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David Métais est cofondateur de la société MySkillz, créée en 2020. Geoffrey Klein, en est le « product manager. » Les outils développés par MySkillz visent à démocratiser le développement des soft skills, les savoir être. Grâce au Fonds Régional d’Innovation pour la Formation (FRIF), Myskillz a élaboré un parcours pour des publics éloignés de l’emploi, en lien avec deux organismes de formation. Pouvez-vous nous décrire ce qu’est le programme MySkillz ? Ce que nous proposons, c’est une application et un catalogue de formation en format micro learning sur des thématiques de soft skills, de savoir-être, et des thématiques professionnelles. Nos programmes sont personnalisés. Les apprenants se perfectionnent à raison de 5 minutes par jour via la plateforme, grâce à des vidéos, des exercices pratiques. Ce sont des temps très courts, que les utilisateurs peuvent consulter à leur rythme, quand ils peuvent et où ils veulent. En complément, ils assistent à des ateliers en présentiel pour renforcer la mise en pratique de ces compétences. Un parcours, c'est une dizaine d'heures en autonomie. Les contenus sont accessibles pendant un an. Un des intérêts du micro learning, c’est qu’il est assez facile de revenir sur les capsules qui sont faites pour être visionnées plusieurs fois, en fonction des besoins. Ce ne sont pas des vidéos que l’on regarde une seule fois et qu'on connaît à vie. Sur quoi avez-vous basé votre réflexion ? Au cours de mes expériences professionnelles dans diverses entreprises, je me suis interrogé sur ce que je faisais au quotidien. J’ai rencontré des dirigeants, des DRH des formateurs, des doctorants, des coachs. J’ai constaté qu’il y a une corrélation directe entre soft skills et performance. En gros, plus un manager a des soft skills solides, plus l'équipe est performante, épanouie, et meilleure est la qualité de vie au travail. Il y a aussi moins de problématiques de burn-out, ou de personnes qui se réorientent parce qu’elles ont été déçues d'un métier ou d'une entreprise. Deuxième constat, c'est que les managers ou les DRH manquent de temps pour se former. L'idée était de travailler sur un outil de formation efficace, à distance, utilisable en parallèle du quotidien personnel ou professionnel. Comment avez-vous débuté ? Nous avons commencé à travailler sur l’ingénierie pédagogique avec des chercheurs et experts en neurosciences de l’ENS et l’Université de Bordeaux. Ensuite, nous avons très vite accompagné des organismes de formation puis des écoles, les universités de Bordeaux et de Pau, ainsi que l'académie de Poitiers. En parallèle, nous avons accompagné quelques entreprises. Nous sommes toujours reliés à un organisme de formation qui assure le présentiel pour nos accompagnements, soit une école, une université pour les étudiants, un organisme de formation dédiée aux demandeurs d'emploi ou à la formation continue pour les autres professionnels. Pourquoi le FRIF ? Avec le FRIF, nous expérimentons un parcours hybride axé sur les compétences comportementales, avec une pédagogie qui alterne les cours et le e-learning. L'idée est d'améliorer le lien entre la fin de la formation et le début de la vie professionnelle. Aujourd'hui, les entreprises recrutent essentiellement sur des notions de savoir-être et de posture, principalement sur des bas niveaux de qualification. L’idée d'accompagner le développement de ces compétences avec des personnes éloignées de l'emploi, c'était de voir quel impact cela pourrait avoir dans leur insertion professionnelle. On est vraiment sur de la formation. Qu’y-at-il de spécifique avec les demandeurs d’emploi ? Avec ce public, on est plutôt sur la prise en mains des soft skills dans le cadre de l'insertion professionnelle. Notre expérimentation est menée avec deux publics différents. Des apprenants qui suivent une formation en Agent de Propreté Hygiène (APH) avec Insup Formation, et d’autres sur l’anglais appliqué au tourisme avec le Greta. Pour eux, nous avons spécifiquement développé 4 formations liées à la reprise d'emploi : développer et maintenir sa motivation, la confiance et l'estime de soi, l'organisation de la recherche d'emploi, enfin la posture, comment se comporter en entretien. C’est un peu la boîte à outils d'un demandeur d'emploi qui sort avec un diplôme, de quelle manière on recherche un emploi aujourd'hui. Quel est le rôle des formateurs ? Nous avons travaillé directement avec les formateurs, on leur a présenté l'outil et comment le prendre en main, on a défini ensemble les parcours, sélectionné certains éléments. Nous leur avons fourni la pédagogie clé en main, qui comprend l'application, les contenus de formation, et toutes les fiches pour animer les ateliers. Pour les ateliers, nous les avons accompagnés sur certaines séances, pour qu'ils puissent organiser la mise en pratique des notions que les apprenants ont abordées à distance. Pour que ça fonctionne, il faut qu’il se prépare en amont, au besoin en échangeant avec nous. C’est essentiel d’avoir un lien fort avec les formateurs, de personnaliser l'accompagnement en fonction des typologies métiers qu’ils maitrisent mieux que nous. Ce sont eux qui font vivre les savoirs par le biais d'ateliers. Avez-vous connu des surprises ? Il y a un point auquel nous n’avions pas été trop confrontés jusqu'à présent, c'est la fracture numérique. Quand on accompagne des publics comme sur la formation APH et qu’on leur propose notre application de formation, nous constatons que regarder des vidéos toutes simples sur leur téléphone n’est pas toujours possible, parce qu’ils ne sont pas équipés ou qu’ils ne savent pas s’en servir. Les formateurs nous disent qu’ils voudraient pouvoir consulter les vidéos tous ensemble, les visionner sur grand écran afin que tout le monde puisse les regarder en même temps et avancer au même rythme. Nous n’avons connu ça, ni avec les publics étudiants, ni en entreprise, parce que cette fracture numérique n’existe pas. Le deuxième problème que nous avons rencontré, était de trouver des créneaux pour travailler avec les formateurs et caler les périodes de formation en atelier et sur l'application en fonction de leur planning. En pratique, cela a été très compliqué de les mettre en place, de trouver ces créneaux et de prendre le temps de leur présenter les formations. Les formateurs assurent la formation mais aussi tout le suivi administratif, ce qui fait qu’ils ont assez peu de disponibilités. Nous en avons même perdu en cours de route, parce qu'ils n’avaient pas le temps. Cela a été une surprise, on ne pensait pas que ce serait aussi difficile. Si nous devons le refaire, il faut vraiment que nous trouvions un moyen avec les structures pour assurer la disponibilité des formateurs. Quels enseignements avez-vous tiré de cette expérimentation ? Nous avons fait évoluer notre offre en cours de route. Par exemple, la capsule « gérer ses émotions », que nous ne voulions pas proposer au début mais qu’on nous a demandé d'intégrer dans le parcours APH. Nous nous sommes rendu compte qu'elle n’était pas pertinente. En revanche, les parties « dompter sa colère » et « tromper son ennui » ont mieux fonctionné. Typiquement, c’est l'expérimentation qui nous a permis de tester certaines séquences et d’en vérifier l’intérêt sur ces publics. Nous ne sommes pas là pour imposer le présentiel et le digital, mais plutôt pour bien tirer parti des deux modalités. Le présentiel présente un grand intérêt sur la prise de conscience et la mise en pratique. Alors que le digital offre plus de personnalisation, et permet de se former sur des temps très courts au moment où la personne est le mieux disposée. De plus, on peut facilement mesurer sa progression, c'est tout l'intérêt du digital. Marier le meilleur des deux mondes, c’est la manière la plus sûre d’accompagner efficacement les bénéficiaires. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences et du PACTE de la Région Nouvelle-Aquitaine : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
Valentin Nicolas est Référent Pédagogique & Entreprises de la Régie de Quartiers DIAGONALES à la Rochelle. Avec l’organisme de formation WebForce3, la Régie de Quartiers DIAGONALES a créé une « École Numérique de Territoire » qui propose notamment la prépa apprentissage « #FabrikTonParcours ». D’où vient l’idée de #FabrikTonParcours ? Aujourd'hui pour les populations jeunes ou en rupture de parcours, on a une vraie difficulté de lisibilité et d’accessibilité concernant les formations numériques. Les métiers sont émergents, souvent récents dans les entreprises, et dont le besoin est de plus en plus important. En fait, l’idée de #FabrikTonParcours c'est de proposer chaque année à 15 participants de réaliser une « prépa formation » pour découvrir les différentes filières et métiers du numérique. On leur propose aussi une partie remobilisation pour les mettre dans un rythme actif d'apprentissage. Au terme des 3 mois, nous voulons qu’ils aient développé leur posture professionnelle, une vision plus précise de ce qu'est le numérique et qu’ils puissent se positionner sur une formation en connaissance de cause. Pour cette action, la Régie de Quartiers DIAGONALES s’est associée à l’organisme de formation « WebForce3 » ? Oui, c’est une belle histoire parce que notre « École Numérique de Territoire » est issue de la rencontre entre la Régie de Quartiers DIAGONALES et le réseau d’écoles numériques WebForce3. En constatant de nombreuses valeurs communes telles que l’inclusion ou l’égalité des chances, nous avons eu envie de créer une école en partenariat qui s’appuie à la fois sur l’expérience de l’accompagnement social par Diagonales au sein des quartiers depuis 30 ans, ce qui a tissé une relation privilégiée avec les habitants, et sur l’expertise pédagogique de WebForce3, qui à travers ses 50 écoles en France et à l’étranger est un acteur incontournable côté innovation comme par la pertinence des parcours proposés aux apprenants. Quelle est la plus-value de cette école ? On a très vite compris que notre partenariat allait offrir des parcours plus sécurisés côté apprenants et des recrutements plus sûrs côté entreprise. Avec nos deux structures et leurs savoirs faire en un seul lieu, on a la capacité de concrétiser des rêves de carrière dans le numérique avec des formations qu’on peut suivre en étant mieux accompagné, en étant plus compétent techniquement à la sortie que sur des formations plus générales, avec au final des recrutements plus pérennes pour les entreprises locales. Tout cela qu’on soit issu des quartiers prioritaires, perdu dans son orientation, ou en situation de handicap. Parce que le dispositif a aussi pour objectif de sortir un peu des parcours « élitistes » et de ne plus passer à côté de talents qui ne se seraient pas révélés par voie de formation habituelle. Aujourd’hui, quand on veut travailler dans le numérique, il faut minimum avoir le bac, voire un bac +2. Un jeune qui veut devenir Développeur Web et qui n’a pas le bac ne trouvera pas de formation pour ce métier s’il se présente dans un organisme de formation classique. Notre école propose de la formation inclusive, qui n’exige aucun prérequis de diplôme à l’entrée. On cherche plus à cultiver le talent, l’implication et les savoir-être, en construisant sur les bases que le candidat a pu construire seul avant de nous rencontrer. Donc une personne qui souhaite se réorienter ou entamer un parcours à nos côtés, même sans le bac, va passer un test de positionnement pour vérifier qu’il choisit la formation adaptée à son projet. En quoi consiste ce test ? Pour nous, c’est une aide à la décision. En fonction des réponses du candidat, on détermine quelle est l’orientation la plus judicieuse. Soit on l'oriente vers une formation (parfois avec une phase de remise à niveau), soit sur « #FabrikTonParcours ». On peut également le positionner sur une formation que nous ne proposons pas à La Rochelle, mais qui est proposée en distanciel ou dans un autre organisme de formation du réseau WebForce3. Dans ce cas, on peut les accompagner à la mobilité, et dans la réalisation de leur projet. Quand avez-vous commencé ? L'école a démarré à l'été 2021 par une première