 Your new post is loading...
 Your new post is loading...
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
August 8, 2024 9:35 AM
|
Par Samuel Gleyze-Esteban dans L'Humanité - 6 août 2024 Spécialiste de l’œuvre de Copi, Thibaud Croisy signe la traduction, avec Laurey Braguier, et la postface de Lamento pour un ange, la première pièce de l’auteur et l’une des seules qu’il a écrites en espagnol, éclairant une figure aussi pudique qu’impertinente.
Dramaturge agitateur et prolixe, auteur de romans et de nouvelles, illustrateur provoc pour Libération, Charlie ou Gai Pied, acteur et danseur de tango à l’occasion, Copi, l’enfant de Buenos Aires exilé en France en 1963, a marqué le Paris artiste et gay de son époque. Pourtant, depuis sa mort des suites du sida en 1987, il a frôlé l’oubli : trop peu cité, souvent éludé du canon théâtral, même si ses pièces continuent à être montées régulièrement. Il faut des passionnés comme Thibaud Croisy, qui signait en 2022 une adaptation brillante de l’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer, pour faire vivre cette œuvre rebelle. Chez l’éditeur historique de Copi, le metteur en scène accompagne d’un appareil critique inspiré l’édition des pièces, dont la dernière livraison, un inédit des origines, est peut-être la plus mélancolique. Un certain mystère entoure la figure de Copi. Qui était-il ? Copi est né en 1939 dans une famille de l’élite portègne. Il a reçu une éducation pluridisciplinaire grâce à laquelle il a pu avoir mille vies : écrire du théâtre, des nouvelles, des romans, mais aussi dessiner, jouer, se mettre en scène… Tout ça en passant indistinctement de l’espagnol au français ou à l’italien, et en inventant surtout sa propre langue, qui ne ressemble à aucune autre. Contrairement aux idées reçues, Copi était quelqu’un de pudique, de réservé. Peut-être que le mystère est dû au fait qu’il s’est très peu livré à l’exercice de l’introspection – il n’a pas écrit d’autobiographie, par exemple. Mais, en fait, il a fait mieux : il a créé une autobiographie cryptée, déformée par l’imagination, et il l’a faite au théâtre, dans un genre qui évacue toute parole surplombante, toute vérité définitive. À l’époque, il était assez courant d’écrire des pièces mémorielles pour tenter de sauver quelque chose de sa vie : c’est ce qu’a fait, par exemple, l’un de ses écrivains préférés, Eugene O’Neill, dans Long Voyage du jour à la nuit, et cette poétique nous invite à chercher Copi dans son œuvre, comme si sa vérité se trouvait dans les énigmes de ses fictions. On est loin de cette littérature de témoignage très en vogue aujourd’hui, qui consiste à raconter sa vie par le menu, aussi anecdotique soit-elle. Qu’est-ce qui vous a amené à lui ? J’ai découvert Copi en le lisant, puis en le mettant en scène. J’ai tout de suite été séduit par ses personnages d’homosexuels monstrueux, « pervers », barbares, qui dynamitent le vernis des conventions sociales et libèrent la part maudite que nous portons en nous. J’ai commencé à prendre conscience du caractère vraiment subversif de ce théâtre lorsque j’ai vu émerger des représentations beaucoup plus consensuelles des minorités sexuelles, qui étaient systématiquement associées à des figures positives, bienveillantes, « réparatrices », et dont la seule fonction était de plaire au plus grand nombre pour que chacun se sente « bien représenté ». Soudain, tout ce qui se trouvait à la marge était ramené au centre, purgé de toute négativité. Les créatures sauvages de Copi, en rupture totale avec la société, me sont apparues comme d’excellents antidotes aux bulldozers de la démagogie. Comment cet inédit se situe-t-il dans l’œuvre de l’auteur, et que vient-il éclairer ? Lamento pour un ange est la première pièce que Copi a fait lire en public à Buenos Aires, en 1961, juste avant de partir pour Paris. Elle met en scène son double, Alfredo, un garçon qui ne peut pas, ou ne veut pas, dire son homosexualité. Copi imagine un personnage en retrait, absent, qui préfère ne pas parler de lui parce qu’il pense qu’on ne pourra jamais le comprendre. D’un côté, l’homosexualité est un stigmate très concret, mais, de l’autre, elle est aussi une métaphore de notre étrangeté fondamentale et de la part intraduisible de l’être. Revenir à ce Lamento permet de « remarginaliser » l’homosexualité, de lui redonner une épaisseur historique, une dimension existentielle, et de comprendre paradoxalement ce qu’elle a d’universel, puisque Copi en fait aussi un sentiment, un rapport au monde. C’est très salvateur aujourd’hui, alors que l’on pourrait croire que l’histoire de l’homosexualité est terminée. Justement, l’œuvre de Copi entre en friction avec les réflexions contemporaines sur les identités queer… Elle crée incontestablement un écart. Dans le Lamento, l’homosexualité est invisible. Soixante ans plus tard, c’est l’inverse. Mais la visibilité n’est pas sans conséquences : en quelques décennies, la marginalité sexuelle a été neutralisée et vidée de sa substance, réduite à de l’imagerie et du discours. Comme si être homosexuel consistait à lever le poing et à se contenter d’être fier de sa sexualité, de son corps et d’une identité qui ressemble de plus en plus à un produit. Copi montre dans sa pièce qu’il n’y a pas à être fier ou à avoir honte, mais plutôt à essayer d’être un tant soit peu — ou bien à douter de sa propre existence et à tenter de l’exprimer. Cette grande aventure de la quête de soi est menée par des personnages à la dérive, qui ont « perdu un peu de dignité », comme ils le disent eux-mêmes. Ce sont des êtres pantelants et désarmés, oscillant entre des grandes déclarations qui sont parfois très vides et des silences qui sont souvent très pleins. C’est ça, l’identité, justement : une alternance de langages qui nous dépassent et dont nous sommes les fruits. « De manière ironique, le fantôme du dictateur le poursuivra à Paris, puisque des militants péronistes viendront commettre un attentat dans le théâtre où Copi fera jouer Eva Perón, son premier succès. » Copi est né en Argentine, mais il y a finalement peu vécu. Quel rapport entretenait-il avec son pays d’origine ? Copi a fui Buenos Aires avec ses parents à l’âge de 6 ans, quand Perón est arrivé au pouvoir. La persécution de sa famille et l’exil précipité ont inscrit en lui une peur indélébile à laquelle l’Argentine est longtemps restée associée. De manière ironique, le fantôme du dictateur le poursuivra à Paris, puisque des militants péronistes viendront commettre un attentat dans le théâtre où Copi fera jouer Eva Perón, son premier succès. On pense parfois que Copi s’est européanisé au fil du temps et qu’il a fait le deuil de son pays natal, mais, en fait, il ne cesse d’y revenir dans ses pièces peuplées de généraux, de jésuites, d’Indiens, de gauchos (les gardiens de troupeaux de la campagne argentine – NDLR)… L’Argentine existe surtout dans ses souvenirs et son imagination, comme une matrice d’où il tire des mythes qu’il incorpore à la culture française. Il y revient par l’écriture, en ressuscitant la langue de son enfance, et il disait d’ailleurs lui-même qu’il était un peu comme un caméléon, et qu’il changeait de nationalité en fonction de la langue dans laquelle il s’exprimait. Quand vous avez monté l’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer, quels enjeux de mise en scène ont fait naître l’écriture de Copi ? Précisément, j’ai voulu représenter cette recherche du langage, qui est aussi une recherche du corps. Pour les acteurs, cela supposait de révéler le caractère tranchant des répliques, tout en donnant à sentir les gouffres dissimulés sous les silences. Dans sa dramaturgie, Copi reprend souvent la mécanique du vaudeville, mais il la dérègle, il la casse, ce qui introduit une bizarrerie dans chaque situation. Quand elle est réussie, cette étrangeté permet de sentir ce qui est au-delà des mots et les conséquences de la difficulté de s’exprimer, avec tout ce que cela comporte de comique et d’effroyable. Comment ce travail éditorial mené autour de Copi chez Christian Bourgois est-il voué à se poursuivre ? J’écris une biographie de Copi qui paraîtra chez cet éditeur. Je remonte l’histoire, j’explore les rives du Río de la Plata… À l’heure où les nationalismes reviennent en force sur à peu près tous les continents, je trouve assez stimulant de s’intéresser à cette région du monde qui a absorbé des vagues d’immigrations successives et donné lieu à des bouillons de culture foisonnants. En ce moment, j’écris sur Montevideo, sur un quartier où Copi a passé son enfance et sans doute l’un des plus beaux moments de sa vie. Il y a un hôtel Casino de la Belle Époque, dessiné par des architectes franco-suisses. Des jardins. La mer. J’ai l’impression d’être dans une version uruguayenne de la Normandie de Marguerite Duras. Lamento pour un ange, de Copi, traduit de l’espagnol (Argentine) par Laurey Braguier et Thibaud Croisy, Christian Bourgois Éditeur, 192 pages, 17 euros Légende photo : Raúl Damonte Botana, dit Copi (1939-1987) chez lui à Paris. © Ulf Andersen / Aurimages
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
November 20, 2019 7:24 PM
|
Par Stéphane Capron dans Sceneweb - Publié le 7 mars 2019 Le Munstrum Théâtre de Louis Arene et Lionel Lingelser revisite Copi et son théâtre subversif en collant deux pièces: Les quatre jumelles et L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer. Cette jeune compagnie qui s’est fait remarquée avec Le Chien, la Nuit et le Couteau de Marius Von Mayenburg récidive avec ce spectacle futuriste qui met le chaos sur scène. Il a été créé à la Filature de Mulhouse.
Une dragqueen emmitouflée dans une couverture en patchwork chante au ralenti le Girls just want to have fun de Cyndi Lauper, elle est transie par le froid. 40° sous zéro, le nom du spectacle porte bien son nom car les deux pièces de Copi se déroulent dans des contrées glaciales; la Sibérie pour L’homosexuel et l’Alaska pour Les quatre jumelles. Mais le plateau ne tarde pas à se réchauffer, tant la mise en scène de Louis Arene déborde d’énergie et de trouvailles facétieuses.
Dans L’homosexuel qui ouvre le spectacle, un chien traverse le plateau, on devrait dire plutôt une boule de poils énorme. L’ancien pensionnaire de la Comédie-Française a récolté tout ce qu’il pouvait trouver comme perruques (y compris place Colette) pour fabriquer ce personnage muet. Dans cette pièce une jeune fille qui a changé de sexe, subit l’oppression et les viols des adultes qui l’entourent. Dans Les quatre jumelles, deux couples de jumelles junkie s’écharpent et s’entretuent, avant de ressusciter plusieurs fois grâce aux injections miraculeuses d’héroïne qui se déverse par paquets sur le plateau qui finit maculé d’une fine pellicule de poudre blanche.
Louis Arene et Lionel Lingelser ont placé leur spectacle dans un ailleurs, une planète futuriste totalement déconnectée du 21e siècle. Il faut bien cela aujourd’hui pour digérer le théâtre de Copi totalement subversif. Si sa langue fait désormais partie des classiques du 20e siècle, elle reste pour toujours crue et déconnectée de toute forme dramatique conformiste. Elle colle parfaitement à l’univers du Munstrum Théâtre qui utilise le théâtre masqué et imagine des univers puissants et des créatures étranges. Pour cette production, les deux jeunes directeurs de la compagnie ont eu la chance de travailler avec Christian Lacroix qui a mis son imagination débordante au service de ce spectacle en créant des costumes délirants. La musique apocalyptique de Jean Thévenin (alias Jaune) traduit admirablement bien le côté lunaire de l’écriture de Copi.
L’ensemble forme un spectacle déjanté, hors du temps, épuisant à jouer pour les comédiens (Louis Arene, Sophie Botte, Delphine Cottu, Alexandre Éthève, Lionel Lingelser, François Praud et Olivia Dalric), tous remarquables et méconnaissables sous leur deuxième peau. Ils campent à merveille ces personnages déboussolés par la cruauté du monde.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Les quatre jumelles et L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer de Copi mise en scène de Louis Arene
avec Louis Arene, Sophie Botte, Delphine Cottu, Alexandre Éthève, Lionel Lingelser, François Praud, Olivia Dalric
dramaturgie Kevin Keiss
costumes Christian Lacroix, assisté de Karelle Durand
musique Jean Thévenin
lumières François Menou
scénographie et masques Louis Arene
coiffes et maquillages Véronique Soulier Nguyen
régie lumière Julien Cocquet
régie plateau Valentin Paul
régie son Ludo Enderlen
PruductionMunstrum Théâtre – coproduction –La Filature, Scène Nationale de Mulhouse Espace 110, Illzach
– soutiens – la ville de Mulhouse, la DRAC Alsace, la Région Alsace, le Département du Haut-Rhin, le Centquatre, La Comédie-Française. Durée: 1h55
5 au 26 juillet – 21h10 – Avignon Off La Manufacture (Patinoire) 2h15 (trajet navette inclus) à 21h35 du 5 au 25 juillet, relâche les 11 et 18 juillet
Du 20 au 30 novembre – Le Monfort (Paris)
2020 30 – 31 jan et 1er fév : Châteauvallon- Scène nationale
photo Dazek Szuster
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
March 23, 2019 9:33 AM
|
Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog Balagan 22 mars 2019 Le théâtre Munstrum emmené par Louis Arène mixe « L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer » avec ce bijou qu’est « Les quatre jumelles », Florian Pautasso et son actrice Stéphanie Aflalo inventent une sidérante version de « Loretta Song ». Loin des approches homos et/ou argentines habituelles, deux jeunes compagnies s’emparent du théâtre de Copi pour le lire tout autrement.
