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La réalité virtuelle, du patrimoine à la formation
Une tablette, un boitier qui est à la fois ordinateur et disque dur, une dizaine de casques de réalité virtuelle. En quelques mots, voici « Timepods », un dispositif créé par la société Angoumoise « Novo 3D », soutenu par l’appel à projet régional « expérimentations de solutions numériques innovantes pour la formation et l’éducation ». Grâce à lui, les visiteurs du site archéologique « Cassinomagus » (Charente) peuvent évoluer dans un environnement recréé de toutes pièces, un univers en trois dimensions, complètement interactif. Ils y découvrent en temps réel les thermes antiques aujourd’hui à l’état de ruines. Un médiateur culturel est aux commandes de la tablette et définit le rythme de la visite virtuelle, ainsi que tout ce que les utilisateurs voient au travers de leur casque. « Cassinomagus est la première utilisation concrète de Timepods, sur un lieu qui avait un vrai besoin de visualisation du site et de gestion d’un flux de visiteurs, » explique Dominique Lyoen, dirigeant de Novo3D. « Son avantage est qu’il est autonome, très portable et très simple d’utilisation. » Le système est utilisable partout puisqu’il est complètement indépendant de tout réseau électrique ou de connexion 4 ou 5 G. Le boîtier génère son propre réseau wifi et reconnait automatiquement les casques. Pour l’animateur, la prise en main est rapide. Il a juste besoin d’appuyer sur une touche pour que les utilisateurs soient propulsés dans l’antiquité romaine. Ils sont parfois conviés à participer à des moments d'interaction, par exemple des ateliers de taille de pierre pour aider les ouvriers à construire le temple. Un matériel en évolution « Les premiers casques étaient lourds, difficiles à paramétrer, et on ne voyait pas grand-chose. En 2019, sont arrivés les premiers casques de réalité virtuelle autonomes, qui avaient la particularité d’embarquer toute l’électronique. Donc ils n’avaient plus besoin d’ordinateur pour fonctionner. En plus, ils avaient la capacité de détecter la position de l’utilisateur dans l’espace. Ce qui nous permettait d'imaginer un déplacement sur site, l’utilisateur évoluant librement comme s'il avait voyagé dans le temps. C'est à partir de là que nous avons pu faire décoller le projet que j'avais envisagé dès 2012. » L'ensemble tablette boitier casque reste toujours le même, mais le contenu est entièrement personnalisable. Il peut être modifié au fur et à mesure, complété pour raffiner l’expérience utilisateur. La durée de développement d’un projet est de l'ordre de quelques mois, à un an maximum. Il faut d’abord « traduire » les données disponibles, surtout quand il s’agit de reconstitutions. Puis vient la création et l’animation de personnages, qui prennent beaucoup de temps si l’on veut aboutir à un résultat réaliste. En 2022, Novo 3D a travaillé sur la possibilité d’utiliser Timepods dans le cadre scolaire. Pour résoudre le problème de de l’achat et de la gestion du matériel, qui ne peut pas être géré par les enseignants, les sites historiques déjà équipés du système ont été sollicités pour se rendre dans les établissements. Les professeurs n’ont plus qu'à passer commande auprès d’eux pour faire vivre à leurs élèves une expérience de réalité virtuelle en classe. « Notre projet était de trouver la meilleure façon de faire tourner correctement, auprès des élèves, les expériences créées initialement pour des touristes. Nous sommes partis du principe d’effectuer 2 séries de tests sur 5 classes, soit environ 200 élèves, de manière à recueillir assez de données probantes à présenter. » L’idée générale de ces deux séries de tests en classe était de confronter l'outil existant et recueillir les retours des élèves, sans pour autant se contenter de leur enthousiasme naturel pour les outils de réalité virtuelle. La question était plutôt de s’assurer que Timepods soit pertinent en tant que support pédagogique. « Ça a soulevé beaucoup plus d’interrogations qu'on ne le pensait. Je pense que nous avons trouvé une bonne manière pour s'adresser à des élèves qui sont entre le collège et le lycée, ce qui suppose déjà un bel écart en termes de mentalité, de perception. Vu de l'extérieur, ça n’est pas si facile à appréhender. » Pour l'instant le système est limité à 10 casques. Pour occuper une classe entière, la solution est de constituer des binômes. Un élève s’équipe du casque, l’autre s’assure que son camarade n’entre pas en collision avec un mur ou un autre élève. Il a un livret en mains et pose des questions dont les réponses sont à rechercher au sein de l’environnement virtuel. « C'est donc un jeu