre à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon. Il vient de coordonner le dernier numéro de la Revue Théâtre Public, consacré aux Présences du pouvoir. Il a surtout édité en 2013 un ouvrage passionnant intitulé : Politiques du spectateur : les enjeux du théâtre politique aujourd’hui. (Ed la Découverte). Cet essai, précis et critique, sillonne les occurrences du spectacle contemporain et démontre pied à pied que le théâtre ne tourne jamais le dos à ses contemporains. Le théâtre est politique. Il représente pour chacun un formidable appel d'air lorsqu'il substitue à la résignation l'émancipation et lorsqu'il préfère à la passivité la capacité.

C'est en expert précis et enthousiaste qu'Olivier Neveux prend place aux micros d'Une Saison au théâtre.

Olivier Neveux est par ailleurs l'auteur de Théâtres en lutte, le théâtre militant en France des années 60 à aujourd’hui (paru aux éditions la Découverte en 2007), et d’un essai sur le théâtre de Jean Genet, paru chez Ides et Calendes en 2016 .

Intervenant : 
Olivier Neveux : professeur d’histoire et d’esthétique du théâtre à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon


Photo Olivier Neveux• Crédits : anne julien

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April 15, 2017 1:35 PM
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La Lettre du Théâtre du Soleil : Le Théâtre Indianostrum présente trois spectacles à la Cartoucherie

La Lettre du Théâtre du Soleil : Le Théâtre Indianostrum présente trois spectacles à la Cartoucherie | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Koumarane Valavane qui avait si bien accueilli le Théâtre du Soleil pour le début de ses répétitions d’Une chambre en Inde, en janvier 2016 au Théatre Indianostrum de Pondichéry, présentera, avec sa troupe, trois spectacles, en tamoul et en français surtitrés, sur des musiques de Jean-Jacques Lemêtre et d’Arjun Chandran : Kunti-Karna, Terre de cendres et Karuppu.

Nous vous attendons du 21 avril au 4 juin 2017

 Voir sur le site du Théâtre du Soleil : http://www.theatre-du-soleil.fr/thsol/dans-nos-nefs/article/la-residence-du-theatre


 
Le Théâtre Indianostrum
 En résidence pour deux mois au Théâtre du Soleil
du 21 avril au 4 juin 2017

 Avec trois spectacles, en tamoul et en français surtitrés

 
 
Kunti Karna, tragédie inspirée de Kunti et Karna de Rabindranath Tagore et Le Mahabharata de Jean-Claude Carrière

 
Trouvant dans l’hypnotique rythme du rituel et la force vive du Kalaripayatt, antique art martial indien, le souffle même de l’épopée, cette création d'aujourd'hui, inspirée du grand mythe indien du Mahabharata, fouille les immémoriales questions de l’identité, de l’abandon et de l’orgueil.
 
Du 21 au 30 avril 2017
 


 
Terre de cendres, création collective

Dans la nuit des destinées humaines, deux mères, deux étoiles guident l'exode de ceux que la guerre sacrifie. L'une est la déesse Ellamma, mère de toutes les victimes ; elle apaise les morts. L'autre est Flora, jadis lueur de rêve dans l'obscurité d'un camp de concentration, qui aide les vivants à résister.
Poème intense, Terre de cendres est un voyage qui rappelle combien, aux heures les plus sombres, le théâtre maintient le cap : raconter et entendre.
 
Du 5 au 21 mai 2017

 
 
Karuppu, théâtre dansé

C'est sous la forme d'un théâtre dansé que nous faisons et défaisons les liens qui unissent Purusha (l'homme) et Prakriti (la femme), convoquant les mythiques et envoûtantes figures d'Iphigénie, d'Ophélie, de Clytemnestre, de Médée... et de Kali.

 
Du 26 mai au 4 juin 2017

À tout de suite !

