Initiatives locales et paroles d'acteurs
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La Prépa des Compagnons

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Maud Vignaud est responsable ingénierie et innovation pédagogique de la Fédération Compagnonnique Nationale. Dans le cadre du consortium, les fédérations compagnonniques, le CFA des 13 vents à Tulle et la maison de l'Europe à Limoges ont mis en place une Prépa apprentissage début 2021, dans 5 CFA répartis à Tulle, Limoges, Anglet, Agen et Bordeaux.

 

Quelle a été votre approche en matière de Prépa apprentissage ?

Nous sommes sur un parcours personnalisé d'orientation et de préparation à l'apprentissage, 300 heures sur 2 mois et demi. Il peut être plus long si nécessaire. Nous avons plusieurs modules, à commencer par la formation en situation de travail qui fait vraiment la force du projet. A l’arrivée d’un jeune, on fait une sorte de positionnement qui va nous permettre de vérifier s’il présente quelques difficultés notamment sur les savoirs de base. Si besoin est, on inclut les modules de la certificat CléA dans le parcours.

 

On est dans une sorte d’orientation action, où il s’agit pour l'apprenant d’adopter la bonne posture face aux situations de travail qui lui seront présentées. Notre Prépa comporte aussi une dimension de mobilité géographique, c’est la culture des Compagnons du Tour de France. Ainsi que le développement d'un sentiment d'appartenance à l'Union européenne au travers des modules de la Maison de l'Europe, pour préparer les futurs apprentis à une mobilité de type Erasmus.

 

Quel est le profil de votre public ?

Ils ont entre 16 et 30 ans, majoritairement 18-19 ans, issus des quartiers prioritaires de la ville ou des zones de revitalisation rurale. Plus de garçons que de filles, peu ou pas qualifiés, qui ont fini leur cursus scolaire en classe de 5e ou 4E. Nous accueillons aussi des publics migrants, ce que nous n’avions peut-être pas forcément anticipé. Mais on s’est adapté, en proposant des cours de remise à niveau en français, plus de Français Langue Professionnelle que de Français Langue Etrangère. Notre recrutement est très local, on travaille beaucoup avec les acteurs de proximité comme les missions locales. Nous avons quand même eu beaucoup de difficultés à identifier des publics parfois très invisibles. Cette Prépa souffre d’un vrai problème de sourcing.

 

Avez-vous des prérequis ?

Nous avons des jeunes qui savent ce qu’ils souhaitent faire, parce qu’ils ont été accompagnés en amont par la mission locale. Ils ont déjà travaillé sur leur projet professionnel, du coup on peut aller très vite dans notre cursus de formation, avec juste une semaine en centre de formation pour travailler la confiance en soi, la posture, toutes ces petites choses avant qu'ils partent véritablement en entreprise pour 4 semaines. Quand ils reviennent, on débriefe on retravaille sur les compétences acquises. Et puis on va travailler la mobilité, ils vont repartir une semaine en entreprise, on arrive très vite à la fin du parcours.  Ça c'est dans le meilleur des cas.

 

L’autre partie de nos jeunes arrivent par différents biais, et n'ont pas forcément un projet professionnel établi. Les métiers du bâtiment ne leur déplaisent pas, mais ils n’en savent pas plus. Là, nous faisons vraiment de l'individualisation. On les fait tourner pendant 15 jours dans nos ateliers, en immersion, avant de partir deux semaines en entreprise en fonction de ce qu’ils pensent être le métier dans lequel ils voudraient s'orienter. Ils ont le droit à l’erreur, et dans ce cas-là on recommence le processus sur d'autres métiers. Notre objectif c’est véritablement de sécuriser le parcours apprentissage en fonction du profil de l'apprenant

 

Vous semblez accorder une grande importance à l’aspect mobilité ?

Effectivement, parce qu’on observe que ce public reste très attaché à son microcosme familial, à son quartier. On demande à nos jeunes de prendre le train ou le bus. On veut qu'ils prennent leur billet tout seuls pour aller à tel endroit, sans rien réserver, sans trop les guider, pour voir s'ils sont suffisamment autonomes. Ce n’est pas forcément pour une mobilité lointaine, mais c’est pour se rendre à une manifestation, par exemple les Olympiades des métiers. L'idée c'est de les ouvrir à leur environnement métier, les déplacements qu’on leur propose sont en lien avec leur orientation. Le parcours comporte une semaine consacrée à la mobilité, afin qu’ils acquièrent plus de confiance en en eux. C’est nécessaire, parce que pour certains jeunes, il n’était pas, au départ, question qu’ils bougent de chez eux.