«Copi, sans reprendre souffle, mettait dans le mille : immigrés, éclos, homos, zizi, herbe, exil, taule, travelos, mouise, chiens, douleur dite morale à se foutre une balle dans le crâne. Savoir-vivre, humeur claire. Les rires qui font respirer. Vraiment personne comme Copi n’a récuré jusqu’aux coudes, page par page, dessin par dessin, la merde des jours, personne n’est resté plus intact. ». Comment mieux dire ? Ces lignes, magnifiques et lucides, de Michel Cournot, écrites au lendemain de la mort de Copi (sida) en décembre 1987, montrent combien, bien que mort, Copi reste increvable, reste « d’actualité » comme on le dit des « classiques » revisités. Son écriture ne mourra jamais puisqu’elle ressuscite à l’envie comme les quatre jumelles de sa pièce.
Copi en Alaska
De son vivant, ce sont essentiellement ses compatriotes argentins exilés comme Alfredo Arias qui ont porté à la scène ses pièces extravagantes. La création par Jorge Lavelli de sa pièce Les quatre jumelles en octobre 1973 sur les marches conduisant au sous-sol du Palace fut l’un des marqueurs d’une époque. Il n’en reste que quelques photos où l’on voit les quatre actrices le visage grimé de blanc. Mais il nous reste le texte, quel texte ! Depuis la mort de Copi, avec un bonheur constant et jamais rassasié, Marcial Di Fonzo Bo et ses amis ont maintenu le feu et la folie Copi. Marcial n’en finira jamais avec cet « Argentin de Paris » qui n’avait aucune nostalgie de son pays.
La publication récente (mai 2018) de son théâtre complet chez Christian Bourgois est comme un signe (c’est de cette publication que sont extraites les lignes republiées de Cournot). Non celui d’un renouveau car l’écriture si dégraissée de Copi, semble toujours écrite à l’instant, dans une sorte urgence frénétique- mais celui d’un temps où d’autres approches nouent d’autres fils que ceux de la filière argentine et de la filière homo.
Sous le titre 40° sous zéro, le Munstrum théâtre signe un spectacle qui se shoote à deux pièces de Copi L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer et Les quatre jumelles. Un spectacle conçu par Louis Arène et Lionel Lingelser qui se sont connus au Conservatoire de Paris et ont fondé cette compagnie installée en Alsace (dont Lionel Lingelser est originaire). Tous deux sont artistes associés à la Filature de Mulhouse où le spectacle vient d’être créé avec la complicité de Kevin Keiss (dramaturgie) et celle du couturier Christian Lacroix (costumes, assisté de Jean-Philippe Pons et Karelle Durand). La scénographie, les masques et la mise en scène étant signés par le seul Louis Arène.
Le titre du spectacle provient d’une des premières réplique de L’homosexuel ou la difficulté de s'exprimer où Irina se promène « seule dans la steppe par quarante degrés sous zéro » ce qui ne surprend pas trop sa mère Madre. Tous se passe en Sibérie, terre d’exil, et Irina préfère sécher les cours de piano de Mme Garbo pour aller baiser dans les chiottes de « la taverne Lénine » avec Garbenko, le mari de la prof de piano, un officier muté en Sibérie, mais elle baise aussi avec un coiffeur et ainsi de suite. Irina est enceinte, elle ne sait pas trop de qui, peut être de sa mère, ce que récuse cette dernière : « on n’a pas baisé ensemble depuis des années ».
La machine adéquate
Sur ce débarque Mme Garbo qui dit à madame Simpson (Madre) aimer sa fille, vouloir l’emmener en Chine et précise avoir « un sexe d’homme », suite à une opération effectuée à Casablanca lorsqu’elle avait dix sept ans, une opération faite contre son gré. Ce à quoi Madre, quelque peu outrée, répond : « Ma fille et moi avons changé de sexe par notre propre volonté ». Et nous n’en sommes qu’à la seconde scène de cette pièce foldingue qui en comprend quinze.
La pièce Les quatre jumelles met en présence, d’un côté Maria et Leïla qui sont venues acheter des chiens d’Alaska bien qu’elles les détestent, de l‘autre Fougère et Joséphine venues en Alaska chercher de l’or mais elles ont oublié d’emporter la « machine adéquate ». Elles sont ensemble dès le début et le resteront jusqu’à la fin (la pièce est une seule et longue scène), elles n’en finissent pas de se faire des piqûres d’héroïne, de se traiter de « salopes », de s’entretuer et de ressusciter. Exemple :
« Fougère. Assez, Joséphine, tu ne vas pas prendre toute l’héroïne de Madame !
Joséphine. Je n’en prends qu’un peu.
Fougère . Alors fais-moi une petite piqûre moi aussi. Aïe ! Tu es folle !
Joséphine. Excuse-moi !
Fougère. Excuse-moi mon cul ! Crétine ! Donne-moi ça ! Vous en voulez un peu, Madame ?
Maria. Non.
Fougère. Gna gna gna. Regarde-là comme elle joue les saintes-nitouches quand elle vient de tuer sa sœur ! C’est des vraies salopes, ces femmes ! ».
Du rire et de l’excès avant toute chose. Rien de tel pour conjurer « la merde des jours ».
Le Munstrum théâtre joue avec ces deux pièces qui nous arrivent par saillies dans une ambiance qui mêle faux seins, faux culs et oripeaux que l’on croirait sortis d’un tableau flamand, affublés des masques unifiant les sexes dans une intersexualité galopante des visages équipés de prothèses, de coiffes et de maquillages invraisemblables (Véronique Soulier-Nguyen). Ajoutez à cela des effets grands guignolesques de membres sanguinolents, de geysers de sang, de sols et corps enfarinées, le tout sur fond de tentures qui s’écroulent et de rideau rouge en déséquilibre. Beaucoup de matériaux de récup pour nourrir un grotesque débridé et fantasmagorique où le spectacle se perd parfois mais finit par retomber sur ses pieds occasionnellement chaussés de chaussures de ski. Les comédiens, outre le sus nommés -Sophie Botte, Delphine Cottu, Olivia Dalric, Alexandre Ethève et François Praud- finissent sur les rotules, gavés de théâtre. Comme nous.
Allô Linda?
Et nous sommes tout autant gavés et même comblés de théâtre au sortir du monologue téléphonique qu'est Loretta Song , mis en scène par Florian Pautasso et extraordinairement interprété par Stéphanie Aflalo. On est loin, très loin, de l’interprétation qu’en avait donné Copi lorsque la pièce a été créée en 1974 aux dires de ceux qui l'ont vue. Loretta Song est un monologue délirant dans sa logique : nous sommes quelque part dans l’espace, Loretta vit dans un vaisseau spatial qui file vers Bételgeuse où elle doit semer l’or emporté dans le vaisseau, c‘est là sa mission. Elle est tout le temps au téléphone, elle appelle un certain John Drake mais sa copine Linda qui est dans un autre vaisseau et avec laquelle elle ce cesse de jacasser lui dit qu’il est mort, tout comme Steve Morton dont Loretta semble s‘être débarrassée avant que la pièce ne commence, pas grave car les morts ont un corps astral qui leur survit. La folie de Copi a toujours un temps d'avance. Les deux femmes papotent d’un vaisseau à l’autre. « Allô Linda ? Ils veulent nous faire féconder par les rats ! ». E t nous n’en sommes qu’au bas de la première page, la pièce s’achève 23 pages plus loin (dans l’édition Bourgois).
Florian Pautasso et son interprète créent un climat, ordinaire au premier abord, pour ce discours constamment barré mais qui semble normal aux deux copines. Habillée d’un sage corsage blanc à manches courtes et d’une jupe droite, chaussée de souliers noirs à talons, les cheveux bien ordonnés et lissés autour d’un raie centrale, Loretta Song apparaît comme une secrétaire dans la version de Pautasso. Elle s’installe à son bureau, sort méthodiquement ses affaires, ouvre son ordinateur, tout cela en silence vite quelque peu angoissant. On la croirait sortie d’un film Hitchcock.
Équipée d’écouteurs et d’un micro comme une standardiste, elle commence à parler bas. La voix ira en s’amplifiant, comme le reste, par paliers. Tout va doucement se dérégler, en particulier à l’heure de la pause déjeuner. Les conversation avec Linda reprennent « Allô Linda ? Vous avez vu la dernière? La terre a explosé. » Le vaisseau est infesté de rats mais aussi de chauve-souris, bientôt les cannibales de Vénus sont aux trousses du vaisseau alliés aux hommes singe. Alors Loretta a cette réplique sublime : « Linda, écoutez moi, il faut qu’on s’organise »
Ainsi va la vie dans l’espace. Linda voudrait bien baiser avec Loretta mais d’un vaisseau à l’autre c’est compliqué. Loretta, pas très chaude, lui conseille la masturbation tandis qu’un rat s’introduit dans sa « vagine », ce qui ne l’émeut pas outre mesure sauf que le rat est long à jouir et qu’elle n’a pas que ça à faire. Quand Linda explose, Loretta communique avec des inconnus et même un perroquet, surgissent des rats en métal. , Loretta quitte son bureau, la folie gagne son corps qu'elle dénude à demi, elle en appelle à Linda ! Linda ! Linda ! Loretta disparaît pour réapparaitre au loin dans une combinaison blanche, de pseudo cosmonaute chantant un chant mélodieux, bientôt beuglant comme un sauvage. à la fois apeurée et extatique.
Tout cela se fait avec une belle maîtrise de la mise en scène , remarquable dans la progression du dérèglement, l’actrice, elle, invente d’incroyables mouvements à commencer par les gestes inouïs de ses doigts, de ses mains, de ses bras. L’ordinaire accouche de l’extraordinaire. Copi aurait été ravi.
40° sous zéro a été créé à la Filature de Mulhouse début mars, le spectacle sera les 5 et 6 avril au Festival Mythos à Rennes ; du 5 au 26 juillet à 21h10 à Avignon à La Manufacture (Patinoire) ; du 20 au 30 novembre à Paris au Monfort.
Loretta song, 19h30 ce soir à l’Étoile du Nord (Paris) dans le cadre de la manifestation Copiright ! qui se poursuit jusqu’au 30 mars avec d’autres spectacles, détails sur le site du théâtre Légende photo : Scène de "40° sous zéro" © Darek Zuster
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
March 2, 2019 8:28 AM
|
Propos recueillis par Agnès Santi - Publié le 24 février 2019 dans La Terrasse - N° 274 LA FILATURE / THÉÂTRE DE VANVES / TEXTE DE COPI / MISE EN SCÈNE LOUIS ARENE
C’est à partir des angoisses de notre époque que les co-fondateurs du Munstrum Théâtre Louis Arene et Lionel Lingelser, rejoints par l’auteur et dramaturge Kevin Keiss, questionnent et réinventent le théâtre de Copi.
Comment votre collaboration et vos affinités se sont-elles construites ?
Lionel Lingelser : Notre première collaboration s’est tenue lorsqu’Alexandre Ethève, l’un des acteurs de la compagnie, a souhaité créer un seul en scène à partir de la bande dessinée Joe l’aventure intérieure de Grant Morrison. Kevin a écrit pour lui Je vous jure que je peux le faire (éditions Actes Sud), une pièce où le jeune héros transforme le deuil de son père. Puis Kevin a découvert notre univers et notre travail spécifique relié au masque. Il nous a confortés dans notre démarche qui à travers la poésie et l’étrangeté des corps questionne et donne sens au masque contemporain. Son regard et ses mots éclairent cette étrangeté, encouragent notre quête théâtrale. Ce qui est intéressant, c’est que notre recherche transforme la primauté des mots, tend à ce que le corps devienne narratif au-delà du sens même des textes.
