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Prévenir le décrochage, raccrocher les décrocheurs
L’Union Pour l’Enfance est une association qui possède deux organismes sur les Deux-Sèvres, en charge de la protection de l’enfance. L’Union pour l’Enfance 79, constituée de plusieurs structures d'hébergement et de prise en charge de jeunes confiés soit par le juge, soit par les parents. Les « Ateliers Agapè », qui comprennent un plateau technique grâce auquel les jeunes sont accompagnés dans le cadre de l’action RAIDS, le réseau d'accrochage et d'insertion des Deux-Sèvres, financé par l’appel à projets régional « Appui aux parcours d’orientation. » Ces ateliers existent depuis 1994. Ils ont été créés pour permettre à des jeunes issus de la protection de l'enfance, décrocheurs, de bénéficier de formations au sein d'ateliers professionnels. Initialement, seule l’activité « espaces verts » était présente. « Notre volonté était de proposer une prise en charge globale de jeunes qui nécessitaient une remobilisation sociale, scolaire, voire professionnelle, » précise Nadège Coillier, directrice des Ateliers Agapè. « Sachant que ces jeunes présentaient plusieurs problématiques, familiale, de posture d'élève, souvent d'addiction et de délinquance. Au début, c’étaient plutôt les départements autour des Deux-Sèvres qui nous les orientaient, afin de les éloigner de leur territoire d'origine. » Après 2009, les ateliers ont pris de l’ampleur. Installés dans de nouveaux locaux, un ancien garage complètement transformé pour accueillir un restaurant et l’atelier professionnel espaces verts. Aujourd’hui, seul ce dernier subsiste. Deux moniteurs qualifiés encadrent des jeunes de 14 ans et plus pour, dans un premier temps, leur faire découvrir ce secteur professionnel au rythme de trois matinées par semaine, sans objectif de production. Ceux qui montrent un intérêt particulier sont accompagnés le temps de leur trouver un lycée professionnel, un CFA ou une Maison Familiale et Rurale (MFR) pouvant les accueillir. Dans cette attente, ils continuent à perfectionner leur formation de base, avec une montée progressive en compétences. Priorité remobilisation « Les publics sont très volatils. Il suffit qu'un jeune retrouve un sens à sa journée au quotidien, c'est-à-dire se lever, sortir de chez lui. Pour certains c'est déjà énorme. Puis, il va pouvoir côtoyer ses pairs, bénéficier d'acquisitions. Cela améliore le climat familial, qui reste parfois fluctuant, mais qui est nettement moins tendu et dégradé que lorsqu’il arrive. Dans le cadre de leur accompagnement éducatif, on est sur la mobilisation de savoir-être, de savoir-faire, de savoirs tout court. Lorsque la base est acquise, l'objectif est de leur permettre d'effectuer des stages en entreprises et de les orienter sur toute structure de droit commun, scolaire ou de formation, telle que les missions locales, les CFA, les MFR. » Les Ateliers Agapè comprennent également un atelier sportif et un atelier de remobilisation scolaire et d'aide à la scolarité. Pour l’atelier cuisine, il ne s’agit pas de professionnalisation, mais de permettre à certains jeunes de découvrir ce domaine professionnel. Et pour les autres, accueillis au sein des structures d'hébergement, d'acquérir une certaine autonomie dans la gestion de leur repas, comment faire leurs achats, ce qu’on peut faire avec ce qui reste dans les placards, une sorte de pédagogie de la gestion quotidienne. Dans le cadre de RAIDS, les jeunes sont orientés par l'éducation nationale, plus précisément par les chefs d'établissement. Il n'y a pas de différence de prise en charge entre ce public et celui de l’Aide Sociale à l’Enfance. Ils se côtoient, sont mélangés dans les animations, et ils passent systématiquement les 15 premiers jours sur tous les ateliers. « A l’issue, on fait un bilan avec eux. On leur donne la parole pour nous expliquer comment ils ont vécu la période d'intégration, quels sont les ateliers dans lesquels se ont sentis les plus à l'aise, ceux qui les attirent le moins. Avec la remobilisation scolaire et l'aide à la scolarité, on est vraiment dans le fait de redonner envie, de leur redonner du sens, d’expérimenter pour repartir sur un centre de formation ou à l'école. Ça peut aider des jeunes qui fréquentent les ateliers à temps plein, c'est-à-dire du lundi au vendredi, mais aussi qui viennent sur des temps plus ponctuels, sur des demi-journées parce qu’il y a un maintien partiel de la scolarité. » Des profils parfois compliqués Les participants au RAIDS présentent de multiples problématiques d'acquisition scolaire, parfois de handicap, de soins physiques et psychologiques. Certains sont en situation de déscolarisation depuis plusieurs années, depuis le CM2 ou la 6e. Ils peuvent être toujours affectés à un établissement mais ne le fréquentent plus, ou de façon très ponctuelle. « C’est vraiment quelque chose qui m'a particulièrement interpellée. J’ai souvent vu des parents qui étaient désemparés face à leurs enfants en décrochage, sans aucun dispositif pour les accueillir, qui restaient à temps plein à domicile. Le climat familial s’en ressent forcément, et il y a des effets sur les autres enfants de la maison. » Les chefs d'établissement se disent démunis face à certains profils qu'ils n'arrivent pas à raccrocher, qui présentent parfois des troubles du comportement, qui ne sont pas traités ou dont la prise en charge est insuffisante pour permettre de les maintenir au sein des établissements. Ces jeunes devraient bénéficier d'une scolarité adaptée, mais les places sont très limitées. Entre fin 2002 et aujourd’hui, une quinzaine de jeunes issus d’établissements de Parthenay et Thouars ont été pris en charge, plus que le nombre prévu dans la convention avec la Région. « Ça a été vraiment une volonté de ma part de n’évincer aucun jeune. 6 filles, 8 garçons, 3 jeunes également pris en charge dans le cadre des dispositifs relais du Département. Donc avec un co portage, voire un triple portage pour certains, quand il y avait le dispositif relais, le collège et nous qui étions en accompagnement. » « L’appel à projet régional vise les plus de 16 ans. Mais nous n’avons absolument pas accroché ce public, parce qu’il existe déjà beaucoup de dispositifs pour lui, que ce soit à l'intérieur des établissements scolaires ou à la mission locale avec la promo 16-18 et le CEJ. Ces dispositifs s’adressent à des jeunes qui savent se mobiliser et ont envie de le faire. Le gros souci, ce sont les jeunes en déscolarisation, quel que soit leur âge, qui n'arrivent pas à se mobiliser. La moyenne d’âge des jeunes accueillis est de 13 ans et demi, allant de 11 à 15 ans. » L’objectif de l’association est de ramener les jeunes dans le droit commun. Notamment, pendant le dernier mois de leur accompagnement, en travaillant à leur réintégration au collège. Notre lien avec l’établissement d’affectation est quotidien. C’est là que les Ateliers Agapè montrent leur utilité, en permettant le maintien de la scolarité à temps partiel, tout en travaillant sur plusieurs axes, à commencer par les savoir-être, particulièrement importants avec ce public. « On est vraiment perçus comme une bulle, un passage où les jeunes vivent des expériences positives. Nous entretenons un dialogue permanent avec eux. Dans le domaine de la protection de l'enfance, l'accompagnement a énormément évolué. Quand j'ai commencé à exercer, on était dans une configuration où on imposait un cadre et un parcours aux jeunes, ça n’est plus le cas maintenant. Même si ce n’est pas le jeune qui décide en dernier recours, nous essayons vraiment de le considérer en tant qu'acteur à part entière. »
Le cheval, ce formateur singulier
Situé à Virson (Charente-Maritime), l’organisme de formation Amazines présente une caractéristique bien particulière, celle de proposer des formations de coaching et de développement personnel par la médiation équine. Sa fondatrice, Joëlle Guasch, a créé cette structure après 35 ans d’expérience professionnelle en tant que cadre au sein de diverses entreprises et de conseillère en chambre consulaire. Elle propose, entre autres, une formation intitulée « retrouver son estime de soi pour mieux propulser sa vie personnelle et professionnelle », financée par l’appel à projets régional « mobilisation vers la formation » (PACTE). En quoi consiste la médiation équine ? On connaît davantage l’équithérapie pour les personnes en situation de handicap par exemple. Dans la médiation équine, on rajoute à ces pratiques de base tout ce qui est coaching et accompagnement au changement. Dans le principe, on met la personne au contact du cheval, on travaille beaucoup par métaphore pour bien intégrer la vraie vie, ses situations personnelles ou professionnelles. La personne comprend ce qui se passe, acquiert des outils d'autogestion pour se sentir mieux et nous l’accompagnons dans son changement. En fait, la médiation équine s'adapte à tout public de 7 à 77 ans. On va toucher des thèmes comme la confiance en soi, la communication, le management, le travail en équipe, le leadership, la créativité, etc. En quoi consiste votre approche ? La particularité d'Amazines, c'est de proposer des formations dont la pédagogie passe par la mise en situation avec l’animal. Un apprentissage par l’expérience sensorielle et émotionnelle, pour être en phase avec soi-même et avec les autres. Le cheval est un animal grégaire qui a besoin du groupe pour évoluer en sécurité. Comme il n’a ni crocs, ni griffe, ni venin, son système sensoriel lui permet de fuir en cas de danger. Il est tellement sensible qu'il est capable de ressentir une variation du rythme cardiaque, par exemple chez l'humain. Cela oblige la personne à être totalement authentique à son contact pour que ça fonctionne. Et comme c'est un animal sans jugement, ça ouvre le champ des possibles pour se réaliser. Face à l'animal on peut apprendre le bon comportement, pour le dupliquer ensuite avec l'humain. C’est pour ça que je suis allée chercher le cheval et que je l'ai intégré dans la pédagogie, qui comprend la PNL, l'approche neurocognitive, et les approches classiques de formation avec évaluations, mesures, indicateurs etc. Nous avons deux axes de formation, les relations interpersonnelles et la santé au travail. Dans le domaine de la santé au travail, on aborde la gestion du stress et des émotions. Dans l’éventail de vos actions, vous proposez une action de mobilisation ? Dans le cadre de cette action, nous intervenons auprès de personnes en rupture sociale, très éloignées de l'emploi, de 20 ans à 50 ans. On leur explique rapidement que nos formations se déroulent en pleine nature, pas sur des bancs d’école, qui est souvent un mauvais souvenir pour elles. L’objectif est de leur permettre de reprendre confiance et développer l'estime de soi, pour qu'elles se sentent capable d'engager une formation et favoriser leur retour à l'emploi. La mise en œuvre se fait en partenariat avec les structures d'insertion, les missions locales, Pôle emploi, etc. On fait régulièrement des points pour voir ce qui a fonctionné, et ce qui est à améliorer, en présence du bénéficiaire. Nous effectuons des évaluations de départ, et nous utilisons des indicateurs de mesure en cours de route. Le principe, c’est de mettre la personne en situation, on débriefe sur ce qu'elle a vécu, et on transforme l'expérience en pédagogie avant de la formaliser. Autre chose importante, c’est que les participants font de la formation sans le savoir. En pratique, cette formation se déroule comment ? Nous avons des groupes de 6 personnes encadrées par 2 intervenants, on est vraiment dans une formation individualisée, même s'il y a du collectif. Le parcours comprend 11 journées réparties sur un peu plus d’un mois et demi. On affine la pédagogie au fur et à mesure, puisqu’elle est étroitement liée à l'évolution des bénéficiaires. Avec tout de même un fil rouge. Par exemple, on intègre de la nutrition parce qu'on s'est rendu compte qu’ils mangeaient très mal, et que ça avait des effets sur leur santé et sur leur situation financière. Donc on observe ce que mange le cheval, dans le but de leur faire prendre conscience en quoi l'alimentation est importante. Que comprend votre pédagogie ? On part de ce qui se passe dans la vraie vie pour conceptualiser. On amène les gens à comprendre ce dont ils ont besoin dans leur vie personnelle et professionnelle, et comment ils peuvent prendre leur place dans le groupe. Ils se rendent compte qu’ils peuvent être eux-mêmes libres et force de proposition. C'est la base du management des organisations transversales, sortir du pyramidal pour entrer dans du transversal et de l'intelligence collective. Prendre conscience qu'il existe différentes formes d'intelligence, et que chacun a sa place, ça change le regard sur soi. Quand le cheval a décidé de brouter et que l'objectif pour la personne est de l'emmener dans le manège, elle est obligée de s'affirmer pour lui imposer de se déplacer. Mais elle ne se rend pas compte qu'elle est en train