édition « #FabrikTonParcours » que nous avons animé dans une salle de la gare SNCF de La Rochelle. Ensuite, nous avons eu la chance de pouvoir nous implanter à côté de l’aquarium et nous avons ouvert l’école et ses salles de formations au printemps 2022. Aussitôt, nous avons ouvert la formation diplômante Technicien Supérieur Systèmes et Réseaux (TSSR) en partenariat avec Pôle emploi, qui a été suivie d’une deuxième session de #FabrikTonParcours. Maintenant, la planification se fait à mesure, toujours en fonction des besoins des entreprises locales et des potentiels participants, parce que notre but n’est pas d’ouvrir à tout prix en fonction d’un catalogue de formation mais d’apporter une solution en mettant en relation ceux qui emploient et ceux qui souhaitent se former. Quel est le profil type des participants ? Nous n’avons pas forcément de profil type. Nous avons des décrocheurs scolaires, des personnes éloignées de l'emploi, d’autres en réorientation professionnelle. Ça peut être un jeune qui était en contrat d'apprentissage et qui n’a pas été embauché par son entreprise comme d’autres qui n’ont pas trouvé leur place dans les parcours de formation dits « classiques ». On a beaucoup de jeunes en début de vie qui sont déjà en réorientation professionnelle. Certains ont fait un BP, par exemple en électricité, et d’autres des études plus générales sans arriver à s’orienter par la suite. Au terme de leur formation, ils réalisent qu’ils ont pris la mauvaise voie. Ils vont jusqu’à la validation de leur diplôme mais cherchent à faire autre chose. Il faut dire qu’ils connaissent souvent mal le monde de l'entreprise, qu’ils ont fait peu de stages, mais l’informatique les intéresse et ils jouent aux jeux vidéo. Alors quand ils arrivent, on leur dit que les métiers du numérique, ça va bien plus loin que ça. Notre objectif c'est de leur montrer les coulisses, de leur expliquer comment ça fonctionne pour qu’ils puissent au final avoir un regard plus précis sur les différents métiers qui existent. Qu’est-ce que leur apporte « #FabrikTonParcours » ? Pour nous, « #FabrikTonParcours » est une prépa remobilisation plus qu’une prépa apprentissage. Ce terme est important parce que dans le référentiel de l’action, la première phase, et celle à laquelle on accorde beaucoup de temps, c'est la phase de remobilisation. On travaille sur la confiance et l’estime de soi, sur le savoir-être, mais aussi sur la communication écrite et orale, toutes ces choses qui vont aussi leur permettre de modifier leur posture professionnelle. La découverte des métiers repose sur le principe du « Learning by Doing », l’apprentissage par la pratique. On est à chaque fois sur une pédagogie en mode projets. Les intervenants ne sont pas forcément des formateurs, ce sont aussi des salariés ou des chefs d'entreprises dans le domaine du numérique qui peuvent répondre à toutes les questions techniques. Certains viennent une demi-journée pour apporter leur témoignage. Nous faisons en sorte que ce ne soit que des intervenants locaux, qui connaissent bien le bassin Rochelais. Ils arrivent chacun avec un projet pour le travailler avec les participants. Même si les jeunes n’ont aucune connaissance dans le projet qui leur est proposé, ils vont apprendre en le menant du début à la fin. Par exemple, la construction d’un jukebox numérique, avec tout ce que ça implique, la configuration, les raccordements, l’installation d’un système d’exploitation, etc. Comment se déroule la partie remobilisation ? La remobilisation se fait tout au long de la période de 3 mois. Si on faisait toute la remobilisation au début, et qu’on obligeait les jeunes à passer leurs 3 premières semaines à travailler uniquement la communication, cela pourrait provoquer des ruptures de parcours. Donc dans une semaine type, on fait un peu de tout, des demi-journées projets, des demi-journées sur la remobilisation, ainsi qu’une demi-journée d'activités physiques et sportives avec un coach. Nous voulons sortir les stagiaires de l’école, les emmener en extérieur. Quand on dit activité physique et sportive, on ne cherche pas la performance mais simplement à s’aérer, apprendre à perdre et gagner en équipe, et éviter de rester sur son ordinateur toute la journée. Ça peut aller du géocaching (course au trésor avec GPS) à l’Ultimate (frisbee en équipes), en passant par une sortie vélo pour favoriser et encourager la mobilité responsable, ou encore par une initiation à la boxe pour gérer ses émotions en osant être combatif. C’est très agréable parce qu’on observe de vrais changements à mesure du parcours et les premiers surpris sont souvent les participants que ça rend d’autant plus enthousiastes. Les activités annexes nous permettent aussi de renforcer la cohésion d'équipe, parce qu’il est important de cultiver un vrai esprit de groupe. C’est ce qui permet aussi de limiter les abandons en milieu de parcours. Il arrive que certains jeunes se rendent compte très rapidement qu'ils veulent devenir développeur web alors quand la journée est dédiée au marketing digital, nous pourrions craindre un désintérêt et par conséquent une démotivation. C’est là que cette cohésion au sein du groupe est précieuse parce qu’ils se soutiennent et se donnent envie de poursuivre ce dispositif, d’autant plus s’ils sont entre copains. #FabrikTonParcours, au-delà d'une aventure professionnelle dans le cadre d'une formation, c'est aussi une aventure humaine. Vous arrivez à toucher un public féminin ? Les femmes sont trop peu représentées dans les métiers du numérique. Nous n’atteignons pas encore notre objectif de parité dans les participants de #FabrikTonParcours malgré le fait que nous portions fort le message de l’appétence des entreprises à accueillir plus de femmes dans leurs équipes numériques. Cependant, notre discours semble porter ses fruits puisqu’il y a quelques jours, dans le cadre de la semaine des métiers du numérique à laquelle nous avons pris part avec Pôle emploi, nous avons eu le plaisir de constater que sur 39 demandeurs d’emploi venus découvrir les formations et filières du numérique à travers des ateliers que nous animions à l’école, 17 femmes étaient présentes. C’est très encourageant et nous allons continuer de communiquer afin qu’on cesse de croire que seuls les hommes ont leur place dans ces filières. C’est tout à fait faux, et il y a de beaux parcours à réaliser pour les femmes ayant de l’intérêt pour le numérique. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
« Oser coder », ou comment inciter les femmes à découvrir le numérique
Hauts de Garonne Développement est l’agence de développement économique de la rive droite de Bordeaux. Son cœur de métier, l'accompagnement à la création et au développement d'entreprise. Depuis 2013, la structure a choisi de faire un focus sur la mixité des métiers et de promouvoir auprès du public féminin sans emploi, des métiers porteurs mais peu féminisés. « Le tissu économique est bien présent sur notre territoire, mais nous n’avons pas assez de personnes qualifiées en regard des besoins, » explique Virginie Rosa-Arsène, chargée de mission Diversité/Mixité. « Nous faisons le constat qu’il y a un souci au niveau de l'emploi des femmes. Une des solutions, c'est de s’adresser aux entreprises qui ont des métiers porteurs, mais peu exercés par les femmes. Beaucoup nous disent qu’elles ne peuvent pas en recruter puisqu’elles ne postulent pas. » Parmi ces métiers porteurs, ceux du numérique forment une « niche » peu ou pas du tout investie par les femmes. Elles y sont très peu nombreuses, pourtant les entreprises disent vouloir en intégrer. Pour tenter d’y remédier, HDG propose depuis 2 ans, l’action « Oser coder le jeudi pour changer de vie ». Quatre fois dans l’année, elle consiste à organiser des matinées de découverte des métiers de développeuse informatique. 3 matinées, 3 métiers A chaque session, une dizaine de femmes sont invitées à découvrir un métier différent, 3 jeudis de suite : développeuse web, data analyste et agent de la cybersécurité. On leur explique l'environnement professionnel, les formations existantes. Elles peuvent entendre à des témoignages de femmes sur leur parcours de reconversion, et des présentations de centres de formation sur les métiers et la place des femmes. « Nous faisons la promotion de ces 3 métiers parce que nous savons qu’il y a énormément de recrutements et très peu de candidates. Mais notre premier objectif est faire sortir ces femmes de chez elles, qu’elles découvrent des choses et voient si ça leur convient. » « Depuis des années, nous sommes connus des acteurs de l'insertion, nous sommes bien identifiés en tant que structure qui axe ses actions sur la promotion des métiers porteurs mais peu féminisés, qui ouvre les horizons professionnels des femmes. Cependant, il faut chaque année reprendre contact, faire des présentations lors des instances des partenaires. Notre rôle c’est de semer des graines. » Du côté des participantes, aucun prérequis n’est exigé, à part la compréhension du français en raison du contenu qu’il faut pouvoir lire à l'écran, les énoncés de jeux proposés. Seule véritable condition, qu'elles n'aient pas peur de l’outil numérique et qu'elles sachent l’utiliser, ne serait-ce que pour faire une recherche ou autre tâche simple. « De toute façon, ça ne viendrait à l’idée de personne de venir découvrir les métiers du développement informatique sans jamais avoir touché un ordinateur. Le point commun des femmes qui s’inscrivent, c'est qu'elles sont curieuses. Elle se disent qu’elles vont essayer un domaine qu’elles ne connaissent pas, sans devoir s’engager dans la durée. D’ailleurs, elles sont libres de partir quand elles veulent. Pour moi, le fait de venir à la première réunion est déjà un pas en avant. » « Ma grosse surprise, c’est que je pensais qu'on allait toucher beaucoup de jeunes filles, mais ça n’est pas le cas. Nous avons majoritairement des femmes de 30 à 55 ans, autant de personnes peu diplômées que diplômées en reconversion. Beaucoup de femmes matures avec une expérience antérieure. Leur expérience va servir à ces métiers, qu’elles soient anciennes couturières ou secrétaires parce qu’elles sont habituées à prendre les problèmes étape par étape. Pour le code c'est pareil, on fait étape après étape. » La majorité des participantes assistent aux 3 séances. Après l’atelier, elles peuvent poursuivre à domicile, reprendre le diaporama qui leur a été présenté, consulter différents sites et tutoriels. Celles qui expriment leur envie de continuer sont aiguillées sur des formations de quelques semaines ou quelques mois, qualifiantes ou non, comme celle proposée par l’école Simplon, « les Hackeuses. » Former des expertes « Si je fais cette action, c'est parce que je suis convaincue que ça peut en amener certaines à l'emploi. Les entreprises ne cherchent pas des ingénieurs, mais plutôt des experts dans un domaine précis. Les formations courtes sont adaptées à cette demande. Suite à notre initiation, certaines entrent en formation qualifiantes (entre 6 et 12 mois), cela dépend de leurs aptitudes. Toutes n’ont pas vocation à devenir développeuses, mais je veux qu'elle fasse le choix en connaissance de cause. Que si elles ne poursuivent pas sur cette voie, c’est parce qu’elles ont essayé et que ça ne leur convenait pas. Et de dire au public, envisagez toutes les possibilités, ne les mettez pas de côté. » « L'autre partie de mon activité, ce sont les vidéos de quelques minutes, des témoignages de femmes reconverties vers un métier porteur peu féminisé, que l’on peut voir sur notre site. Lorsque j’envoie des invitations, j’ajoute également des vidéos de femmes qui sont venues témoigner de leur reconversion pendant nos initiations. » « Oser coder le jeudi pour changer de vie » ambitionne également de tordre le bras aux images véhiculées par les différents médias. Le développeur est trop souvent associé à la figure du « geek » un peu étrange et asocial. Pour convaincre les femmes, il faut avant tout déconstruire certains clichés, qui font notamment que, à l’inverse des garçons, les filles ne se dirigent pas vers des études techniques parce qu’elles ont intégré le principe que ce n’est pas pour elles. Même si pourtant, à l’origine, les femmes représentaient 30% des développeurs, aujourd’hui elles ne sont plus que 17%, nous sommes donc loin de la mixité. « Cette question me touche et je ne veux pas faire les choses à moitié. Alors je me suis formée pour mieux convaincre les femmes sur le terrain. Je ne vais pas leur présenter toute l’histoire du numérique depuis les origines, aller dans le détail, mais je peux répondre à leurs questions, et j’ai des arguments à leur donner lorsque j’entends certains gros clichés. » Autre écueil, le sexisme dans les entreprises du numérique. Ces dernières commencent à se former et à être alertées par des comportements qui finissent le plus souvent par rebuter les rares filles ingénieures, qui sont nombreuses à partir en raison d’une ambiance parfois difficile. « Nous faisons de la sensibilisation à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes auprès des entreprises. Ce sont des collectifs humains qui ne sont pas étanches aux stéréotypes de la société. Lorsque ces stéréotypes portent préjudice au business, c'est là qu’elles se réveillent. Elles ont bien compris que leur image est très importante, particulièrement pour les recrutements. »