« Jouer avec Copi, c’est militer pour sa survie, par pur plaisir. » Lionel Lingelser
Kevin Keiss : Notre complicité s’est mise en place de manière naturelle, très simple. En tant qu’auteur, je suis très sensible à l’esthétique des plateaux, sans doute grâce à ma formation à l’Ecole du Théâtre National de Strasbourg dans la section mise en scène et dramaturgie. Nous créons un langage commun où se conjuguent enjeux stylistiques et esthétiques, où s’accordent la direction d’acteurs, le jeu et les réalisations des divers corps de métier, pour que tous les signes sur scène fassent sens et créent une cohérence. Pour chacune de ses mises en scène, le Munstrum théâtre met en place une réinvention de la manière dont on peut jouer masqué aujourd’hui. C’est très motivant. Dans ces deux pièces de Copi, les personnages et leurs corps se métamorphosent par le langage. Dire quelque chose, c’est le faire exister sur scène, dans une dimension performative.
« Les personnages et leurs corps se métamorphosent par le langage. » Kevin Keiss
Louis Arene : Pour les textes de Copi, nous construisons une dramaturgie fondée sur les corps, la sensualité, la picturalité, et comme toujours le plaisir du jeu. 40° sous zéro, dont la tonalité tranche avec l’atmosphère sombre et très épurée de la pièce Le Chien, la nuit et le couteau de Mayenburg, déploie une sorte de cabaret vertigineux, avec une physicalité spécifique. Je suis d’autant plus heureux de la présence de Kevin que pour cette pièce je suis metteur en scène et comédien. Nous utilisons à nouveau le masque, comme une seconde peau, un artifice extrême pour une extrême sincérité. Assisté de Karelle Durand, Christian Lacroix, que j’ai rencontré lorsque j’étais pensionnaire à la Comédie-Française, a conçu les costumes, créant des figures totémiques sublimes et monstrueuses.
Pourquoi avoir choisi de porter à la scène ces deux pièces de Copi ?
L. A. : Lorsque j’étais au Conservatoire, L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer me faisait mourir de rire ! Plus tard, avec Lionel, nous avons tous deux été comédiens dans la mise en scène de Philippe Calvario de la dernière pièce de Copi, Une Visite inopportune, écrite alors qu’il était en train de mourir du sida. C’est un texte magnifique où le rire dépasse la douleur. Ce que j’aime chez Copi, et qu’on retrouve dans les deux pièces que nous réunissons, c’est cette tension entre le kitsch et le sublime. Elles déploient des intrigues extravagantes, une folie démesurée, une férocité de feu et de glace ! Copi est un auteur cathartique, à l’écriture sensitive. Semblables à un tableau d’art abstrait, les pièces dépassent les enjeux du sens. Comme dans un champ de bataille né de la barbarie du monde, les pulsions de domination, possession ou cupidité s’exacerbent et se répètent. Nous fabriquons le moment théâtral comme une quête d’intensité, en utilisant des objets de récupération pour créer une sorte de projection poétique d’un monde d’après la catastrophe. Comme souvent, nous travaillons sur les tensions entre le comique et le tragique, l’ombre et la lumière, le sacré et le profane. Ces ambivalences font l’éloge du doute, peuvent mener à une sorte de transe libératrice.
« Copi est un auteur cathartique. » Louis Arene
L. I. : Si, trente ans après sa mort, Copi est assez peu mis en scène, c’est sans doute parce qu’il est de manière réductrice associé à l’imagerie queer, aux archétypes de « la folle ». Aujourd’hui, au-delà des revendications homosexuelles et des questions de genre, nous questionnons autrement ces personnages grotesques qui meurent, ressuscitent, interrogent la barbarie du monde dans une sorte de cérémonie sacrificielle, d’enquête irrésolue sans queue ni tête. Les acteurs disaient que jouer avec Copi, c’est militer pour sa survie, par pur plaisir, comme dans un jeu d’enfant. Copi affirmait à propos des personnages de L’Homosexuel que l’exubérance n’est pas l’ennemi de la pudeur et du mystère. C’est ce mystère que l’on veut aller chercher dans les personnages. Sophie Botte, Delphine Cottu, Olivia Dalric, Alexandre Éthève et François Praud nous accompagnent, dans une énergie et un souffle communs.
K. K. : Les deux pièces ont pour similitudes le huis clos, l’enfermement, l’éloignement – l’une en Sibérie, l’autre en Alaska -, l’obsession du départ. Et un froid extrême, ce qui oblige à une panoplie de combat ! Si elles s’insurgent contre la bourgeoisie et l’ordre établi, elles dynamitent aussi tous les codes et conventions du théâtre, et comme en écho à Victor Hugo dans la préface de Cromwell s’appuient sur le grotesque pour atteindre une forme de beauté. Elles vont jusqu’à faire émerger un univers post-dramatique où n’ont plus cours la narration, l’incarnation ou la psychologie, où sur des décombres le monde est à réinventer. Au-delà des mots et du sens, le théâtre s’affirme ici surtout par l’une de ses vertus les plus puissantes : le bonheur de jouer. Nous aimerions que les spectateurs aussi se connectent à ces sensations fortes, libératrices. Comme une fête de la vie.
Christian Lacroix Le costume comme rouage de la mise en scène « J’ai rencontré Louis Arene à la Comédie-Française et j’ai été très impressionné par son travail sur les masques de Lucrèce Borgia, pièce mise en scène par Denis Podalydès. J’ai été très heureux lorsqu’il m’a proposé de collaborer avec la compagnie sur des textes de Copi. Leur spectacle précédent, Le Chien, la Nuit et le Couteau, m’a emballé ! C’est un univers théâtral dont je me sens proche. Lorsque je suis costumier, je tiens à rester au service de l’univers du metteur en scène, à illustrer son imaginaire au plus près. Nous avons beaucoup échangé. Louis a une idée très précise des personnages et il faut ensuite confronter toutes nos envies aux possibilités de la scène. Cette mise en œuvre a été passionnante pour moi, et je l’ai découverte avec l’œil de Karelle Durand, sa costumière fidèle. Excès et sophistication Je suis assez âgé pour avoir vu Les quatre Jumelles à leur création au Palace par Jorge Lavelli, et j’ai aussi vu jouer Copi dans d’autres pièces. J’aime cette théâtralité entre excès et sophistication, ce raffinement exacerbé et cette grandiloquence jusqu’à l’absurde qui nous ravissaient dans les années 1970. Mais ce qui m’a convaincu dans l’approche de Louis Arene, c’est son œil d’aujourd’hui qui va au-delà de la manière « classique » dont on a abordé Copi. J’ai suivi jusqu’au bout les fantasmagories de Louis, jusqu’au moindre détail de couleurs ou de formes exacerbées. C’est un grand plaisir de pouvoir aller aussi loin. Dans un tel contexte, le costume de théâtre n’est pas seulement un vêtement, une parure, il devient un véritable rouage de la mise en scène, une part de la scénographie, en même temps qu’une sorte de pictogramme de chaque caractère ainsi sculpté dans l’espace. C’est plus qu’inspirant pour un costumier ! » Focus réalisé par Agnès Santi
A PROPOS DE L'ÉVÉNEMENT 40° sous zéro, de feu et de glace de Copi, rencontre avec Louis Arene, Lionel Lingelser et Kevin Keiss du Mardi 5 mars 2019 au Vendredi 8 mars 2019 La Filature à Mulhouse 20 Allée Nathan Katz, 68090 Mulhouse Du 5 au 8 mars 2019 à 20h sauf le 7 à 19h. Tél : 03 89 36 28 28. Théâtre de Vanves, 2 rue Sadi Carnot, 92170 Vanves. Le 23 mars à 20h. Festival Artdanthé. Tél : 01 41 33 93 70.
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
September 1, 2017 11:47 AM
|
Par Luc Chessel Envoyé spécial de Libération à Buenos Aires Copi : la folle en délire à Buenos Aires — 31 août 2017
Jamais une telle visibilité n’avait été donnée dans son pays au truculent dramaturge argentin exilé : deux de ses pièces mises en scène par Marcial Di Fonzo Bo sont enfin présentées au théâtre national. Avant une tournée en France cet automne. Celui qui part chercher Copi là où il est né - à Buenos Aires, en 1939 - risque fort de ne pas le trouver tout de suite. Plus généralement, celui qui cherche Copi partout où il est supposé être - au théâtre, au cabaret, à la pissotière, etc. - court le même risque. Copi n’est pas là, Copi est introuvable, mais qui est Copi ? L’écrivain, l’Argentin tôt exilé à Paris, le romancier, le dramaturge, le comédien, l’homme de théâtre, le dessinateur, le provocateur, le pédé, tout cela ensemble ? L’année des 30 ans de sa mort (décembre 1987) ne sera sans doute pas celle de la célébration d’un mythe - pas de «grand artiste» qui tienne ici - ni d’un folklore - les années 70 versant gay, tout le décorum qu’il subvertissait déjà au moment même où il l’influençait -, mais sera peut-être le début de son retour, de sa redécouverte. Copi est aujourd’hui introuvable, en français en tout cas, mais on le rééditera si les éditions Christian Bourgois, sa maison principale qui lui a survécu, s’y décident. En 2017, un monde soudain sans Jeanne Moreau, George A. Romero ni Jerry Lewis se place ainsi sous le signe des femmes fatales, des morts-vivants et des êtres humains - toutes figures éminemment «copiesques» qui peuplent les scènes de son théâtre et qui ont pour point commun de n’être jamais là où on les cherche : insaisissables, séduisantes et inquiétantes. Panthéon littéraire En juillet, à Buenos Aires, ces figures hantaient les couloirs du Teatro Cervantes, le seul théâtre national d’Argentine qui, son grand âge soutenu par des échafaudages, fait le coin de la grande avenue Córdoba et de la rue Libertad dans un quartier des plus centraux. Marcial Di Fonzo Bo, metteur en scène transatlantique, né ici mais vivant et travaillant en France, est venu y présenter deux pièces de Copi, traduites en espagnol puisqu’il écrivait en français à très peu d’exceptions près : l’Homosexuel ou la Difficulté de s’exprimer et Eva Peron, réunies sur la scène d’une même soirée. Faire entrer Copi au Cervantes pour la première fois est un défi autant qu’un piège : il provoque encore (il y aura quelques réactions, pour le principe) et étonne ceux qui ne le connaissent pas, en même temps qu’il est en voie de devenir canonique, au moins à la mode sinon déjà accueilli, sur le tard, au panthéon littéraire argentin. Eva Peron (titre imprimé par l’auteur sans l’accent au patronyme), sa pièce la plus célèbre, cristallise évidemment l’attention, notamment celle de la presse nationale. Elle décrit les derniers jours d’Eva Perón, se mourant d’un cancer en 1952, recluse dans le palais présidentiel d’où son mari, le général Juan Domingo Perón, gouverne en étroite relation avec elle un pays sur lequel leurs deux figures, et la politique sociale qu’il mirent en œuvre contre la mainmise de «l’oligarchie», devaient laisser une marque indélébile, toujours vivace dans l’imaginaire collectif autant que dans la politique contemporaine, provoquant adhésion ou rejet. La cruelle version de Copi, où le rôle-titre est traditionnellement joué par un homme, reste une vision pour le moins radicale de l’agonie d’Eva, épisode tragique et intensément fantasmatique de l’histoire nationale. Mais Marcial Di Fonzo Bo cherche autre chose que la vague réactivation d’un scandale. Il connaît bien la pièce pour l’avoir montée plusieurs fois, jusqu’à jouer parfois lui-même le personnage initialement interprété en travesti par son oncle, Facundo Bo, à Paris, lors de sa création en 1970 - une représentation fut d’ailleurs violemment chahutée par un groupuscule d’extrême droite argentin qui dévasta la salle et passa à tabac une partie de la troupe. En 2017, c’est le secrétaire national de la CGT locale, Pablo Moyano, qui se contente de «désavouer» la pièce, comme une insulte à la mémoire d’Evita, dans un communiqué émis le lendemain de la première. Copi excite à gauche comme à droite, et Copi s’en fout : il revendique lui-même n’avoir pas écrit une pièce politique, «pour ou contre le péronisme», mais une pièce sur une femme qui meurt d’un cancer. Di Fonzo Bo le rappelle avec insistance à son public en faisant entendre les mots de l’auteur dans l’intermède qu’il insère entre les deux pièces. La politique de Copi est sans doute plus complexe que cette simple dénégation. Si, pour le dramaturge élevé dans une famille d’éminents opposants à Perón (cause initiale de leur exil), «Eva est un mélange de Marilyn et de Staline» - formule qui fera au choix rire ou gémir le Teatro Cervantes bondé -, son texte déploie de fait la figure en quelques dimensions de plus, du point de vue dramatique aussi bien qu’historique. La sociologue Marina Farinetti, professeure en sciences politiques à l’université de San Martín, nous dit quelques mots sur ce point à la sortie : «Malgré la folie et l’hystérie qui s’y ex priment, malgré la fiction radicale par laquelle Copi détourne le mythe, c’est une pièce réaliste ! Les "deux visages d’Evita", la bonté et la rage, la Sainte et la Maléfique, qui constituent la figure traditionnelle péroniste du personnage, y sont synthétisées. L’Eva réelle était aussi subversive et violente que celle-ci.»