de s'affirmer quand elle le fait, son objectif c'est déplacer le cheval. Autre exemple, au lieu de faire des mathématiques derrière un bureau, on leur fait calculer des rations de nourriture pour le cheval, des distances à parcourir. En fait tout est ludique, tout est pédagogie, tout passe par le jeu, l'expérience et la transformation. Comment se déroule une séance ? En séance, on commence par observer le troupeau. On explique les règles de sécurité, ainsi que les règles déontologiques de respect, de bienveillance, de non-jugement etc. Selon la capacité des gens, on entre dans le troupeau ou on reste à l‘extérieur. Et on observe ce qui se passe. S’ils en ont peur, c’est normal, ils peuvent rester à distance voire très loin du cheval, ça fonctionne quand même. Là déjà on travaille sur les hiérarchies dans le groupe, les interrelations, les rapports de force. Qu’est-ce qu’un dominant ? Quel est son rôle dans le groupe ? Qu'est-ce qu'un leader ? On travaille par métaphore, on compare les organisations familiales, les organisations professionnelles et les organisations grégaires du cheval. Assez vite les participants se rendent compte que les chevaux fonctionnent comme nous, selon une organisation hiérarchique, avec des besoins essentiels. Une fois qu'on a abordé le rôle du cheval dans le groupe, on s’approche de lui pour travailler le sensoriel par le pansage. On aborde les sens, à quoi ils servent, le lien entre le sensoriel et l'émotionnel. C’est important pour tous ceux qui sont coupés de leurs émotions. On ajoute des outils d'autogestion basés sur la sophrologie, l’auto-hypnose, la relaxation, pour que la personne puisse se gérer elle-même, lorsqu’elle se trouve dans une situation inconfortable. Que se passe-t-il après la formation ? A l'issue des 11 jours, les apprenants ont la possibilité de passer le CLEA équin, une première reconnaissance accessible à ceux qui le désirent. On leur propose aussi les open badges de notre partenaire Diagonales, la régie de quartiers de La Rochelle. Avec les open badges, ils se reconnaissent aussi dans leur savoir être, c'est important pour l'estime de soi. Mais l'objectif de l’action, c'est de leur permettre d'engager une formation en rapport avec les compétences nécessaires à leur projet professionnel. Le travail sur le projet professionnel se fait graduellement. Il est variable d'une personne à l’autre, il n’y a pas de règles. Pour moi, le changement s’opère dès le début de la formation. S’il ne s'opère pas de suite, c'est que quelque chose ne fonctionne pas. Il faut que ce soit court, efficace et opérationnel. L’organisme de formation est certifié Qualiopi et fait partie du réseau international EAHAE dont la particularité est l’éthique dans les pratiques d’équicoaching. Les formations sont éligibles auprès des Organismes Collecteurs de financement dont certaines au CPF. Amazines.fr Contact : Joëlle GUASCH - 0624649610 Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences et du PACTE de la Région Nouvelle-Aquitaine : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
Valentin Nicolas est Référent Pédagogique & Entreprises de la Régie de Quartiers DIAGONALES à la Rochelle. Avec l’organisme de formation WebForce3, la Régie de Quartiers DIAGONALES a créé une « École Numérique de Territoire » qui propose notamment la prépa apprentissage « #FabrikTonParcours ». D’où vient l’idée de #FabrikTonParcours ? Aujourd'hui pour les populations jeunes ou en rupture de parcours, on a une vraie difficulté de lisibilité et d’accessibilité concernant les formations numériques. Les métiers sont émergents, souvent récents dans les entreprises, et dont le besoin est de plus en plus important. En fait, l’idée de #FabrikTonParcours c'est de proposer chaque année à 15 participants de réaliser une « prépa formation » pour découvrir les différentes filières et métiers du numérique. On leur propose aussi une partie remobilisation pour les mettre dans un rythme actif d'apprentissage. Au terme des 3 mois, nous voulons qu’ils aient développé leur posture professionnelle, une vision plus précise de ce qu'est le numérique et qu’ils puissent se positionner sur une formation en connaissance de cause. Pour cette action, la Régie de Quartiers DIAGONALES s’est associée à l’organisme de formation « WebForce3 » ? Oui, c’est une belle histoire parce que notre « École Numérique de Territoire » est issue de la rencontre entre la Régie de Quartiers DIAGONALES et le réseau d’écoles numériques WebForce3. En constatant de nombreuses valeurs communes telles que l’inclusion ou l’égalité des chances, nous avons eu envie de créer une école en partenariat qui s’appuie à la fois sur l’expérience de l’accompagnement social par Diagonales au sein des quartiers depuis 30 ans, ce qui a tissé une relation privilégiée avec les habitants, et sur l’expertise pédagogique de WebForce3, qui à travers ses 50 écoles en France et à l’étranger est un acteur incontournable côté innovation comme par la pertinence des parcours proposés aux apprenants. Quelle est la plus-value de cette école ? On a très vite compris que notre partenariat allait offrir des parcours plus sécurisés côté apprenants et des recrutements plus sûrs côté entreprise. Avec nos deux structures et leurs savoirs faire en un seul lieu, on a la capacité de concrétiser des rêves de carrière dans le numérique avec des formations qu’on peut suivre en étant mieux accompagné, en étant plus compétent techniquement à la sortie que sur des formations plus générales, avec au final des recrutements plus pérennes pour les entreprises locales. Tout cela qu’on soit issu des quartiers prioritaires, perdu dans son orientation, ou en situation de handicap. Parce que le dispositif a aussi pour objectif de sortir un peu des parcours « élitistes » et de ne plus passer à côté de talents qui ne se seraient pas révélés par voie de formation habituelle. Aujourd’hui, quand on veut travailler dans le numérique, il faut minimum avoir le bac, voire un bac +2. Un jeune qui veut devenir Développeur Web et qui n’a pas le bac ne trouvera pas de formation pour ce métier s’il se présente dans un organisme de formation classique. Notre école propose de la formation inclusive, qui n’exige aucun prérequis de diplôme à l’entrée. On cherche plus à cultiver le talent, l’implication et les savoir-être, en construisant sur les bases que le candidat a pu construire seul avant de nous rencontrer. Donc une personne qui souhaite se réorienter ou entamer un parcours à nos côtés, même sans le bac, va passer un test de positionnement pour vérifier qu’il choisit la formation adaptée à son projet. En quoi consiste ce test ? Pour nous, c’est une aide à la décision. En fonction des réponses du candidat, on détermine quelle est l’orientation la plus judicieuse. Soit on l'oriente vers une formation (parfois avec une phase de remise à niveau), soit sur « #FabrikTonParcours ». On peut également le positionner sur une formation que nous ne proposons pas à La Rochelle, mais qui est proposée en distanciel ou dans un autre organisme de formation du réseau WebForce3. Dans ce cas, on peut les accompagner à la mobilité, et dans la réalisation de leur projet. Quand avez-vous commencé ? L'école a démarré à l'été 2021 par une première édition « #FabrikTonParcours » que nous avons animé dans une salle de la gare SNCF de La Rochelle. Ensuite, nous avons eu la chance de pouvoir nous implanter à côté de l’aquarium et nous avons ouvert l’école et ses salles de formations au printemps 2022. Aussitôt, nous avons ouvert la formation diplômante Technicien Supérieur Systèmes et Réseaux (TSSR) en partenariat avec Pôle emploi, qui a été suivie d’une deuxième session de #FabrikTonParcours. Maintenant, la planification se fait à mesure, toujours en fonction des besoins des entreprises locales et des potentiels participants, parce que notre but n’est pas d’ouvrir à tout prix en fonction d’un catalogue de formation mais d’apporter une solution en mettant en relation ceux qui emploient et ceux qui souhaitent se former. Quel est le profil type des participants ? Nous n’avons pas forcément de profil type. Nous avons des décrocheurs scolaires, des personnes éloignées de l'emploi, d’autres en réorientation professionnelle. Ça peut être un jeune qui était en contrat d'apprentissage et qui n’a pas été embauché par son entreprise comme d’autres qui n’ont pas trouvé leur place dans les parcours de formation dits « classiques ». On a beaucoup de jeunes en début de vie qui sont déjà en réorientation professionnelle. Certains ont fait un BP, par exemple en électricité, et d’autres des études plus générales sans arriver à s’orienter par la suite. Au terme de leur formation, ils réalisent qu’ils ont pris la mauvaise voie. Ils vont jusqu’à la validation de leur diplôme mais cherchent à faire autre chose. Il faut dire qu’ils connaissent souvent mal le monde de l'entreprise, qu’ils ont fait peu de stages, mais l’informatique les intéresse et ils jouent aux jeux vidéo. Alors quand ils arrivent, on leur dit que les métiers du numérique, ça va bien plus loin que ça. Notre objectif c'est de leur montrer les coulisses, de leur expliquer comment ça fonctionne pour qu’ils puissent au final avoir un regard plus précis sur les différents métiers qui existent. Qu’est-ce que leur apporte « #FabrikTonParcours » ? Pour nous, « #FabrikTonParcours » est une prépa remobilisation plus qu’une prépa apprentissage. Ce terme est important parce que dans le référentiel de l’action, la première phase, et celle à laquelle on accorde beaucoup de temps, c'est la phase de remobilisation. On travaille sur la confiance et l’estime de soi, sur le savoir-être, mais aussi sur la communication écrite et orale, toutes ces choses qui vont aussi leur permettre de modifier leur posture professionnelle. La découverte des métiers repose sur le principe du « Learning by Doing », l’apprentissage par la pratique. On est à chaque fois sur une pédagogie en mode projets. Les intervenants ne sont pas forcément des formateurs, ce sont aussi des salariés ou des chefs d'entreprises dans le domaine du numérique qui peuvent répondre à toutes les questions techniques. Certains viennent une demi-journée pour apporter leur témoignage. Nous faisons en sorte que ce ne soit que des intervenants locaux, qui connaissent bien le bassin Rochelais. Ils arrivent chacun avec un projet pour le travailler avec les participants. Même si les jeunes n’ont aucune connaissance dans le projet qui leur est proposé, ils vont apprendre en le menant du début à la fin. Par exemple, la construction d’un jukebox numérique, avec tout ce que ça implique, la configuration, les raccordements, l’installation d’un système d’exploitation, etc. Comment se déroule la partie remobilisation ? La remobilisation se fait tout au long de la période de 3 mois. Si on faisait toute la remobilisation au début, et qu’on obligeait les jeunes à passer leurs 3 premières semaines à travailler uniquement la communication, cela pourrait provoquer des ruptures de parcours. Donc dans une semaine type, on fait un peu de tout, des demi-journées projets, des demi-journées sur la remobilisation, ainsi qu’une demi-journée d'activités physiques et sportives avec un coach. Nous voulons sortir les stagiaires de l’école, les emmener en extérieur. Quand on dit activité physique et sportive, on ne cherche pas la performance mais simplement à s’aérer, apprendre à perdre et gagner en équipe, et éviter de rester sur son ordinateur toute la journée. Ça peut aller du géocaching (course au trésor avec GPS) à l’Ultimate (frisbee en équipes), en passant par une sortie vélo pour favoriser et encourager la mobilité responsable, ou encore par une initiation à la boxe pour gérer ses émotions en osant être combatif. C’est très agréable parce qu’on observe de vrais changements à mesure du parcours et les premiers surpris sont souvent les participants que ça rend d’autant plus enthousiastes. Les activités annexes nous permettent aussi de renforcer la cohésion d'équipe, parce qu’il est important de cultiver un vrai esprit de groupe. C’est ce qui permet aussi de limiter les abandons en milieu de parcours. Il arrive que certains jeunes se rendent compte très rapidement qu'ils veulent devenir développeur web alors quand la journée est dédiée au marketing digital, nous pourrions craindre un désintérêt et par conséquent une démotivation. C’est là que cette cohésion au sein du groupe est précieuse parce qu’ils se soutiennent et se donnent envie de poursuivre ce dispositif, d’autant plus s’ils sont entre copains. #FabrikTonParcours, au-delà d'une aventure professionnelle dans le cadre d'une formation, c'est aussi une aventure humaine. Vous arrivez à toucher un public féminin ? Les femmes sont trop peu représentées dans les métiers du numérique. Nous n’atteignons pas encore notre objectif de parité dans les participants de #FabrikTonParcours malgré le fait que nous portions fort le message de l’appétence des entreprises à accueillir plus de femmes dans leurs équipes numériques. Cependant, notre discours semble porter ses fruits puisqu’il y a quelques jours, dans le cadre de la semaine des métiers du numérique à laquelle nous avons pris part avec Pôle emploi, nous avons eu le plaisir de constater que sur 39 demandeurs d’emploi venus découvrir les formations et filières du numérique à travers des ateliers que nous animions à l’école, 17 femmes étaient présentes. C’est très encourageant et nous allons continuer de communiquer afin qu’on cesse de croire que seuls les hommes ont leur place dans ces filières. C’est tout à fait faux, et il y a de beaux parcours à réaliser pour les femmes ayant de l’intérêt pour le numérique. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