Mentorat et formation, la formule Artside School
Artside School est un centre de formation bordelais qui propose plusieurs types de cours, notamment un bachelor en 4 ans et une formation à distance de 14 mois sur 3 spécialisations différentes. Il est entièrement dédié aux métiers artistiques digitaux orientés jeu vidéo ou cinéma d'animation : concept art, illustration, interface artist, « 3D modeler », artiste de personnage ou d'environnement, lumières, effets spéciaux, etc. La création du centre a été voulue en réponse à un problème national, celui d’un manque de formations de qualité sur la dimension artistique de ces métiers. « Nous sommes dans un métier numérique qui évolue énormément chaque année, techniquement et artistiquement. » Pour Camille Delmeule, un des cofondateurs, « le problème est que la plupart des écoles ont un corps pédagogique éloigné de la production, des formateurs dont c’est le métier principal. Malheureusement après quelques années, c’est compliqué pour eux de rester en phase avec la réalité de la production. Après 10 ans, leurs connaissances sont obsolètes. » Artside a fait le choix de ne recruter que des intervenants professionnels, qui occupent un poste dans leurs entreprises respectives. C’est aussi le cas des 4 dirigeants. Ils alternent entre Artside et les productions de jeu vidéo. Ce sont environ 70 professionnels qui donnent ainsi des cours ponctuellement ou plus régulièrement, ce qui permet de mettre à jour les formations chaque année puisque ces formateurs suivent en temps réel ce qui se passe dans les productions. Un programme de 3 mois En 2020, l’organisme a lancé un programme de mentorat pour répondre aux nombreuses demandes qui exprimaient un besoin de formation courte sur des compétences ciblées, pour accéder à un emploi, intégrer une école ou un centre de formation. Son principe, proposer un suivi individualisé par un mentor choisi en fonction des besoins d’un élève. Le programme est un cycle de 3 mois avec un suivi journalier, dont le but est de s’initier ou de se perfectionner à l’utilisation d’un logiciel, ou encore de travailler sur le workflow d’un studio précis dans le but d’y postuler. Le programme a été retenu par l’appel à projets régional « digitalisation », qui a pris en charge son coût pour une vingtaine d’élèves. Le mentorat proposé est ouvert à tout public. Avec une condition tout de même, que les candidats possèdent certaines compétences. Être sorti d’une école ne suffit pas, beaucoup d’élèves y apprennent des bases mais n'ont pas le niveau suffisant pour occuper directement un emploi. « Nous disposons de chiffres qui montrent qu’il y a beaucoup de personnes diplômées à Bac +3 ou Bac + 5 en sortie d’école qui, malgré tout, sont bloquées dans leur recherche d'emploi, et qui au bout d’1 ou 2 ans sans vraiment trouver de solution, finissent par changer de carrière. » Le centre devait trouver des candidats soit en direct, soit en sollicitant des partenaires comme Pôle emploi. La sélection s‘est faite sur entretien, avec présentation de folio afin d’évaluer le niveau de chaque personne et s’assurer qu’un accompagnement de 3 mois constituait une véritable solution pour elle. « En faisant un petit bilan de compétences, nous pouvons lui dire si ce qu'elle souhaite en termes de carrière professionnelle est cohérent par rapport à sa situation. Et si, en 3 mois, nous sommes capables de l'aider. Quand son projet est impossible dans le cadre du mentorat, nous lui disons dès le départ. » « Les candidats correspondant à l’appel à projets de la Région ont été plus difficiles à trouver que ce qu'on pensait. D’abord parce que l’école est encore assez récente. Par ailleurs, certains candidats envoyés par les partenaires n’avaient vraiment aucune connaissance. Nous avons écarté une vingtaine de profils qui ne correspondaient pas du tout, parce que les gens n'avaient pratiquement jamais dessiné avant. Or on n’apprend pas un métier en 3 mois, et l’objectif du mentorat est d’accéder directement à un emploi. En revanche, toutes les personnes que nous avons identifiées et qui ont suivi le programme ont obtenu une attestation de formation. Elles ont toutes trouvé un emploi direct, intégré une école ou un centre de formation. » Un mentor pour chaque besoin Un candidat retenu se voit associer un mentor qui connaît bien le domaine qu’il doit travailler, logiciel, production, etc. Et qui va être capable pendant 3 mois de le faire progresser sur les points techniques ou artistiques évoqués lors de l’entretien. Le rythme de formation dépend complètement de l'élève et de l'intervenant, qui doivent trouver un terrain d’entente. Le mentor est aussi formateur, il utilise les outils développés par le centre, notamment une plateforme de visio conférence pour donner des cours à distance, en direct ou en VOD, des espaces pour mettre à disposition des éléments et récupérer les travaux des élèves. Tout se fait à distance, puisque les intervenants peuvent se trouver partout en France, ou encore au Canada, en Suède… L'objectif est de trouver le meilleur mentor possible sans contrainte géographique. « Au départ, la structure du mentorat était fixe, une durée de 3 mois avec un suivi journalier. On s’est rendu compte à travers de nombreux mentorats qu'on avait besoin d’une structure beaucoup plus souple pour définir le bon rythme entre l'intervenant et l'élève. Cela peut être 2 heures la même journée, 3 fois par semaine ou une grosse journée de cours une fois par semaine, le but étant que ce soit cohérent en termes de pédagogie. » Pour Artside, une sortie est considérée comme positive à partir du moment où l’objectif et le souhait annoncés au début du mentorat par l'apprenant (rejoindre une école, se perfectionner sur une technique, trouver un emploi), soit validé à 100%. « Si quelqu'un veut travailler comme concept artist dans un studio de production de jeux vidéo et qu’il se retrouve finalement à travailler en tant que 3D modeler dans un cabinet d'architecture, on n’estime pas que c'est une réussite. » Dans l’avenir, le mentorat va changer de structure, avec plus de souplesse horaire mais également de durée. Ainsi le programme pourra durer un mois comme 6, plutôt que 3, en fonction du rythme qui est indépendant de la personne et de l'intervenant. « Le prochain gros changement sera de proposer une solution aux professionnels. Nous venons d’obtenir la certification Qualiopi et notre objectif est de rendre le dispositif de mentorat éligible au CPF , ainsi que les formations courtes à Bordeaux. Les studios nous contactent déjà pour savoir si nous pouvons leur proposer des perfectionnements.»
L’inclusion numérique selon « Lo Solan »
À Mourenx, le centre social « Lo Solan » fait figure de précurseur. Créé il y a 60 ans, Il a été le premier dans le département des Pyrénées-Atlantiques. Il est également organisme de formation depuis 1989, service créé à la demande des habitants du bassin de Lacq. Un territoire très marqué par l’exploitation du fameux gisement de gaz, activité qui a attiré beaucoup de populations venues du Maghreb, du Portugal et d’Espagne, impliquant un gros besoin d’apprentissage du français. C’est pourquoi « Lo Solan » propose depuis de longues années des modules de formation de base à destination des publics Français Langue Etrangère ou en situation d’illettrisme. Aujourd’hui labellisé « Maison France Services », après avoir été Maison de Services au Public (MSAP), le centre social a constaté dès 2018 un afflux important de personnes pour des démarches d’accès aux droits (CAF, Pôle emploi, CPAM…). Beaucoup sont en grande difficulté face aux outils numériques, comme l’a constaté Samuel Schiro, Directeur général du centre social. « Nous avons clairement repéré des besoins, des vraies difficultés du public pour se connecter, allumer un ordinateur, manipuler l’environnement numérique. Des seniors, mais aussi des jeunes pas du tout à l’aise avec l’outil. On connaissait déjà très bien l’illettrisme, nous avons pris la mesure de l’illectronisme qui est comme une sorte de révélateur. » L'accès aux droits partout La culture « Lo Solan » est de permettre à chacun, quel que soit son lieu de domicile, d’accéder aux services de droit commun. C’est dans le même esprit qu’a été mis en place fin 2020 le projet « #inclusion numérique mobilisation et programme Lo Solan », financé dans le cadre de l’appel à projet régional « illettrisme et illectronisme ». « Nous avons établi le principe d’un accompagnement social personnalisé qui vise à rendre les personnes autonomes face à la dématérialisation des services publics. Nous sommes formés au Développement du Pouvoir d’Agir (DPA) qui consiste à soutenir l'émancipation et accompagner les personnes pour qu’elles puissent agir sur leur propre patrimoine. » La première étape du projet était de créer une dynamique territoriale, en mettant en place un comité de pilotage réunissant tous les acteurs de l’insertion. Le but étant de mieux détecter, capter et accompagner les publics en situation d’illettrisme et d’illectronisme, les fameux « publics invisibles ». Autre volonté, celle de former tous les acteurs de l’insertion, de l’emploi et de l’accompagnement socio professionnel. « Nous avons délivré des actions de formation sur deux modules : des journées de sensibilisation à l’illettrisme et au repérage des publics, avec une intervenante du CLAP CRI Nouvelle-Aquitaine » explique Agnès Guignette, chargée de développement. « Dans l’accompagnement, c’est important d’avoir quelques connaissances sur le sujet. Nous avons mis en place des demi-journées de travail en commun sur des outils adaptés au repérage des situations : les éléments à prendre en compte, les questions à poser… » Le projet « inclusion numérique » comprend également une démarche de veille sociale territoriale. À cet effet, le centre social dispose d’un bus numérique équipé qui lui permet de sortir de Mourenx, de se projeter dans les zones rurales, et d’aller directement au contact des publics invisibles en assurant des permanences. Ainsi toute la population se voit proposer une offre de services complète : gardes, santé alimentaire, hygiène, accompagnement socio professionnel. Développer la culture numérique Lorsqu’une personne sollicite le centre social, elle est reçue par l'équipe de bénévoles de salarié(e)s qui essaient de déterminer les difficultés qu’elle rencontre, avant de l’orienter vers un formateur numérique, ou un atelier « première marche ». « Nous faisions déjà un peu de formation en numérique, des petits ateliers d’initiation en bureautique. Avec les personnes en difficulté avec la langue, c’est valorisant et plus facile. Grâce au projet, nous avons pu embaucher un nouveau formateur en culture numérique, augmenter le nombre des ateliers qui sont désormais ouverts à toutes les classes d’âge, pas seulement les seniors. » Le but est aussi de répondre aux besoins des partenaires de longue date : le PLIE, l’association Transition, le Service Départemental des Solidarités et de l'Insertion (SDSEI), Pôle