 
 Infos pratiques
 LOCATION

Individuels
01 43 74 24 08
tous les jours de 11h à 18h

Collectivités
01 43 74 88 50
mardi à vendredi de 11h à 18h

En ligne
sur le site de
Théâtre Online
et de la
Fnac

Représentations
le vendredi à 20h
le samedi à 17h
le dimanche à 15h

Prix des places
18 € (individuels)
13 € (collectivités, chômeurs)
10 € (étudiants, scolaires)
Tarif Intégrale Indianostrum 13 € par spectacle

Durée des spectacles
Kunti Karna 1h20
Terre de cendres 3h avec entracte
Karuppu 1h30

Théâtre du Soleil - Cartoucherie 75012 Paris.
M° Château de Vincennes puis bus 112 ou navette "Cartoucherie". Comme toujours le théâtre ouvrira ses portes une heure avant le début des représentations, vous pourrez vous restaurer sur place.

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April 15, 2017 11:41 AM
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Nu comme Jésus, rencontre avec Erri De Luca

Nu comme Jésus, rencontre avec Erri De Luca | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Par Robert Maggiori  dans Libération


Le frère jumeau est mort enfant, il y a cinquante ans : «Il était gaucher, moi non. En mémoire de lui, j’ai voulu apprendre à me servir aussi de ma main gauche. Sur mon cahier, j’écris une page avec la mienne et une autre avec la sienne. A table, je change les couverts de place. Ainsi nos mains restent jumelles.» Presque chaque page est illuminée de réminiscences dont on devine qu’elles sont celles, privées, de l’écrivain. Elles arrêtent la lecture, comme le souffle coupé ou l’émotion arrêtent l’action et la pensée. Pierres précieuses serties dans le récit, elles ne troublent en rien le déroulement de l’histoire. La Nature exposée est une histoire en effet, entendue de voix amies un soir d’été, dans une ferme de montagne, en Italie du Nord. Une histoire, avec sa trame, ses péripéties, sa fin inattendue, et ses personnages qui n’ont pas de nom : le curé, la femme, le forgeron, le rabbin, les pêcheurs, l’ouvrier algérien, le boulanger… 

Erri De Luca ne déjeune pas. Inutile de réserver une table. Il est en pull gris. Son visage est émacié, ses mains noueuses, son regard d’une infinie douceur. A 66 ans, il a le physique sec et musclé de l’alpiniste. Il parle bien le français - «après mes années militantes à Lotta Continua , je suis allé travailler chez Fiat, puis j’ai cassé des dalles au marteau-piqueur, à Milan, et enfin j’ai émigré en France, où j’ai été maçon» - mais se réjouit de pouvoir s’exprimer en italien, sa «seconde langue», après le napolitain. Il ne souhaite pas revenir sur l’affaire qui récemment a focalisé l’attention sur lui. On l’a accusé, participant au mouvement No TAV contre la ligne à grande vitesse Lyon-Turin, d’incitation à la violence. «J’ai été acquitté, il n’y a pas même eu appel. C’est fini. J’avais besoin que tout cela soit derrière moi, pour revenir à l’écriture.» Retour en force : la Nature exposée est un «récit théologique» d’une grande beauté, irradié par une sorte de pietas et de tendresse envers les petites gens, les ouvriers, les artisans, les artistes, les réfugiés, la nature, l’art, les livres…

La «nature» désigne, en napolitain, le sexe. C’est un sexe qu’il s’agit de dévoiler. Le sexe du Christ. Sur une croix de marbre, un jeune artiste du début du XXe siècle a représenté le Fils nu - car c’est nu que l’on était crucifié - mais les autorités ecclésiastiques n’ont pas osé l’exposer ainsi sur l’autel, et ont fait appel à un anonyme pour confectionner un pagne, avec une pierre différente. Avec le temps, l’Eglise s’est ravisée. La croix est «une œuvre digne des maîtres de la Renaissance». Il faut la restaurer, retirer le pagne, exposer la nudité originelle.