Dans le cadre de ses missions, l’Ufolep aborde des problématiques de société comme la santé, la prévention des conduites addictives, la parentalité, le maintien de l'autonomie des seniors, etc. Son support principal, celui des activités physiques. Plus récemment, l’Ufolep 64 a décidé de s’occuper d’insertion professionnelle des jeunes, en déployant son projet « bouger pour son avenir » en territoire prioritaire à Bayonne, avec le soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine et son appel à projets « Expérimentations en matière d'orientation". A l’origine du projet, un certain nombre d’actions qui étaient déjà menées dans ce même QPV, en lien avec le GIP DSU de l’agglomération bayonnaise, avec des jeunes en difficulté ou qui pouvaient être amenés à se questionner sur leurs projets ou leur orientation. A l’occasion des activités sportives, des séances collectives ponctuelles, les animateurs percevaient différentes problématiques relatives à l’insertion ou à la mobilité, qui constituaient autant de freins à l’épanouissement de ces jeunes. A l’époque, l’Ufolep réfléchissait à la mise en place d’un parcours coordonné, avec un accompagnement régulier sur la durée. « Nous n’avions pas de parcours complet mais des bouts de parcours », précise Bertrand Bedin, agent de développement sport et société à l’Ufolep 64. « Nous sommes agréés pour la formation premiers secours, on forme aussi aux métiers du sport, et nous avons pensé qu’un accompagnement des jeunes pouvait être intéressant au regard de leurs questionnements, sur une tranche d’âge qui est difficile à capter pour les structures du territoire. Surtout dans une période où les perspectives ne sont pas très positives, qui vient se rajouter pour certains à des difficultés familiales ou de perte de repères. » Par ses dispositifs ludiques et activités existants, l’association ambitionnait notamment de toucher des publics de 16 à 25 ans orientés par Pôle emploi et la mission locale, mais également de s’adresser à ceux totalement sortis du circuit d'accompagnement. Education, sport et insertion « Bouger pour son avenir » repose sur le triptyque éducation, sport et insertion-emploi. La dimension sportive s’appuie sur des activités physiques attractives, susceptibles de créer du lien avec des jeunes en difficulté, voire en rupture. En matière d’éducation, l'idée était de partir des objectifs éducatifs de l'éducation populaire. La partie insertion emploi consiste, à la suite des temps collectifs, de faire un point de situation individuellement. En résumé, le projet comporte plusieurs phases, une phase de mobilisation, une phase d'accompagnement collectif pendant laquelle tous les jeunes pratiquent ensemble différentes activités, ce qui permet de repérer ceux qui ont besoin d'être épaulés, par rapport à leurs projets ou leurs problématiques. Puis en phase d’accompagnement individuel, l’association identifie les points de blocage et trouve une manière de les lever à terme, par exemple l'accès au permis. Les jeunes sont également informés des dispositifs de droit commun dont ils n’ont pas forcément connaissance. Les participants s’engagent à être présents régulièrement pendant au moins 6 mois. Aucune obligation contractuelle, cet engagement est volontaire. « Au-delà c'est un peu plus compliqué, parce que leur parcours évolue rapidement. Ils sont à un âge où leur situation bouge beaucoup. Et si on leur propose un accompagnement trop long, on prend le risque de les perdre. L’idée c'est qu’ils utilisent ce laps de temps avec nous pour construire leur projet, même s‘ils peuvent partir à tout moment. Sur une année, on fait 2 groupes d’une douzaine de jeunes, un par semestre. Sur la deuxième période, on ne lâche pas totalement le premier groupe, puisque nous avons amorcé quelque chose, nous voulons préserver ce lien. La charnière se fait pendant l'été parce que, pendant cette période, beaucoup de jeunes se positionnent sur des offres d'emploi. À partir de la fin août, c'est important de réenclencher une dynamique, que l'on puisse les mobiliser plutôt par semestre. Fin 2022 nous avons eu notre quatrième « promotion ». » Répondre aux besoins des jeunes Lors de la première rencontre, les animateurs essaient de déterminer les projets de chacun, s’ils en ont un, et dans ce cas, ce qu'ils aimeraient faire comme activité. C’est là qu’ils évaluent les besoins de chaque jeune et que, en fonction de leur situation et des freins éventuels, ils envisagent un accompagnement complémentaire. Dans l’idéal, le rythme des temps collectif est mensuel. En individuel, des contacts réguliers pour savoir comment leur situation évolue, s’ils ont des besoins particuliers et pour leur proposer d'autres initiatives. Par temps collectifs, il faut comprendre une activité sportive, karting, pirogue hawaïenne, randonnée, vélo ou autre, à laquelle sont conviées des entreprises, une auto-école, un organisme de formation, etc. Le but étant de créer la rencontre avec différents acteurs, faire circuler son CV. La découverte de milieux professionnels fait aussi partie du programme, au besoin en scindant le groupe pour proposer un choix, autant dans la nature de l’activité que dans le secteur considéré (BTP, services à la personne…) afin que chacun s’y retrouve. Sachant que les effectifs comptent environ 40% de filles. La crise Covid a plus que jamais mis en lumière l’importance de la notion de lien chez les jeunes. L’association savait qu’il existait des disparités importantes dans ce public, mais peut-être pas au point de rencontrer quelques jeunes complètement perdus. Elle a dû intégrer le fait que, pour certains jeunes en perte de repères, des activités à priori simples comme se rendre à un rendez-vous peuvent représenter une difficulté ou un effort. D’autres savent au contraire très bien ce qu’ils veulent, et ce qu’ils ne veulent pas en termes d’horaires et de conditions de travail. Selon les profils, la démarche d’accompagnement est dès lors très différente. « Les jeunes qui ne connaissent pas de difficultés particulières, qui ont un projet, sont importants pour nous au sein de l’action. Parce que même si l'accompagnement ne va pas être, pour eux, directement lié à l'emploi, ils sont très utiles en termes de mobilisation et de dynamique pour les autres jeunes. Leur participation peut créer des effets d'entraînement. Pour des jeunes qui sont isolés et en galère, c'est très important. » « Au départ, nous pensions nous concentrer sur la partie insertion professionnelle, mais on a constaté que c’est l'accompagnement global qui est un déclencheur pour tout le reste. On l’avait peut-être un peu sous-estimé. Dans la période, même s'il y a des secteurs qui connaissent des difficultés et de la précarité chez les jeunes, le milieu de l'emploi n’est pas totalement bouché. Le taux de chômage est relativement bas et il y a des propositions. Dans ce contexte, le plus important c'est d'amorcer une démarche active, et de multiplier les apports de positivité. Pour ça, l'activité physique est un bon support. »
A Royan, le repérage à la plage
Yoni Pitcho est conseiller à la mission locale de l’agglomération Royan Atlantique. Le projet “In Real Life”, mené conjointement avec la mission locale de Rochefort-Marennes-Oléron, est lauréat du PIC RMPI. C’est quoi In Real Life ? Il s’inscrit dans la continuité d’un autre projet qui a duré 2 ans, appelé « In system », dont l’objectif était déjà le repérage des invisibles. Au début de cette année, nous avons enchainé sur « In Real Life », qui est globalement le même projet, parce que nous avons trouvé la démarche intéressante et utile. L’idée principale, c'est de repérer les invisibles en menant des actions atypiques, hors de nos murs. Pour certaines actions, nous travaillons avec la mission locale de Rochefort. Chacun garde aussi ses projets spécifiques. Notre objectif est de repérer une centaine de jeunes par an et par structure. Quelles sont les actions communes ? La mission locale de Rochefort a une webradio qui s’appelle « On’R ». Cet été ils ont délocalisé leur studio pour faire des émissions en direct, liées ou pas à un évènement, afin de proposer à des jeunes de prendre la parole à l’antenne, éventuellement faire des chroniques. En quoi consistent vos actions de repérage ? Le principe c’est de sortir de nos locaux, parfois sur des horaires décalés, le samedi ou en soirée. On fait aussi ce qu'on appelle des « pieds d'immeuble ». On va dans les différents quartiers de Royan, avec les centres sociaux. Pour organiser des animations ludiques, sportives ou culturelles. Pour l'instant, on y va plutôt sur le temps des vacances. Autour d’un café ou d’un thé, on se fait faire connaître des habitants du quartier. Même si on ne s’adresse pas qu’à des jeunes de 16 à 25 ans, on rencontre les familles, les cousins, les grands-mères, les copains, qui peuvent transmettre notre message. C'est du repérage indirect. Le centre social possède un camping-car aménagé dans lequel on peut recevoir. Si quelqu'un veut faire un entretien tout de suite, parler de sa situation au calme. C’est en quelque sorte notre bureau mobile. Comment procédez-vous ? Nous ne faisons pas la même chose l'hiver et l'été. Notre équipe de prévention tourne sur toutes les villes autour de Royan. Pas tous les jours, mais une fois par semaine ou tous les quinze jours, pour qu’il y ait une récurrence. On ne peut pas se rendre partout, on se concentre sur les points de rassemblement potentiels où on sait que les jeunes se rassemblent, ou ceux qui nous sont signalés. Avec l'expérience, on arrive à mieux cibler les endroits intéressants, les plages et les parcs où les jeunes se trouvent. En hiver, nous tenons des permanences au centre social, on organise à la mission locale des ateliers cuisine, des forums emploi ou apprentissage, des découvertes métiers dans les entreprises… Ce sont des événements ouverts à tout public. Un jeune peut y participer, même s’il n’est pas encore inscrit chez nous. Quel est le rythme de vos sorties ? On a constaté qu’un rythme d’une fois par semaine n'était pas suffisant. Et qu'en été, avant 22 ou 23 heures, les jeunes ne sont pas là. Donc on a aussi adapté nos horaires. Particulièrement dès le début des vacances, avec des sorties quasiment tous les soirs, parce qu’il y a plus de fêtes. L’équipe de prévention, plutôt que de travailler la journée, va tourner le soir et un peu au début de la nuit. Comment abordez-vous les jeunes ? Avec l'expérience on s'est rendu compte que venir les mains dans les poches et se présenter comme conseiller de la mission locale, ça ne marche pas. Alors pour faciliter la prise de contact, entamer la discussion, on leur propose des petits cendriers de plage, des casquettes, des lunettes ou des briquets. Si on dit bonjour à un jeune, ça ne suffira pas à le faire venir tout de suite à la mission locale. Il faut prendre le temps de créer un climat de confiance, apprendre à se connaître avant qu’il nous rende visite. Et puis les discussions ne s'axent pas toujours autour du projet professionnel ou de ce qu’ils font dans la vie. On va les aborder en parlant d’une musique qu’ils écoutent, d’un jeu de cartes qu’ils sont en train de faire. C’est comme ça qu’on essaie de leur laisser quelques infos. On ne les aborde pas frontalement en leur posant des questions sur leur situation. Nous avons très rarement des réactions négatives. Pour être mieux identifiés, que ça ait un effet, on sait qu’il faut être présent souvent mais pas forcément longtemps. Sinon les jeunes oublient notre message. On multiplie les opérations un peu spécifiques, un tournoi de foot, un événement culturel. En été, on va aussi participer aux soirées, organiser le bal de promo du lycée, participer à la nuit du bac. On est dans une petite ville, l’idée c’est de semer des petites graines. A force, on croise régulièrement les mêmes têtes, et ça fait son effet puisqu’ils se confient. Ensuite, ce sont les jeunes qui prennent contact avec vous ? Nous avons toujours des cartes de visite sur nous. S’ils sont d’accord, on prend leur numéro et on essaie de rester en contact. Pour ça, le SMS fonctionne pas mal. L’idéal, c'est qu’ils nous rappellent dès le lendemain pour prendre rendez-vous, mais ça ne marche pas à tous les coups. Selon vous, qu’est-ce qui peut les inciter à venir fréquenter la mission locale ? En fait il y a 2 types de jeunes. Ceux que nous n’avons jamais vus, qui ne savent pas trop ce qu'on fait. Leur connaissance de la mission locale est très limitée. S’ils n’ont pas un copain ou quelqu'un de la famille qui a déjà eu affaire à nous, ils ne nous connaissent pas. Et il y a ceux qu'on n’a pas vu depuis très longtemps et qu'on redécouvre. Ils ne savent pas forcément qu'on peut aussi les aider sur le logement, l'apprentissage, la santé, la mobilité… Une fois qu'on a « accroché » un jeune, il entre en relation avec une personne, un conseiller, plutôt qu'avec la structure. Quand ce climat de confiance est installé, on essaie de leur montrer qu’on a des solutions pour lui. A commencer par nos actions de remobilisation, comme Jump ou « Reste deter ». Vous arrivez à évaluer votre taux de réussite ? Le taux de réussite n'est pas toujours évident à calculer parce que certains jeunes vont réagir tout de suite. D’autres, à qui on va délivrer notre message, ne vont venir que plusieurs semaines plus tard, par exemple en septembre quand ils se rendent compte qu'ils n’ont rien pour la rentrée. On sait que c'est un travail un peu long. Mais c'est la caractéristique de ce public qui n’est pas facile à récupérer. Les jeunes ne viennent pas pour nous faire plaisir, mais quand ils ont besoin. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