collaboratif en binôme que nous avons mis au point. Le livret comporte des questions précises qui s'appuient sur ce que l’enseignant ou l’animateur disent, sur ce que les gens voient dans le casque. A la fin, il y a un quadrillage et si la réponse est bonne, cela indique un mot. Ce système est tout simple, il n’a pas été facile à trouver, mais il fonctionne très bien et permet de passer 20 élèves d’un coup. » Des applications multiples « Sur un type de formation, les gens sont regroupés autour d’un animateur, qui gère le déroulement de l'expérience. En aucun cas Timepods ne se substitue à lui. Pour moi l’intervention humaine est toujours importante. On est vraiment sur un système avec interactivité multiple, interactivité de la personne qui fait la visite et qui interagit avec ses visiteurs, et une interactivité propre à chaque utilisateur. » Le système a démontré son efficacité en termes d’immersion historique, mais il peut être décliné dans beaucoup d’autres domaines, pour des formations en chaudronnerie, en sécurité, en machinerie, etc. C’est une question d’informations à traiter, de scénarios à élaborer. « Les perspectives en termes de formation professionnelle sont ouvertes, maintenant que nous avons développé le système. C'est vrai que notre savoir-faire se situe principalement dans le champ historique, mais si on avait une entreprise ou un organisme de formation qui nous sollicitait pour adapter leurs contenus sur des casques autonomes, nous serions prêts à intervenir. » « Il faut vraiment que le virtuel commence là où finissent les solutions de formation traditionnelles. L’outil doit avoir une vraie justification. Il nous serait tout à fait possible de vendre nos systèmes un peu partout, mais le risque serait de faire dans le gadget. Cela dit, les applications sont multiples. Par exemple, nous avons travaillé avec une société de gardiennage pour entraîner les gens à divers scénarios incendie, un cambriolage, etc. C’est difficile de mettre les apprenants au milieu d’un incendie, mais en virtuel c'est possible. Il existe plein de possibilités de mise en place. »
D-CLICS, Le numérique comme support d’apprentissage des savoirs de base
« A la ligue de l’enseignement, notre cœur de métier c’est de travailler pour les compétences de base », explique Karin Tudal, directrice de l’Atelier Pédagogique Personnalisé (APP) de Bergerac. « En Dordogne, nous sommes reconnus comme un acteur important dans le champ de la lutte contre l’illettrisme. Et en tant que membre du comité consultatif de l’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme (ANLCI), je suis sensibilisée aux questions de maitrise du numérique de base pour les personnes en difficulté de lecture et d’écriture, et à l’accès aux droits face à la digitalisation des services publics. C’était la motivation pour élaborer le projet D-CLICS. » D-CLICS a été lancé en partenariat avec l’Association Périgourdine d'Action et de Recherche sur l'Exclusion (APARE) de Périgueux, qui gère un centre d’hébergement en urgence et un centre de formation pour les savoirs de base et la lutte contre l’illettrisme. L’idée était de couvrir l’ensemble du territoire départemental. Son principe est de proposer des modules très simples sur les compétences de base en numérique et sur les droits en ligne. Les personnes intéressées sont accueillies par une coordinatrice qui évalue leur niveau de connaissance des outils numériques et des savoirs de base. En fonction de ce positionnement, un programme personnalisé est défini (nombre d’heures, thèmes) en tenant compte du rythme de chaque personne. Les publics viennent essentiellement pour des questions d’ordre administratif et de vie quotidienne (faire un CV, une lettre de motivation). La première étape de l’aide qu’ils reçoivent à l’APP consiste à lever leurs appréhensions, voire leurs peurs, de dédramatiser l’outil et de s’approprier la dimension numérique de la lecture et de l’écriture (utiliser un ordinateur, c’est 90% de l’écrit). Les parcours peuvent durer jusqu’à 150 h. Mais pour un démarrage, pour apprendre certaines bases, la moitié peut suffire. « Le numérique est un prétexte pour entrer ensuite sur les savoirs de base. On essaie de motiver les gens pour qu’ils reviennent sur un dispositif de droit commun. Si on voit que quelqu’un rencontre réellement des difficultés d’écriture, on peut coupler avec un travail sur la graphie, la lecture et l’écriture de base. » L’évaluation des acquis intervient en milieu et en fin de parcours. Par la suite, on essaie d’établir des passerelles avec des dispositifs de droit commun du type de l’habilitation de service public « socle de compétences » de la Région Nouvelle-Aquitaine. Les