Parois et fossiles
Le narrateur habite un petit village au pied de la montagne, près de la frontière. C’est un homme rude, solitaire, qui passe son temps à escalader les parois, à chercher des minéraux, des fossiles, des pierres «qui ont la forme de lettres de l’alphabet». Il ressemble beaucoup à Erri De Luca. «L’importance des mains, dit celui-ci, je l’ai apprise. Enfant, elles ne me servaient qu’à jouer. Quand j’écrivais mes premières histoires, j’étais un peu fâché avec mes mains. Il me semblait qu’elles n’arrivaient pas à aller au rythme de la pensée, qu’elles la retardaient. Les métiers manuels que j’ai exercés leur ont fait gagner le respect, car elles m’ont permis tout simplement de manger à ma faim. Alors l’écriture a aussi changé, j’ai commencé à écrire des choses qui allaient au temps de la main. Donc la main n’a pas été seulement comme un terminal qui devait écrire, mais un directeur d’orchestre, le directeur de l’allure et du tempo de la phrase que j’étais en train d’écrire. C’est la tête qui s’est adaptée et mise en syntonie avec la démarche de la main. Pour moi les phrases durent ce que dure le souffle, le temps qu’il faut pour les dire, le temps que le point arrive. La main remplit ce service de ponctuation. En tant qu’alpiniste, je puis ajouter que, quand on grimpe une paroi, on ne la voit pas, on est à quelques centimètres, et plus la paroi est à pic, moins on voit comment poursuivre. Ce sont alors les mains, les pointes des doigts qui explorent le mètre d’après, et, selon l’appui qu’elles trouvent, organisent tout le corps pour l’exploiter. Les mains sont l’avant-garde de cette locomotion, comme du "mouvement" de la phrase, l’avant-garde du corps, son maître d’équipage.»

Le narrateur n’est pas seulement chercheur de pierreries avec lesquelles il fabrique des bibelots, il est aussi restaurateur de statues, il «répare des nez, des doigts, les parties les plus fragiles». Depuis quelque temps, des «étrangers désorientés» arrivent au village. Ils veulent rejoindre leurs rêves, qu’ils croient au-delà de la frontière. Lui connaît bien la montagne, comme la connaît l’écrivain. «J’avais 30 ans, quand j’ai commencé à aller en montagne. De là, je vois comment est fait le monde, et saisis le juste rapport entre ma taille et cette planète. En ville, je suis la majorité. Perdu dans un milieu hostile qui se fiche éperdument de ma présence, j’ai le sentiment d’être un intrus, qui doit se comporter de la manière la plus délicate possible, passer inobservé, faire le moins de bruit possible. La montagne est une voie de communication, pas une barrière, ni une muraille. Ceux qui mettent des frontières sur les montagnes ne les connaissent pas, ils dessinent des lignes de démarcation en ignorant la géographie ou sans savoir la lire. La montagne est le plus dense et le plus incontrôlable système de communication. On passe partout… On s’imagine qu’il y a des fils barbelés en montagne qui auraient cette fonction de barrière, mais ce n’est pas comme ça, heureusement… Nous sommes notre histoire, une histoire qui a franchi les montagnes, qui a toujours franchi les montagnes, de manière autorisée ou non autorisée.»

Dans le roman, le protagoniste, avec ses amis, le forgeron et le boulanger, le fait de façon illégale. Contre rémunération, il guide les réfugiés dans l’entrelacs de chemins pierreux. Parfois il y a une avalanche ou un éboulement. Dans certaines parties raides, il faut s’attacher avec une corde autour de la taille. Et les douaniers peuvent faire feu. Mais en général les migrants sont conduits à bon port. A ce moment-là, l’argent qu’il a reçu d’eux, il le leur rend. Puis arrive l’imprévu. Un des voyageurs, qui a été aidé jadis à franchir la frontière, publie un livre, où il décrit les traversées clandestines et révèle l’histoire généreuse de l’argent restitué par l’un des passeurs. Une équipe de télévision vient dans le village… L’aubergiste se réjouit : ça va favoriser le tourisme. Le boulanger et le forgeron sont furieux d’une telle publicité, et accusent le narrateur d’avoir cassé le métier. Désormais, les migrants qui continueront à affluer, qui cherchent du travail ou fuient les guerres devront trouver d’autres voies de passage, errer, subir les violences de la xénophobie, la haine de l’étranger.