La transition, mot d'ordre de l'inclusion
Vincent Raineau est responsable de l'antenne régionale de « Osons ici et maintenant », créée en 2014. L’ambition de l’association est de développer le pouvoir d'agir des jeunes. C’est le cas dans son programme « 100% transition », lauréat du PIC « 100% inclusion ». Comment a débuté le projet 100% transition ? La genèse du programme 100% transition c'est que, au fur et à mesure des années, nous avons vraiment ciblé ce qu’on savait bien faire, c'est à dire remobiliser des jeunes. Pour résumer, notre travail est de les mettre en situation de montrer de quoi ils sont capables, leur donner les clés, leur redonner la confiance et l’envie. Beaucoup d’entre eux ne savent pas comment contribuer. Ils sont perdus dans le système d’orientation et se démobilisent à force de faire de mauvaises expériences. Il y a quelques années, nous avons eu un premier partenariat avec INSUP formation. On s'était dit que ça pourrait être intéressant de « binômer » à nouveau sur l'accompagnement des jeunes, de croiser nos regards, nous dans la partie remobilisation par le service civique d’initiative et INSUP sur la partie freins sociaux et orientation vers la formation. Le PIC a été pour nous la possibilité d'expérimenter en grand un projet que l’on souhaitait mettre en place depuis un petit moment. On s'est aussi associé avec Ellyx, une agence d'innovation sociale qui nous accompagne sur la mesure d'impact auprès des jeunes. Comment avez-vous procédé ? Pour penser le projet, nous sommes partis de nos expériences d’accompagnement pour améliorer le ruban pédagogique. La nouveauté, c'est la dimension de la transition écologique et sociale. Pour les jeunes, le mot transition est abstrait. Nous faisons en sorte de le rendre concret, de les pousser à s'intéresser à des formations et des métiers qu’ils n'auraient pas imaginés auparavant, notamment en rencontrant des professionnels. La transition c'est aussi le passage d'un point A à un point B. Les jeunes que nous accompagnons sont souvent à l'arrêt, en manque de confiance. On leur propose une transition vers un « moi qui se connaît mieux », qui est plus capable d'aborder un projet de vie ou un projet professionnel, et de l'assumer. Où déployez-vous votre programme ? Au démarrage, nos expérimentations étaient plutôt basées en Nouvelle-Aquitaine, essentiellement sur Bordeaux, l'entre-deux-mers et le Béarn. Le PIC nous a permis de mettre en place le programme sur d'autres territoires : Bretagne, Auvergne Rhône-Alpes, Guyane. Donc 100% transition, c'est 8 promotions de 12 jeunes, dont 3 promotions en Nouvelle-Aquitaine. A quel public s’adresse-t-il ? C’est le public service civique, 16 à 25 ans, 30 ans en situation de handicap. Dans nos promotions, il y a environ deux tiers de jeunes qui sont infra Bac. L’idée, c'est plutôt de partir avec des jeunes peu ou pas diplômés, qui manquent vraiment de confiance, ou qui sont isolés. On peut très bien être un jeune démobilisé en ayant un bac plus 4. On leur présente 100% transition avec des arguments qui leur parlent, du genre « viens choisir ta vie avec nous ». Comment faites-vous pour constituer vos groupes ? Le sas d’entrée dans le programme, c’est « la fabriK à talent. » Pendant 3 jours, on réunit une vingtaine de personnes intéressées par le programme. On leur propose des ateliers pédagogiques, de connaissance de soi, un jeu de rôle d’une journée sur la transition. Puis, les structures avec lesquelles on travaille viennent se présenter. A l’issue de ces 3 jours on fait des entretiens individuels pour savoir qui est partant pour participer au programme, et si nous sommes d’accord. Cela peut arriver qu’on devine chez certains de telles fragilités qu’on ne se sent pas capables de les accompagner. On ne garde pas des jeunes qui pourraient être contre productifs dans une dynamique collective. Avez-vous rencontré des difficultés à les identifier ? Pour recruter une promotion de 12 jeunes, nous en rencontrons une trentaine ou une quarantaine. En matière de repérage, l’implantation est importante. Cette capacité d’aller vers les jeunes, les convaincre, est pour moi quelque chose d’important. Nous avons fait le choix d’intervenir sur des territoires où les prescripteurs nous connaissent. Nos coordinateurs se montrent, se présentent partout. Ils doivent non seulement trouver les jeunes, mais aussi des structures d’accueil qui partagent la même envie. Que se passe-t-il quand un jeune rejoint le programme ? Comme c’est un public volatil, la semaine d’intégration commence 10 jours après la « fabriK à Talent. » Le groupe rencontre notre équipe et les structures qui participent au programme. Les jeunes se positionnent, puis on construit des missions concrètes avec eux. Quand on parle de pédagogie de la motivation, je sais qu’un des leviers pour un jeune, c’est d’être acteur de sa mission. S’il choisit sa structure et les grands contours de sa mission, qu’il est dans le « faire », il sera plus motivé. Ce qui nous intéresse c’est de les mettre en contact avec des structures qui interviennent dans le champ de la transition écologique et sociale. Nous voulons déclencher chez eux un déclic vers la contribution dans le domaine environnemental, des Amap, de l’artisanat bio et local, des maisons de retraite, des clubs sportifs, etc. Ils s’engagent pour combien de temps ? Le programme complet dure 8 mois, dont 6 de service civique. Chaque semaine, ils passent 3 jours dans leur structure d’accueil, une journée de formation collective et une journée pour des entretiens individuels. L’idée c’est de les suivre dans l‘évolution de leur projet. Nous organisons aussi des grands temps forts pendant cet accompagnement, et un temps de célébration à la fin du programme. Les jeunes terminent par la période de « l’envol », pendant laquelle ils sont accompagnés dans l’élaboration de leur projet de vie. Ils font des stages ou des PMSP pour confirmer leur projet. Pour certains, ça veut dire aller vers une formation après une remise à niveau. Pour d’autres trouver un job, voire même créer son activité. Quels résultats avez-vous enregistré ? Ce qu’on peut mettre en valeur sur le programme 100% transition, c'est la mesure d'impact sur la confiance et l'estime de soi, sur la définition d'un projet de vie et d’un projet professionnel. On travaille avec des jeunes qui partent de loin, nous voulons les sortir de l'isolement, qu’ils fassent des rencontres et qu’ils s’engagent vers la transition écologique et sociale. Notre approche est confortée par les premiers résultats des mesures d’impact d’Ellyx sur l’élévation de la confiance, de la connaissance et de l’estime de soi. Avant, on le ressentait de manière empirique dans nos accompagnements. Maintenant c’est plus formalisé, plus scientifique. Par exemple, au bout de quelques jours seulement, les participants sont près de 90% à sentir un effet bénéfique du programme, 58% une amélioration de leur état psychologique et relationnel, et environ un tiers sentent confusément qu'ils retrouvent de l’enthousiasme et de la confiance. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
A chacun ses envies, à chacun son chemin
Depuis une vingtaine d’années, le centre socioculturel Les Pictons (Marans - 17) a décidé de mettre l'accent sur l'insertion et la formation pour adultes. Situé dans un territoire sans organisme de formation ou d’agence Pôle emploi, avec une permanence de la mission locale une demi-journée par semaine, il est progressivement devenu organisme de formation, espace régional d'information de proximité (ERIP) et travaille avec le Département sur les mesures emploi et santé pour les bénéficiaires du RSA. Plus récemment, il a émis la volonté d’essayer de se rapprocher des « invisibles » et de trouver une autre façon d’accompagner cette population qui n’est connue d’aucun intervenant ou dispositif. Pas forcément sur un projet professionnel mais plutôt, dans un premier temps, sur un projet de vie. Selon Laurent Fargier, conseiller en insertion professionnelle, « le centre n’arrivait pas à mobiliser ces personnes pour de la formation, ni pour de la recherche d'emploi, pas même pour du lien social. Nous avons voulu travailler sur la motivation de celles et ceux qui sont un peu perdus, ne savent pas trop où aller et quoi faire de leur vie. » En 2019, l’appel à projets régional « mobilisation formation » a été l’occasion de lancer une expérimentation baptisée « A chacun son chemin », destinée à ce public particulier « Lorsqu’on leur propose un projet construit, ces personnes ne viennent pas, » précise Sophie de Quelen, psychologue. « On s’est autorisés à penser autrement, partir du principe de construire le projet avec eux. C'était ça notre idée originale, les mobiliser en leur demandant de parler de leurs envies.» Compte tenu de sa dimension expérimentale, le projet nécessitait la constitution de deux groupes, de manière à pouvoir effectuer des comparaisons. Au départ, 16 personnes en tout, soit deux groupes de 8. La crise sanitaire est venue perturber le programme initial. Le premier groupe a été accompagné de février à décembre 2020, le deuxième de janvier à juin 2021. Vivre une aventure collective Les participants ne devaient répondre à aucun prérequis particulier, à part celui de ne pouvoir s'inscrire dans des dispositifs existants comme la garantie jeune. « A chaque fois que nous avons rencontré des participants éventuels, nous leur avons dit que la seule condition était qu’ils soient prêts à expérimenter avec nous, qu’on allait construire ensemble, petit à petit, avec le collectif. Nous ne leur avons pas du tout mis la pression. Nous leur avons présenté le projet comme une aventure que nous allions vivre ensemble. » Les personnes repérées ont toutes été reçues en entretien. Certaines ont tout de suite proposé des idées, d’autres ont eu plus de mal à exprimer des envies. Mais toutes étaient partantes. D’autant que le côté expérimental du projet ne les a pas rebutées, particulièrement celles qui avaient gardé de mauvais souvenirs de formation ou d'accompagnement. Comme « A chacun son chemin » n’était pas une formation, elles n’avaient pas l’impression de prendre de risques. Seule contrainte, être prêt à essayer des choses nouvelles. Les premières réunions étaient très courtes, 45 minutes tout au plus, afin de prendre en compte le fait que les participants n’avaient pas l’habitude d'être en groupe, même réduit. Ni celle de fixer leur attention pendant plusieurs heures. La première séance s’apparentait à un groupe de parole dont le but était de définir le projet collectivement. Cette rencontre était déjà un défi pour certains, qui n’avaient plus d'envies et pas l'habitude qu'on leur demande d’en parler. « Nous sommes partis sur une première liste d'une quarantaine de souhaits, aussi simples que de se balader dans la forêt ou en vélo, découvrir des pratiques sportives, participer au salon de l'agriculture, etc. Beaucoup de choses en lien avec la nature, pour se ressourcer. Il y avait aussi l’envie de visiter l'île d’Aix parce que personne n'y était jamais allé, ou l'aquarium La Rochelle. Nous leur avons dit que tout était imaginable, mais pas forcément faisable. Etonnement, les envies sont restées raisonnables et modestes.» Le programme était pensé pour progressivement monter en puissance. La première semaine, une demi-journée, deux demi-journées pendant la deuxième semaine, etc. L’objectif étant d’aboutir à un rythme de 3 journées par semaine, pour que les participants puissent en théorie être prêts à intégrer un dispositif classique. « Nous étions censés arriver à 3 jours complets, puisqu’un des objectifs était de les préparer à