personnes sont bien évidemment libres de poursuivre ou pas leur parcours. D-CLICS agit comme un sas, une solution souple et ouverte, pour mettre les gens en confiance. « En fait nous mettons en pratique ce que nous faisions déjà, mais dans un cadre plus formalisé, un dispositif contraint avec des prescriptions, des parcours normés, etc. Le but était de mettre en place une offre souple et personnalisée. Un genre de service public, une offre permanente sur les territoires de Bergerac et de Périgueux, pour des personnes qui viendraient chez nous uniquement sur le champ de l’illectronisme. Avec l’idée, en deuxième plan, d’utiliser le numérique dans tous les apprentissages. » Dans cette approche, on ne travaille pas sur les compétences de base avant d’aborder l’outil numérique. Ce dernier est utilisé dès l’entrée du parcours, comme une sorte de levier. L’objectif est d’éviter de revenir aux savoirs de base sur le mode papier-crayon, ce qui peut être très perturbant pour une personne en situation d’illettrisme parce qu’elle pourrait se croire ramenée à une posture scolaire. En passant par un outil numérique, même s’il peut être effrayant de prime abord, et une fois que les usagers ont intégré l’idée que l’on pouvait utiliser un traitement de texte pour rédiger une lettre par exemple, il est possible de revenir sur la maîtrise de l’écrit, en réduisant leur appréhension. L’APP utilise désormais le même principe pour toutes ses activités. « On le fait aussi pour le Français Langue Etrangère en passant sur des sites en ligne. Il y a l’usage pratique pour tout ce qui concerne l’accès aux droits, et il y a l’usage du numérique comme support pédagogique. Quelqu’un qui entre en formation va fatalement devoir utiliser un ordinateur ou passer par une formation en ligne. C’est une obligation de connaître cet outil, pas seulement pour remplir ses impôts ou son dossier CAF ou Pôle emploi, mais aussi dans une logique d’apprentissage de base, qualifiant ou pré qualifiant. » L’APP dispose d’une salle informatique qui sert autant pour l’accompagnement social (RSA) que pour des ateliers numériques. Autre dimension du projet, la sensibilisation des acteurs de premier accueil (missions locales, PLIE, Pôle emploi…) sur des aspects de formation. L’ANLCI a été sollicitée pour apporter son expertise en matière de formation de formateurs, pour aider au repérage des personnes en difficulté avec la lecture, l’écriture et le numérique. « Je vois D-CLICS comme une offre complémentaire à ce qu’on a déjà, comme un sas. Le fait que les gens viennent dans cet endroit où on développe des savoirs, simples mais importants, c’est déjà une forme d’entrée dans la compétence numérique et des savoirs. On est bien dans une complémentarité d’offres sur un territoire, et ça peut générer de l’appétence pour d’autres types de parcours. »
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Transformation numérique, l'approche d'Atelier Lan Berri
Le cœur d’activité d’Atelier Lan Berri (ALB - Anglet) est l’accompagnement à la création d’activité, la transmission et la création d’entreprise sur le Sud de la Nouvelle Aquitaine. Depuis 3 ans, la structure a engagé la transformation numérique de ses produits et services. Aujourd’hui, cette SCOP est cheffe de file d’un groupement de structures qui appartiennent toutes à l’Economie Sociale et Solidaire, groupement qui intervient dans le cadre du dispositif régional « Entreprendre, la Région à vos côtés. » « L’idée est que les accompagnements des porteur(euse)s de projets que nous avons effectué avec différents dispositifs de formation professionnelle et de modalités de financement, ont évolué avec le temps, » décrit Amandine Lafferrairie, coopératrice. « Ce qui nous parait important, c’est de sécuriser et moderniser notre expérience, nos contenus créés depuis plus de 20 ans. Nous construisons un parcours multimodal qui met en musique des temps de travail en présentiel, à distance, synchrone, asynchrone, en formation et en autoformation, en individuel et en collectif. Toutes ces modalités combinées pour arriver à un parcours pédagogique qui soit pratique et qui évolue avec les outils, les attentes et les disponibilités des bénéficiaires. » Le projet de transformation numérique, soutenu par le Fonds Régional pour l’Innovation dans la Formation (FRIF), comportait 3 phases. Il a commencé par une période d’ingénierie pédagogique au cours de laquelle le contenu de formation a été remanié et restructuré en différentes séquences et activités. En ce qui concerne le support technique, le choix s’est porté sur la plateforme Moodle, jugée la plus adaptée pour l’avenir. Elle présente l’intérêt d’être un