Flux migratoires


«Certes, cette aversion existe, dit De Luca, mais je ne crois pas qu’elle soit majoritaire. Il est clair que certains veulent spéculer sur ces sentiments de haine. Nous, notre tâche, c’est de ne pas les "bonifier", mais au contraire de les rendre honteux, de faire que celui qui les éprouve ait honte de les manifester. Je crois qu’au rez-de-chaussée de la société se réalisent constamment la rencontre et l’intégration. Les flux migratoires, si on ne les accueille pas, ne vont pas refluer, stagner, et dépérir dans une forêt ! Ils bougent, se déplacent, vont là où ils peuvent être absorbés, et si ça ne marche pas, ils attendent que s’ouvrent des possibilités d’accueil, car ils sont informés, connaissent ceux qui ont été intégrés. J’entends les fanfares et les discours qui le nient : mais ce sont des discours de propagande, tout à fait inefficaces quant à la régulation des flux migratoires. Ça fait vingt ans qu’il y a le problème en Italie, exactement depuis le 28 mars 1997, quand le navire militaire italien Sibilla, pour faire respecter le blocus naval, a coulé le "tacot" albanais Kater I Rades dans le canal d’Otrante, en noyant plus de cent personnes. Depuis, on tente de toutes les façons possibles, folles, inconsidérées, de réagir devant l’afflux des migrants et des réfugiés, mais aucun gouvernement, de droite ou de gauche, n’est arrivé à quoi que ce soit. Parce qu’on ne peut pas y arriver. Le flux migratoire advient, et c’est tout. Bien sûr, contemporains de ces événements, nous sommes blessés d’assister au plus long naufrage de l’histoire de l’humanité, de voir le pire transport maritime de tous les temps continuer, au bénéfice des trafiquants. Il y a peu, on a ramené dans le port de Trapani 540 personnes pêchées dans l’eau ! Tel est notre ordre du jour, mais qu’on puisse faire obstacle et arrêter ça de manière "allergique" est impossible.»


Accusé d’avoir ruiné un commerce rentable - sauf pour lui - le narrateur quitte le village, sans se faire voir, et migre vers la côte. Les galets lui sont moins familiers que les pierres. Il marche pieds nus au bord de l’eau, discute avec les pêcheurs, de bistrot en auberge il rencontre des marins russes, des ouvriers algériens d’une carrière de marbre, et une femme. Il visite les églises, frappe aux portes des sacristies. La chance l’attend derrière l’une d’elles. Un curé originaire d’Amérique latine lui parle de la statue de marbre, du crucifix grandeur nature. Ils sympathisent, se revoient, le curé l’interroge, consulte l’évêque, et, finalement, lui confie la restauration. Le voilà donc chargé de décoller l’«affreux tissu» de pierre qui, bien ancré sur les hanches du crucifié, en cache la «nature». Ce sera plus qu’un travail : une quête «religieuse», d’identification et de compassion, de crainte et de tremblement. Le soir même, dans la chambre d’un hôtel à quatre sous, il se regarde nu dans la glace, et voit que sa propre «nature» s’incurve «en suivant la tension des muscles ventraux». Il se fera circoncire, pour être «comme» l’homme en croix. A l’aide d’une racine de pin, il prépare un moulage en plâtre. Il se documente, lit des ouvrages d’art. Il retrouve dans un mensuel la photo de la statue originale, regarde à la loupe. Le sculpteur a vraiment voulu représenter les spasmes du condamné en train d’expirer, qui font gonfler les veines et affluer le sang vers le pubis. Il sursaute quand il constate que dans ce corps mourant se manifeste un début d’érection.