entrer en formation. Il fallait pouvoir les amener à un rythme assez soutenu. Mais ça n’a pas été facile de les mobiliser sur des journées entières. Nous avons constaté que partir de l'envie des gens, alors qu’eux-mêmes ne savent pas trop comment s’y prendre, ça demande une énergie énorme. » Le large champ des possibles Les accompagnateurs ont eu le souci de ne pas faire un tri dans les souhaits exprimés par le groupe. Leur rôle était de rendre les activités possibles, ou de mettre en place quelque chose d’approchant. Mais aussi d’amener les participants à être autonomes, de les aider au départ, de les pousser à organiser eux-mêmes les sorties, faire les réservations et les achats le cas échéant. Pour certaines actions, comme un chantier de végétalisation du centre, il leur a fallu être un peu plus directifs, afin de susciter la mobilisation de tout un groupe autour de l’aménagement de deux terrasses, les plantations, la fabrication de bacs en bois de palette, etc. « Nous avons essentiellement travaillé sur le côté vivre ensemble. L’importance d’écouter l’autre, d’exprimer ses besoins, la confiance en soi. Comment chacun peut trouver sa place. Le but c’est vraiment de les faire sortir de leur bulle, à leur rythme. Chacun est différent et possède des petites compétences que les autres n’ont pas, c’est comme ça qu’on constitue une équipe. Mais nous ne l’avons pas fait sous l’angle professionnel. Nous avons tout de même proposé des visites d’entreprises à ceux qui étaient intéressés. » L’idée de départ était de construire un projet de vie. Le projet professionnel n’est pas abordé d’emblée, mais au fur et à mesure de la sociabilisation des participants au sein du groupe. Pour certains d’entre eux, le dispositif a débouché sur un emploi dans un chantier d’insertion. « Dans la plupart des cas, l’expérience s’est traduite par des changements de vie, une prise de confiance dans ses compétences, être assez sûr de soi pour postuler. Ou même simplement retrouver la volonté de sortir de chez soi, de reprendre contact avec d’autres gens, être capable de parler en groupe, ne plus avoir honte d’être resté inactif pendant un certain temps. L’objectif est la resocialisation, pas l’organisation d’un atelier de recherche d’emploi dès le départ. » « En faisant le bilan « d’A chacun son chemin », nous avons pensé que cette façon de faire pourrait intervenir en amont de beaucoup d’autres actions. Ce serait la possibilité pour une personne qui n’a pas travaillé depuis longtemps, qui a perdu l’habitude de se rendre à un rendez-vous tous les jours, de dédramatiser l’entrée en formation. Cette expérience pourrait être une sorte de sas de resocialisation, de reprise de confiance. Parce que dans certains dispositifs, la reprise est parfois trop brutale. La marche est souvent trop haute à franchir pour les personnes que nous avons accompagnées. »
La remobilisation par le terrain
« Nous sommes convaincus qu’à partir du moment où un jeune est dans un club de sport, il est inséré, » explique Vincent Peron, directeur de la mission locale de l’Agglomération Royan Atlantique. « Parce qu’il va y rencontrer différentes personnes qui composent l'association, des entreprises, ça lui ouvre un réseau. Pour nous c'est un premier vecteur d'insertion. » Le sport comme vecteur d’insertion, la mission locale de Royan l’avait déjà expérimenté en 2015. A l’époque, l’action s'appelait « Remise en jeu ». Elle était inspirée d’une initiative menée par la mission locale de Lorient, une remise à niveau centrée sur la pratique du football. Puis est venu le dispositif JUMP. « Nous ce qu'on voulait, c'était que ce soit multisport parce qu’un des objectifs premiers de JUMP c'est de découvrir des sports différents, aussi bien individuels que collectifs. Même si nous ne sommes pas vraiment dans du sportif, on est dans de l'activité physique, de la remobilisation qui s’appuie sur les valeurs du sport. » JUMP s’adresse à des groupes d’une douzaine de jeunes pour des sessions d’environ 4 mois, deux fois par an. Les conseillers de la mission locale sont chargés d’identifier les participants potentiels. Plutôt des 16-18 ans, parfois plus vieux et déscolarisés, qui relèvent de l'obligation de formation dont les missions locales ont la responsabilité. Il s’agit de leur proposer de suivre un planning et retrouver un rythme dans leurs relations sociales avec d'autres jeunes. Seuls prérequis pour être sélectionné, donner son accord pour s'engager sur la durée, être ponctuel et n’avoir aucune contre-indication physique à la pratique sportive. Tous les participants reçoivent en dotation une tenue sportive, la même pour tous afin de créer une cohésion d'équipe, ainsi que des tickets services pour couvrir leurs frais de repas. Par ailleurs ils bénéficient d’un pécule de 150€ par mois, occasion pour certains de s’occuper de tâches administratives comme faire leur carte d'identité, leur carte de sécurité sociale. Un programme sportif, mais pas que Le programme est le même chaque jour, à commencer par une activité sportive tous les matins. L’idée étant que les jeunes découvrent l'offre de loisirs sportifs de leur territoire. « En diversifiant l’éventail des sports nous avons pu élargir le panel de public, accueillir plus de filles. Nous avons accès à un terrain et un gymnase, donc nous pouvons proposer du football, du rugby, du handball, du volleyball, du tennis. Plus ponctuellement de la trottinette électrique, du paddle, du surf ou de la voile. » Deux conseillers, dont un est également éducateur sportif, accompagnent les groupes. Lorsque les associations ne sont pas disponibles, l’éducateur sportif est en mesure d’organiser lui-même des séances. L'après-midi est consacré à des domaines très variés, visite de musée, atelier photo dans Royan suivi d’un travail sur la photo artistique, théâtre, bilan santé, atelier cuisine et l’alimentation… Ou encore d’aborder la question des déplacements urbains, occasion d’organiser un circuit pour faire le tour des institutions comme la CAF, les agences intérims, l'hôpital... Par ailleurs, chaque groupe doit mener un projet collectif. Par exemple, l’organisation d’une tombola avec tout ce que cela implique : contacter des entreprises pour recueillir des lots, vendre des tickets. « Lors de la dernière session, la recette a servi à emmener tout un groupe à la montagne pendant 3 jours. Pour certains, il s’agissait d’une découverte. D’autres n’avaient même jamais eu l’occasion de prendre l’autoroute. » Le travail sur le projet professionnel intervient vers la fin de la session, à partir de 2 mois et demi. « Très souvent les jeunes ont du mal à parler de leur projet de façon positive et synthétique. Nous essayons de rendre ça ludique et dynamique. » Sur le principe de « The Voice », la mission locale fait venir des employeurs pour écouter, à l’aveugle, les jeunes présenter leurs projets. Ils leur expliquent pourquoi ils se sont retournés ou pas, et leur donnent des conseils utiles dans le cadre de leur future recherche d'emploi. « Le moment choisi pour commencer à parler du projet professionnel est une question centrale, dans le sens où nous sommes conscients que JUMP peut frôler le centre de loisirs. Nous essayons toujours de raccrocher les activités que l’on propose à la dimension professionnelle. Par exemple, dans l'activité de handball, nous disons aux jeunes qu’ils doivent jouer en équipe, se dépasser pour le groupe, respecter les règles, se démarquer… que ce sont des attitudes et des compétences nécessaires dans le cadre professionnel. » Le programme inclut un stage de 2 semaines. Certains jeunes peuvent en faire plusieurs s’ils y sont prêts. « En principe nous sommes sur une montée en charge. Quand on aborde le travail sur le projet professionnel, on les amène à réfléchir sur ce qu'ils aiment, puis on va progressivement sur des rencontres avec des professionnels, des découvertes métiers. Nous ne basculons pas entièrement vers le professionnel, de temps en temps, nous gardons une activité de loisir. » Dans la perspective de découvrir des métiers, la mission locale mobilise une partie de son réseau de partenaires. « Nous travaillons chaque année avec 400 entreprises. Nous cherchons des employeurs empathiques pour accueillir les jeunes en situation professionnelle et leur donner les rudiments nécessaires à une recherche d'emploi. Comme c'est très souvent pour eux la première expérience professionnelle, il y a un enjeu majeur, leur donner confiance. » Projection vers l'emploi Une fois que JUMP est terminé, certains jeunes se dirigent vers l’apprentissage, vers la garantie jeune/ contrat engagement jeune ou un service civique. D’autres doivent encore être accompagnés ou ont besoin d’un temps de latence avant de reprendre un parcours. « Il y a vraiment tous les types de profils. Nous sommes plutôt aux alentours de 60% de sorties en apprentissage, en garantie jeune / contrat engagement jeune, en formation ou en service civique. C'est donc plutôt positif parce que cette dynamique et les valeurs du sport sont intéressantes pour aider ce type de public à se projeter vers l'emploi. » Depuis son lancement, JUMP a été ajusté. Notamment parce que la fin du programme était un peu trop brutale. Après leur stage, les jeunes se retrouvaient du jour au lendemain sans rien. Désormais, les sessions se terminent progressivement. Pour que cela se fasse de façon plus tranquille, leur date de fin est approximative. A la sortie des stages, les jeunes ne sont pas « lâchés dans la nature », la mission locale organise des ateliers et activités pendant quelques jours. Dans le même esprit, elle a mis en place, à la moitié et à la fin du parcours, un entretien avec le conseiller référent pour reprendre ce qui s’est fait pendant la période et envisager la continuité du parcours. « A la fin, les deux référents de l'action écrivent une lettre au jeune en sa présence, celle des parents quand ils sont disponibles ou de l'éducateur. Ils retracent ce qui s’est passé, ses atouts, ses points à améliorer avec un regard un peu humoristique. C'est souvent source d'émotion, ça lui est transmis comme un petit bilan de la session. » « Maintenant, nous voulons travailler de plus en plus avec les parents. Nous encadrons les jeunes au quotidien, mais le soir et les week-ends ils sont dans leur famille. Or beaucoup d’entre eux sont délaissés sur le plan familial, ils souffrent de carences éducatives et affectives fortes. Travailler cette dimension est très important. Nous restons en lien avec le jeune, mais nous essayons aussi de faire le lien avec les parents parce qu’on sait qu'ils sont importants dans la continuité du parcours. »
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L’art comme révélateur de compétences
Yoann Roch est médiateur emploi et culture à la Régie de Territoire du Bassin de Brive. Il coordonne le projet Arts et Compétences, mené en partenariat avec deux autres associations, l’ASEAC 19, structure de protection de l'enfance, et « À tout venant Ressourcerie » de Brive-la-Gaillarde et Naves. Arts et Compétences est financé par l’appel à projets régional « Mobilisation vers la formation ». Pourquoi et pour quel public avez-vous lancé Arts et Compétences ? Avec ce projet, nous voulions essayer de voir, en passant par l’activité culturelle, si on pouvait révéler des compétences qu'on ne voit pas au quotidien. C’est un projet qui nous permet d'évoluer dans nos accompagnements, et qui est totalement neuf pour nous. Le premier public visé, ce sont nos salariés en transition professionnelle, et les salariés en insertion de la ressourcerie. Ils viennent de partout sur la communauté d'agglomération, qui compte 48 communes. Pour l’instant nous en sommes à la première session, qui a duré 4 mois à raison d’une demi-journée par semaine. Son but était de réaliser un film documentaire. Nous en organiserons une autre plus tard, qui sera plus tournée sur les jeunes. Je ne sais pas encore sous quelle forme. Combien de participants ? Le groupe était constitué de 9 de nos salariés en transition. J’ai une place un peu particulière, puisque je suis médiateur et que, en tant que tel, je fais l'étude et l'analyse des compétences qui peuvent être révélées et acquises pendant les activités proposées. Et en même temps, j’étais partie intégrante du projet. Ce qui fait que nous avions un petit groupe composé de gens qui ne se connaissaient pas, qui se sont rencontrés à cette occasion. Comment avez-vous fait la sélection ? Nous avons réuni tous les salariés de toutes les structures, lors d’une réunion où on a proposé le projet et présenté une trame. Après, c'est sur du volontariat que les gens se sont inscrits à cet événement. On a choisi une limite de 12 à 15 personnes pour qu’on puisse les accueillir sur les ateliers. Au cas où certaines se désistaient, nous voulions être sûr de disposer d’une dizaine de participants pour qu'on ait quelque chose d'intéressant. Quelle était la finalité du projet ? Le 21 juin, nous avons fait une projection dans un cinéma, en présence de