D’un néant à l’autre Benjamin Vicuña, l’acteur chilien qui l’interprète, célèbre dans cette partie du monde pour ses rôles dans les telenovelas et films populaires, apporte au rôle une part de profondeur psychologique à première vue extérieure à l’univers de Copi, lequel tend fortement vers l’abstraction, vers un espace théâtral pur où semblent agir des forces impersonnelles. Un théâtre de boulevard, certes, mais un boulevard désert qui va d’un néant à l’autre. Vicuña conjure la marionnette et le cadavre, il épaissit le trait, cherche le mélodrame. On a comparé Copi à Tchekhov autant qu’à Feydeau. Le premier pour le sous-texte, qui sature le dialogue d’intentions illisibles, de tout un vécu inexprimé par les personnages. Le second pour le sur-texte, où le comique de situation vient comme remplir le mécanisme parfait d’une solide structure dramatique invisible à ceux qui s’y ébattent : d’un côté comme de l’autre, toute une dimension de complot. L’Eva Peron de Marcial Di Fonzo Bo et Benjamin Vicuña cherche plutôt la transparence, une efficacité grand-guignolesque dans la reprise des symboles (perruques et vestiaire si reconnaissables d’Eva P, stylisés par l’artiste Renata Schussheim) teintée d’une vérité et d’une souffrance vraies et communicables. Un théâtre de l’existence plutôt que cet inquiétant «théâtre du monde» en miniature que l’écrivain argentin César Aira voit à l’œuvre chez celui qu’il a contribué à faire redécouvrir dans son pays natal, où les textes sont longtemps restés confidentiels et ne sont traduits et édités que depuis une dizaine d’années. Génial imposteur Mais c’est la première des deux pièces, l’Homosexuel ou la Difficulté de s’exprimer, qui semble concentrer le désir du metteur en scène comme un défi. Elle est plus simple et plus retorse, plus violente, tout compte fait plus folle. Le titre déjà, avec l’ironie de ses mots-clés absurdes. Il n’y a pas plus d’homosexuels chez Copi que de gens qui «s’expriment». Il y a la rigueur des «folles» ou des personnages «transsexuels» dont le sexe d’origine est difficile à déterminer : dans l’Homosexuel, tout le monde a changé de sexe, voire plusieurs fois, ce qui ne préjuge ni de leur apparence ni de leurs attirances, et encore moins de leur capacité à «être enceinte» (le cancer de l’utérus du travesti Eva Peron était déjà le centre d’une tragédie sans pourquoi). Copi porte bien le surnom affectueux donné par une illustre grand-mère anarchiste au petit Raúl Damonte Botana, et qui lui est resté toute sa vie comme seul nom : il n’y a pas d’origine ni d’original dans les arcanes de son monde, uniquement des copies, passées modèles. Marcial Di Fonzo Bo y détecte un lien avec l’Argentine et l’Amérique latine, ce thème de la copie détachée de son original européen, qui hante la littérature du continent et fait bien de Copi un auteur argentin ou méta-argentin, un génial imposteur. Il y a dans ces pièces une métaphysique de la posture et de l’imposture, de la reproduction prise dans son sens anti-biologique, une intraçabilité absolue : la fausse Eva, sophistiquée au carré et désacralisée, avec pour souffre-douleur une mère faussement protectrice, et, dans l’Homosexuel, la filiation impossible d’une mère, simplement nommée «Madre», et de sa fille Irina, à la parenté douteuse, déportées dans une Sibérie purement allégorique après leurs opérations respectives. Marcial Di Fonzo Bo transforme la scène du Cervantes en bout de banquise escarpée, quasi impraticable, transformée en calvaire lors d’un climax assez spectaculaire sur fond de requiem. Surjouant les dialogues secs et rapides de Copi, modulant leur brutale énigme de toute une chaîne de passions volatiles, les quatre acteurs parviennent à quelque chose d’apparemment léger, mais sans cesse affolé par la noirceur du texte, qui va (c’est déjà sensible à la lecture) plus vite que lui-même, comme pour masquer, l’air de rien, la violence qui le meut. Car l’Homosexuel est impitoyable, comme son interrogatoire final qui pose en vain des questions sur l’origine de la différence d’Irina : sur ce qui ne peut avoir de raisons, mais seulement être répété. Alors le Teatro Cervantes de Buenos Aires s’écroule sous ses échafaudages, et soudain Copi est là, tout seul dans ce désert de glace où ses pas intraçables restent sans empreinte, il rigole.
Luc Chessel Envoyé spécial à Buenos Aires L’Homosexuel ou la Difficulté de s’exprimer et Eva Peron de Copi m.s. Marcial Di Fonzo Bo. A partir du 2 octobre à la Comédie de Caen (14). Rens. : www.comediedecaen.com
L’acteur Benjamin Vicuña dans le rôle d’Eva Perón et Juan Gil Navarro dans celui d’Ibiza, le 6 juillet au Théâtre Cervantes. Photo Nicolas Bohler
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
May 7, 2017 5:29 PM
|
Par Mireille Davidovici pour Théâtre du blog
La Journée d’une rêveuse de Copi, adaptation et mise en scène de Pierre Maillet
Marilú Marini reste liée aux riches heures du théâtre argentin en exil à Paris, en particulier avec le groupe T.S.E. d’Alfredo Arias qu’elle rejoint en 1975, où elle jouait les rôles les plus fantasques. L’ inoubliable chatte de Peines de cœur d’une chatte anglaise (1977), jouera ensuite avec succès les pièces sulfureuses de Copi, Les Escaliers du Sacré-Cœur (1990) et Le Frigo en 1999, après la fameuse Femme assise qui lui valut le prix de la meilleure actrice en 1984.
Loin du personnage au gros nez de la bande dessinée du Nouvel Observateur, dialoguant avec un improbable volatile, La journée d’une Rêveuse, qu’avait créée Emmanuelle Riva en 1968, sous la direction d’un autre Argentin, Jorge Lavelli, sonne comme un Oh! Les beaux jours latino-américain. La première pièce de Copi (1939-1987), créée en France, a depuis très rarement été montée mais garde sa jeunesse et sa poésie surréaliste, grâce à la brillante performance de Marilú Marini. Elle incarne Jeanne aux prises avec ses réveille-matin qui sonnent les heures creuses de journées occupées à dialoguer sans fin avec des personnages représentés ici par les voix off de Marcial Di Fonzo Bo, Michael Lonsdale, Pierre Maillet, et par le pianiste Lawrence Leherissey qui, pendant la deuxième partie du spectacle, l’accompagne de musiques d’ambiance illustratives. «Il faut courir à travers la vie pour arriver à mourir en même temps que l’on meurt. Voilà ce que je voulais dire. Et ce n’est pas tout. Lorsqu’on a son jardin plein de cadavres, il vaut mieux faire semblant de ne pas les voir, par simple savoir-vivre. Mais toi, il faut que tu te prépares à chanter, oui, à chanter pendant que tu ramasses des montres à la pelle sur tous les clochers des villages du monde.” : ainsi l’un de ces intrus non visibles sermonne ainsi Jeanne et la distrait de la vaisselle et de ses éternelles broderies de jeune fille rangée… Pierre Maillet a concocté ce spectacle à la demande de la comédienne : « Je l’ai imaginé, écrit-il, comme un hommage vibrant à l’auteur, acteur, dessinateur et figure emblématique du mouvement homosexuel des années 70, mais je voulais qu’il soit aussi et surtout un hommage à Marilú Marini, par le biais de son compatriote et ami.” Dans cette optique, le metteur en scène, dont on a apprécié il y a peu, dans ce même théâtre Letzlove-Portrait(s) Foucault (voir Le Théâtre du Blog), mêle à ce poème théâtral énigmatique- réduit ici à un monologue-des extraits de Rio de la Plata, seul texte réellement autobiographique de Copi, préface à un roman qu’il n’aura pas eu le temps de d’écrire. Marilú Marini incarne magistralement ce Copi intime, qui évoque, entre nostalgie et humour noir le paradis perdu de son enfance, sa famille, la dictature, l’exil, l’écriture, le dessin et le théâtre.
On retrouve le militant extravagant et touchant comme on a pu le voir en travesti délirant dans L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967). Il dénonce le régime argentin comme dans Eva Perón mais est proche du mouvement du Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire (FHAR) qui traduit un rapprochement entre l’extrême-gauche mao et les homosexuels. Mais ce tricotage textuel ne fonctionne qu’en partie, malgré la belle performance de la comédienne qui joue admirablement de tous ses registres vocaux, et passe d’une humeur à l’autre, en chantant et bougeant d’abord seule à l’avant-scène, puis en duo, avec son pianiste. On la retrouve donc avec plaisir, et on découvre aussi avec intérêt, les confidences autobiographiques de Copi dans Rio de la Plata. Pourtant la pièce peine à convaincre… Mireille Davidovici Théâtre du Rond-Point 2 bis avenue du Président Franklin D. Roosevelt, Paris T.: 01 44 95 98 21 jusqu’au 21 mai. www.theatredurondpoint.fr Le Manège de Maubeuge (59) le 24 mai.
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
April 27, 2017 9:40 AM
|
Née à Buenos Aires, Marilú Marini, danseuse et actrice, est, au détour des sixties, une haute figure de l’âge d’or du pop argentin. Arrivée en France en 1975, à la veille de la dictature militaire argentine, elle devient l’icône des spectacles d’Alfredo Arias et du groupe TSE. D’autres aventures théâtrales lui donneront l’occasion de grandes interprétations notamment des œuvres de Jean Genet, Samuel Beckett, ou de son compatriote Copi. Son pays est le théâtre. Elle l’habite avec une force raffinée, une capacité de métamorphose unique, un goût pour l’humour. Ce livre fait le pont entre l’Argentine et la France, entre l’espagnol et le français qu’il lui a fallu apprivoiser. “Long chemin, tant la langue est un corps”, dit-elle. Odile Quirot, après avoir été critique dramatique au Progrès à Lyon et collaboré entre 1982 et 1990 aux pages culturelles du Monde, est responsable de la rubrique théâtre au Nouvel Observateur de 1992 à 2015. Entre 1990 et 1992, elle fut conseillère technique pour le théâtre au cabinet du ministre de la Culture, Jack Lang. Elle a réalisé plusieurs entretiens pour la collection "Mémoires du théâtre" de l’Ina. Elle est l’auteur de Eugène et le sultan: le voyage du peintre Eugène Delacroix au Maroc aux éditions Adam Biro. Chez Actes Sud, elle a publié deux ouvrages sur la compagnie Le Royal de Luxe, et un livre, Alain Françon, la voie des textes, qui retrace le parcours riche et passionnant de ce metteur en scène. 14,50 € TTC Quantité : Ouvrage en stock
ISBN : 978-2-84681-510-9 Date de parution : 23-04-2017 Nombre de pages : 160 pages Collection : Du Désavantage du vent
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
December 4, 2015 7:07 PM
|
Par Jean-Pierre Thibaudat pour son blog de Mediapart : Elle est assise de profil sur une chaise sur le côté pendant que les spectateurs entrent. Elle marmonne. Les connaisseurs de l’auteur, Copi, ne peuvent pas ne pas penser à sa femme assise qui, des années durant, égaya les lecteurs du « Nouvel observateur », personnage que Marilú Marini porta au théâtre escortée par Alfredo Arias. De l’autre côté de la scène, en miroir, une autre chaise, vide celle-là. Le public étant rassemblé, l’actrice se lève, prend sa chaise va au centre du plateau dans sa robe noire, des plus spartiates, s’assoit sur sa chaise, face à nous.
"Encore une journée..."
C’est un moment intense. L’actrice nous regarde et nous regardons son visage qui est comme un paysage sans âge, barrée d’un trait horizontal, sa bouche semble avoir été redessiné par le crayon de Copi. Elle nous parle sans parler. Actrice, clown, veille folle aux yeux écarquillés, diva. Tout à la fois. Enfin, elle ouvre la bouche et dit ces premiers mots : « Encore une journée». Tout de suite on pense aux premiers mots de Winnie dans « Oh les beaux jours ». L’héroïne de Samuel Beckett, là-haut assise sur son mamelon commence par : « Encore une journée divine ».
Vérification faite cette réplique ne figure pas exactement dans la pièce « La journée d’une rêveuse ».Nulle trahison, nulle réécriture cependant. Pierre Maillet, par ce clin d’œil, fait le lien avec la Winnie de Beckett. Dans sa proposition scénique, Jeanne la rêveuse est seule comme Winnie. Et comme cette dernière,accompagnée d’un acolyte muet et obéissant. L’homme qui rampe le long du mamelon chez Beckett, est ici un pianiste (Lawrence Lehérissey) qui entrera en scène à mi-parcours.
"Qu'est-ce qu'il m'arrive?"