Il part pour Naples, afin de pouvoir dans les musées observer d’autres statues. La ville parthénopéenne devient un personnage du roman, sinon son secret ou son âme. D’Erri De Luca, elle n’est pas seulement la ville natale (comment pourrait-il, autrement, décrire ainsi le simple fait d’y traverser une rue, une chorégraphie où le mouvement fou des machines épouse le corps dansant du piéton ?), mais le chiffre de ce qu’il est, de la façon dont il parle, pense, bouge, ressent, agit, conçoit le sacré…

Sentiment du sacré


«Le nom grec de "neapolis", ville nouvelle, semble avoir été une prophétie. Naples est continuellement quelque chose de nouveau. Cela signifie que c’est une ville dans laquelle on ne peut pas retourner. Je ne peux pas y retourner, "j’y vais", reconnaissant mon origine sous les strates qui se sont superposées… Naples est d’abord ma langue mère. Quand je m’engueule moi-même, je le fais en napolitain. Si quelqu’un m’insulte en italien, je suis invulnérable : c’est comme s’il lançait une pierre contre mon ombre. Naples est une ville qui accorde une octave au-dessus le système nerveux de ses habitants. Le Napolitain est plus prompt à réagir à l’instant, parce qu’il a une tension automatique, qui n’a rien à voir avec le stress, et qui, étant génétique, ne le tracasse pas. Il est constamment tenu d’agir avec dextérité, pour s’en sortir, et d’inventer la fluidité, dans la cité d’Europe qui a la plus grande densité de population ! Quel que soit l’endroit où il se trouve, il sait toujours où est le Vésuve. C’est le cauchemar principal planté dans ses rêves et son orientation. Ça explique pourquoi Naples s’est doté d’un saint protecteur comme San Gennaro, spécialisé en éruptions. Ils le portaient en procession sur la façade lavique. On se demande quel diable de trouble du comportement peut avoir une population qui face à une éruption, au lieu de fuir du côté opposé, va à sa rencontre comme si elle avait un rendez-vous et se fait défendre par une statue en bois. Le sentiment du sacré qu’ont les Napolitains vient du sous-sol et non d’une révélation descendue des cieux : quelque chose de tellurique que traduit le sentiment d’infériorité vis-à-vis de la nature ou de la beauté. Parce que la beauté, ce n’est pas la vue panoramique sur le golfe, mais les forces catastrophiques qui ont poussé d’en dessous et l’ont formée. La beauté est une force de la nature qui dans son éruption bouleverse continuellement la superficie. On en profite, mais on la craint aussi, on ne la respecte pas, on l’insulte, on ne lui fait pas confiance…»

Le travail d’enlèvement du pagne est délicat, les coups de burin ne doivent rien ébrécher. Le descellement est bien réalisé mais ne laisse rien à la place du sexe. Le restaurateur doit en sculpter un autre et le coller. L’ouvrier algérien lui procure un petit bloc d’albâtre d’où sortira la nouvelle «nature», qu’il fait à ressemblance de la sienne, circoncise, tant est forte l’empathie pour le corps crucifié, pour la souffrance de tous les corps martyrisés.