emploi, la mission locale TM2O, les SIAE... Ils savent qu’ils peuvent trouver des ressources chez « Lo Solan », solliciter les animateurs numériques qui interviennent sur l’Habilitation de Service Public (HSP) « Socle de compétences », la formation des seniors, les ateliers numériques, ou encore envoyer leurs publics vers la Maison France Services en cas de besoin. Parmi les résultats attendus, les journées de sensibilisation et les demi-journées de création d’outils devraient augmenter le nombre de prescriptions de l’HSP, pour laquelle le Centre Social est cotraitant avec l’AFEPT de Pau (Association pour la Formation et l’Éducation Permanente à Tivoli). Les principales plus-values du projet résident dans l’animation et coordination du réseau des acteurs et la montée en compétences des professionnels. Le fait de se former ensemble, élaborer des outils partagés, de se fédérer autour d’une même cause malgré les différences de missions des uns et des autres, favorise l’interconnaissance et renforce le réseau. Les questions d’illettrisme et d’illectronisme sont transversales, et même si tous les acteurs du territoire ne sont pas mobilisés au même titre, un tel projet commun permet de créer une véritable synergie entre eux. « Lo Solan » tire le bénéfice de son ancienneté et de son ancrage territorial. Il est connu et identifié depuis longtemps et a progressivement gagné en légitimité par rapport à tous les dispositifs accompagnés tout au long de son histoire. « Le projet « inclusion numérique » s’inscrit dans cette dynamique très ancienne. Nous avons été positivement surpris par l’engouement de tous les partenaires. On ne s’attendait pas à ce qu’ils soient aussi intéressés par le sujet. Non seulement ils participent, ils nous sollicitent, mais ils nous envoient aussi d’autres partenaires avec lesquels nous n’avions pas l’habitude de travailler. L’intérêt porté à ce projet est une grande satisfaction pour nous. »
Trajectoires, faire réseau avec les Open Badges
Imaginez une constellation formée de badges. Au centre se trouve un pilote, entouré de satellites. C’est le schéma qui a été choisi par le pôle formation de la régie de quartiers rochelaise « Diagonales » pour son projet « Trajectoires ». Le pilote, c’est la personne aux commandes. Les satellites, ce sont les acteurs locaux de l’emploi, de la formation, de la vie sociale, de l’accès aux droits. Les Open Badges ce sont les étoiles que le pilote va utiliser pour tracer sa trajectoire. Trajectoires ambitionne de rendre visibles les compétences transversales acquises par les personnes dans leur vie quotidienne, tous ces savoirs peu ou pas du tout identifiés par les employeurs, mais aussi par les professionnels de l’insertion voire par les personnes elles-mêmes. « On s’est dit qu’il fallait mettre en place quelque chose qui permette de reconnaître autrement tout un potentiel, pas uniquement celui que l’on évalue suite à un module de formation, » explique Chantal Guéry, responsable du Pôle Formation. « Tout ce qui peut être valorisé sur le lieu de travail, quand on est bénévole dans une association, ou pendant un stage d’alphabétisation. Quelles que soient les situations, il y a plein de choses positives que l’on peut mettre en avant et qu’on ne capte pas. » Rassembler les acteurs locaux Autre objectif de la démarche, créer les conditions d’un travail collectif entre acteurs, un projet rassembleur sur un sujet qu’ils n’ont pas l’habitude d’aborder ensemble, et qui permettrait une meilleure reconnaissance du potentiel de ceux qui ont le plus besoin de les mettre en avant, afin de dynamiser leur insertion professionnelle, voire leur insertion sociale. Le pôle formation de Diagonales travaillait déjà dans cet esprit, notamment avec des salariés de structures par l’insertion économique ou avec les chercheurs d’emploi du PLIE de l’agglomération rochelaise. « Nous essayons de favoriser l’adaptabilité. Pour certains, notamment les plus éloignés de l’emploi, ce sont des mots mais ça n’est pas incarné. Un des objectifs des Open Badges c’est de faire référence a quelque chose de concret. Que l’employeur, même s’il ne connait pas les badges, puisse se rendre compte que la personne a mis en jeu des savoir divers et variés, qu’elle peut réutiliser. » Le projet, soutenu par le Fonds Régional pour l'Innovation dans la Formation, s’est construit en plusieurs étapes, toujours en suivant le principe d’un panel représentatif de tous les intervenants. D’abord la constitution de « focus groups » pour le structurer. Ensuite une phase d’information des « satellites » et des « facilitateurs » sous forme d’entretiens individuels et collectifs, en externe et en interne. « C’était important de les sensibiliser, et de trouver avec eux les catégories de savoirs qu’il nous parait important de reconnaitre collectivement, pour déboucher sur des idées de badges à construire ensemble. » Lors d’« ateliers découverte », des pilotes ont aussi été intégrés au même titre que les acteurs du territoire. Le but de ces séances est de demander le point de vue de tous les participants, de faire avancer les idées et de trouver un nom aux badges : « comme un poisson dans l’eau », « je suis carré », « j’ai le peps », « j’en apprends tous les jours ». Tant dans le contenu que dans la forme et leur appellation, ces badges doivent parler à tout le monde. A commencer par le pilote. Le nom d’un badge est un enjeu en lui-même. Il faut éviter qu’il ait un effet discriminant. Et que les badges soient compris comme des outils conçus seulement pour des gens en difficulté, alors qu’ils s’adressent autant aux salariés et aux bénévoles qu’aux personnes en insertion professionnelle. C’est au sein d’« ateliers badges », dernière étape de la démarche, que les idées retenues prennent véritablement corps. Toujours sur le principe de la co-construction, on y détermine le contenu et la description du badge, ainsi que ses critères d’attribution. Le but est d’aboutir à des « badges de territoire » plutôt qu’à ceux d’une structure particulière. Le "sac à badges" Les créations sont mises en ligne sur le site Trajectoires (1). L’utilisateur clique sur le badge qui l’intéresse, il est renvoyé vers le site Open Badge Factory où il retrouve une description détaillée de chaque badge et ses conditions d’obtention. Pour en faire la demande, il remplit un formulaire en fournissant le maximum de détails sur ses expériences, ses réalisations. Au besoin il peut se faire aider par un animateur. Les demandes sont validées en comité de pilotage. Si sa demande est acceptée, la personne en est informée et peut retrouver son badge dans son compte en ligne (son « sac à badges »). « L’idée est de faire en sorte qu’une trajectoire se mette en place, qu’un badge permette de passer d’un satellite à un autre. C’est le réseau local qui fera la différence. Le pilote a son mot à dire sur ce qui va l’intéresser. C’est d’abord lui qui va se reconnaitre, se sentir légitime à présenter une demande. Il choisit les badges dans l’ordre qu’il veut parmi ceux de Diagonales et ceux des partenaires du réseau BOAT (2). Nous voulons aussi que cela développe une réflexivité chez les personnes sur leur potentiel.» L’ambition est de « faire réseau » entre professionnels, ainsi qu’entre pilotes en les mettant en contact de diverses manières, pour qu’ils échangent sur leurs projets et créent ensemble une dynamique qui leur fait parfois défaut quand ils sont isolés. Pour l’instant, Trajectoires comprend 5 badges. D’autres idées sont en chantier, certaines plus complexes à réaliser que d’autres. « Pour moi l’open badge est un outil, une modalité de reconnaissance, mais pas une fin en soi. Il restera un gadget s’il n’y a pas une structuration solide. Cette structuration, c’est le projet Trajectoires, qui est avant tout une démarche collective. Alors que si on considère l’open badge en lui-même, il peut être compris comme un outil très individualiste. » (1) Site Trajectoires : https://trajectoiresenbadges.org (2) Site du réseau BOAT : https://bconnexion.fr
Quand intégrer une entreprise est un jeu
Le principe d’un escape game est de sortir d’un lieu en trouvant des indices et en résolvant des énigmes. Persuadé que cet outil propose des moyens efficaces et différents d’acquérir de la compétence, le réseau Retravailler a décidé en 2019 de créer son propre « serious game », sur le principe de l’escape game inversé. Son objectif ? Non pas sortir d’une pièce, mais entrer dans une entreprise le plus vite possible. Son nom : « Entrance game ». Pour Marion Brillault, responsable du service ingénierie, « ce projet est né d’un constat et d’une frustration des équipes pédagogiques. La frustration vient du fait que de nombreux serious games dans les domaines de l’orientation et de la recherche d’emploi sont créés par des organismes dans la même optique. Ils sont mis à disposition du grand public puis disparaissent ou deviennent payants. Ce qui ne nous permet pas de les exploiter avec nos bénéficiaires ou nos stagiaires. » Le constat repose sur les conclusions d’une étude de Pôle emploi, qui indique que les personnes sont essentiellement recrutées sur leur savoir être. Aujourd’hui le diplôme, les compétences techniques, le niveau de qualification ne sont pas les premiers items pris en compte par les recruteurs, qui cherchent avant tout des profils. Retravailler a engagé depuis plusieurs années un travail de digitalisation de ses formations, notamment la création d’une plateforme de formation en ligne, E-proévolution. Entrance game s’inscrit dans cette logique, un outil complémentaire à la plate-forme qui ne propose pas de contenu de type serious game relatif à l’insertion professionnelle. « Nous avions envie de proposer un outil qui soit détaché de la plate-forme, qui soit gratuit et utilisable par le plus grand nombre. Et que l’on continue de le faire vivre, de l’améliorer et de l’adapter. C’est un outil en interne et à l’externe, une offre complémentaire aux jeux déjà existants. » Potentiellement, les futurs utilisateurs sont tous ceux qui relèvent d’un parcours d’orientation et d’insertion professionnelle ou d’accompagnement auprès des organismes du réseau. Viendront dans un deuxième temps tous les publics en formation auprès d’autres organismes. La mise en œuvre se fera d’abord en Nouvelle-Aquitaine, elle devrait ensuite être étendue au territoire national. Adopter la bonne posture Le jeu interviendra plutôt en fin de parcours à l’issue de l’élaboration du projet professionnel. Sur un parcours plus court, type prestation accélèr’emploi, il sera plutôt en amont, pour ajuster les contenus en fonction des difficultés rencontrées par les stagiaires. Il constitue aussi une sorte de révision, pour apprendre à adopter la bonne posture et le bon état d’esprit, mais cela n’est pas forcément une nécessité pour certains publics moins éloignés de l’emploi. En pratique, Entrance game propose à l’utilisateur, pour une durée de 20 à 40 minutes, d’endosser le rôle de « Gamie », représenté par un avatar qu’il choisira (homme ou femme). La mission de Gamie est de trouver un emploi en réussissant à intégrer une entreprise fictive. Au début du jeu, il est en contact avec le service des ressources humaines. Au cours d’une série de missions, il doit préparer sa candidature et son entretien. Il est épaulé par ses amis qui le conseillent. Les missions que doit réaliser Gamie sont ancrées dans son quotidien. Outre sa recherche d’emploi, il aide et conseille aussi ses amis. « Le joueur doit identifier le parcours le plus rapide pour aller à l’entretien, gérer son planning quotidien, vérifier s’il peut se permettre de rendre service à quelqu’un, etc. Nous avons décidé d’aborder tout ce qui relève de l’informel, toutes les difficultés que peuvent rencontrer nos stagiaires, les petites interruptions qui ne sont pas toujours prises en compte quand on fait de la théorie générale de recherche d’emploi. C’est aussi comment s’organiser pour aplanir ces obstacles et se mettre dans les bonnes conditions, apprendre la bonne posture, comprendre ce qu’il faut mettre en valeur, ce qu’il ne faut pas faire. » Chacun à son rythme L’utilisateur n’est pas limité en temps, pour lui permettre d’aller à son rythme. Pour favoriser son engagement et valoriser ses réussites, il sera gratifié par un système d’étoiles. Régulièrement, le jeu fera des retours sur la progression de Gamie, notamment par ses amis qui lui donneront des conseils sur sa tenue, sur la mise en valeur de ses savoir être. Les conseils, recommandations et interactions avec les autres personnages sont au service de la coopération pour progresser. Il aura la possibilité de télécharger des fiches mémos, des petits documents qui explicitent la méthodologie à aborder sur chaque thématique. « C’est un outil méthodologique. La « gamification » nous permet d’aller plus loin que la fiche technique, de rentrer dans le quotidien de la personne en recherche d’emploi et de la confronter à son quotidien et ce qu’elle doit faire pour atteindre l’entreprise. L’avatar induit un certain décentrement de l’utilisateur, ce qui nous permet de nourrir un dialogue avec un groupe ou un stagiaire, d’évoquer plus facilement les sujets qui l’ont touché. Cela permet d’aborder des situations réelles qui sont voisines de celles qu’on trouve dans le jeu. On ne prend pas la personne de front en évoquant sa vraie vie. » Entrance game devrait être disponible en juin 2021, après une phase de test avec les publics. A noter qu’il a été pensé et réalisé entièrement en interne. Les scénarios ont été élaborés par le service ingénierie et des collaborateurs spécialisés dans l’insertion des personnes très éloignées de l’emploi et dans le recrutement, qui ont apporté des exemples de situations qu’ils ont pu rencontrer avec certains de leurs stagiaires. La conception graphique et technique de l’entrance game est réalisée par le service FOAD. *Le projet Entrance Game a été financé par le Fonds Régional pour l’Innovation dans la Formation
