Quand intégrer une entreprise est un jeu | Initiatives locales et paroles d'acteurs | Scoop.it

Le principe d’un escape game est de sortir d’un lieu en trouvant des indices et en résolvant des énigmes. Persuadé que cet outil propose des moyens efficaces et différents d’acquérir de la compétence, le réseau Retravailler a décidé en 2019 de créer son propre « serious game », sur le principe de l’escape game inversé. Son objectif ? Non pas sortir d’une pièce, mais entrer dans une entreprise le plus vite possible. Son nom : « Entrance game ».

 

Pour Marion Brillault, responsable du service ingénierie, « ce projet est né d’un constat et d’une frustration des équipes pédagogiques. La frustration vient du fait que de nombreux serious games dans les domaines de l’orientation et de la recherche d’emploi sont créés par des organismes dans la même optique. Ils sont mis à disposition du grand public puis disparaissent ou deviennent payants. Ce qui ne nous permet pas de les exploiter avec nos bénéficiaires ou nos stagiaires. » Le constat repose sur les conclusions d’une étude de Pôle emploi, qui indique que les personnes sont essentiellement recrutées sur leur savoir être. Aujourd’hui le diplôme, les compétences techniques, le niveau de qualification ne sont pas les premiers items pris en compte par les recruteurs, qui cherchent avant tout des profils.

 

Retravailler a engagé depuis plusieurs années un travail de digitalisation de ses formations, notamment la création d’une plateforme de formation en ligne, E-proévolution. Entrance game s’inscrit dans cette logique, un outil complémentaire à la plate-forme qui ne propose pas de contenu de type serious game relatif à l’insertion professionnelle. « Nous avions envie de proposer un outil qui soit détaché de la plate-forme, qui soit gratuit et utilisable par le plus grand nombre. Et que l’on continue de le faire vivre, de l’améliorer et de l’adapter. C’est un outil en interne et à l’externe, une offre complémentaire aux jeux déjà existants. »

 

Potentiellement, les futurs utilisateurs sont tous ceux qui relèvent d’un parcours d’orientation et d’insertion professionnelle ou d’accompagnement auprès des organismes du réseau. Viendront dans un deuxième temps tous les publics en formation auprès d’autres organismes. La mise en œuvre se fera d’abord en Nouvelle-Aquitaine, elle devrait ensuite être étendue au territoire national.

 

Adopter la bonne posture

 

Le jeu interviendra plutôt en fin de parcours à l’issue de l’élaboration du projet professionnel. Sur un parcours plus court, type prestation accélèr’emploi, il sera plutôt en amont, pour ajuster les contenus en fonction des difficultés rencontrées par les stagiaires. Il constitue aussi une sorte de révision, pour apprendre à adopter la bonne posture et le bon état d’esprit, mais cela n’est pas forcément une nécessité pour certains publics moins éloignés de l’emploi.

 

En pratique, Entrance game propose à l’utilisateur, pour une durée de 20 à 40 minutes, d’endosser le rôle de « Gamie », représenté par un avatar qu’il choisira (homme ou femme). La mission de Gamie est de trouver un emploi en réussissant à intégrer une entreprise fictive. Au début du jeu, il est en contact avec le service des ressources humaines. Au cours d’une série de missions, il doit préparer sa candidature et son entretien. Il est épaulé par ses amis qui le conseillent. Les missions que doit réaliser Gamie sont ancrées dans son quotidien. Outre sa recherche d’emploi, il aide et conseille aussi ses amis.

 

« Le joueur doit identifier le parcours le plus rapide pour aller à l’entretien, gérer son planning quotidien, vérifier s’il peut se permettre de rendre service à quelqu’un, etc. Nous avons décidé d’aborder tout ce qui relève de l’informel, toutes les difficultés que peuvent rencontrer nos stagiaires, les petites interruptions qui ne sont pas toujours prises en compte quand on fait de la théorie générale de recherche d’emploi. C’est aussi comment s’organiser pour aplanir ces obstacles et se mettre dans les bonnes conditions, apprendre la bonne posture, comprendre ce qu’il faut mettre en valeur, ce qu’il ne faut pas faire. »

 

Chacun à son rythme

 

L’utilisateur n’est pas limité en temps, pour lui permettre d’aller à son rythme. Pour favoriser son engagement et valoriser ses réussites, il sera gratifié par un système d’étoiles. Régulièrement, le jeu fera des retours sur la progression de Gamie, notamment par ses amis qui lui donneront des conseils sur sa tenue, sur la mise en valeur de ses savoir être. Les conseils, recommandations et interactions avec les autres personnages sont au service de la coopération pour progresser. Il aura la possibilité de télécharger des fiches mémos, des petits documents qui explicitent la méthodologie à aborder sur chaque thématique.

 

« C’est un outil méthodologique. La « gamification » nous permet d’aller plus loin que la fiche technique, de rentrer dans le quotidien de la personne en recherche d’emploi et de la confronter à son quotidien et ce qu’elle doit faire pour atteindre l’entreprise. L’avatar induit un certain décentrement de l’utilisateur, ce qui nous permet de nourrir un dialogue avec un groupe ou un stagiaire, d’évoquer plus facilement les sujets qui l’ont touché. Cela permet d’aborder des situations réelles qui sont voisines de celles qu’on trouve dans le jeu. On ne prend pas la personne de front en évoquant sa vraie vie. »

 

Entrance game devrait être disponible en juin 2021, après une phase de test avec les publics. A noter qu’il a été pensé et réalisé entièrement en interne. Les scénarios ont été élaborés par le service ingénierie et des collaborateurs spécialisés dans l’insertion des personnes très éloignées de l’emploi et dans le recrutement, qui ont apporté des exemples de situations qu’ils ont pu rencontrer avec certains de leurs stagiaires. La conception graphique et technique de l’entrance game est réalisée par le service FOAD.

 

 

*Le projet Entrance Game a été financé par le Fonds Régional pour l’Innovation dans la Formation