Tradition hébraïque


«C’est quelque chose de physique, dit De Luca. Une compassion que le restaurateur éprouve vis-à-vis de ce corps, lorsqu’il s’en approche, le touche, et s’aperçoit qu’il a la chair de poule. Aucun Christ n’a jamais été sculpté avec la chair de poule, et même s’il l’a été, de loin tu ne le vois pas sur l’autel, il faut le toucher, et lui, en passant sa main, s’aperçoit de ce détail physique. De là la compassion. La compassion est une insurrection émotive, qui ne dépend pas de la requête de l’autre, c’est une chose immédiate, puissante, qui ne peut pas être gouvernée, qui a à voir avec l’identification (non celle du conditionnel, "ça pourrait être moi", mais du présent, "c’est moi !"), et qui déchaîne l’envie de s’approcher, d’être côte à côte, de toucher. Or le sacré, ce n’est pas cela. Le sacré, c’est tout ce pour quoi un homme est disposé à mourir. Le Christ est sacré, parce que, lors de son procès, il est prêt à mourir pour ne pas se rétracter. Durant le procès, il pouvait se dédire : vous ne m’avez pas compris, je retire tout… Or il meurt parce qu’il considère comme sacrées les paroles qu’il a prononcées, qu’il se sent loyal et fidèle à tout ce qu’il a fait jusque-là, et donc est disposé à mourir pour cela. C’est ça le sacré, être prêt à mourir, pour une infinité de motifs, pour sauver sa famille, pour la liberté, contre une tyrannie. Puis il y a le sacré "ajouté", ce qu’à partir des Ecritures les générations se sont transmis, et avec quoi elles ont pu atténuer leurs peines, leurs deuils, célébrer leurs fêtes.»

L’heure est venue de coller le sexe sur le corps du crucifié. Tout est prêt. Le restaurateur est fier de son œuvre. Mais que se passe-t-il ? Pourquoi ça ne… ? Ne le révélons pas. Ce que confie Erri De Luca avant de prendre congé aide à le deviner : «Je ne savais pas comment finir. Puis m’est venue à l’esprit cette histoire de la tradition hébraïque. Un roi demande à un tailleur de lui confectionner un habit. Le tailleur met tout son soin à choisir le tissu, le couper, le coudre. Le vêtement terminé, il le présente au roi, qui se montre très mécontent et menace de lui couper la tête s’il ne revient pas avec un plus bel ouvrage. Le tailleur est décontenancé, demande conseil autour de lui. Un inconnu lui dit : rentre chez toi, découds l’habit, toutes les coutures, point par point, puis remonte-le exactement à l’identique. Le tailleur n’est pas très convaincu, mais s’exécute. Il apporte l’habit au roi, qui est ravi. L’artisan est heureux, mais ne comprend pas. Il retrouve l’inconnu dans la rue. "Le roi a été satisfait, alors que je lui ai donné le même habit ! - Ce n’était pas le même habit. Le premier, tu l’as fait avec orgueil, et le second tu l’as fait en tremblant."»

Robert Maggiori Photo Olivier Roller. Divergence

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April 15, 2017 8:36 AM
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Artéphile, programme du Festival d’Avignon 2017, premières impressions

Artéphile, programme du Festival d’Avignon 2017, premières impressions | Revue de presse théâtre | Scoop.it

Le jeune lieu du off qu’est Artéphile, ouvert en 2015, s’est dès ses débuts signalé au public friand d’écritures contemporaines de qualité, avec notamment King du ring. Et la programmation présentée à l’occasion du Festival d’Avignon 2017 montre une prometteuse progression en termes de maturité et de densité.

Parmi les douze pièces (quatre autres sont destinées au jeune public) sélectionnées par Anne Cabarbaye-Mange et Alexandre Mange, on remarquera la belle présence d’une sensibilité féminine, avec six textes dont l’auteur ou le co-auteur est une femme, et pas moins de neuf pièces dont le metteur en scène est une femme.