tous les salariés, y compris ceux qui n’avaient pas participé. L’intérêt était de les inciter aussi à plus s’intéresser à la culture, de casser certaines idées reçues. Surtout en ce qui concerne le théâtre. Je pense que les gens restent sur une image classique comme Molière, alors qu'au final ça a énormément évolué. Il y a beaucoup de pièces contemporaines, de concerts, de spectacles vivants. Donc c'était intéressant de leur montrer qu’ils pouvaient y avoir accès et y aller en famille. * * * Nicolas, vous êtes salarié de la régie, que vous a apporté le projet Arts et Compétences ? Au niveau du travail, ça fait une grosse coupure. Ça nous a permis de rencontrer de nouvelles personnes. On a travaillé sur nos compétences et la confiance en soi. J’avais déjà eu une expérience dans le cadre du retour progressif à l'emploi, le dispositif expérimental qui a lieu à Brive depuis 2021, avec des sociologues qui nous ont fait faire le « théâtre des opprimés. » Dans Arts et compétences, on a été accompagnés par une chorégraphe qui nous a appris à nous exprimer avec notre corps, comment faire passer les sentiments, l'envie, le non, le oui. C'était très intéressant de travailler là-dessus, sur notre expression, sur le rapport aux autres. C’était une première étape. La deuxième étape c'était de filmer et réaliser un documentaire. On était à la fois devant et derrière la caméra, on a appris la technique et on s’est aussi filmé. C’est pour ça que c'était important d'avoir travaillé avant sur l'estime de soi, sur le rapprochement corporel avec les autres. Tom, vous travaillez à la « Ressourcerie Gaillarde », pourquoi avez-vous décidé de participer ? J’ai voulu participer à l’expérience pace qu’elle sort un peu de l'ordinaire. Pouvoir être accompagné pendant 4 mois par une chorégraphe, un réalisateur, ce n’est pas tous les jours qu'on vous le propose. Et ça m'a motivé. En participant aux ateliers, on a pu voir ce que ça nous apportait, comme se rendre compte qu'on peut créer avec son corps, bouger dans l’espace, avec des gens qu'on ne connaissait pas avant. Ça peut surprendre parce qu'au début on se dit, je ne vais pas être capable, je ne vais pas y arriver, et finalement ça se fait tout seul. Et puis après, il y a eu le documentaire. Ce n’est pas simplement prendre une caméra, la poser et tourner. Il y a toute une réflexion, qu'est-ce qu'on fait ? Comment on le fait ? Pourquoi ? Comment on s'organise ? A l'étape deux, on a mis en pratique tout ce qu’on a appris au niveau de notre corps dans l'espace, de comment gérer la machine pour filmer. Pour moi cette action est essentiellement basée sur l'estime de soi, la confiance en soi, la valorisation de soi. J’imagine que c'est déjà en nous. On a tous un parcours, une histoire qui fait que peut-être on l'a un peu oubliée, ou on s’est fait un peu marcher sur cette confiance en nous. Du coup, ça a permis de remettre ce sentiment à flots. On s'en rend compte tous les jours, que ce soit au boulot ou dans la vie quotidienne. Je me sens plus affirmé dans le rapport à l'autre, à mes chefs. Ça m'a aidé par rapport à la relation que je peux avoir avec l'autre, peu importe qui c'est. Comme j’ai pris confiance en moi, je peux plus facilement exprimer ce que je ressens ou ce que je veux exprimer. Florence, vous venez aussi d’une ressourcerie, celle du Carnyx à Naves. Que retenez-vous de cette expérience ? Faire des exercices avec la chorégraphe nous a permis de prendre confiance en nous et de faire confiance aux autres. On a tous des parcours plus ou moins différents. On ne s’était jamais rencontré parce qu’on travaille dans trois structures séparées. Mais on s'est mis dans le bain direct parce que nous avions le même but. Et la chorégraphe nous a tout de suite mis à l’aise. En peu de temps, ça nous a permis d'avoir une cohésion de groupe. Pour le documentaire « De vous à nous », le réalisateur a gardé tout le long une part de mystère. Il n’y a pas eu de scénario imposé, il s'écrivait au fur et à mesure des ateliers, en fonction de ce qui venait de chaque participant. Ça s’est fait aussi par rapport à ce que le réalisateur a pu ressentir de chacun de nous. Nous n’avons participé qu’un petit peu au montage, parce que c’est la partie professionnelle, très technique. Il nous a montré quelques images, pour vérifier si ça nous convenait ou pas. Mais nous n’avons découvert le résultat qu’au moment de la projection. Jusque-là, nous étions un peu dans le flou. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences et du PACTE de la Région Nouvelle-Aquitaine : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
Les multiples dimensions de la mobilisation
Parcours Expérience 3D est une action nationale de remobilisation du réseau des Maisons Familiales et Rurales. Elle est menée, entre autres, depuis fin 2020, par le Centre de Formation et Promotion (CFP) de Champcevinel, près de Périgueux. Maelle Périot, conseillère en insertion professionnelle et chargée de vie sociale, en est la coordinatrice. Parcours Expérience 3D est lauréate du PIC 100% Inclusion. En quoi consiste Parcours Expérience 3D ? C’est une action de remobilisation qui mixe des temps collectifs et des temps individuels. On ne voulait pas proposer que du collectif, parce que ça ne correspond pas forcément à tout le monde. 3D, c’est parce qu’on prend en compte les personnes dans toutes leurs dimensions. Sa durée est de 15 mois maximum, ce qui est très appréciable, on a assez de temps pour s'adapter au rythme de chacun. On n'a pas cette pression qui peut exister dans d'autres actions. La première étape de Parcours 3D consiste à prendre le temps de bien identifier les besoins et les freins de la personne. En fonction de ça, on lui propose des temps collectifs, pas forcément les mêmes pour tous (ateliers confiance en soi, cuisine, etc.). Notre souhait, c'était vraiment d'individualiser, de cibler au maximum ce qui va correspondre à chaque participant, de ne pas les mettre en difficulté parce qu’on sait que la perspective de travailler en groupe peut en faire fuir certains. Quelles différences avec une autre action du même type ? La différence c’est que nous n’avons pas d’ateliers pérennes, réguliers, qui suivent un rythme fixe. Là ce n’est pas le cas. On met en place les ateliers en fonction des besoins des personnes. C’est là que réside la nouveauté, et en même temps ça représente une vraie complexité d’organisation. Je fais des ateliers individualisés pour travailler sur la recherche d'emploi ou sur l'orientation avec des outils comme Pass’Avenir. Comment arrivent les candidats ? Les publics peuvent être repérés par les prescripteurs, mais aussi par les assistantes sociales, ou par les associations pour ceux qui sont en attente de titres de séjour. Normalement, une personne arrive chez nous après un entretien tripartite. Ou seule si son référent estime que c’est possible. Selon les cas, je commence par lui présenter le cadre de l’action ou j’essaie d’en savoir plus sur sa situation, de connaitre ses questionnements, ses attentes. Et si elle est d’accord pour participer. On se revoit la semaine d'après pour reparler des objectifs. Je ne fais jamais signer l'accord de participation les premières fois, parce que je vois assez rapidement quelles sont les personnes qui ne vont pas adhérer, par exemple si elles ne viennent pas au deuxième rendez-vous. Qu’entendez-vous par entretien tripartite ? Un entretien tripartite ça veut dire qu’on fait un entretien à trois, avec la personne, son référent et moi. On définit ensemble les objectifs de l'accompagnement. Toujours dans le but d'être au plus proche de ses besoins et de sa situation. Et puis, surtout, pour lui montrer qu’on travaille en partenariat. Je tiens beaucoup à ces temps tripartites, parce que je trouve que ça rassure les gens et que ça les sécurise. Parfois, le temps ne permet pas de faire ce rendez-vous en présentiel, mais il y a toujours au moins un échange téléphonique avec son référent, en présence de la personne. Quel est le public concerné ? C'est un public plus éloigné de l'emploi que celui qui suit nos formations. Même pour la formation du premier niveau, assistante de vie aux familles, il faut à minima que les personnes aient la capacité de reprendre une formation, d'aller à l'emploi, de tenir sur la durée, de passer des évaluations, etc. Pour avoir été CIP pendant plusieurs années, et avoir travaillé sur des ateliers de remobilisation, c'est un public que je connais bien. Mais je constate que nous avons beaucoup de mal à l’accrocher maintenant. Nous recevons plus des femmes, plutôt des femmes isolées. Et environ pour moitié d'origine étrangère, avec les difficultés en français qui font que l’intégration à l’action n’est pas possible. Pour certaines, on est à la limite, elles cherchent surtout un soutien administratif. Comment abordez-vous les participants ? Je pars du principe que s’ils sont là, c'est qu'ils ont envie. Et que s’ils sont là, c'est bien parce qu'il y a des difficultés et des freins. Je ne vais pas attendre d'eux qu'ils respectent une régularité parfaite. Je sais que les premiers mois, ils vont manquer des rendez-vous, qu’ils ne feront pas toujours les démarches convenues, même si c'est quelque chose d'anodin. Le plus important, c'est de ne jamais couper le lien. S’ils sont absents, je les appelle, je dédramatise et je fixe un nouveau rendez-vous. Si on ne faisait que du collectif, on attendrait des participants une certaine rigueur, ne serait-ce que vis-à-vis du groupe. De toute façon, au fur et à mesure de l'avancée du parcours, la régularité s'installe. Après je m’adapte au rythme de chacun. La difficulté, c'est que les temps collectifs sont extrêmement importants, et si le nombre de participants est trop faible, ils n'ont plus lieu d'être. A certains moments, si on constate des blocages par exemple, nous faisons de points de situation, si besoin avec les référents. Il arrive qu’on arrête un parcours, mais c'est rare. Même si on est obligé de l’interrompre, étant donné que les attentes sont vastes, la personne arrive toujours à avancer. Peut-être pas selon nos critères à nous mais pour elle, c’est toujours un progrès. Quel est votre positionnement ? Je suis un peu multi casquettes et je dois faire attention à ne pas me laisser déborder, on pourrait vite dériver vers le rôle de confidente. Je peux entendre toutes les situations, mais je ne peux pas tout traiter, alors je dois rapidement orienter vers d’autres intervenants. Il faut aussi dire que j’ai le beau rôle, je n’ai pas la charge de problèmes comme le RSA, j'ai beaucoup plus de temps à leur consacrer. Du coup je peux agir dans l'urgence. Si quelqu’un a besoin de me voir, je peux m'arranger pour le recevoir dans la journée. Ça c'est quelque chose d'important pour moi. Un conseiller pôle emploi ou une assistante sociale ne peut pas le faire. Quand c'est un public vraiment très en difficulté, très désocialisé, on sait que pour le tenir il faut être proche de lui. Il n’est pas autonome, il va avoir peur, il y a des tas de choses qui peuvent engendrer des ratés. Combien avez-vous réalisé d’accompagnements ? Pour l’instant, j'ai accompagné 15 personnes et j'en ai reçu 19 autres qui n'ont pas intégré l’action. On a eu beaucoup de personnes avec des difficultés de maîtrise de la langue française, pour lesquelles c'était un peu prématuré en termes d'accompagnement. J’ai eu aussi plusieurs personnes qui avaient été orientées sur nos formations, mais qui n’avaient pas les prérequis, donc elles ont été redirigées vers moi, mais n'ont pas voulu adhérer à Parcours 3D. Et qu’avez-vous eu comme résultats ? Quatre personnes sont allées en formation et une personne est partie en emploi. J’ai aussi eu des personnes pour qui l'accompagnement se termine de façon prématurée, essentiellement à cause de problèmes de santé. Ça n’est pas forcément négatif non plus, parce que dans tous les cas il y a des choses qui ont avancé. Le pire c'est vraiment une personne que je perds ou qui n'a pas adhéré parce que ça ne correspondait pas à ses attentes, elle n’en voyait pas le sens, elle n’était pas prête. Mais tout le reste est positif parce que forcément il s'est passé des choses pour elle, une prise de conscience. La temporalité est différente pour chacun, mais c'est de toute façon toujours positif. Quels sont selon vous les améliorations qu’il faudrait apporter à l’action ? Nous sommes partis à la rencontre de chaque partenaire, Pôle emploi, Cap emploi, le conseil départemental, la mission locale. On est allés leur expliquer quel était le but et le principe de cet accompagnement, ce qu'on pouvait proposer, comment on souhaitait que ça se passe et pour quel public. Malgré ça, la difficulté que nous rencontrons depuis le départ c'est le manque de prescriptions. Seul le conseil départemental nous a envoyé des personnes. C'est un superbe outil, mais dont les partenaires ont eu du mal à se à se saisir. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
Une passerelle numérique vers l'emploi