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La réalité virtuelle, du patrimoine à la formation
Une tablette, un boitier qui est à la fois ordinateur et disque dur, une dizaine de casques de réalité virtuelle. En quelques mots, voici « Timepods », un dispositif créé par la société Angoumoise « Novo 3D », soutenu par l’appel à projet régional « expérimentations de solutions numériques innovantes pour la formation et l’éducation ». Grâce à lui, les visiteurs du site archéologique « Cassinomagus » (Charente) peuvent évoluer dans un environnement recréé de toutes pièces, un univers en trois dimensions, complètement interactif. Ils y découvrent en temps réel les thermes antiques aujourd’hui à l’état de ruines. Un médiateur culturel est aux commandes de la tablette et définit le rythme de la visite virtuelle, ainsi que tout ce que les utilisateurs voient au travers de leur casque. « Cassinomagus est la première utilisation concrète de Timepods, sur un lieu qui avait un vrai besoin de visualisation du site et de gestion d’un flux de visiteurs, » explique Dominique Lyoen, dirigeant de Novo3D. « Son avantage est qu’il est autonome, très portable et très simple d’utilisation. » Le système est utilisable partout puisqu’il est complètement indépendant de tout réseau électrique ou de connexion 4 ou 5 G. Le boîtier génère son propre réseau wifi et reconnait automatiquement les casques. Pour l’animateur, la prise en main est rapide. Il a juste besoin d’appuyer sur une touche pour que les utilisateurs soient propulsés dans l’antiquité romaine. Ils sont parfois conviés à participer à des moments d'interaction, par exemple des ateliers de taille de pierre pour aider les ouvriers à construire le temple. Un matériel en évolution « Les premiers casques étaient lourds, difficiles à paramétrer, et on ne voyait pas grand-chose. En 2019, sont arrivés les premiers casques de réalité virtuelle autonomes, qui avaient la particularité d’embarquer toute l’électronique. Donc ils n’avaient plus besoin d’ordinateur pour fonctionner. En plus, ils avaient la capacité de détecter la position de l’utilisateur dans l’espace. Ce qui nous permettait d'imaginer un déplacement sur site, l’utilisateur évoluant librement comme s'il avait voyagé dans le temps. C'est à partir de là que nous avons pu faire décoller le projet que j'avais envisagé dès 2012. » L'ensemble tablette boitier casque reste toujours le même, mais le contenu est entièrement personnalisable. Il peut être modifié au fur et à mesure, complété pour raffiner l’expérience utilisateur. La durée de développement d’un projet est de l'ordre de quelques mois, à un an maximum. Il faut d’abord « traduire » les données disponibles, surtout quand il s’agit de reconstitutions. Puis vient la création et l’animation de personnages, qui prennent beaucoup de temps si l’on veut aboutir à un résultat réaliste. En 2022, Novo 3D a travaillé sur la possibilité d’utiliser Timepods dans le cadre scolaire. Pour résoudre le problème de de l’achat et de la gestion du matériel, qui ne peut pas être géré par les enseignants, les sites historiques déjà équipés du système ont été sollicités pour se rendre dans les établissements. Les professeurs n’ont plus qu'à passer commande auprès d’eux pour faire vivre à leurs élèves une expérience de réalité virtuelle en classe. « Notre projet était de trouver la meilleure façon de faire tourner correctement, auprès des élèves, les expériences créées initialement pour des touristes. Nous sommes partis du principe d’effectuer 2 séries de tests sur 5 classes, soit environ 200 élèves, de manière à recueillir assez de données probantes à présenter. » L’idée générale de ces deux séries de tests en classe était de confronter l'outil existant et recueillir les retours des élèves, sans pour autant se contenter de leur enthousiasme naturel pour les outils de réalité virtuelle. La question était plutôt de s’assurer que Timepods soit pertinent en tant que support pédagogique. « Ça a soulevé beaucoup plus d’interrogations qu'on ne le pensait. Je pense que nous avons trouvé une bonne manière pour s'adresser à des élèves qui sont entre le collège et le lycée, ce qui suppose déjà un bel écart en termes de mentalité, de perception. Vu de l'extérieur, ça n’est pas si facile à appréhender. » Pour l'instant le système est limité à 10 casques. Pour occuper une classe entière, la solution est de constituer des binômes. Un élève s’équipe du casque, l’autre s’assure que son camarade n’entre pas en collision avec un mur ou un autre élève. Il a un livret en mains et pose des questions dont les réponses sont à rechercher au sein de l’environnement virtuel. « C'est donc un jeu collaboratif en binôme que nous avons mis au point. Le livret comporte des questions précises qui s'appuient sur ce que l’enseignant ou l’animateur disent, sur ce que les gens voient dans le casque. A la fin, il y a un quadrillage et si la réponse est bonne, cela indique un mot. Ce système est tout simple, il n’a pas été facile à trouver, mais il fonctionne très bien et permet de passer 20 élèves d’un coup. » Des applications multiples « Sur un type de formation, les gens sont regroupés autour d’un animateur, qui gère le déroulement de l'expérience. En aucun cas Timepods ne se substitue à lui. Pour moi l’intervention humaine est toujours importante. On est vraiment sur un système avec interactivité multiple, interactivité de la personne qui fait la visite et qui interagit avec ses visiteurs, et une interactivité propre à chaque utilisateur. » Le système a démontré son efficacité en termes d’immersion historique, mais il peut être décliné dans beaucoup d’autres domaines, pour des formations en chaudronnerie, en sécurité, en machinerie, etc. C’est une question d’informations à traiter, de scénarios à élaborer. « Les perspectives en termes de formation professionnelle sont ouvertes, maintenant que nous avons développé le système. C'est vrai que notre savoir-faire se situe principalement dans le champ historique, mais si on avait une entreprise ou un organisme de formation qui nous sollicitait pour adapter leurs contenus sur des casques autonomes, nous serions prêts à intervenir. » « Il faut vraiment que le virtuel commence là où finissent les solutions de formation traditionnelles. L’outil doit avoir une vraie justification. Il nous serait tout à fait possible de vendre nos systèmes un peu partout, mais le risque serait de faire dans le gadget. Cela dit, les applications sont multiples. Par exemple, nous avons travaillé avec une société de gardiennage pour entraîner les gens à divers scénarios incendie, un cambriolage, etc. C’est difficile de mettre les apprenants au milieu d’un incendie, mais en virtuel c'est possible. Il existe plein de possibilités de mise en place. »
Une passerelle numérique vers l'emploi
« C’est le numérique qui nous a interpellés au départ parce que c'est une source importante de notre offre de formation, sur tous les parcours que nous proposons ». Kelly Guillemain, chargée de communication et de développement au sein de « Hommes et Savoirs » (H&S), explique ainsi la volonté de cet organisme de formation royannais, de porter l’action Numériqu’elles sur son territoire, après qu’elle a été déployée à Saintes par l’APEJ, partenaire et mandataire de l’opération. Cette action, dont l’objectif initial est de faire découvrir les métiers du numérique aux femmes, s’adresse à un public exclusivement féminin. Mais pourquoi pas à un public mixte ? « A l'heure de la parité au sein des organismes de formation, nous nous sommes interrogés sur la valeur ajoutée d’une action qui ne porte qu'un groupe de femmes. Mais à la réflexion, le premier principe de Numériqu’elles, c’est la remise en confiance. Et il se trouve qu’au sein des formations, les femmes échangent, se font des confidences, créent du lien et du réseau entre elles. Ce ne serait pas forcément la même chose dans un groupe mixte. » Numériqu’elles mêle numérique, insertion et retour en entreprise. H&S se retrouve entièrement dans cette approche, puisque ses actions traditionnelles sont tournées vers la réinsertion professionnelle et les compétences transversales. L’organisme entend outiller les personnes de façon qu'elles soient en capacité de retourner en emploi avec des valeurs ajoutées. Ainsi que des compétences qu'elles maîtrisent, mais dont elles n'ont pas toujours conscience. Numériqu’elles est avant tout une action de remobilisation et d'insertion professionnelle. La volonté est vraiment le retour à l’emploi, dans l’idéal en CDI. Le numérique est pour l’essentiel un élément attractif pour un public qui n’est pas toujours à l’aise avec l'informatique, et qui voudrait en apprendre les bases. Dans ce domaine, aucun prérequis n’est imposé. Chacun arrive avec ce qu'il sait faire, avec ou sans équipement. Des ordinateurs sont mis à disposition pour mettre en place des ateliers en sous-groupes de niveaux : traitement de texte, création de CV, découverte de différents moyens de communication, utilisation de sites comme Pôle emploi ou Emploi Store… Un rythme adapté En pratique, l’action se déroule sur 3 mois à raison de 30 heures par semaine, pour une douzaine de personnes entre 25 et 50 ans. Le mercredi est libre afin de tenir compte des contraintes de certaines stagiaires. Quatre semaines de stage en entreprise sont incluses dans le programme. Les intervenantes, volontairement toutes des femmes, se répartissent les différentes séances hebdomadaires. Une formatrice de l’APEJ s’occupe des compétences transversales et des Open badges. Les deux autres, formatrices d’H&S, abordent respectivement les techniques de recherche d’emploi, et la dimension numérique. Elles partagent un outil en ligne dans lequel elles inscrivent chaque jour ce qu'elles font avec le groupe. Ainsi les stagiaires n'ont pas à répéter ce qui a déjà été vu avec l'une ou l'autre des formatrices. Une socio-esthéticienne et une coiffeuse apportent un complément destiné à créer une dynamique positive avant les présentations aux entreprises. A l’issue de la formation, les stagiaires sortent avec une attestation de réalisation, les open badges qu'elles auront validé sur un espace personnel, et le verdict de la certification Cléa numérique. « L'avantage de cette action, c’est qu’on ne cherche pas à faire de course à la certification. On propose le Cléa numérique mais il n'y a pas de de pression là-dessus. Du coup, nous n’avons pas eu de