outil libre et dynamique, fidèle à la philosophie d’ALB. Elle est également très accessible puisque les outils déjà disponibles grâce à la communauté, permettent une utilisation facilitée pour tout type de public, qu’il soit initié ou non au numérique. Une deuxième phase de développement technique s’est achevée fin septembre, au cours de laquelle un travail a été effectué avec des partenaires et fournisseurs locaux. Enfin, une phase d’expérimentation est engagée en partenariat avec une autre structure, Andere Nahia, un collectif d’accompagnement de femmes entrepreneures. Il s’agit de mettre à disposition un « parcours complet de formation multimodal à distance ». Les bénéficiaires seront « des échantillons » de porteur(euse)s de projet du dispositif « Entreprendre, la Région à vos côtés ». Leurs avis seront recueillis afin de pouvoir modifier et améliorer le service. « En termes de volume, le Groupement Territoires et entreprises 64 accueille autour de 300 porteurs de projets par an sur le département. Ils peuvent nous être envoyés par Pôle emploi ou d’autres prescripteurs, ou s’adresser à nous directement. Il n’y a pas de profil type, nous avons des demandeurs d’emploi, des salariés, des retraités, tous les cas de figure. Nous sommes tenus d’accueillir et d’informer toute personne qui se pose la question à moins de 30 km de chez lui sur le territoire. » Le projet est exclusivement développé par Atelier Lan Berri dont les formations abordent les questions de création d’entreprise, en particulier les statuts juridiques, la réponse aux marchés publics, la création d’un outil de gestion financière appropriée au TPE/PME qui reprend les notions de seuil de rentabilité, de compte de résultat, la protection des données personnelles, etc… Pour ce qui relève spécifiquement de la création d’entreprise, Atelier Lan Berri ne disposait pas d’une plateforme dédiée, mais avait déjà intégré dans ses pratiques des contenus dématérialisés et des espaces de stockage partagé depuis une dizaine d’années. Beaucoup de ses actions pouvaient déjà être qualifiées de formations à distance. « Les outils que nous utilisions par le passé étaient déjà satisfaisants, mais il est important d’évoluer en la matière et de proposer l’ensemble de nos prestations au travers d’une plateforme globale et complète. Nous accompagnons tout type de projets, pas exclusivement ceux qui relèvent de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS). Les actions d’accompagnement passées étaient organisées sur des temps de formation beaucoup plus longs (8 à 10 semaines), dans lesquelles des temps en présentiel, en travaux dirigés, hors les murs du lieu de formation, auraient pu être déjà considérés comme étant à distance. Il y avait plusieurs avantages à faire évoluer le produit, à commencer par centraliser la diffusion des contenus sur une plateforme compatible RGPD, au lieu de créer un stockage en ligne par groupe avec lequel il est difficile de protéger les données personnelles. Par ailleurs, l’utilisation d’un outil libre pour partager des contenus protégés par des licences de bien commun et les diffuser sur tous les types d’appareils numériques permet au plus grand nombre d’y avoir accès. La dimension ESS est toujours présente dans la démarche d’Atelier Lan Berri. Par exemple, la question du partage de responsabilité de l’entrepreneur(euse), l’ancrage de l’activité sur le territoire, la mise en réseau sont des facteurs qui sécurisent la création d’entreprise et permettent d’augmenter les chances de pérenniser l’activité. « Rien ne nous obligeait à mener ce projet de numérisation. Il nous parait cependant indispensable aujourd’hui de proposer un catalogue de formation en ligne avec des modalités à distance adaptées au tissu entrepreneurial de notre territoire (96% des entreprises de la communauté d’agglomération Pays Basque ont moins de 10 salarié(e)s). C’est également un moyen très concret de participer au développement du numérique par la mise à disposition d’un outil adapté et facilement appréhendable par nos publics. »
A Tulle, l'apprentissage se met en scène