 

 Utilisez-vous des outils particuliers ?

Chaque jeune a un carnet de compétences, une sorte de carnet de voyage sur lequel vont apparaître les compétences acquises. Au début de son parcours, on fait un point sur les compétences transverses qu'il a pu acquérir dans tel ou tel contexte d'apprentissage, en situation professionnelle ou en centre de formation tout simplement. On essaie de dégrossir tout ça, et d’effectuer un travail de remise en confiance de soi. Ce petit livret permet de mesurer l'écart entre le moment de son arrivée et son départ, en termes de compétences acquises. C'est comme un portfolio qui valorise le futur apprenti et qui lui apprend à se vendre, parce que c'est bien là aussi la problématique, trouver l'employeur qui va correspondre à son profil et à ses attentes.

 

Combien de sessions avez-vous mis en place ?

C’est vrai que ça n’est pas un dispositif qui a permis de développer le nombre de contrats d’apprentissage. En un an et demi, nous avons eu assez peu de sessions, une dizaine sur le plan national pour la fédération compagnonnique, principalement à cause du sourcing. Et les effectifs restent faibles, au maximum 4 ou 5 apprenants. Cela dit, si on veut vraiment accompagner chaque jeune sur son projet, c'est mieux de gérer des petits groupes.

 

Même avec peu de participants, on peut créer une certaine émulation avec ce public. À mon sens, c'est mieux que de le traiter individuellement. Avec un collectif, on arrive à construire, parce que les jeunes peuvent s'identifier et on les fait grandir ensemble. Le problème, c’est que ça fait beaucoup d'énergie pour peu de publics, ça fait partie de notre questionnement par rapport à la Prépa apprentissage.

 

Pour l’instant, quels résultats avez-vous enregistré ?

Nous avons observé que, pour les publics fragilisés, l’accompagnement en amont, le positionnement initial et le repérage des difficultés d’apprentissage, a permis de sécuriser l’entrée vers l’apprentissage, même si 3 mois c’est rapide. Je pense que sans la Prépa, on aurait perdu ces publics. Même pour un public différent, avec un projet plus abouti mais qui connait des difficultés à trouver des entreprises, on pourrait aider à finaliser les contrats en se servant de Prépa apprentissage grâce aux outils qu’on a mis en place. Ce serait un sas d’accompagnement à l’apprentissage. C’est en tout cas la question qui se pose aujourd’hui dans notre réseau.

 

 

Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx

 

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En Mellois, un emploi près de chez soi

En Mellois, un emploi près de chez soi | Initiatives locales et paroles d'acteurs | Scoop.it

Constatant sur son territoire un gros problème de mobilité des demandeurs d'emploi, l’agence Pôle emploi de Melle (Deux-Sèvres) a décidé de mener une action délocalisée sur 6 territoires du bassin. Aux obstacles à la mobilité s’ajoutent des problèmes de connexion, de zone blanche ou tout simplement de manque de maitrise de l'outil Internet. Difficile dans ces conditions pour les conseillers de suivre un public qu’ils ne voient très rarement en agence pour participer aux ateliers, ou le recevoir pour un entretien puisqu’il n’est le plus souvent joignable que par téléphone.

 

L’IRFREP des Deux-Sèvres a été retenu début 2022 pour intervenir auprès de groupes de 8 à 12 personnes, un par territoire, constitués de demandeurs d’emploi très éloignés du monde du travail sans condition d’âge ou de niveau de formation. « Pôle emploi voulait que l’on travaille avec eux sur leurs compétences et leurs savoir être, » explique Martine Roy, coordinatrice de l’IRFREP 79. « Ensuite que l’on prenne un temps pour faire une analyse du territoire et des entreprises existantes que les personnes ne connaissent pas forcément, même si elles habitent à proximité. La dernière phase de notre accompagnement était de leur faire découvrir les outils numériques, les aider à rechercher plus efficacement de l'emploi sur leur territoire. »

 

Le programme « Un emploi pour moi en Mellois » s’est déroulé de début avril à fin juin. Il comprenait 6 semaines d'accompagnement à raison d’une demi-journée par semaine, matinée ou après-midi. Il se concluait la septième semaine par une journée entière, où était organisé dans un premier temps un mini job dating avec les entreprises du territoire et sur la deuxième partie de la journée, un temps de bilan pour chaque groupe où participait également chaque conseiller référent Pôle emploi territorial. Ces briefings ont également été l’occasion d’exprimer ce qu’ils avaient pensé de l’action. Deux formatrices sont intervenues sur le dispositif, en changeant régulièrement de territoire et de groupe, de manière que les participants ne rentrent pas dans une routine, qu’on leur propose différentes approches et façons de fonctionner.