Il pourrait être tentant de placer en tête d’affiche Fille du Paradis (18h10), passé en juillet 2015 par le GiraSole alors dirigé par Fida Mohissen. L’adaptation, par Ahmed Madani, de Putain (Editions du Seuil) de Nelly Arcan, est un percutant seul en scène (la critique).
Les habitués de La Manufacture auront sans doute remarqué Séisme (13h00), première création en France de la pièce de l’auteur anglais Duncan MacMillan : la compagnie du Théâtre du Prisme et le metteur en scène Arnaud Anckaert y ont donné Constellations en 2014 et Revolt. She said. Revolt again. en 2016. On retrouve d’ailleurs dans Séisme deux des acteurs de Revolt, Mounya Boudiaf et Maxime Guyon, que Arnaud Anckaert dirige ici dans « une petite forme sans artifice, où l’on pourra suivre à travers des mots simples une humanité et une relation forte. »


Autre pièce qui pourrait faire parler d’elle, L’hiver de la cigale (19h45) de Pietro Pizzuti (texte chez Lansman Éditeur), auteur multi-primé en Belgique. Le texte que met en scène Maria Cristina Mastrangeli « pose la question politique de la légitimité de la révolte armée contre un pouvoir malveillant, mais aussi celle intime de la mémoire des aïeuls. » À noter que Armand Gatti, résistant et figure du théâtre français disparu en avril, prête sa voix à un enregistrement laissé par le dictateur assassiné.


L’imaginaire singulier de Pauline Sales est à découvrir (20h05) dans Le Groenland (Editions Les Solitaires Intempestifs), seul en scène dirigé par Anna Delbos-Zamore, fugue d’une mère animée par le « désir de se retrouver soi jusqu’à envisager de lâcher la main de sa fille. »

Cette programmation, courageuse par la complexité et souvent la noirceur des thèmes abordés, n’est pas dénuée d’éclaircies, même avec de sombres arrière-plans. Elles devraient venir de Contagion (16h10) de François Bégaudeau (dont le film Entre les murs reçut la Palme d’or au Festival de Cannes en 2008) où un professeur d’Histoire, confronté à des soupçons de radicalisation visant des élèves, est « piégé par ce sujet toxique », rendant « son besoin de fuir […] vital », dans une mise en scène de Valérie Grail qui vise « sensibilité et humour » ; de Ce quelque chose qui est là (16h45), d’après le roman La nuit tombée d’Antoine Choplin (Editions La Fosse aux ours), mis en scène par Chantal Morel, « l’histoire d’une amitié qui tient chaud » dans la zone interdite autour de la centrale de Tchernobyl ; de Le violoncelle poilu (18h35) de Hervé Mestro, mis en scène par Pascal Antonini, seul en scène « inspiré de l’histoire vraie du violoncelliste Maurice Maréchal » où le personnage principal est son violoncelle, sur fond de guerre de 14 ; ou encore de Micro crédit (21h35), de Pauline Jambet et Maxime Le Gall et mis en scène par la co-autrice, qui propose « un retour aux sources anthropologiques, mythologiques et même magiques du système monétaire » avec la volonté d’éviter l’écueil de l’exposé rébarbatif, la voix de l’acteur étant mixée et samplée dans un duel avec un musicien.

—Walter Géhin, PLUSDEOFF

(illustration: Fille du Paradis, Madani Cie, crédit photo : François-Louis Athénas)

ARTÉPHILE (7, rue du Bourg Neuf), Festival d’Avignon 2017 (off) du 7 au 28 juillet 2017, relâche les 12, 19 et 26.

 Et aussi… L’autre fille (Annie Ernaux, m.e.s Nadia Rémita) à 12h40 / Un jour ou l’autre (Linda McLean, m.e.s Blandine Pélissier) à 14h10 / Ici-bas (Bruno Lajara, m.e.s Céline Dely et Perrine Fovez) à 15h00 / Entre eux deux (Catherine Verlaguet, m.e.s Adeline Arias) à 21h45 // JEUNE PUBLIC Pas de loup (m.e.s Alban Coulaud) à 10h00, à partir de 18 mois / La femme moustique (Mélancolie Motte) à 10h00, à partir de 9 ans / Elikia (m.e.s Marie Levavasseur) à 11h10, à partir de 11 ans / Rise up (m.e.s Vincent Vernillat) à 11h30, à partir de 8 ans.

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