Dans sa pièce, Copi fait intervenir des faux et des vrais facteurs, Louise, un fils, un marchand de melon. Dans la proposition de Maillet ces personnages nous viennent en voix off (Marcial di Fonzo Bo, Michael Lonsdale, Pierre Maillet), quand ce n’est pas l’actrice qui ne prend pas en charge leurs répliques. Cette condensation du texte fait le lit de « Rio de la Plata », texte autobiographique (ce qui veut aussi dire réinventé) sur la jeunesse argentine de Copi, texte resté inédit,écrit en 1984, trois ans avant sa mort (Sida). Tout se mêle dans un balancement magnifique et très argentin, pays où la vie est toujours un peu, beaucoup, passionnément, un théâtre.
Oui, tout se mêle : Marilú, comédienne venu d’Argentine et en ayant gardé le merveilleux accent, Copi, auteur et acteur (qui adorait s’affubler en femme), la femme rêveuse. L’intrusion par bouffées du récit « Rio de la Plata » semble comme aller de soi. On ne sait plus trop si les souvenirs d’Argentine appartiennent à Copi, à Marilú, ou à la femme rêveuse.
Le spectacle danse, s’enroule sur lui-même dans une folie douce accentuée par le choix du faux monologue, l’actrice en changeant de robe
scène "La journée d'une rêveuse" © Tristan Jeanne-Valès se métamorphose, rajeunit, le temps tangue au pays du tango. Marilú-Copi se fondent dans la femme rêveuse qui dialogue avec des fantômes (ceux de la pièce, ceux de l’Argentine). C’est un voyage hors norme, complètement « barré ». Un voyage qui nous emmène très loin dans l’univers dingo de Copi et pousse à mort la folie clownesque et divaesque (osons) d’une actrice et son art follement maîtrisé jusqu’au petit doigt (les spectateurs comprendront), Marilú trouvant là ce qui est peut-être, à ce jour, son plus beau rôle. Espérons qu’elle puisse le jouer des années durant. « Qu’est-ce qu’il m’arrive ? Aujourd’hui je ne sais pas ce qu’il m’arrive ? » dit-elle. Et, nous non plus, on ne sait pas ce qui nous arrive, où elle nous entraîne. On est embarqués.
Les Argentins de Paris
« La journée d’une rêveuse » avait été créée en janvier 1968 au Théâtre de Lutèce (haut lieu de l’avant-garde des années 60, aujourd’hui disparu) par Jorge Lavelli, Argentin comme lui exilé à Paris, avec Emmanuelle Riva dans le rôle-titre. Le spectacle de Pierre Maillet intègre la dédicace à Lavelli (en ôtant le nom du destinataire pour mieux l’inscrire dans la fiction). Sans doute Copi a –t-il écrit ces lignes sur un coin de table d’un bistrot du côté de la Contrescarpe (QG des Argentins de Paris à l’époque) en buvant un verre de blanc :
« Cher, je te donne cette pièce en souvenir attendri de la ville de Buenos Aires qui a été, pour nous aussi, un peu le parc de notre enfance. C’est dans un coin de rue rose de cette ville que nous avons tué à coups de marteau dix-sept facteurs, un marchand de melons et la putain du coin avant d’aller comme des gosses scier des patios de San Telmo… » Et ainsi de suite. Marilú dit ce texte en regardant une chaise vide.
Ne serait-il pas temps de rééditer tout le théâtre de Copi, et pas seulement son théâtre, tout Copi? La plupart des livres sont (quasi) introuvables même son théâtre paru (partiellement) en deux volumes chez 10X18. Marcial di Fonzo Bo, Elise Vigier, Pierre Maillet et quelques autres ne cessent de puiser chez Copi une belle part de leur énergie scénique. C’est un auteur qui ferait le bonheur des cours et écoles de théâtre qui le méconnaissent.
Dans le hall du théâtre des Cordes à Caen, où j’ai vu le spectacle, plusieurs vitrines montrent des manuscrits de Copi provenant de l’IMEC (Institut Mémoires de l’Edition Contemporaine), lieu de mémoires actives, situé dans l’abbaye d’Ardenne, non loin de la ville, et où sont déposées les archives de Copi. Sur une feuille manuscrite on lit ceci : « Je m’exprime parfois dans ma langue maternelle, l’argentine, souvent dans la langue maîtresse, le français. Pour écrire ce livre mon imagination hésite entre ma mère et ma maîtresse ». Ce livre c’est sans doute « Rio de la Plata ». Le début de cette phrase se retrouve dans le spectacle.
Encore une soirée divine
Comédie de Caen-CDN de Normandie au Théâtres de Cordes, jusqu’au 5 décembre.
Toulouse, TNT, du 8 au 12 décembre
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
November 23, 2015 6:51 PM
|
Par Trina Mounier pour Les Trois coups : Même s’il écrivit nombre de romans et de pièces de théâtre, on se souvient surtout de Copi comme le dessinateur de « la Femme assise ». Pierre Maillet met en scène de manière éblouissante Marilú Marini qui fait revivre ce personnage décalé.
La Femme assise, c’était cette petite bonne femme au gros nez qui ne voulait pas bouger de sa chaise pour ne pas prendre de risques. Elle dialoguait, le plus souvent avec un poulet (le volatile) ou un petit monsieur, parfois toute seule. La rêveuse qu’incarne Marilú Marini, elle, choisit un beau matin de refuser la tyrannie des horloges, de les jeter par la fenêtre pour échapper à l’infernal recommencement de la vaisselle et du ménage. Dès lors, elle va vivre sa vie fantasmée, enchaînant les incohérences selon le rythme des associations qui peuplent les rêves. Il faut dire, par exemple, que des parachutistes tombent des arbres et que certains sont très entreprenants !
Cette pièce étonnante est couplée avec d’autres dont le Río de la Plata, ce qui nous permet de rappeler ici que Copi était argentin, ce qui rime avec fantaisie débridée, mépris de la vraisemblance et goût pour le mauvais goût. Le montage de Pierre Maillet est étourdissant, joyeux, surréaliste, amusant, déjanté, un vrai feu d’artifice. Du pur Copi. Il fallait une comédienne capable de composer toute une galerie de personnages imaginaires, de raconter des histoires invraisemblables, de sauter du coq à l’âne, de peupler le plateau de fantômes nés de son imagination que tour à tour elle invective ou tente de charmer, qui lui font peur, avec lesquels elle joue, entraînant avec elle dans ce voyage au pays de l’absurde un public ravi. Qui mieux que Marilú Marini pouvait interpréter ce rôle, elle qui créa celui de la Femme assise à Buenos Aires, sous la direction d’Alfredo Arias il y a trente ans ? Elle, amie de Copi, argentine comme lui et comme lui allergique au tiède, au mou, au bon ton, etc.
Les mille métamorphoses de Marilú Marini
Sur le plateau de la Célestine, elle commence par un numéro de grimaces, ronflements et autres borborygmes en complet décalage avec sa réputation de grande dame : ennui d’une vie où s’enchaînent inlassablement vaisselle et ménage… Tenir plusieurs minutes à faire des singeries et des bruits de corps de garde, faut déjà oser ! Elle changera sans cesse de registre, faisant preuve d’une palette de jeu à l’étendue remarquable, suscitant souvent, avec le rire, l’émotion tant elle devient vivante, tant elle donne corps à ces folies sorties de son imagination. C’est aussi qu’elle se transforme à certains moments en Copi lui-même, ou sa maman (celle de Copi), qu’elle se magnifie en robe du soir argentée avec paillettes et froufrous. Son alter ego, virtuose au piano, lui donne parfois la réplique, mais se laisse le plus souvent rabrouer. En un éclair, ce sont les souvenirs de Copi qui envahissent la scène, on oublie la Femme assise pour se rappeler le poète insolent et fougueux, le météore brillant et provocateur… Un pur moment de bonheur porté par une mise en scène intelligente et sensible de Pierre Maillet. La Journée d’une rêveuse [et autres moments], d’après la Journée d’une rêveuse et Río de la Plata de Copi Mise en scène : Pierre Maillet Avec : Marilú Marini, Lawrence Lehérissey (piano) ¶ Les Célestins • 4, rue Charles Dullin • 69002 Lyon Tél. 04 72 77 40 00 www.celestins-lyon.org Du 18 au 28 novembre 2015 à 20 h 30 sauf les dimanche 22 et lundi 23
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
August 23, 2015 5:55 PM
|
Publié par Sophie Joubert dans l'Humanité : L’universitaire et essayiste, spécialiste du théâtre du XXe siècle, est décédé le 20 août à 85 ans. Volontiers provocateur et farouchement indépendant, Michel Corvin était, à 85 ans, un immense lecteur, un défricheur curieux des écritures contemporaines, un spectateur assidu et attentif aux formes nouvelles. Avec gourmandise, il préférait parler de jeunes auteurs presque inconnus plutôt que des Surréalistes dont il était pourtant un grand connaisseur. « Il avait du goût pour ce qu’il ne connaissait pas encore, il était plutôt du côté des voyous que de l’orthodoxie » analyse Olivier Neveux, professeur d’histoire et d’esthétique du théâtre à l’université Lumière Lyon-2 et rédacteur en chef de la revue Théâtre/Public. Né le 10 septembre 1930, Michel Corvin a fait sa thèse de doctorat sur les avant-gardes théâtrales de l’entre deux-guerres. Avec son collègue et ami Bernard Dort, dès les années soixante, il renouvelle l’étude du théâtre en luttant contre la suprématie du texte. Au sein de l’Université, il fait figure de frondeur en s’intéressant à des personnalités marginales, écrit sur Artaud, Kleist, le mouvement Dada, mais aussi sur Feydeau et le théâtre de Boulevard. Parmi les contemporains, il s’est passionné pour Roland Dubillard, Noëlle Renaude ou Valère Novarina à qui il a consacré un ouvrage « Marchons ensemble, Novarina » (Les Solitaires intempestifs, 2012). Pour le grand public, il restera le maître d’œuvre du « Corvin », le « Dictionnaire encyclopédique du théâtre », paru en 1991 et régulièrement mis à jour : « les latinistes ont le Gaffiot, et nous avons le Corvin » poursuit Olivier Neveux « mais le dictionnaire a fait écran à une autre partie de son travail, notamment son édition du théâtre de Jean Genet dans la collection de la Pléiade, il s’est colleté à une œuvre impossible à un moment où l’Université était archi-brechtienne ». Proche du dramaturge argentin Copi avec qui il a signé « Petite folie collective » (1966), il était en lien permanent avec les artistes. « Il m’a appris à lire » confie le comédien Christophe Brault, « il m’a montré comment aller au-delà des textes, fouiller. C’était un moderne, sa réflexion était vivante, toujours en rapport avec le plateau ». La preuve, il s’était même frotté à la scène en jouant l’an dernier dans « Notre Faust », le feuilleton théâtral de Robert Cantarella à Théâtre Ouvert. Professeur honoraire à la Sorbonne-Nouvelle-Paris III, Michel Corvin continuait de donner des cours à l’ERAC, l’école d’acteurs de Cannes. « Homme de son temps, plus que de son temps » selon Christophe Brault, Michel Corvin avait le projet d’utiliser les invendus de son fameux dictionnaire pour faire une encyclopédie en ligne. « C’était inconcevable qu’il meure car il incarnait la vie » résume Olivier Neveux. Un hommage lui sera rendu le mardi 25 août à 11H au Funérarium du Père Lachaise, à Paris. Un rassemblement sera organisé en septembre dans un théâtre. A lire : « Dictionnaire encyclopédique du théâtre », ouvrage collectif dirigé par Michel Corvin, Bordas, 2008.« Dictionnaire encyclopédique du théâtre à travers le monde », Bordas, 2008.« L’homme en trop : l’abhumanisme dans le théâtre contemporain », Les Solitaires intempestifs, 2014.« La Lecture innombrable des textes du théâtre contemporain », Éditions théâtrales, 2015. Sophie Joubert, L'Humanité Autre hommage publié par Hakim Akcha dans toutelaculture.com : http://toutelaculture.com/spectacles/theatre/michel-corvin-specialiste-du-theatre-du-xxeme-siecle-est-decede/
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
November 18, 2013 7:06 PM
|
Avec le très réussi “Little Joe” , créé au Maillon à Strasbourg, Pierre Maillet propose une recréation des films "Flesh” et “Trash” de Paul Morrissey qui fait se rejoindre les univers du maître de la Factory et du dramaturge argentin. Pierre Maillet, qui interprète lui-même l’épouse du héros de Trash, reconstitue ces scènes truculentes avec un plaisir évident. On le sent d’autant plus à l’aise que sa vision de ces hommes et femmes souvent proches de la Factory d’Andy Warhol les fait apparaître comme des cousins des héros de Copi, un auteur qu’il connaît bien. Le charme du spectacle tient beaucoup à cette parenté soulignée avec le dramaturge argentin, qui est en quelque sorte son sésame pour s’introduire dans la folie de cette faune new-yorkaise dont le style de vie très libre appartient à une époque entièrement révolue. Hugues Le Tanneur, pour Les Inrocks CLIQUER SUR LE TITRE OU LA PHOTO POUR LIRE L'ARTICLE ENTIER DANS SON SITE D'ORIGINE
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
April 12, 2013 6:04 PM
|
Sous la plume irrévérencieuse de Copi, la très populaire Eva Peron, reine du populisme, manipulatrice d’excellence, construit sa légende à mains nues, fabrique un scénario dramatique de telenovela à jeter en pâture aux médias et au peuple ; elle travaille à ériger sa statue pour mystifier le monde et filer en douce sur la Riviera dépenser sa fortune, abandonnant sa mère à la rue et Peron à ses migraines. La généreuse Evita, icône nationale, petite sœur des pauvres, n’hésite pas à faire tuer la pauvre infirmière censée la soigner pour la faire embaumer à sa place. La pauvrette qui vouait une vénération éternelle à Eva n’aurait jamais imaginé plus grand bonheur que d’avoir l’honneur de jouer la doublure de son cadavre. Corine Denailles pour webthea CLIQUER SUR LE TITRE OU LA PHOTO POUR LIRE L'ARTICLE ENTIER DANS SON SITE D'ORIGINE. Eva Peron de Copi, mise en scène Martin Vielajus ; scénographie, lumières et costumes, Mélina Vernant ; Piérick Tournier création video ; chorégraphie, Alexandra Robin. Avec Perrine Demartres, Audrey Lamarque, Alexandra Robin, Guillaume Toucas 1h10 théâtre du Marais mercredi à 20h et dimanche à 19h30. Rés. 01 45 44 88 42.