personnes qui se sont senties contraintes parce qu’elles n’avaient pas le choix. Elles sont venues vraiment pour trouver du sens, parce qu’elles ne savaient pas quoi faire, et qu’elles pensaient que notre accompagnement pouvait leur apporter quelque chose. » L’ensemble du groupe suit le même programme, mais les formatrices constituent des « îlots » le cas échéant puisque les stagiaires n’ont pas toutes le même niveau au départ. « Cette manière de fonctionner est une première pour nous. Nous n’avons pas l’habitude de faire intervenir, tout au long d’une action, des formateurs partenaires de manière aussi lissée. Que ce soit de façon ponctuelle, oui. Mais là, sur toute la durée de l’action, on ne l'avait pour ainsi dire jamais fait. » Attirer tous les profils Le public concerné par Numériqu’elles sont des femmes demandeuses d'emploi avec un besoin de remise à niveau en numérique et une réelle volonté de retrouver une activité. A l’origine, la prescription posait des critères assez précis. Mais ils ont rapidement été assouplis afin d’accueillir une plus grande variété de profils. Beaucoup de personnes en reconversion, ou qui sont arrivées dans la région récemment, qui n'ont pas de réseau, voire qui n'ont jamais travaillé. Pour mobiliser les participantes, l’organisme a travaillé en partenariat avec des conseillers entreprises de l’agence Pôle emploi de Royan. « Ils n'ont pas tout à fait le même prisme que les conseillers qui rencontrent des demandeurs d'emploi toute la journée. Ils ont également joué un grand rôle dans la sécurisation des parcours en termes financiers. C'était essentiel puisque dans ce public, il y a des femmes isolées, avec des enfants ou des situations délicates. Pôle emploi a notamment, de manière dérogatoire, accepté une prise en charge de chaque repas tout le long de la formation. » Les entreprises qui accueillent les stagiaires sont connues de l’organisme ou identifiées par les conseillers entreprises de Pôle emploi. Les conseillers ont pris en compte les branches dans lesquelles les participantes avaient déjà travaillé, mais ça n’a pas été un critère pour le choix du stage. L’Opco EP (entreprises de proximité), partenaire de l’action, n’a pas non plus cherché à influencer les choix. Tout en faisant passer le message que leurs adhérents, qui ont besoin de main d’œuvre, ouvrent leurs portes à tous les candidats, sans considération de certifications. L’action a débuté en novembre 2022. Elle se termine en février. Si des besoins sont constatés, elle pourra être renouvelée à Royan ou sur des territoires proches, à un rythme qui reste à déterminer. « Cette expérimentation nous sort de notre principale action sur des habilitations de service public, sur des formations certifiantes. Nous avons cassé tous nos codes. On explore là d’autres publics, d'autres financements. « Ce genre d’action courte, valorisée à l’emploi, nous permet de travailler avec d'autres profils que ceux que nous avons l’habitude de voir. C’'est vraiment dynamisant pour les équipes de formateurs, ainsi que pour les stagiaires. C’est un parcours qui vise à éviter le retour à Pôle emploi pour 2 ans. Si ça fonctionne, nous aurons forcément envie d'y retourner. »
Apprendre le numérique par le numérique
Parmi les usagers potentiels du centre de formation PERF, implanté à Tarnos, nombreux sont ceux pour lesquels la distance peut constituer un frein. Leur offrir la possibilité de se former depuis leur domicile en limitant le nombre de déplacements est une des solutions susceptibles de leur donner accès à l'offre de formation. C’est pourquoi, dans le cadre de son centre de ressources labellisé APP et de son pôle orientation insertion, le centre a mené une réflexion en 2019, afin de proposer les certifications Cléa et Tosa en formation à distance. Pour Marc Benquet, formateur, « cette solution correspondait à une évolution constatée, la nécessité de s'adapter aux nouvelles contraintes des gens, aux nouvelles conditions de vie, et la possibilité de déployer notre offre de formation en limitant l'impact de l'éloignement. » Tarnos est situé à l'extrémité sud-ouest des Landes, un territoire qui dispose d’assez peu de passerelles avec le bassin de Bayonne. 3 ans auparavant, l’APP de Bayonne avait fermé ses portes. Par conséquent, il subsistait assez peu de structures capables de proposer ce service. Pour autant, les partenaires du centre cherchaient eux aussi des solutions, et faisaient remonter régulièrement des besoins. Un public qui évolue « En tant que formateurs, nous avions déjà réfléchi à nos pratiques, à la façon de les améliorer grâce aux nouveaux outils. Cela correspond à une évolution des publics, que nous n'avons pas été les seuls à constater. Donc notre projet était de déployer sur le territoire un accès aux certifications par la FOAD en zone périurbaine et en zone rurale. En raison des contraintes de mobilité et d'éloignement, afin d’améliorer les chances de chacun, il fallait lever certaines limites et certaines barrières en s’appuyant sur les moyens technologiques. » Les publics visés étaient des personnes qui n'avaient jamais eu de relation avec le centre. Cependant, leur profil est le même que celui des bénéficiaires de ses formations. Ils ont été en majorité dirigés vers PERF, du moins dans un premier temps, par des prescripteurs habituels, Pôle emploi, le PLIE de la CDA, la mission locale. Par la suite, l'offre de service a été relayée auprès des apprenants de l'ensemble des pôles de formation, ce qui a contribué à alimenter les effectifs avec un recrutement « interne. » L’offre était pensée dans un cadre précis, celui de l'individualisation. Il s’agissait de proposer un service qui s'adapte à chaque personne, à ses particularités, son équipement, ses contraintes de mobilité. « C’était déjà dans nos pratiques d’individualisation au niveau du centre de ressources APP. Nous étions déjà très régulièrement confrontés à des demandes de la part de nos stagiaires sur les compétences clés et accompagnements spécifiques. Pour apporter une réponse, nous avions mis en place une plateforme pédagogique de façon à gérer au mieux les parcours individualisés. En fonction des modalités, présentielles ou distancielles. C’était déjà une partie de l’offre du centre. » Pour chaque stagiaire, un premier échange, une sorte de négociation individuelle, permettait de déterminer quels étaient les temps qui pouvaient être organisés à la demande selon son niveau d'équipement et de compétence. La partie du public pouvait choisir de venir au centre. Celle qui n'était pas particulièrement préparée à ces pratiques ou pas suffisamment autonome et qui préfère le présentiel, le contact avec les formateurs. « Les deux modèles cohabitent et au fond ils sont complémentaires. Mais puisque l'objectif était de former les gens et de les certifier sur des compétences numériques, cela faisait sens de leur proposer des modalités de formation qui prennent déjà en compte l’outil numérique. On s'est rendu compte que l'immense majorité des gens étaient équipés. Pour ceux qui en avaient besoin, nous pouvions les accompagner dans la prise en mains de leur ordinateur. Bien sûr nous avons des locaux équipés et connectés ou les personnes qui ne disposaient pas d’un matériel adapté pouvaient venir. » Travailler à son rythme En ce qui concerne les certifications, la FOAD a eu pour effet d’ouvrir l’éventail des bénéficiaires. Avoir la possibilité de mieux maitriser son temps et de travailler à son propre rythme, permettait à des personnes déjà en emploi, avec des projets de reconversion, de se former en fonction de leur emploi du temps quotidien. L’ensemble des modalités existantes étaient ouvertes pour s’adapter à tous les cas de figure : synchrone ou asynchrone, échanges en temps réel ou par écrit, etc. Le projet s’est terminé début 2021. Pour Marc Benquet, il a renforcé une logique et une vision des choses qui petit à petit ont pris place dans les esprits et dans les pratiques des formateurs. Progressivement, ils ont développé des outils, des compétences, des moyens pour mettre en place des cycles de formation à distance. Ces modalités étaient déjà en partie présentes, mais elles se sont développées et accélérées. Le projet a montré que c’était possible, et surtout souhaitable, que cela apportait des réponses et un certain confort. « Mon premier constat en tant qu’opérateur, formateur FOAD, c’est la satisfaction d’éprouver une façon de travailler innovante, avec des outils modernes, qui apportent des solutions concrètes, un matériel qui s’adapte aux situations et aux nouvelles réalités de nos apprenants. » Sans ce service, les bénéficiaires de l’action n’auraient pas pu avoir cet accès à la formation. Particulièrement les stagiaires dont les limites de mobilité étaient inhérentes à des problématiques de santé. « Il y a eu des éléments positifs côté opérateur et côté bénéficiaires. Même si ça ne révolutionne pas la façon de former les gens, parce je pense qu’il y aura toujours besoin d’un temps d’échange en présentiel. D’ailleurs souvent nos publics viennent chercher du lien social, du contact direct, de la resocialisation. On l’a bien vu pendant la crise sanitaire. Même s’ils disposaient tous d’outils modernes, certaines personnes étaient en situation de fragilité morale et psychologique, et partaient dans le lâcher prise et dans l’échec. » « La FOAD est un plus, c’est une possibilité de mieux faire, de faire différemment. Mais ça ne résout pas tout et ça ne correspond pas à tous les besoins. On est véritablement dans l’accompagnement individualisé, la possibilité d’apporter des réponses à des problématiques personnelles. »
La FOAD au service de la remise à niveau
Depuis quelques années, le CFPPA de Venours a progressivement développé la formation ouverte à distance (FOAD) à l’initiative des responsables de formation et des ingénieurs pédagogiques, mais sans politique globale. Aujourd'hui, elle est au centre d’un projet plus structurant visant à développer à la fois la numérisation des centres (CFPPA et CFA) et celle des formations. « En Nouvelle-Aquitaine, le CFPPA de Venours est un centre de formation agricole avancé en ce qui concerne la FOAD» précise Raphael Roturier, directeur. « 39% de notre activité concernent des formations délivrées en FOAD ou en FAD (100% à distance). Cela signifie que le CFPPA et très orienté vers ces nouvelles pratiques, sans pour autant remplacer le présentiel, des pratiques qui permettent de s'adresser à un autre type de public. » En 2019, avec le soutien de la Région dans le cadre de l’appel à projets Digitalisation, le centre a mené une action de « digitalisation des prérequis ». A la base, le constat selon lequel les candidats montraient des lacunes en ce qui concerne les prérequis légaux lors des entretiens de motivation et des bilans de positionnement. Et parfois en cours de formation, avec des difficultés à remplir leurs dossiers en raison d’un manque de compétences en expression écrite et orale, et d’une maîtrise limitée des outils informatiques. « C’est notamment le cas pour les certificats de spécialisation. Ces spécialisations sont adossées à des diplômes comme le BPREA (Brevet Professionnel Responsable d'Exploitation Agricole) ou le bac pro CGEA (Conduite et Gestion de l'Entreprise Agricole). Pour entrer en formation les candidats doivent normalement déjà avoir un diplôme de l'enseignement agricole, » ajoute Amandine Harouach, ingénieur pédagogique. « Ce n’est pas forcément le cas de notre public, par exemple pour le CS Tourisme vert. Dès le diagnostic initial de positionnement, nous étions obligés de refuser des candidats parce qu'ils ne remplissaient pas les prérequis. » Sur dérogation de la DRAAF, un candidat qui montre une forte motivation, un véritable projet professionnel, peut toutefois s’inscrire en bénéficiant d’une petite formation en amont. Une prépa à la formation L'idée générale du « parcours de prérequis » consiste à proposer aux stagiaires une remise à niveau avant leur entrée en formation, pour faciliter leur intégration, puis leur insertion professionnelle. Cette remise à niveau se fait en FOAD afin d’encourager leur autonomie et la mise en place d’une méthodologie et d’une organisation de