 

Reprendre confiance

 

« La première demi-journée, on a plutôt senti une réserve chez les demandeurs d'emploi, leur inquiétude étant qu’on leur demande des comptes, qu’ils soient surveillés. D’emblée nous leur avons expliqué qu'on était là pour les aider à reprendre confiance en eux, les motiver, les mobiliser. D’autant que dans ces zones très rurales, ils sont souvent seuls, sans véritablement de lien social. Et ils n’ont pas forcément l'envie d'aller vers les entreprises qui se trouvent sur ces territoires. »

 

Les 2 premières demi-journées étaient consacrées aux positionnements individuels, compétences et savoir être.  En conclusion, chacun élaborait une petite carte de visite à remettre lors du job dating. 2 autres demi-journées portaient sur l'analyse du territoire et des entreprises, et les 2 dernières à travailler sur les services numériques pour la recherche d'emploi. Le contenu proposé était adapté à chaque groupe, pratiquement à chaque session en fonction des demandes des personnes. Parfois, sur un point précis, elles avaient besoin d’un temps d’échange un peu plus long que ce qui était prévu initialement.

 

Les entreprises sont mobilisées par les chargés de relation de Pôle emploi. Elles étaient présentes lors du mini job dating, organisé lors de la dernière journée. Elles ont toutes des offres à proposer aux demandeurs d'emploi qui ne viennent pas avec un leur CV, mais juste avec leur carte de visite élaborée pour l’occasion. Les employeurs sont préparés à les recruter sur la base de leurs compétences, plutôt que par rapport à leur parcours professionnel. Ils sont prêts à les former si besoin est. Toutes les solutions de sortie sont ouvertes, stages, contrats, immersions, formations, etc. A ce stade, Pôle emploi reprend la main sur la suite des parcours.

 

Des solutions de proximité

 

« Un des buts de l’action est d’amener ce public, parfois privé de moyen de locomotion, à aller vers les entreprises qui se trouvent tout près de chez eux. Souvent, ils n’y pensent pas, ou, pour eux, ça n’est pas envisageable de démarcher une entreprise. Grâce à notre accompagnement, ils ne vont plus avoir peur de proposer spontanément leur candidature. Cela dit, sur certains groupes, nous constatons qu’avant de les réinsérer dans l'emploi, il y a toute une démarche d'accompagnement individuel à faire, notamment sur la dimension sociale ou de santé. »

 

« Par ailleurs, c'est très intéressant pour nous d'entrer en contact avec les entreprises de ces territoires, même si nous ne sommes pas amenés à travailler avec elles. Mais ça peut nous aider d'avoir ce répertoire d'employeurs pour nos stagiaires qui doivent trouver des périodes de stage, et qui ne sont pas tous de Niort. Je pense aussi que cette action doit nous amener à réfléchir à délocaliser nos prestations. Si ce dispositif se poursuit, je pense qu’il serait intéressant d’associer les entreprises plus en amont, les faire intervenir lors des demi-journées consacrées à la présentation du territoire. »

 

Autre bénéfice de l’action constaté par les animatrices de l’IRFREP chez les participants, des changements de comportement, une redynamisation, de nouvelles façons d’agir. Et la capacité de mettre en avant les compétences acquises lors de leurs différentes expériences professionnelles, mais également dans leurs activités extra professionnelles. Alors que pour beaucoup d’entre eux, la notion de compétences ne s’appliquait qu’au milieu professionnel.

 

Le dispositif devrait être reconduit dès la rentrée de septembre. Le format des 7 semaines, par demi-journée, semble adapté à un public qui ne travaille plus depuis des années, ne se lève plus tôt le matin et qui doit à nouveau s’habituer à gérer des contraintes d’emploi du temps.

 

 « Dans le cadre de ces groupes, je pense que les demandeurs d'emploi ont été capables de nous dire ce qu'ils ne voulaient plus faire, ce qui leur est plus difficile quand ils parlent à leur conseiller. C'est venu naturellement dans les échanges. Le fait que nous soyons quelqu'un d'extérieur et que nous leur disions bien qu'on n'avait pas d'a priori et qu’on ne les jugeait pas, a rendu le dialogue plus facile. Sur chaque groupe, il y a eu une très bonne dynamique. Ma seule crainte c'est qu’elle retombe rapidement avant qu’elle se concrétise par du concret. Je ne sais pas encore par quel moyen la faire durer. »

 

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