|
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
October 2, 2022 1:54 PM
|
Par Gilles Renault dans Libération - 2 octobre 2022 La pièce cinquantenaire du dramaturge argentin, mise en scène par Thibaud Croisy au théâtre de la Cité universitaire, met en débat des réflexions encore très actuelles sur la question du genre. Preuve irréfutable qu’au théâtre aussi le temps file, une majorité significative du public qui garnit ces jours-ci les travées du théâtre de la Cité internationale n’avait tout bonnement pas encore vu le jour quand, en 1971, fut créé l’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer de Copi… Fortuitement, en outre, le hasard veut que, paraphé par le metteur en scène de renom, Jorge Lavelli, l’acte de naissance ait été signé au même endroit, mais dans une autre salle, dénommé la Resserre, qui, aujourd’hui aménagée, n’était, paraît-il à l’époque qu’une sorte de grenier un peu glauque – tout comme, imagine-t-on, une cave aurait fait l’affaire. De cette création, d’ailleurs, subsiste des photos en noir et blanc, que le TCI a eu la bonne idée d’accrocher dans son foyer cosy. On y voit notamment l’auteur acteur, travesti dans tout une série de poses outrancières, que reprend dorénavant une distribution ad hoc. L’occasion, un demi-siècle plus tard, d’observer que la charge subversive de la pièce n’a pas pris une vergeture. Voire, de constater qu’à notre époque, en théorie moins corsetée, bien peu d’auteurs actuels oseraient se montrer aussi virulents et, a priori, amoraux, sinon borderline, que ne le fut feu l’Argentin flamboyant, à la fois romancier, dramaturge, danseur et dessinateur – associé au Libé militant des années 70 et 80. Artilleur en chef, Copi entraîne ici son petit monde dans les steppes de Sibérie. Où, un grand rectangle noir concentre l’essentiel du propos, focalisé autour de trois personnages principaux que l’on voit entrer et sortir derrière un grand rideau translucide aux effets moirés. Référence géographique oblige – mais pas que – on pourrait être chez Tchekhov (que Copi appréciait). Sauf que, par-delà les allusions aux rapports de classe et aux conflits de générations, presque «conventionnelles», tout vole en éclats, au contact d’êtres aux repères sociaux, familiaux et sexuels rageusement brouillés. Interprétée à la manière d’une sitcom détraquée, la satire virevolte de la sorte, grinçante et troublante, qui place au centre des (d)ébats les réflexions si actuelles autour de la question du genre, sous la baguette du jeune Thibaud Croisy, expert ès Copi, soucieux d’enluminer ce «texte du passé qui apporte une réplique cinglante au présent, qui le bouscule, le scandalise, le désarçonne, s’en moque». L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer, de Copi, m.s. Thibaud Croisy, théâtre de la Cité internationale, 75014, www.theatredelacite.com, jusqu’au 7 octobre, et en tournée (Nantes, Marseille). Légende photo : De gauche à droite : Helena de Laurens, Frédéric Leidgens, Emmanuelle Lafon. ( Photo Martin Argyroglo)
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
April 7, 2019 3:28 PM
|
Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore pour L'Oeil d'Olivier - 7 avril 2019 Après avoir transformé La nuit, le chien et le couteau de Marius von Mayenburg en un conte noir, burlesque, le Munstrum théâtre s’attaque avec gourmandise et fièvre à deux œuvres de Copi, L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer et Les quatre jumelles. Plus que jamais, Louis Arene et Lionel Lingelser laissent aller leurs imaginations débordantes et décalées pour offrir un spectacle granguignolesque et absurde au-delà de toute limite, de toute outrance. Extravagant coup de cœur !
Dans l’église rennaise du Vieux Saint-Etienne transformée en théâtre, les doudounes sont de rigueur. En cette fin après-midi d’avril, on frôle Les 40° sous zéro promis par le titre du spectacle. Enroulés dans des couvertures, les spectateurs s’apprêtent à affronter les vents glacés de Sibérie. Tout le monde est prêt. Top départ, le voyage vers les contrées hostiles et gelées où sont déportés les transsexuels selon Copi, ainsi que ses Quatre jumelles peut commencer. Alors que les premières notes de musique résonnent sous les voûtes de la nef, que la lumière tamise l’espace, une immense silhouette se détache sur scène. Affublée d’un bien étonnant et démesuré couvre-chef fait semble-t-il d’un assemblage de boules de noël dorées, l’étrange créature (captivant François Praud) entonne de sa belle voix douce, un remix suave, presque méconnaissable, de Girls just wanna have fun de Cindy Lauper.
Le ton est donné. Loin de toute réalité, de toute vraisemblance, le Munstrum théâtre et ses joyeux drilles entraînent le public médusé dans un univers burlesque, déjanté, où démesure et folie se conjuguent avec une ambiance granguignolesque assumée, revendiquée. S’emparant des textes de Copi comme d’une friandise acidulée, douce-amère et quelque peu épicée, Louis Arene et Lionel Lingelser transcendent l’esprit subversif et revendicatif du dramaturge argentin pour en dépasser les limites très ancrées dans les années 70 et le militantisme gay. Convoquant tous les artifices du théâtre, ils nous invitent à des bacchanales outrancières, extravagantes et tellement « over kitsch » qu’entre rire, exaltation et stupéfaction, le public incrédule, séduit, en redemande toujours plus. Il ne sera pas déçu. Sans aucune limite, ces Copi revisités où les instincts les plus bestiaux, les plus sanguinaires, côtoient la pureté, certes pas virginale, mais naïve de créatures en fleur, passionnées, aliénées, plongent avec délice et jubilation au cœur d’une humanité surréaliste et furieuse revendiquant son désir de vivre, d’affirmer ses différences.
Derrière les masques, conçus par Louis Arene, les costumes délirants signés Christian Lacroix et les perruques imaginées par Véronique Soulier-Nguyen – formidable bestiaire d’êtres déformés, défigurés, opérés – , c’est un show fou bien au-delà du genre et du sexe qui se dévoile devant les yeux des spectateurs tous ébaudis. C’est toute l’excentricité de Copi, l’essence même de son œuvre, qui est exacerbée par cette mise en scène qui se joue des sens et des contrastes, qui n’a pas peur du ridicule, qui force le trait, qui sublime le trash et se sert des corps des comédiens comme d’une matière scénique fascinante, modulable à l’envi. Enfermant ses personnages dans des lieux sinistres, des territoires particulièrement inhospitaliers, il les pousse vers une folie salvatrice, mortelle, une liberté toute relative conquise de haute lutte avec les pires démons, eux-mêmes.
Vulgaires, crus, les mots fusent avec vivacité, énergie, ne laissant aucun répit aux 7 artistes qui se succèdent sur scène. De Sophie Botte à Delphine Cottu, d’Olivia Dalric à Alexandre Éthève, en passant par Lionel Lingelser et François Praud, sans oublier bien évidemment Louis Arene, tous extraordinaires, ils donnent chair, corps et sang à l’univers pourri jusqu’à la moelle dépeint par Copi. Entremêlant tous les genres et les registres du théâtre, revisitant quelques tubes, tel Le paradis blanc de Michel Berger, faisant gicler une hémoglobine rouge fluo à tout-va, le Munstrum théâtre fait une nouvelle fois mouche. Allant toujours plus loin dans leur quête du fantasmagorique, de l’étrange, du cauchemardesque, pour le plus grand plaisir d’un public malmené parfois, mais souvent halluciné, Lionel Lingelser et Louis Arene ne se refusent rien, crient haut et fort leur désir viscéral de vivre autrement, bien au-delà d’une normalité insipide, triste. Après une scène finale de toute beauté, c’est toute une salle qui se lève à l’unisson applaudissant à tout rompre la géniale singularité d’une troupe « shootée » à l’adrénaline. Totalement disjoncté !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore -Envoyé spécial à Rennes
40° sous zéro, d’après L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer & les quatre jumelles de Copi Conception le Munstrum théâtre (Louis Arene et Lionel Lingelser) Créé le 5 mars 2019 à La Filature, Mulhouse. Festival Mythos Théâtre du Vieux Saint-Etienne Rennes
Festival d’Avignon le Off La manufacture patinoire du 5 au 26 juillet 2019 à 21h10
au Monfort Théâtre Paris du 20 au 30 novembre 2019. à Châteauvallon – Scène nationale du 30 janvier au le 1er février 2020.
Mise en scène de Louis Arene assisté de Maëliss le Bricon et Mo Dumond en stage Avec Louis Arene, Sophie Botte, Delphine Cottu, Olivia Dalric, Alexandre Éthève, Lionel Lingelser, François Praud Dramaturgie de Kevin Keiss Création costumes de Christian Lacroix assisté de Jean-Philippe Pons et Karelle Durand Scénographie et masques de Louis Arene Création lumières de François Menou Création sonore de Jean Thévenin Création coiffes-maquillages de Véronique Soulier-Nguyen Effets spéciaux de Julien Antuori Regard chorégraphique Yotam Peled Assistant scénographie / régie générale Valentin Paul Régie lumière de Julien Cocquet Régie son de Ludo Enderlen Chef d’atelier costumes Lucie Lecarpentier Costumières Tiphanie Arnaudeau, Hélène Boisgontier, Castille Schwartz Stagiaires costumes Marnie Langlois, Iris Deve
Crédit photos © François Parue & ©Maeliss Le Bricon
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
March 9, 2019 11:24 AM
|
Par Stéphane Capron dans Sceneweb 7 mars 2019 Le Munstrum Théâtre de Louis Arene et Lionel Lingelser revisite Copi et son théâtre subversif en collant deux pièces: Les quatre jumelles et L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer. Cette jeune compagnie qui s’est fait remarquée avec Le Chien, la Nuit et le Couteau de Marius Von Mayenburg récidive avec ce spectacle futuriste qui met le chaos sur scène. Il a été créé à la Filature de Mulhouse.
photo Dazek Szuster
Une dragqueen emmitouflée dans une couverture en patchwork chante au ralenti le Girls just want to have fun de Cyndi Lauper, elle est transie par le froid. 40° sous zéro, le nom du spectacle porte bien son nom car les deux pièces de Copi se déroulent dans des contrées glaciales; la Sibérie pour L’homosexuel et l’Alaska pour Les quatre jumelles. Mais le plateau ne tarde pas à se réchauffer, tant la mise en scène de Louis Arene déborde d’énergie et de trouvailles facétieuses.
Dans L’homosexuel qui ouvre le spectacle, un chien traverse le plateau, on devrait dire plutôt une boule de poils énorme. L’ancien pensionnaire de la Comédie-Française a récolté tout ce qu’il pouvait trouver comme perruques (y compris place Colette) pour fabriquer ce personnage muet. Dans cette pièce une jeune fille qui a changé de sexe, subit l’oppression et les viols des adultes qui l’entourent. Dans Les quatre jumelles, deux couples de jumelles junkie s’écharpent et s’entretuent, avant de ressusciter plusieurs fois grâce aux injections miraculeuses d’héroïne qui se déverse par paquets sur le plateau qui finit maculé d’une fine pellicule de poudre blanche.