« C’est le numérique qui nous a interpellés au départ parce que c'est une source importante de notre offre de formation, sur tous les parcours que nous proposons ». Kelly Guillemain, chargée de communication et de développement au sein de « Hommes et Savoirs » (H&S), explique ainsi la volonté de cet organisme de formation royannais, de porter l’action Numériqu’elles sur son territoire, après qu’elle a été déployée à Saintes par l’APEJ, partenaire et mandataire de l’opération. Cette action, dont l’objectif initial est de faire découvrir les métiers du numérique aux femmes, s’adresse à un public exclusivement féminin. Mais pourquoi pas à un public mixte ? « A l'heure de la parité au sein des organismes de formation, nous nous sommes interrogés sur la valeur ajoutée d’une action qui ne porte qu'un groupe de femmes. Mais à la réflexion, le premier principe de Numériqu’elles, c’est la remise en confiance. Et il se trouve qu’au sein des formations, les femmes échangent, se font des confidences, créent du lien et du réseau entre elles. Ce ne serait pas forcément la même chose dans un groupe mixte. » Numériqu’elles mêle numérique, insertion et retour en entreprise. H&S se retrouve entièrement dans cette approche, puisque ses actions traditionnelles sont tournées vers la réinsertion professionnelle et les compétences transversales. L’organisme entend outiller les personnes de façon qu'elles soient en capacité de retourner en emploi avec des valeurs ajoutées. Ainsi que des compétences qu'elles maîtrisent, mais dont elles n'ont pas toujours conscience. Numériqu’elles est avant tout une action de remobilisation et d'insertion professionnelle. La volonté est vraiment le retour à l’emploi, dans l’idéal en CDI. Le numérique est pour l’essentiel un élément attractif pour un public qui n’est pas toujours à l’aise avec l'informatique, et qui voudrait en apprendre les bases. Dans ce domaine, aucun prérequis n’est imposé. Chacun arrive avec ce qu'il sait faire, avec ou sans équipement. Des ordinateurs sont mis à disposition pour mettre en place des ateliers en sous-groupes de niveaux : traitement de texte, création de CV, découverte de différents moyens de communication, utilisation de sites comme Pôle emploi ou Emploi Store… Un rythme adapté En pratique, l’action se déroule sur 3 mois à raison de 30 heures par semaine, pour une douzaine de personnes entre 25 et 50 ans. Le mercredi est libre afin de tenir compte des contraintes de certaines stagiaires. Quatre semaines de stage en entreprise sont incluses dans le programme. Les intervenantes, volontairement toutes des femmes, se répartissent les différentes séances hebdomadaires. Une formatrice de l’APEJ s’occupe des compétences transversales et des Open badges. Les deux autres, formatrices d’H&S, abordent respectivement les techniques de recherche d’emploi, et la dimension numérique. Elles partagent un outil en ligne dans lequel elles inscrivent chaque jour ce qu'elles font avec le groupe. Ainsi les stagiaires n'ont pas à répéter ce qui a déjà été vu avec l'une ou l'autre des formatrices. Une socio-esthéticienne et une coiffeuse apportent un complément destiné à créer une dynamique positive avant les présentations aux entreprises. A l’issue de la formation, les stagiaires sortent avec une attestation de réalisation, les open badges qu'elles auront validé sur un espace personnel, et le verdict de la certification Cléa numérique. « L'avantage de cette action, c’est qu’on ne cherche pas à faire de course à la certification. On propose le Cléa numérique mais il n'y a pas de de pression là-dessus. Du coup, nous n’avons pas eu de personnes qui se sont senties contraintes parce qu’elles n’avaient pas le choix. Elles sont venues vraiment pour trouver du sens, parce qu’elles ne savaient pas quoi faire, et qu’elles pensaient que notre accompagnement pouvait leur apporter quelque chose. » L’ensemble du groupe suit le même programme, mais les formatrices constituent des « îlots » le cas échéant puisque les stagiaires n’ont pas toutes le même niveau au départ. « Cette manière de fonctionner est une première pour nous. Nous n’avons pas l’habitude de faire intervenir, tout au long d’une action, des formateurs partenaires de manière aussi lissée. Que ce soit de façon ponctuelle, oui. Mais là, sur toute la durée de l’action, on ne l'avait pour ainsi dire jamais fait. » Attirer tous les profils Le public concerné par Numériqu’elles sont des femmes demandeuses d'emploi avec un besoin de remise à niveau en numérique et une réelle volonté de retrouver une activité. A l’origine, la prescription posait des critères assez précis. Mais ils ont rapidement été assouplis afin d’accueillir une plus grande variété de profils. Beaucoup de personnes en reconversion, ou qui sont arrivées dans la région récemment, qui n'ont pas de réseau, voire qui n'ont jamais travaillé. Pour mobiliser les participantes, l’organisme a travaillé en partenariat avec des conseillers entreprises de l’agence Pôle emploi de Royan. « Ils n'ont pas tout à fait le même prisme que les conseillers qui rencontrent des demandeurs d'emploi toute la journée. Ils ont également joué un grand rôle dans la sécurisation des parcours en termes financiers. C'était essentiel puisque dans ce public, il y a des femmes isolées, avec des enfants ou des situations délicates. Pôle emploi a notamment, de manière dérogatoire, accepté une prise en charge de chaque repas tout le long de la formation. » Les entreprises qui accueillent les stagiaires sont connues de l’organisme ou identifiées par les conseillers entreprises de Pôle emploi. Les conseillers ont pris en compte les branches dans lesquelles les participantes avaient déjà travaillé, mais ça n’a pas été un critère pour le choix du stage. L’Opco EP (entreprises de proximité), partenaire de l’action, n’a pas non plus cherché à influencer les choix. Tout en faisant passer le message que leurs adhérents, qui ont besoin de main d’œuvre, ouvrent leurs portes à tous les candidats, sans considération de certifications. L’action a débuté en novembre 2022. Elle se termine en février. Si des besoins sont constatés, elle pourra être renouvelée à Royan ou sur des territoires proches, à un rythme qui reste à déterminer. « Cette expérimentation nous sort de notre principale action sur des habilitations de service public, sur des formations certifiantes. Nous avons cassé tous nos codes. On explore là d’autres publics, d'autres financements. « Ce genre d’action courte, valorisée à l’emploi, nous permet de travailler avec d'autres profils que ceux que nous avons l’habitude de voir. C’'est vraiment dynamisant pour les équipes de formateurs, ainsi que pour les stagiaires. C’est un parcours qui vise à éviter le retour à Pôle emploi pour 2 ans. Si ça fonctionne, nous aurons forcément envie d'y retourner. »
Partenaires pour les jeunes
Emilie Guérin Grazide est chargée de projet et conseillère en insertion à la mission locale du Libournais. La structure a mis en place le projet R’accord, lauréat du PIC RMPI (Repérer et Mobiliser les Publics Invisibles) dans la continuité du PIC « IN système »*. Comment avez-vous élaboré le projet R’accord ? Après l‘expérimentation « IN système », nous avions vraiment pris conscience que le repérage des jeunes demande énormément de temps et de présence sur le terrain, et que nous n’aurions pas, à nous seuls, cette capacité à se déployer sur tout notre territoire. Donc on s'est appuyés sur les structures et on a construit R’accord en partenariat. Nous avons aussi réfléchi aux besoins des jeunes et aux solutions pour introduire de la fluidité et du suivi entre les différents acteurs qui gravitent autour de ce public. L’important, c’est de se tenir régulièrement informés entre nous. C'est déjà ce qu'on fait plus ou moins, mais là, nous y avons porté une attention particulière parce que ce sont des jeunes plus fragiles qui peuvent facilement décrocher. Quels types de partenaires ? Nous avons formé un consortium avec l’association Alter Ego pour la mobilité, « Le lien » pour le logement, « Les Cygnes de vie » à Castillon la bataille. Et deux partenaires qui ne sont pas membres du consortium, LEPI (Libournais Equipe Prévention Insertion), association de prévention, et Habitat Jeunes en Pays Libournais. Au fur et à mesure, se sont agrégés des partenaires auxquels on n’avait pas pensé dans un premier temps. Ainsi, nous travaillons depuis un an avec l’ADAV 33, l'association des gens du voyage. Notre démarche est très opportuniste, on est aussi en lien avec toutes les collectivités locales, et dès qu’un partenaire organise un événement ou des actions qui mobilisent potentiellement des jeunes, on essaie d'être présent, de proposer une animation, de se rendre visible. Que comporte le projet ? Opérationnellement, nous avons plusieurs axes de travail. Le premier consiste à conforter et renforcer le partenariat. Concrètement nous organisons des rencontres régulières avec nos partenaires et nous maintenons la proximité avec eux, de personne à personne, de professionnel à professionnel. Sinon, en pratique, environ une fois par mois, nous participons aux maraudes que font déjà les intervenants sur différents territoires. L'idée, c'est de pouvoir entrer en relation directe avec des jeunes, leur parler de la mission locale. Quels sont les deux autres axes ? Le deuxième axe de travail, c’est la mise en place de nouvelles modalités de repérage en allant au plus proche des lieux de vie des jeunes. Pour ça, nous avons créé des temps forts, par exemple une journée autour des questions de mobilité ou autour des jeux vidéo. Nous proposons des animations de présentation des métiers avec des casques de réalité virtuelle, on utilise des simulateurs de conduite pour donner envie aux jeunes de venir nous rencontrer. Notre objectif est de créer des événements pour nous rendre visibles, en utilisant des supports attractifs. Notre troisième axe de travail vise à permettre aux jeunes de se remobiliser. Nous avons choisi la mobilité comme support. On leur propose, par exemple, de passer le code de la route, un prétexte pour leur donner envie d'entrer dans une dynamique d'insertion. Notre but caché, sans leur dire, c'est de travailler leur projet professionnel et de leur proposer ensuite d'aller sur un accompagnement. Avoir le permis, c’est un vrai facteur d’insertion professionnelle. Chez nous, la plupart des jeunes n'accèdent pas à la formation ou à l'emploi, principalement à cause des problèmes de mobilité. Comment faire adhérer un jeune au principe d’un accompagnement ? Il faut d’abord lever les difficultés qui relèvent de sa subsistance. Si sa première préoccupation est de savoir où il va dormir, ce qu’il va pouvoir manger, c'est sûr qu'il ne sera pas en capacité de s'engager dans l'accompagnement. Nous devons très rapidement mobiliser des aides financières en s’appuyant sur les dispositifs de droit commun, sur les associations caritatives pour l'aide alimentaire, et trouver des solutions de mobilité quand elles existent. R’accord a permis de financer des places sur un dispositif d'hébergement d'urgence, des colocations avec l’association Le lien, qui peut les accueillir pour une période de 3 à 6 mois, jusqu'à ce qu'ils trouvent une solution plus pérenne. Quel est le public que vous visez ? Notre cible, c'était les jeunes 16-25 ans qui ne nous connaissent pas, ou qui ne veulent plus venir à la mission locale. Mais on avait aussi envie de cibler les jeunes parents au RSA qui ont un peu de mal à se projeter dans des projets d'insertion professionnelle. Au départ, nous avions pour objectif de toucher 100 jeunes. Par toucher, il ne faut pas forcément comprendre accompagnement. Un rendez-vous à la mission locale est déjà une réussite. Pour l’instant nous en sommes à une cinquantaine, mais nous avons une obligation de moyens, pas de résultats. Sur une de mes journées, si je reviens avec deux jeunes à suivre, c'est déjà énorme. On savait déjà que c’est un travail de fourmi qui demande beaucoup d'énergie pour des résultats très modestes. En plus, on se rend compte que plupart des jeunes de notre territoire connaissent la mission locale, sont déjà suivis par elle ou d’autres partenaires, ou ont été suivis par le passé. En fait, les vrais invisibles, il y en a très peu. A la mission locale, qui participe à R’accord ? R’accord est un projet d’équipe, même si nous avons un animateur recruté pour ce projet. Tous les conseillers sont partie prenante. Dans la mesure du possible, ils participent aux actions de maraude, parce que nous voulons rassurer au maximum le jeune et qu’il n’ait pas à raconter quinze fois son histoire. Le principe est aussi de faire en sorte que son premier interlocuteur soit la personne qui va assurer son accompagnement. Quel bilan tirez-vous de l’action? L’intérêt et la plus-value qu'on voit dans ce projet ce sont les partenariats, ça nous incite vraiment à travailler en complémentarité. Cela nous oblige aussi à sortir de nos bureaux, à réfléchir à des manières d’évoluer pour mieux répondre aux attentes de la jeunesse, comment nous rendre attractifs. R’accord nous a poussés à rentrer dans cette réflexion et à sortir d'une logique institutionnelle, purement administrative. Pour les conseillers c’est un exercice qui s’apprend, ça nous demande de construire une nouvelle approche des jeunes. Pour la mission locale, l’enjeu de visibilité marche dans les deux sens. * IN Système est le projet de 37 Missions Locales, porté en consortium par l’Association Régionale des Missions Locales de Nouvelle-Aquitaine, en 2020 et 2021. Il visait l’accompagnement vers le droit commun de jeunes particulièrement éloignés de l’insertion socioprofessionnelle Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