travail. C’est aussi une façon de les familiariser avec l'environnement de formation qui est parfois vécu comme un retour scolaire par des adultes qui n’ont pas fréquenté une salle de classe depuis longtemps. « Souvent les adultes se sous-estiment parce qu'ils ont peur de ne pas aller au bout de la formation, à cause de leurs difficultés en français ou en informatique. Avec ce parcours préalable, notre but est de favoriser le bien-être et la réussite de l’apprenant. Quand l'entretien est bon et que l'on sent qu'il y a juste un petit manque d’assurance, nous essayons plutôt d'accompagner la personne sur la prise de confiance. » La remise à niveau concerne trois thématiques. Les mathématiques, importantes pour les calculs des surfaces, les volumes et les masses. Le français, notamment la communication écrite et verbale, et la communication en milieu professionnel. Et l'informatique, avec les programmes classiques en bureautique et la méthodologie de recherche en ligne. « Dans leur parcours de formation, les stagiaires devront forcément aller chercher des informations sur le net. Certains sont perdus dans la multitude d'informations. Techniquement, savoir utiliser un traitement de texte ou un tableur, cela leur permet aussi de participer sereinement à la formation lorsqu'ils ont un dossier à composer. » Le suivi est effectué par le centre de ressources, en lien avec le responsable de formation. « Si le stagiaire évolue lentement, on peut être amené à poursuivre la remise à niveau après son entrée en formation. On n’arrête pas brutalement, de façon à éviter échec et frustration. Les parcours sont lancés par groupes, de manière que le stagiaire ne se sente pas seul, qu'il se sente appartenir à un collectif. Du coup, certains se connaissent avant la rentrée, c'est plus confortable. » Pour des personnes déscolarisées depuis longtemps, la FOAD se révèle être une modalité moins lourde, plus souple, qui ménage des temps de réflexion, sans imposer un rythme contraint. La durée du parcours dépend du positionnement du stagiaire. S’il lui manque des bases sur les trois thématiques, il dure environ 3 semaines à raison de 35 heures par semaine (28h pour l’informatique). Certaines personnes ne sont concernées que par une ou deux thématiques, d’autres ne peuvent se rendre disponibles que sur une semaine. Dans tous les cas, pendant cette période, ils savent qu'ils seront autonomes et qu'ils devront être des acteurs très dynamiques de leur parcours. Le plus important c’est que ce temps ne doit pas empiéter sur la formation, ce qui serait préjudiciable sur le plan pédagogique. Priorité à l'individualisation « Normalement, ce parcours est un temps bien distinct de la formation. Mais nous avons fait le choix d'être plus souples parce que c'est ça l'individualisation. Nous effectuons un suivi régulier, avec des contacts tous les jours. Si nous constatons que ça ne marche pas, nous évitons de stresser le stagiaire avant son entrée en formation. Nous laissons le parcours ouvert toute l'année sur la plateforme. Si les stagiaires veulent y revenir et travailler sur certaines choses en autonomie, ils le peuvent. Ils ont également la possibilité de solliciter directement le CDR. » Dans la mise en place du projet, le CFPPA s’est heurté à des difficultés matérielles. Avec les apprenants habituels de la FOAD le problème se pose rarement, puisqu’ils anticipent leurs besoins avant la formation. Mais quand les modalités à distance sont proposées à des publics qui ne disposent pas toujours d’une connexion de qualité et d’un matériel informatique adapté, elles constituent un frein non négligeable. « Nous avons questionné cette modalité FOAD, en se demandant si elle était pertinente pour ces publics. Pour ceux qui habitent loin se pose le problème du logement, du transport et de la nourriture. Cela rajoute encore un facteur défavorisant. En fait, lorsque l’on met bout à bout tous les obstacles à la formation, il apparaît que la FOAD n'est pas un frein plus important que celui de la mobilité ou de l’hébergement. » La FOAD est une modalité souple mais qui nécessite un bon suivi. L’écueil principal du parcours de prérequis tient peut-être dans le fait que la remise à niveau est, pour presque tous les stagiaires, du déjà vu qui ne génère pas forcément une grande appétence. « Il faut faire attention à ce que ça ne soit pas vécu comme un retour à l’école. Il ne faut pas que ça annihile l’enthousiasme initial du stagiaire d'aller sur une formation où il va découvrir des choses nouvelles qui correspondent à son projet professionnel à venir. » Au vu des résultats, le centre entend continuer la remise à niveau en FOAD avec les stagiaires. Le même dispositif a été expérimenté avec un public d’apprentis, mais il a donné de moins bons résultats. Manuela Fonseca, responsable du Centre de Ressources précise, « nous allons mettre en place une formation quasi systématique en informatique, notamment pour le BPREA puisque c'est un métier où on utilise de plus en plus les tableurs pour les rotations la comptabilité, la gestion, l'organisation du travail. Les formateurs l'utilisent aussi de plus en plus. Il faut que, en amont, nous en facilitions la prise en main. »
Une intelligence artificielle au service de l’orientation professionnelle
Lors de l’émergence d’Internet au milieu des années 90, les personnes compétentes pour travailler sur cette innovation étaient pratiquement introuvables. Il a fallu quelques années avant de disposer de cette ressource, le temps que les universités créent des formations dédiées, que des étudiants soient formés et qu’ils entrent sur le marché du travail. Aujourd’hui, dans un domaine en évolution constante et rapide, le besoin est toujours très important, et les formations longues ne répondent pas forcément aux attentes immédiates des entreprises. « Nous avons besoin de trouver rapidement des personnes pour venir travailler dans notre secteur, des personnes qui n’ont pas suivi de cursus de formation dans l’informatique », ajoute Bouziane Fourka, directeur associé d’Ayaline, une agence digitale installée au Futuroscope de Poitiers. « C’est pourquoi nous avons mené plusieurs expériences ces dernières années, en recrutant des mathématiciens ou physiciens, avec quelques compétences de base en informatique, en se posant la question des compléments à leur apporter pour les rendre employables. » C’est de cette réflexion qu’est née l’idée de prospecter des réservoirs de candidats jusque là peu mis en valeur, des étudiants en situation de décrochage, des gens peu ou pas diplômés mais qui peuvent apporter quelque chose dans le numérique. Sans remettre en cause les diplômes qui restent le plus sûr moyen d’aboutir, la question centrale est comment combler les manques le plus rapidement possible pour répondre aux besoins du secteur. « Dans le département de la Vienne nous savons que, parmi les bénéficiaires du RSA, plus de 500 ont des bases en informatique. En complétant leur formation, je suis sûr qu’en moins d’un an on peut en faire des informaticiens. Ça ne remet pas en cause les cursus habituels, mais beaucoup d’entreprises cherchent des compétences, pas des diplômes. » Correspondances automatiques Le principe du projet « Hubtech formation », soutenu par le Fonds Régional d’Innovation dans la Formation, est de disposer d’un outil capable de comparer rapidement les connaissances techniques et les savoir être des personnes, avec des postes de travail cibles afin d’évaluer les compétences complémentaires à acquérir, avant de faire appel aux organismes de formation. En termes pratiques, il s’agit d’un logiciel, une plateforme numérique basée sur l’intelligence artificielle, qui s’occupe de trouver automatiquement les correspondances entre des candidats et les modalités de formation existantes pour répondre aux attentes des entreprises. Le système s’enrichit tout seul, il développe progressivement une mémoire qui peut servir d’un cas à l’autre. L’IA intervient comme un outil de recommandation, mais l’humain garde la main pour tous les paramétrages. Le système repose également sur les informations qui sont intégrées en base de données par les utilisateurs : les besoins des entreprises, les postes cibles, les formations disponibles, les informations sur les candidats. « Notre outil a été imaginé dès le départ pour répondre aux besoins métiers des entreprises de tous secteurs. On peut l’aborder avec des entrées différentes. Il peut être exploité au sein des grandes entreprises pour gérer les ressources dont elles disposent en interne, repérer des personnes et évaluer le besoin de formation pour qu’elles évoluent sur un autre poste. Les organismes de formation pourront s’en servir pour « matcher » une personne avec une formation adaptée. » Ayaline s’est rapprochée des prescripteurs, de l’Afpa, de la Direccte, pour leur présenter son projet et les expérimentations qu’elle a menées en interne. Les structures d’accompagnement se sont déclarées intéressées par l’approche, elles qui n’arrivent pas toujours à évaluer précisément les besoins des entreprises. L’apport d’Ayaline, au-delà de l’aspect technique, c’est que la société connaît bien le terrain et les attentes des acteurs du numérique. Mais le principe est transférable à tous les secteurs d’activité. Il pourrait également servir dans le cadre de l’orientation scolaire. Un outil personnalisable A terme, l’application sera accessible par un navigateur. Chaque utilisateur aura accès à un espace dédié, personnalisable, dans lequel il trouvera un ensemble d’informations (métiers, formations, etc.) et pourra intégrer des tests, des outils de suivi des candidats, des fiches de poste, des formations, etc. « Les candidats pourront eux aussi utiliser Hubtech comme un outil d’orientation professionnelle. Pour qu’ils puissent y accéder, il faudra tout de même qu’ils soient portés par une structure d’accompagnement. On ne peut pas lancer le système dans la nature et laisser les gens l’utiliser individuellement. » Pour le moment, l’agence travaille sur le paramétrage de l’IA et le développement logiciel. Le tout sera ultérieurement présenté aux professionnels, aux prescripteurs et aux organismes de formation. « On a prévu fin septembre de disposer d’un prototype opérationnel, avant de le généraliser. On a pris un peu de retard, mais on peut déjà présenter un système qui fonctionne. Nous verrons avec les partenaires comment le personnaliser pour chacun d’entre eux. Ce qui est important c’est aussi de tester l’outil avec eux, en mode prototype avec de vraies données, une sorte de version bêta privée. » Hubetch Formation est très souple. Il peut être utilisé à l’échelle régionale, sur un bassin d’emploi, sur un département, voire des entreprises pour gérer les mobilités en interne. Ainsi que pour jeter des passerelles entre entreprises, faciliter le passage de salariés de l’une à l’autre. La clé principale reste l’identification des compétences complémentaires nécessaires à cette mobilité. Une structure d’accompagnement comme une mission locale, dans un bassin d’emploi donné, pourra l’ouvrir aux entreprises de son territoire, en n’intégrant que les besoins de ces entreprises locales, et les personnes qu’elle suit, afin d’effectuer un rapprochement rapide entre les deux. « Derrière le système, il y a une intelligence artificielle, mais la vraie valeur ajoutée c’est que toutes les données viennent du terrain. Cela répond à de vrais besoins des professionnels et des prescripteurs. On ne remplace pas ce qui existe, on complète l’existant pour le faire mieux fonctionner. »
Modules de formation numériques pour la culture d’entreprise