Louis Arene et Lionel Lingelser ont placé leur spectacle dans un ailleurs, une planète futuriste totalement déconnectée du 21e siècle. Il faut bien cela aujourd’hui pour digérer le théâtre de Copi totalement subversif. Si sa langue fait désormais partie des classiques du 20e siècle, elle reste pour toujours crue et déconnectée de toute forme dramatique conformiste. Elle colle parfaitement à l’univers du Munstrum Théâtre qui utilise le théâtre masqué et imagine des univers puissants et des créatures étranges. Pour cette production, les deux jeunes directeurs de la compagnie ont eu la chance de travailler avec Christian Lacroix qui a mis son imagination débordante au service de ce spectacle en créant des costumes délirants. La musique apocalyptique de Jean Thévenin (alias Jaune) traduit admirablement bien le côté lunaire de l’écriture de Copi.
L’ensemble forme un spectacle déjanté, hors du temps, épuisant à jouer pour les comédiens (Louis Arene, Sophie Botte, Delphine Cottu, Alexandre Éthève, Lionel Lingelser, François Praud et Olivia Dalric), tous remarquables et méconnaissables sous leur deuxième peau. Ils campent à merveille ces personnages déboussolés par la cruauté du monde.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Les quatre jumelles et L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer de Copi mise en scène de Louis Arene
avec Louis Arene, Sophie Botte, Delphine Cottu, Alexandre Éthève, Lionel Lingelser, François Praud, Olivia Dalric
dramaturgie Kevin Keiss
costumes Christian Lacroix, assisté de Karelle Durand
musique Jean Thévenin
lumières François Menou
scénographie et masques Louis Arene
coiffes et maquillages Véronique Soulier Nguyen
régie lumière Julien Cocquet
régie plateau Valentin Paul
régie son Ludo Enderlen
Pruduction Munstrum Théâtre – coproduction – La Filature, Scène Nationale de Mulhouse Espace 110, Illzach
– soutiens – la ville de Mulhouse, la DRAC Alsace, la Région Alsace, le Département du Haut-Rhin, le Centquatre, La Comédie-Française. Durée: 1h55
5 au 8 mars 2019 – La Filature, Mulhouse 23 mars – 20h – Festival Artdanthé (Vanves) 5 et 6 avril – 18h – Festival Mythos (Rennes) 5 au 26 juillet – 21h10 – Avignon Off La Manufacture (Patinoire) Du 20 au 30 novembre – Le Monfort (Paris)
2020 30 – 31 jan et 1er fév : Châteauvallon- Scène nationale
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
October 16, 2018 8:21 AM
|
Par Jean-Pierre Thibaudat dans son blog Balagan 16 oct. 2018 Fils et fille de sa mama du Salvador, Raoul Fernandez devient à Paris l’habilleuse de Copi qui révèle en lui la femme et l’actrice. Redevenu homme et devenu acteur, il n’en reste pas moins enfant à l’heure de saluer le public. L’auteur Philippe Minyana et le metteur en scène Marcial Di Fonzo Bo sont les serviteurs de ce « Portrait de Raoul », du cousu main d’une belle délicatesse.
Raoul déboule sur le plateau avec des gros sacs pleins de chiffons, de robes, de chutes de tissus, juste ce qu’il faut pour raconter autant qu raccommoder les lambeaux de sa vie dans le désordre d’une mémoire toujours souriante car la vie a décidé de lui sourire et lui a décidé d’en enfouir les chagrins. Sa mama qui avait perdu deux garçons voulait une fille, alors Raoul, bien que garçon, fut une fille. « Mes cheveux étaient longs ma voix était haute mon âme était femme » dit-il-elle. Raoul aide sa mère à coudre des costumes pour la fête de la Vierge et des robes belles comme celles de « monsieur Dior ». Paris l’attend dans les pages feuilletées d’un livre de déco. Il y part étudier le costume et rencontre un autre Raoul, Raoul Damonte Botana dit Copi, un « génie » et un « fou » dont il devient « l’habilleuse » dira-t- il à sa mère au téléphone. Un jour Copi lui tend une perruque blonde. En la mettant, Raoul frisonne « de la tête au pieds ». La femme en lui, jamais tout à fait endormie, se réveille, une révélation. « Lo sabia, lo sabia, sos mujer » (je le savais, je le savais, tu es une femme) lui dit Copi qui s’y connaît en salade de sexes. Plus tard Raoul redeviendra homme et aimera les hommes. La façon dont l’acteur Raoul Fernandez raconte comment Raoul-femme s’est débarrassée de ses nichons résume l’esprit, la forme et la faconde de ce spectacle : une simple pichenette du pouce sur chacun des seins. Pas de pathos, pas de logorrhée transgenre, pas de militantisme atrabilaire, pas d’affres bi, mais une joie de vivre plusieurs vies en une comme une évidence. Des vies faites aussi des rencontres d’autres vies. Après "le Copi", cela sera "la Koko", "le Nordey' et une grande actrice de la Comédie française à la voix grave avec laquelle il boit des coups entre copines et devant qui il aura la révélation d’une nouvelle vie : acteur. Ou actrice. Et sa vie repart, toujours rythmée par des complaintes en langue espagnole, car il chante aussi l’animal, d'ailleurs j’ai oublié de dire qu’il était une bête de scène. « De temps en temps la vie à moitié nue, nous offre un rêve si fragile/ qu’il faut marcher sur la pointe des pieds pour ne pas rompre le charme » (Joan Manuel Serrat). Après une série de portraits de figures disparues comme celle de Michel Foucault (lire ici), Marcial Di Fonzo Bo à la tête du CDN de Normandie (auquel il a redonné une belle vigueur avec son équipe) poursuit cette belle idée par une série de portraits d’êtres vivants. Le Portrait de Raoul ouvre le bal. Pendant des heures Raoul Fernandez a raconté sa vie à Philippe Minyana, ils se connaissent depuis longtemps. Chavirant joliment la chronologie, Minyana écrit un monologue qui restitue l’extravagance sud-américaine qui, au Salvador, constitue l’ordinaire de la vie et il entre comme dans un moulin dans les non moins extravagantes vies parisiennes de Raoul dans le milieu du théâtre, et dans l’entre deux sexes. Déployant l’âme couturière de Raoul merveilleusement mise en valeur par l’acteur Raoul Fernandez, Marcial Di Fonzo Bo met en scène Raoul et Fernandez avec une vive complicité.Une heure chrono de bonheur. A la Comédie de Caen, salle d’Hérouville-Saint-Clair, ce soir à 20h et demain à 18h Une tournée devrait suivre. Légende photo : Scène de "Portrait de Raoul" © Jean-Louis Fernandez
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
May 14, 2017 6:57 PM
|
Par Joëlle Gayot sur le site de son émission sur France Culture : "Changement de décor"
Elle est au centre de la scène du théâtre du Rond Point à Paris où elle joue La journée d’une rêveuse et autres moments, d’après Copi, dans la mise en scène de Pierre Maillet.
Ecouter l'entretien radiophonique (30 mn) https://www.franceculture.fr/emissions/une-saison-au-theatre/marilu-marini-le-corps-de-lexil
Elle est le coeur battant d’un livre magnifique, un récit biographique et aussi romanesque, que vient de lui consacrer la journaliste Odile Quirot, Marilù Marini, Chroniques Franco-argentines, publié aux éditions les Solitaires intempestifs.
Elle est le trait d’union qui rallie l’argentin au français, le fil qui s’étire entre deux continents : l’Europe et l’Amérique du Sud.
Elle est tragique et comique, enfantine et antique, aérienne et terrienne.
Marilù Marini doit-elle à son départ de l’Argentine, sa terre natale, cette capacité surprenante à transformer l’entredeux en une présence sur scène ouverte, plurielle et accueillante ? Doit-elle à l’exil d’avoir su transformer l’art du jeu en un mouvement constant que rien ne semble pouvoir figer ?
Rencontre, ce soir, avec une artiste qui se cache tout autant qu’elle se raconte sur les plateaux de théâtre.
Marilù Marini est aux micros d’une Saison au théâtre et au théâtre du rond point (paris) jusqu'au 21 mai 2017 .
Intervenants
Marilu Marini
Photo Marilù Marini• Crédits : Tristan Jeanne -Valès
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
May 4, 2017 3:04 AM
|
Dans Théâtral magazine
Pierre Maillet reprend à Paris et à Maubeuge La journée d’une rêveuse, de Copi. C’est Marilú Marini qui incarne cette femme totalement monopolisée par ses rêves. "C'est d'abord Marilú Marini qui m'a demandé de travailler avec elle sur Copi. Elle avait vu plusieurs de nos spectacles du Théâtre des Lucioles. Et comme elle avait déjà joué beaucoup de pièces de Copi et moi aussi, je me suis dit qu'il fallait un terrain vierge pour tous les deux. J'ai pensé à La rêveuse parce qu’on y voit un double féminin de Copi. C’est la première pièce de Copi montée par Lavelli en 68 avec Emmanuelle Riva dans le rôle. Elle est très poétique avec quelque chose d'un peu surréaliste. C'est un peu son Oh les beaux jours puisqu’en une journée, une femme traverse la vie sans la voir passer..."
Lire l'interview de Pierre Maillet dans Théâtral magazine n°65
La journée d’une rêveuse (et autres moments…) de Copi, adaptation et mise en scène Pierre Maillet, avec Marilú Marini (photo Tristan Jeanne-Valès)
> 2 au 21/05 Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin Roosevelt 75008 Paris, 01 44 95 98 00 > 24/05 Le Manège à Maubeuge, rue de la Croix 59600 Maubeuge, 03 27 65 15 00
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
January 11, 2017 7:48 PM
|
Par Fabienne Darge dans Le Monde
La comédienne est magistrale en Aglaé, une prostituée, dans un spectacle présenté au Théâtre du Rond-Point.
En nuisette de soie noire et dentelle, bas noirs, lunettes noires, elle s’avance au milieu des spectateurs assis sur des tabourets, comme dans un bar ou une boîte de nuit. Elle n’est plus toute jeune toute jeune, et elle ne s’en cache pas.
Elle, c’est Claude Degliame, et c’est Aglaé. Aglaé existe « pour de vrai », sous un autre nom. Une « vieille pute » – c’est elle qui le dit – et heureuse de l’être. A 72 ans, elle travaille toujours, à Marseille. A Jean-Michel Rabeux et Claude Degliame, elle a raconté sa vie et son travail, soixante ans de prostitution, des mots crus, une gouaille insensée, et un discours à rebours de ceux, presque toujours victimaires ou moralisants, que l’on entend sur son métier.
Alors Jean-Michel Rabeux a décidé d’en faire un spectacle, de la parole de cette femme d’une liberté et d’une singularité absolues. Une partition cousue main pour Claude Degliame, sa muse et sa compagne depuis quarante ans. Degliame qui est, cela ne se sait pas assez, une des reines de notre théâtre, aux côtés d’Anne Alvaro et de Dominique Valadié. Une grande dame, mais nettement plus « mauvais genre » que ses consœurs. En Aglaé, elle est magistrale.
Une voix grave de monstre sacré
Dans la « vraie » vie, on la retrouve, tout aussi singulière que sur scène. Féminine et masculine, sauvage et douce, accent de titi parisien et voix grave de monstre sacré. Casquette de poulbot et interminables boucles d’oreilles en dentelle de jais, le visage nu, sans maquillage. Elle parle de son métier, comme Aglaé.
Elle a joué avec Claude Régy, Bruno Bayen, Jacques Lassalle ou Antoine Vitez. Toujours voulu faire du théâtre, et rien d’autre. Elle y est toujours allée, avec la famille de sa mère, des exilés d’origine juive polonaise. « C’étaient des gens très pauvres, mais chez eux j’ai toujours entendu que la culture, la littérature, la poésie, c’était ce qu’il y a de plus important au monde. »
« Bizarrerie »
Les parents sont séparés, elle ne voit plus son père, mais elle sait que, après mille métiers, après avoir été résistant, il dirige le Théâtre de Babylone, cette petite salle où, en 1953, est créé En attendant Godot, de Beckett. Ce père absent, qui est l’ami de Boris Vian et de Juliette Gréco, elle le retrouve des années plus tard. Il l’envoie au cours Dullin, abrité dans le TNP de Chaillot. Professeurs : Georges Wilson et Alain Cuny. « J’ai su que j’étais tombée là où il fallait que je tombe. » Pour autant, la jeune actrice fait un peu peur, dans le Paris des années 1960, où les jeunes premières sont encore très stéréotypées. « J’avais la voix grave, encore plus que maintenant, et j’étais bizarre, vraiment bizarre. Dans un cours, j’ai même entendu qu’on se demandait si je n’étais pas un travelo… »
LA PRÉSENCE, C’EST LE MONSTRE À APPRIVOISER, CONSTATE CLAUDE DEGLIAME, RÊVEUSE. IL FAUT L’AVOIR, SINON ON NE PEUT PAS ÊTRE ACTEUR
Cette « bizarrerie » dont elle ne sait pas trop quoi faire à l’époque n’effraie pas Jean-Michel Ribes, qui, au début des années 1970, vient la chercher pour jouer L’Odyssée pour une tasse de thé, On loge la nuit et Omphalos Hôtel. Et c’est Ribes qui la conduit à Claude Régy, par l’intermédiaire de Michael Lonsdale. Au côté du maître, elle commence en 1977 un compagnonnage de plusieurs années, avec une série de spectacles entrés dans l’histoire du théâtre : Les gens déraisonnables sont en voie de disparition et Par les villages, de Peter Handke, Elle est là, de Nathalie Sarraute, Grand et Petit et La Trilogie du revoir, de Botho Strauss.
