Les populations autochtones de l'Amérique latine

L'exploitation du pétrole des territoires mis aux enchères serait désastreuse pour la région et les communautés indigènes qui l'habitent. Les représentants de ces sept communautés ont publié une déclaration pour s'opposer au projet et affirment que le gouvernement équatorien n'a pas obtenu leurs consentements officiel pourtant nécessaires légalement. Le secrétaire aux hydrocarbures de l'Equateur affirme quant à lui qu'un soutien sera proposé aux communautés locales et, en un mot, que l'opposition des représentants n'est pas légitime. Or, et c'est ce qui fait toute l'ambiguïté de la situation, le gouvernement de l'Equateur a récemment eu un "différend" avec la société américaine Chevron, à laquelle il impute la responsabilité d'importants dommages à l'environnement, pollué par l'extraction du pétrole. Rappelons aussi que le gouvernement du Pérou a récemment déclaré l'état d'urgence environnemental dans sa région de la forêt amazonienne du nord où le pétrole est exploité par la compagnie argentine Pluspetrol...

"Juin 2007. Le président équatorien Rafael Correa annonce le lancement d’une démarche qualifiée de « révolutionnaire » : le projet Yasuní-ITT. Celui-ci prévoit que l’Equateur renoncera à l’exploitation pétrolière au cœur du parc naturel de Yasuní si la « communauté internationale » accepte de verser au pays un dédommagement correspondant à la moitié des recettes attendues. Les fonds ainsi collectés permettront à Quito de développer les énergies renouvelables, de préserver et réparer les écosystèmes tout en protégeant les populations indigènes (dont certaines vivent en isolement total), de mener des recherches sur la valorisation de la biodiversité, ou encore de bâtir des programmes sociaux destinés en priorité aux populations des zones concernées."
Mais ce projet idyllique semble confronté à des difficultés qui cherchent encore une résolution aujourd'hui. Son soutient est minimum pour les organisations écologistes qui sont partagées, comme Greenpeace, entre le principe de ne soutenir aucun projet gouvernemental, et le fait de s'opposer à l'extraction du pétrole. Des doutes subsistent en effet sur les véritables intentions du président. De plus, notamment à cause du contexte actuel de crise économique, peu d'Etats se sont réellement engagés à verser les dédommagements attendus. On peut aussi imaginer que les pays riches comptant sur les recettes du pétrole, en soutenant le projet Yasuní-ITT, craignent d'en voir naître de nouveaux qui ne leur seraient pas profitables. L'Equateur se tourne donc vers les entreprises mais le risque de récupération est grand puisqu'en contrepartie elles seront autorisée à utiliser la marque Yasuní pour leur publicité : "On frémit à l’idée de voir des constructeurs automobiles ou de grands énergéticiens arborer le logo officiel de l’initiative, « Produit Yasuní — Créer un monde nouveau »... Le pire scénario serait de voir l'Equateur se tourner, en lieu et place du marché du pétrole, vers le marché du carbone. dont les effets seraient aussi néfastes sur l'écologie que ceux qu'on tente à tout prix d'éviter avec le projet Yasuní. Un projet idyllique, mais dont les chances de réussite sont assez minces...

Où en est le projet Yasuní aujourd'hui ?

en décembre 2012 : http://blog.lefigaro.fr/amerique-latine/2012/12/2013-annee-du-decollage-pour-le-projet-equatorien-yasuni.html

en mars 2013 : http://perspectivesinternationales.com/?p=731

En 2010, le président de la Bolivie Evo Morales promulgue la "Déclaration Universelle des Droits de la Terre Mère" qui accorde des droits à la nature et introduit un certain nombre d’obligations légales au niveau institutionnel. Cette Déclaration s'inscrit dans la tradition indigène qui est de vivre en harmonie avec la terre, un écologisme "naturel" voire "culturel" (les deux termes s'associant très bien ici) qui serait inconcevable dans un pays occidental comme la France. Elle tend à impliquer plus avant l'écologie et le développement durable dans la vie politique de ces pays en plein essor industriel et économique.

Il s'agit toujours du même problèmes : les traditions indigènes connaissent un regain face à l'évidente menace qui plane sur leurs terres, portée par les inquiétudes climatiques que l'on connait et la volonté d'exploiter les riches ressources qui dorment sous les pieds des Indiens. Mais dans les faits, le pachamamisme est moins un culte réinventé des indigènes à leur Mère Nature qu'une sonnette d'alarme à ceux qui voudraient exploiter leurs terres sans en redistribuer les ressources...

"victimes collatérales de la guerre en Colombie, 66 communautés indigènes souffrent de dénutrition, d'un manque de soins médicaux, d'actes de violence et même d'assassinat ciblés (104 victimes en 2012, dont 21 leaders...) Chassés de leurs terres pour les intérêts économiques (charbon, or, argent...) qu'elles représentent, plus de 12000 individus ont été obligés de se déplacer, sans aucune aide ni compensation, contraints à quitter leur mode de vie pour des conditions évidemment difficiles où l'accès aux soins et la nourriture manquent. Les plus jeunes (10-17 ans) se retrouvent enrôlés de force danns les armées tandis que les femmes et les jeunes filles sont victimes de violences sexuelles. "Après trois années de consultation des communautés, un programme de protection des droits des femmes indigènes déplacées en situation de risque a été adopté fin avril. Des programmes concrets dans le domaine de la santé, de la prévention des violences sexuelles, d’accès à l’éducation et autres vont être mis en place en faveur de femmes chefs de famille." Et après ?

"Olivier Dabène, professeur à Sciences-Po, dirige l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes. Il vient de publier La gauche en Amérique latine, 1998-2012 (ouvrage collectif paru aux Presses de Sciences-Po). A partir d’une carte des terres indiennes menacées dans les Andes (Equateur, Pérou et Bolivie) il pose une question : comment arbitrer entre l’extraction des richesses du sous-sol et les contraintes environnementales, culturelles et identitaires ?"

C'est à partir de la feuille de coca qu'est fabriquée la cocaïne. Mais c'est aussi un élément incontournable de la culture indigène, connu pour ses vertu thérapeutique depuis des millénaires. Voilà à quoi se heurtent les gouvernements, qui savent pertinemment que pour des raisons financières, les producteurs de coca préfèrent vendre leurs récoltes aux narcotrafiquants (à 97%). "Les intérêts liés à la coca sont anciens, tenaces, et évoluent à la faveur de la confusion politique sud-américaine. Dans le combat pour sa légitimation, la création d’un parti politique représente seulement un chapitre de plus."

"Les Amérindiens sont menacés à la fois parce qu'ils défendent leur mode de vie traditionnel et leur droit à la terre. [...] Les Amérindiens sont les premiers écologistes. De tout temps, ils ont vécu en harmonie avec la nature. Ils chassent et exploitent les ressources naturelles pour se nourrir et non pour accumuler des biens. Ils ne comprennent pas l'attitude de l'homme blanc. Deux visions du monde s'affrontent : d'un côté, des peuples qui savent que la terre n'est pas infinie, de l'autre des envahisseurs qui ne raisonnent qu'à court terme. Nous aurions beaucoup à apprendre à leur contact, hélas personne ne les écoute. Les Amérindiens d'Amazonie ont pointé les problèmes et mis en garde sur les conséquences du comportement de l'homme blanc. Dans leur cosmogonie, le ciel est déjà tombé une fois sur la Terre, si rien n'est fait il risque de tomber à nouveau."

A court plus qu'à long terme, il est plus que nécessaire de trouver un consensus entre la course au productivisme et le statut des peuples qui occupent les terres convoitées. L'économie est censée servir les hommes, pas les asservir.