Former au plus près du territoire et valoriser les entreprises en tant qu’entreprises apprenantes fait partie de la logique qui sous-tend les actions de formation en situation de travail (AFEST). En 2018, le CFA Les 13 vents de Tulle a pris la décision de s’appuyer sur la formation en situation de travail pour développer, dans le cadre d’un projet soutenu par le fonds régional pour l’innovation dans la formation, des pratiques pédagogiques nouvelles destinées aux apprentis et aux stagiaires de la formation professionnelle. L’innovation, c’est le recours à la vidéo. Le projet « AFEST vidéo » s’est appuyé sur une expérience précédente. « Nous avions depuis un certain temps des « parcours territorialisés », qui s’adressaient à des apprentis éloignés du centre » précise Isabella Ernst, directrice adjointe du CFA, « particulièrement dans des métiers pour lesquels nous avions peu de demandes, et qui ne justifiaient pas une ouverture de section. Dans certains cas, nous avons délégué aux entreprises, par convention, une partie des enseignements que ces apprentis auraient dû suivre au CFA. Avec toujours l’apport d’un œil expert pour valider ce qui a été appris en entreprise. » Ce principe de délégation a été repris, et l’utilisation de la vidéo instaurée comme preuve de l’action de formation en situation de travail. Outre le fait d’éviter aux jeunes les plus éloignés de se déplacer, le dispositif présente plusieurs avantages, comme celui de permettre une montée en compétences et une valorisation des tuteurs en entreprise. Par ailleurs, il autorise une meilleure visibilité sur ce qui se fait dans l’entreprise entre deux passages au CFA. « Cette visibilité nous faisait défaut avant. Le principe de complémentarité entre l’entreprise et le centre ressemblait trop souvent à deux formations juxtaposées, sans qu’il y ait forcément d’interaction. » Les jeunes se rendent au CFA toutes les 3 semaines. C’est entre deux sessions au centre qu’ils doivent réaliser une ou plusieurs vidéos dans leur entreprise, en fonction du temps de délégation qui a été conventionné avec cette dernière. Une vidéo, c’est une scène d’une durée maximum de 4 minutes, filmée par le tuteur qui s’est formé à l’utilisation de l’outil, durant laquelle l’apprenti va réaliser un geste professionnel tout en l’expliquant, ou décrire un processus de fabrication. On se concentre à chaque fois sur un aspect technique particulier en rapport avec le référentiel. La dimension d’individualisation du parcours réside dans le fait que chaque jeune suit un programme correspondant aux activités de son entreprise. « Notre public est plus à l’aise avec cet outil qu’à l’écrit, il y est plus habitué. L’application permettant les vidéos est implantée sur leur téléphone, c’est très simple à utiliser. Mais on ne fera pas du 100 %, certains jeunes refusent le principe. Pour d’autres, c’est trop compliqué, puisque l’on attend d’eux de montrer un geste, mais aussi de mener une analyse réflexive. C’est-à-dire d’expliquer ce qu’ils font, pourquoi ils le font, et comment. Ce sont des choses qu’on a parfois du mal à obtenir dans le cadre de l’apprentissage traditionnel. Mais il n’y a pas de FEST sans analyse réflexive.» Le déploiement du dispositif s’est avéré assez long, ne serait-ce qu’en raison du changement radical d’approche pour les formateurs, les tuteurs et les jeunes. Après un travail d’identification de tous les gestes professionnels nécessaires à maîtriser pour un niveau CAP (pour l’instant le seul diplôme préparé selon cette modalité), les formateurs se sont rendus dans les entreprises volontaires (150 depuis le lancement) afin d’étudier le référentiel avec elles, puis élaborer une sorte de livret des compétences indispensables. Une convention encadre tous ces engagements, notamment le nombre d’heures de délégation, c’est à dire le temps pendant lequel l’apprenti est en formation en situation de travail. Les documents technologiques lui sont fournis pour qu’il puisse préparer ses interventions. « Nous n’avons pas encore atteint le rythme de croisière. Nous avons progressivement constaté qu’il était nécessaire d’établir des conventions qui fixaient bien les termes. Nous n’avions pas pensé initialement au livret d’activités, mais il est apparu comme incontournable pour guider les tuteurs. Et dès lors que l’on utilise la vidéo, se pose la question du droit à l’image. Donc au fur et à mesure, nous avons ajouté tel ou tel élément. » Les contenus filmés appartiennent aux jeunes et aux entreprises. Ils sont conservés sur une plate-forme numérique jusqu’à un an après la fin de la formation. Les vidéos sont ensuite données aux jeunes puis effacées de la plate-forme. La pratique, déjà en genèse avec les parcours territorialisés, a montré qu’elle pouvait convenir à tous les apprenants, qu’ils aient ou non des problèmes de mobilité. Au point que le CFA Les 13 vents envisage d’en faire une de ses modalités pédagogiques régulières, voire centrale dans son organisation. « Nous allons essayer d’étendre le dispositif à plus de parcours, et pas seulement sur des métiers de niche. Son développement pourrait notamment se faire dans le cadre du pacte régional d’investissement dans les compétences. »
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