Avec Régy, Claude Degliame trouve un habitat de théâtre idéal. « Ce n’était pas seulement le respect plus que fou qu’il avait pour les auteurs – et quels auteurs. J’adorais cette idée que l’on est sur scène, mais que l’essentiel se passe ailleurs. Pour lui, il ne faut pas faire, il faut laisser irradier. J’entrais en scène, je savais que je devais exister, que surtout je ne devais rien faire, mais être là, au sens le plus fort du terme. »
Univers interlope et nocturne
« La présence, c’est le monstre à apprivoiser, constate Claude Degliame, rêveuse. Il faut l’avoir, sinon on ne peut pas être acteur, il faut apprendre à ne pas en avoir peur ni honte. Et en même temps on doit rester pudique, ne pas être complaisant avec ça. Quand on est là, sur un plateau, on ne peut pas faire semblant d’y être. Un acteur, c’est quelqu’un qui dit : “Regardez-moi.” Mais ce n’est pas pour que l’on regarde son moi à lui, mais le moi qui porte toute une œuvre, et qui renvoie l’humanité, le monde. »
Et pourtant, elle quitte le maître en 1983, après Par les villages, pour vivre d’autres aventures. Elle travaille avec Lassalle, avec Vitez, et, surtout, de plus en plus, ils inventent leurs spectacles, avec Jean-Michel Rabeux. Un théâtre qui va voir du côté des marges de la société, du sexe et de sa répression, d’un univers interlope et nocturne. Les titres parlent d’eux-mêmes : Eloge de la pornographie, Onanisme avec troubles nerveux chez deux petites filles, Déshabillages (comédie mortelle)… Et les auteurs aussi : Genet, Cendrars, Copi…
Pourquoi ce goût pour les transgressions, chez elle, chez qui le théâtre semble tatoué sur la peau ? « On a la sensation, avec Rabeux, que c’est là que l’on perçoit le plus de choses profondes sur l’humanité, bien plus qu’avec des sujets consensuels. Ce qui nous intéresse, c’est le mystère de l’humain, et d’aller voir comment est vraiment le monde. Copi disait, avec son accent argentin :“Il y a tellement de gens normaux”… L’hypocrisie, c’est quand même une des armes les plus meurtrières dans la vie, non ? » Avec Claude Degliame, les gens déraisonnables ne sont pas (tout à fait) en voie de disparition.
Aglaé, texte et mise en scène de Jean-Michel Rabeux, d’après les mots d’Aglaé. Théâtre du Rond-Point, 2 bis, avenue Franklin-D.-Roosevelt, Paris 8e. Tél. : 01-44-95-98-21. Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 h 30, jusqu’au 29 janvier. De 16 € à 29 euros. Durée : 1 h 10. www.theatredurondpoint.fr/spectacle/aglae
Fabienne Darge Journaliste au Monde
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
November 24, 2015 6:45 PM
|
Publié dans le Petit bulletin de Lyon Elle est déjà là. Assise comme elle le fut pour Jorge Lavelli en 1984, Femme assise juste, pièce mythique signée Copi, à l'instar de cette Journée d'une rêveuse. 31 ans plus tard, Marilu Marini est toujours là. Elle ronfle exagérément. Puis irradie immédiatement. Parce qu’elle n’a peur de rien et possède le talent immense de savoir jouer tout, passant de la joie à l’étonnement ou la colère en quelques secondes. Elle est d’une hystérie parfaite. Et c’est peu dire que Copi a écrit pour faire naître l’extravagance sur un plateau. Elle qui partage avec lui la nationalité argentine, avait été sollicité par le festival italien de Spoleto pour lui rendre hommage. Elle a alors fait appel à Pierre Maillet, comédien notamment de Marcial di Fonzo Bo et Élise Vignier – qui ont d'ailleurs décidé, avec leur compagnie des Lucioles, de monter tout Copi. Peu jouée, cette Journée d’une rêveuse est mêlée à l’inédit Rio de la Plata, texte très personnel où l'auteur retrace sa vie en France, son boulot de dessinateur auNouvel Obs et surtout l’Amérique du Sud, en particulier le régime peroniste que son père a combattu, et l’homosexualité, omniprésente. Accompagnée au piano par un musicien qui sort à l'occasion très délicatement de son rôle, Marilu Marini est seule sur scène, mais ils sont "plusieurs dans sa tête". Par son incroyable capacité à les invectiver alors qu’ils ne sont pas figurés autrement que par des voix enregistrées (de Michel Fau, de Michael Lonsdale), elle leur confère à tous une vraie personnalité. «Je préfère les dessins aux bombes» dit-elle en citant Copi, en un raccourci vertigineux de cette année 2015. La Journée d’une rêveuse Aux Célestins jusqu’au samedi 28 novembre Crédit Photo : Tristan Jeanne-Valès
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
August 24, 2015 10:06 AM
|
L'hommage de Francis Marmande dans Le Monde : Une érudition de fringale, un savoir fou, une voix tendue comme l’alto de Charlie « Bird » Parker, et ce style de charme puissant qui n’a besoin ni de séduire ni de complaire. Ironie mordante, impatience, lucidité de voyant, « œil scanner » dit de lui le metteur en scène et comédien Robert Cantarella, Michel Corvin ne laissait pas tranquille. Le sourire agrafé aux lèvres, dont vous ne saviez jamais s’il allait vous instruire, vous faire rire, ou vous clouer. Auteur de soixante ouvrages consacrés au théâtre, à Jean Genet, aux avant-gardes, l’homme de théâtre, essayiste et universitaire Michel Corvin est mort, dans les bras de sa femme, après un malaise sur la route de l’hôpital de Saint-Etienne (Loire), jeudi 20 août, à l’âge de 84 ans. Né le 10 septembre 1930 à Montmorillon (Vienne), Michel Corvin, agrégé de grammaire, avait soutenu, au début des années 1970, sa thèse de doctorat d’état sur « le théâtre de recherche entre les deux guerres : le laboratoire art et action » (publiée par L’Age d’homme en 1974). Comme son ami Bernard Dort, il est plus homme de théâtre que « spécialiste ». Sa «jubilation pour la mécanique des signes de la scène, un érotisme sans commune mesure avec quiconque dans ce métier» (Cantarella), sa diction sciante à voix haute, ses bijoux de vulgarisation, son Marchons ensemble, Novarina (Les Solitaires Intempestifs, 2012), le phénoménal Dictionnaire encyclopédique du théâtre (paru en 1991, réédition Bordas en 2008) qu’il a coordonné (« Le Corvin »), et qui reste au théâtre ce que le Curnonsky est à la gastronomie, l’essentiel est habité par le théâtre. Théâtre qu’il habitait, lui, pratiquement tous les soirs. Mémoire imprenable Ah oui ! Sa mémoire imprenable : « Michel, précise Cantarella, se souvenait très exactement des représentations de tous les spectacles qu’il avait vus, autant dire, la création des Paravents de Genet par exemple, ou bien du Prince de Hambourg avec Gérard Philipe (le bruit des chaussures sur le plateau, nous disait-il) ; nous voulions faire un dictionnaire sonore de sa mémoire du théâtre. » Quand on découvre à vingt ans son effrontée Petite folie collective (Tchou, 1966) cosignée avec le génial Copi, on ne doute de rien. Ni de la témérité, ni de la chair, ni de l’indépendance foncière. Corvin ne marchait pas, il fonçait. Il ne fonçait pas, il provoquait, il dansait. Il sera donc un universitaire complet mais du genre atypique. N’ignorant rien de toutes les ressources récentes de la théorie, mais aussi incapable de routine que de psalmodie. La comparaison avec Curnonsky vaut ce qu’elle vaut, mais elle attire l’attention sur sa gourmandise, son amour de l’amour, des gens, du fromage, de la musique, des églises romanes, des compotes de poire qu’il concoctait, de la gnôle, de la taille des fruitiers, son élan constant vers la jeunesse, les auteurs en train de pousser, et tout ce qui aura lieu demain. Théâtre complet de Genet Avec Albert Dichy, il avait coédité, en 2002, le théâtre complet de Genet pour la Bibliothèque de la Pléiade. Ses classiques (commentaires de Genet, Feydeau, Artaud, Kleist, Pinter) et ses Que Sais-je font référence. On revisitera donc ses textes consacrés à Polieri (Une passion visionnaire), Dubillard, ou son essai : L’Homme en trop, l’abhumanisme au théâtre (Les Solitaires intempestifs, 2014). Ses leçons sur Genet ne sont pas d’un « spécialiste » : elles sont d’un lecteur qui ne lâchait sur rien. Nombre de metteurs en scène et de comédiens le consultaient. En 2012, il joue dans La Petite Maison, de Noëlle Renaude. En 2014, dans Notre Faust, en cinq épisodes, toujours mis en scène par Cantarella, comme il avait joué à Beyrouth. Beyrouth où il fut directeur de l’Ecole des lettres, avant d’être élu professeur des universités à Lyon-2, puis à Paris-3 (Sorbonne nouvelle). Ses amis, il en comptait autant dans le théâtre que dans l’université – non, plus : l’université se montrera parfois, disons-le poliment, intimidée –, ses proches n’ont que la mémoire de cet appétit universel, et aussi de son côté increvable. Voyager avec Corvin pour une série de conférences sur Jean Genet en Arménie, en 2012, c’était parfait. A 82 ans, premier levé, honorant tables et dégustations, toujours partant pour peu qu’on découvrît une chapelle juchée sur une espèce d’Everest local. Il grimpait en tête, découvrait, se passionnait – le tout en costume de ville. Puisqu’il incarnait l’élan vital, l’énergie pure, ses amis ont du mal à croire à sa mort. Comment se faire à la disparition d’une voix, d’un franc-tireur ? Quelques dates 10 septembre 1930 Naissance à Montmorillon (Vienne). 1966 « Petite folie collective » cosignée avec Copi. 1991 Première édition du « Dictionnaire encyclopédique du théâtre« , dit « Le Corvin ». 2002 Coéditeur avec Albert Dichy du théâtre complet de Jean Genet pour La Pléiade. 20 août 2015 Mort près de Saint-Etienne (Loire). Francis Marmande Photo : Michel Corvin, à gauche, en compagnie du comédien Julien Lacroix, en mars 2012. (c) PHILIPPE DEREUDER En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/scenes/article/2015/08/24/michel-corvin-essayiste-et-homme-de-theatre-est-mort_4735013_1654999.html#xdUIPXIPcKzgwEMg.99
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
February 24, 2014 8:19 AM
|
Artiste pluridisciplinaire et activiste gay, Copi avait introduit dans son théâtre le personnage de la folle à tous points de vue. Ses facéties prenaient aussi la forme de dessins dans lesquels il traitait des rapports humains au énième degré. Une anthologie vient de sortir. Article de Gérard Lefort, Mathieu Lindon et René Solis pour Libération CLIQUER SUR LE TITRE OU LA PHOTO POUR LIRE L'ARTICLE ENTIER DANS SON SITE D'ORIGINE Les filles n’ont pas de banane de Copi éd. Olivius, 272 pp., 21,50 €.
|
Scooped by
Le spectateur de Belleville
October 22, 2013 5:47 PM
|
Un "rêve musical autour de Copi". C'est ainsi que le contre-ténor et compositeur Alain Aubin, et sa complice Catherine Marnas, metteuse en scène de la compagnie Parnas, définissent la version d'El Cachafaz qu'ils proposent à quatre mains. Une œuvre anthropophage de Copi transformée en une pièce de théâtre lyrique délirante qui parle de crise, de révolte et de viande humaine, pour finir dans un bain de sang. Sur une partition splendide, jouée en direct par un quatuor violoncelle-accordéon-alto-clarinettes, El Cachafaz démarre lentement. Le duo potache entre un travesti et son mac macho a l’allure d’un film que Jacques Demy aurait tourné dans les bas-fonds de Montevideo. Amour vache, tango et élégantes grossièretés : les acteurs alternent, en espagnol, les moments chantés et les tirades en vers. La création s’envole réellement lorsqu'apparaissent les chorales – trois au total - qui campent les hommes, les femmes et… les morts. Affrontements vocaux et physiques, parfaitement mis en espace et chorégraphiés, El Cachafaz assume crânement son parti-pris de drame musical. Avec une drôle de morale : un flic, ça ne se mange pas impunément. Gilles Rof pour Télérama Aux Plateaux à Marseille jusqu'au 25 octobre Et aussi : entretien avec Catherine Marnas et Alain Aubin pour le journal Zibeline, propos recueillis par Agnès Freschel : http://www.journalzibeline.fr/copi-au-choeur/
|