« Notre spécialité c’est d’essayer d’améliorer l’efficacité de la formation à l’aide des outils numériques ». Guillaume Isnard, président de la société Grains’up présente ainsi son offre digitalisée qui s’adresse aux organismes de formation et aux entreprises, dans le but de leur apporter une stratégie globale et des outils pour la formation et le développement des compétences. « Avec un organisme de formation, nous accompagnons plutôt les formateurs et dirigeants dans l’évolution de leurs pratiques de formation en intégrant les possibilités du digital. L’objectif est d’améliorer les formations, que ce soit pour des raisons d’efficacité pédagogique, d’attractivité ou de modèle économique. Nous essayons de les guider vers les solutions qui nous paraissent les plus adaptées et efficaces, en fonction des caractéristiques de leurs formations, de leur identité et de leurs publics. » Dans ses contacts avec les entreprises, Grains’up a constaté que la problématique de recrutement revenait très fréquemment, ainsi que celle d’intégration, en particulier de personnes en insertion ou en reconversion parfois éloignées des connaissances de base de l’entreprise et du métier, ou les difficultés de l’entreprise à former. « Nous n’avions pas de solution à leur proposer immédiatement. Nous avons réfléchi à la possibilité de leur fournir un ensemble de mini modules pédagogiques interactifs et ludiques, d’une durée maximum de 10 minutes, un format efficace pour apporter une culture générale sur un sujet précis, sans entrer dans les détails. Avec nos clients et partenaires entreprises, nous recensons les sujets que doit maîtriser un salarié pour mieux comprendre le fonctionnement de la structure et s’intégrer le mieux possible au sein des équipes. » Identifier des sujets Dans ce projet initialement nommé « socle de connaissance industrielle », une cinquantaine de sujets ont été initialement recensés, et leur liste s’agrandit au gré des rencontres. Le Fonds Régional pour l’Innovation dans la Formation a accompagné le développement du premier catalogue qui se focalisait au départ sur les entreprises industrielles, et qui va progressivement élargir son offre à tous les secteurs d’activité. « Il existe beaucoup de sujets communs à toutes les entreprises. Nous nous sommes rapprochés de plusieurs partenaires, entreprises et organismes de formation, avec lesquels nous avons identifié les modules prioritaires et commencé leur production en co-conception. Nous avons toujours intégré un acteur de terrain à l’étape de conception, afin de ne pas faire du hors sol, et nous différencier de ce qui existe. » L’idée de départ du projet était d’aider l’entreprise dans l’intégration et la formation des nouveaux salariés. De plus en plus, il devient un outil de formation continue. Chez les premiers partenaires, des animateurs internes ont été formés à l’utilisation d’une plateforme LMS dédiée (créée il y a deux ans pour le Programme Pi*), et aux modalités de mise en œuvre des modules, pour qu’ils puissent les intégrer dans leur démarche, en fonction des cibles et des personnes à former. Les usages sont multiples : en distanciel avec des quizz, en tutorat individuel ou en groupe, lors de points d’équipe, etc. Dans le cas d’une intégration, Grains’up pilote le parcours de la personne à distance, lui donne un module à faire en autonomie, échange ensuite avec elle pour recueillir ses impressions. Tout cela se fait en lien avec son tuteur. « Souvent, les entreprises que nous rencontrons ne sont pas suffisamment structurées pour accompagner cette intégration de manière solide. Les gens sont confiés à un tuteur surchargé de travail, qui n’a pas toujours ni le temps, ni les compétences pour les emmener à niveau sur des sujets qu’eux-mêmes ne maîtrisent pas forcément. Nous intervenons en complément, en impliquant les tuteurs qui sont en général des gens de terrain qui savent faire, mais n’ont pas le temps ou la capacité de formaliser les choses ou le savoir-faire pour les transmettre. » La conception d’un module est un processus est assez long, qui nécessite entre 80 et 150 heures de travail. Pas plus, pour qu’il soit économiquement viable. Il faut compter un délai de 2 mois depuis le choix d’un partenaire compétent sur la thématique envisagée, un client ou un expert en cas de besoin. Sur un même sujet, il peut exister plusieurs approches. Il n’y a pas de vérité absolue et il est important de recueillir plusieurs avis avant d’élaborer un contenu sur des thèmes comme les 5S, la méthode HACCP, les équipements de protection individuelle, l’amélioration continue, la gestion du stress, la productivité, les premiers secours, l’économie d’entreprise, la gestion du temps, la gestion du stress, les indicateurs, la lecture de plan, les gestes écoresponsables… Ces sujets, parmi bien d’autres sont abordés de manière générale et de façon positive. Faire du sur-mesure « L’idée d’un nouveau module nous est parfois suggérée par un de nos clients. Un nouveau module peut avoir deux versions : une qui est spécifique à l’entreprise avec laquelle nous collaborons, une autre plus générique qui ira abonder le socle de connaissances sur la plateforme pour tous les utilisateurs. Sur un même sujet, il peut y avoir plusieurs approches, plusieurs écoles. Il n’y a pas de vérité absolue, donc nous restons prudents en consultant plusieurs avis avant de rédiger un contenu. Dans tous les cas, nous ne voulons pas produire des choses qui ne sont pas ancrées dans la réalité de l’entreprise. Dans l’idéal nous faisons du sur-mesure pour tenir compte de l’outil de production, ainsi que de réalités comme le langage et le vocabulaire internes, l’organisation, la vision de la hiérarchie, les consignes. » Les modules se présentent sous diverses formes : jeux, vidéos, animations. Le choix de la forme est fonction du sujet et des solutions techniques les plus adaptées. Exemple avec la position latérale de sécurité, plus efficace à enseigner par l’intermédiaire d’une vidéo que d’une animation. L’utilisateur choisit sur la plateforme le module qu’il veut consulter. Il dispose également d’un ensemble d’outils de suivi et de « performance », sur sa progression dans les connaissances, ses scores sur les quizz, son activité, le nombre d’exercices réalisés, etc. « Nous disons à nos clients que nos modules ne feront pas à eux seuls le miracle qu’ils attendent. C’est leur politique générale, leur système de management de la formation, qui sera performant ou pas. L’outil doit être intégré dans cet ensemble de manière intelligente et le rendre plus efficace. Ils ne peuvent pas se permettre de faire l’économie de former des tuteurs, de prévoir des temps de formation et d’organiser l’apprentissage, d’anticiper la gestion des compétences. Nous ne parlons pas en priorité de l’outil, l’entreprise doit d’abord penser objectif et organisation. » * Notre article sur le Programme PI http://sco.lt/81O6Yi
Transformation numérique, l'approche d'Atelier Lan Berri
Le cœur d’activité d’Atelier Lan Berri (ALB - Anglet) est l’accompagnement à la création d’activité, la transmission et la création d’entreprise sur le Sud de la Nouvelle Aquitaine. Depuis 3 ans, la structure a engagé la transformation numérique de ses produits et services. Aujourd’hui, cette SCOP est cheffe de file d’un groupement de structures qui appartiennent toutes à l’Economie Sociale et Solidaire, groupement qui intervient dans le cadre du dispositif régional « Entreprendre, la Région à vos côtés. » « L’idée est que les accompagnements des porteur(euse)s de projets que nous avons effectué avec différents dispositifs de formation professionnelle et de modalités de financement, ont évolué avec le temps, » décrit Amandine Lafferrairie, coopératrice. « Ce qui nous parait important, c’est de sécuriser et moderniser notre expérience, nos contenus créés depuis plus de 20 ans. Nous construisons un parcours multimodal qui met en musique des temps de travail en présentiel, à distance, synchrone, asynchrone, en formation et en autoformation, en individuel et en collectif. Toutes ces modalités combinées pour arriver à un parcours pédagogique qui soit pratique et qui évolue avec les outils, les attentes et les disponibilités des bénéficiaires. » Le projet de transformation numérique, soutenu par le Fonds Régional pour l’Innovation dans la Formation (FRIF), comportait 3 phases. Il a commencé par une période d’ingénierie pédagogique au cours de laquelle le contenu de formation a été remanié et restructuré en différentes séquences et activités. En ce qui concerne le support technique, le choix s’est porté sur la plateforme Moodle, jugée la plus adaptée pour l’avenir. Elle présente l’intérêt d’être un outil libre et dynamique, fidèle à la philosophie d’ALB. Elle est également très accessible puisque les outils déjà disponibles grâce à la communauté, permettent une utilisation facilitée pour tout type de public, qu’il soit initié ou non au numérique. Une deuxième phase de développement technique s’est achevée fin septembre, au cours de laquelle un travail a été effectué avec des partenaires et fournisseurs locaux. Enfin, une phase d’expérimentation est engagée en partenariat avec une autre structure, Andere Nahia, un collectif d’accompagnement de femmes entrepreneures. Il s’agit de mettre à disposition un « parcours complet de formation multimodal à distance ». Les bénéficiaires seront « des échantillons » de porteur(euse)s de projet du dispositif « Entreprendre, la Région à vos côtés ». Leurs avis seront recueillis afin de pouvoir modifier et améliorer le service. « En termes de volume, le Groupement Territoires et entreprises 64 accueille autour de 300 porteurs de projets par an sur le département. Ils peuvent nous être envoyés par Pôle emploi ou d’autres prescripteurs, ou s’adresser à nous directement. Il n’y a pas de profil type, nous avons des demandeurs d’emploi, des salariés, des retraités, tous les cas de figure. Nous sommes tenus d’accueillir et d’informer toute personne qui se pose la question à moins de 30 km de chez lui sur le territoire. » Le projet est exclusivement développé par Atelier Lan Berri dont les formations abordent les questions de création d’entreprise, en particulier les statuts juridiques, la réponse aux marchés publics, la création d’un outil de gestion financière appropriée au TPE/PME qui reprend les notions de seuil de rentabilité, de compte de résultat, la protection des données personnelles, etc… Pour ce qui relève spécifiquement de la création d’entreprise, Atelier Lan Berri ne disposait pas d’une plateforme dédiée, mais avait déjà intégré dans ses pratiques des contenus dématérialisés et des espaces de stockage partagé depuis une dizaine d’années. Beaucoup de ses actions pouvaient déjà être qualifiées de formations à distance. « Les outils que nous utilisions par le passé étaient déjà satisfaisants, mais il est important d’évoluer en la matière et de proposer l’ensemble de nos prestations au travers d’une plateforme globale et complète. Nous accompagnons tout type de projets, pas exclusivement ceux qui relèvent de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS). Les actions d’accompagnement passées étaient organisées sur des temps de formation beaucoup plus longs (8 à 10 semaines), dans lesquelles des temps en présentiel, en travaux dirigés, hors les murs du lieu de formation, auraient pu être déjà considérés comme étant à distance. Il y avait plusieurs avantages à faire évoluer le produit, à commencer par centraliser la diffusion des contenus sur une plateforme compatible RGPD, au lieu de créer un stockage en ligne par groupe avec lequel il est difficile de protéger les données personnelles. Par ailleurs, l’utilisation d’un outil libre pour partager des contenus protégés par des licences de bien commun et les diffuser sur tous les types d’appareils numériques permet au plus grand nombre d’y avoir accès. La dimension ESS est toujours présente dans la démarche d’Atelier Lan Berri. Par exemple, la question du partage de responsabilité de l’entrepreneur(euse), l’ancrage de l’activité sur le territoire, la mise en réseau sont des facteurs qui sécurisent la création d’entreprise et permettent d’augmenter les chances de pérenniser l’activité. « Rien ne nous obligeait à mener ce projet de numérisation. Il nous parait cependant indispensable aujourd’hui de proposer un catalogue de formation en ligne avec des modalités à distance adaptées au tissu entrepreneurial de notre territoire (96% des entreprises de la communauté d’agglomération Pays Basque ont moins de 10 salarié(e)s). C’est également un moyen très concret de participer au développement du numérique par la mise à disposition d’un outil adapté et facilement appréhendable par nos publics. »
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