Privilégier l'accompagnement global des jeunes
Christine Desport est responsable de secteur Mission Locale Rurale Centre et Sud Vienne (Civray – Vienne). La structure anime depuis 2021 le projet « Inter'Actions Jeunes», lauréat du PIC RMPI. En quoi consiste Inter'Actions Jeunes ? Notre démarche est de repérer les publics fragilisés et de les remobiliser. Dans notre territoire rural, c'est vraiment un enjeu majeur parce que ces « invisibles » existent et qu’ils sont peut-être encore plus isolés que les jeunes de milieu urbain. En plus de leur isolement, ils souffrent du manque de mobilité, notamment de transports en commun. Nous sommes partis de l’idée que nos dispositifs et notre façon de fonctionner depuis des années dans les missions locales, ne correspondent pas à ce public qui manque de repères et de cadres. Comment peut-on les attirer, les motiver à revenir dans la communauté ? Nous avions déjà travaillé sur ce public en 2020, dans le cadre d’un dispositif porté par l’Association Régionale des Missions Locales (ARML) pour le collectif des missions locales. Il nous avait permis d’amorcer les choses, mais on estimait qu'on n’avait pas suffisamment œuvré, essentiellement à cause du contexte très compliqué. Nous avions mis des actions en place, mais on était plutôt sur du repérage. Quelle est votre approche ? Nous avons monté un partenariat local fort. Cela a pour effet de créer une dynamique locale et de nous obliger à repenser notre façon d'agir en direction des jeunes. On voit aussi qu'avec Inter’Actions Jeunes et le Contrat d'Engagement Jeune, nous avons des dispositifs différents et qui, intelligemment combinés, apportent une réponse motivante aux jeunes. En fait, notre métier est en train d'évoluer. Nous étions beaucoup sur l'accompagnement individuel, même si on organisait des ateliers de remobilisation. Ces accompagnements doivent continuer mais l’offre d’ateliers collectifs se renforce. Nous sommes en train de renforcer ce qui forge l’ADN, la valeur première des missions locale à savoir l'accompagnement global, à travers une approche qui a trait à l'animation, pour redonner envie et remobiliser. Inter’Actions Jeunes, comme le CEJ, est vraiment l'affaire de tous les conseillers et non de conseillers spécialement dédiés à ces dispositifs. La mise en place d’ateliers très variés permet de maintenir le niveau de mobilisation et de motivation des jeunes. Cela favorise aussi le raccrochage des jeunes qui peuvent venir expérimenter avant de s’engager. Comment effectuez-vous votre repérage ? La nouveauté, c’est que nous intervenons hors les murs. Deux associations partenaires ont été financées pour l'acquisition d'un minibus aménagé, ce qui nous permet d’aller faire des permanences au plus proche de la population. De plus, nous sommes maintenant labellisés information jeunesse. Nous avons aussi recruté des jeunes en service civique pour être des ambassadeurs auprès des invisibles, ainsi que des lycéens qui peuvent être en situation de décrochage. Nous intervenons également dans les mairies, les MJC ou encore les épiceries sociales pour montrer qu'on existe et pour que les jeunes, les familles, trouvent un interlocuteur de proximité pour répondre à leurs questions. Selon vous, quelles sont les conditions d’un « bon » repérage ? Bien sûr, il faut communiquer sur les réseaux sociaux. Mais je pense surtout que sortir de notre structure est incontournable. Avec le camion AMOR, les permanences chez des partenaires de type MJC, l’appui des jeunes qui sont en service civique. C'est travailler aussi avec des associations sportives pour orienter des jeunes et faire de la remobilisation à travers le sport. Ça pourrait aller jusqu’à tenir une permanence dans un café par exemple. Nous avons même évoqué la possibilité de faire du porte-à-porte, mais ça demande des moyens humains. Sans compter qu’il n’y a pas seulement les jeunes invisibles, il y a aussi tous les autres qu'il nous faut accompagner. Pour l’instant, quels ont été vos résultats ? Nous avons repéré beaucoup plus de jeunes cette année que par le passé. D’ici fin 2023, nous avons prévu un total de 126 jeunes dont 50 en ZRR. Sur notre territoire, les zones péri-urbaines sont limitées, mais elles concentrent le plus de population, donc c'est là où y a le plus de potentiel. Il faut se dire que certains jeunes voient les missions locales comme une nouvelle institution qui implique des obligations pour eux. Il faut casser un peu cette image, le côté très formel de nos accueils, parce que c'est aussi ce qui les dissuade de venir à la mission locale. Nous disons souvent aux jeunes qu’il faut travailler la confiance en soi et oser franchir la porte. C'est aussi à nous de nous adapter, faire la démarche inverse en allant vers eux, nous remettre en cause et revoir notre façon de guider les jeunes. Que faites-vous avec Inter’Actions Jeunes en matière de remobilisation ? Nous avons reconduit des actions comme « Dès-code ton code », pour les préparer au code de la route. Ou « Projette toi », comment un jeune imagine son avenir, pas seulement en termes professionnels. Et puis nous allons beaucoup travailler sur le numérique, afin de raccrocher des jeunes autour d'ateliers plus innovants, comme participer à la Gamers Assembly, travailler sur les fake-news ou sur le pilotage de drone. Certains nous demandent de pouvoir animer un temps collectif pour les autres. Cet été par exemple une jeune a animé un atelier « bien-être » et a donné des conseils pour prendre soin de soi, se maquiller… Nous faisons en sorte d’afficher des activités ludiques, artistiques, même si on continue de leur parler d’insertion professionnelle, de formation. On s'appuie sur des activités proposées par des partenaires, une MJC, un centre socioculturel ou une épicerie sociale qui organise des « journées famille. » Nous avons aussi les vacances accompagnées avec visite d’entreprises, à travers lesquelles on propose à des groupes de partir ensemble une semaine, de monter un budget, etc. Bref, nous essayons de diversifier les choix pour que chaque jeune ait sa place et trouve un intérêt à venir participer. Que font les jeunes ensuite ? Nous évaluerons ce que deviennent les jeunes, quel est le résultat concret derrière. Ça peut être un emploi, une entrée en formation ou en Contrat d’Engagement Jeunes. Mais une sortie positive, ça peut très bien être un jeune qui a travaillé sa mobilité, qui a obtenu son permis de conduire, trouvé d’autres solutions de mobilité, ou encore appris à gérer son budget. Tout ça pour nous, c’est un parcours réussi. Tous les progrès peuvent être valorisés. Je crois qu'il faut voir au-delà du projet professionnel et parler du projet de vie. Les différentes solutions à l’issue du parcours ne sont pas des objectifs absolus en soi, mais ce sont des éléments positifs pour nous. Ça veut dire qu’un jeune trouve sa place dans la société, le monde du travail, qu’il reprend un parcours de formation, qu’il signe un contrat d’apprentissage, un contrat de professionnalisation ou un contrat aidé. Ou encore qu’il s’inscrive dans un parcours d'accompagnement plus intensif avec la mission locale. Quels enseignements tirez-vous de cette expérience ? Cette expérience nous conduit à adopter de nouvelles pratiques en termes d’accompagnement et faire preuve d’innovation, mais aussi à mieux comprendre les jeunes générations et l’évolution sociétale . J’entends trop souvent dire que les jeunes n’ont plus la valeur travail. Mais c’est faux. Ils connaissent la valeur travail mais ils ne la vivent pas de la même manière que nous. A côté de ça, il y a d'autres valeurs qui sont importantes pour eux. Ce sont les curseurs qui ont bougé. On revient sur « l'agir ». Avec les injonctions de placer les personnes en emploi ou en formation, on a eu un peu tendance à oublier qu’il y a des choses à travailler en amont. Et que ça, il faut aussi le financer parce que ça demande beaucoup de temps de travail. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
La mobilisation par le patron
Le collectif Dyna’meet est composé de 6 structures de la métropole bordelaise : MonjobCvous, l’association Sport-Emploi, Entr-Autres Bordeaux, La Cité's Compagnie, @ARE33 et l'Espace Textile Rive Droite qui en est le chef de file. L’Espace Textile, dont Célia Orgogozo est directrice, est une association de mobilisation sociale et professionnelle pour les femmes dans les quartiers. Dyna’meet est lauréat du PIC « RMPI ». D’où vient Dyna’meet ? Le projet Dyna’meet est né de la volonté de travailler ensemble des 6 structures qui forment le consortium. Le PIC était l'occasion d'aller plus loin dans nos coopérations et de proposer aux jeunes un parcours un peu décalé pour aller vers l'emploi. Nous apprécions beaucoup le côté expérimentation qui nous permet de nous améliorer en avançant. Est-ce que vous visez un public particulier ? Le public jeune de moins de 30 ans, sans diplôme ni formation. Comme notre objet d'accroche c'est la couture, nous avons plutôt tendance à nous adresser à un public féminin. Le fait est que, pour le moment, nous touchons plus de garçons que de filles. Je ne connais pas les raisons exactes, mais la plupart des filles qu'on rencontre sont en Contrat d’Engagement Jeune. Elles sont déjà suivies et donc elles ne font pas partie de notre public cible. Comment faite vous votre repérage ? Le repérage est un des buts du programme. Nous y avons consacré beaucoup de temps, une quinzaine de sorties pour distribuer des flyers, de l'affichage dans tous les pieds d'immeubles du bailleur social. Ça n'est pas forcément le plus efficace en termes de nombre, mais par contre, nous avons trouvé dans la rue quelques profils qu'on n’aurait jamais rencontré autrement. Sinon, nous avons communiqué sur internet, par nos réseaux personnels et professionnels. Nous avons organisé une « Dyna’meet party » au rocher Palmer, une salle de spectacle. Il y a aussi le bouche à oreille. Comme notre association touche beaucoup de femmes, du coup leurs enfants viennent nous voir, c'est aussi ça qui fonctionne. Pour l’instant nous en sommes à une quarantaine de jeunes, je pense que nous serons proches des objectifs fixés. Dyna’meet c’est aussi un programme de mobilisation ? Repérage et mobilisation, on fait les deux. Les repérer ça ne veut pas dire qu’on les mobilise, mais qu'on les a possiblement réorientés vers un autre partenaire. Pour nous l’idéal, à terme, c'est que le jeune trouve un emploi ou une formation. Si ça ne prend que 5 minutes je suis ravie. Il n’y a pas du tout de nécessité à ce qu’il participe à quelque chose avec nous. S’il le fait, c’est que ça correspond à un moment de sa vie. Mais il n’y a aucune obligation. Comment abordez-vous les jeunes, comment vous leur présentez Dyna’meet ? Nous abordons les jeunes en leur disant que nous sommes là pour parler d’emploi autrement et pour leur proposer des choses un peu différentes. On leur parle de la possibilité de commencer à travailler un peu. Il n’y a pas forcément besoin, que nous soyons un service public de l'emploi reconnu pour engager le dialogue. Au contraire, le fait que nous soyons un acteur un peu différent, ça ne leur déplaît pas. Nous leur proposons de participer à des ateliers rémunérés, qui durent un mois pour des groupes d’une dizaine de personnes. Comment procédez-vous ? Chaque jeune passe forcément par un entretien, le plus souvent à l'Espace Textile mais aussi chez « monjobCvous ». A l'issue de l'entretien, nous lui faisons plusieurs propositions en fonction de ses besoins : participer à un atelier rémunéré, ou rejoindre le projet « en découdre avec l'emploi » qui permet de travailler une demi-journée par semaine avec un accompagnement socioprofessionnel spécifique. Soit encore, il peut entrer en stage dans une de nos structures, ou on l’oriente vers d’autres actions. Est-ce que le textile attire ces jeunes ? La dimension textile n'a pas beaucoup d'importance en fait. C'est vraiment un outil de mobilisation, et il fonctionne très bien pour toucher les femmes des quartiers. Pour les jeunes, c'est un outil qui est extrêmement valorisant quand on travaille parce qu’on fait quelque chose avec ses mains. Mais au sein du consortium, nous pouvons les mobiliser aussi bien par le sport avec « sport emploi » que par la restauration avec « Entr-Autres ». Notre idée, à terme, ce serait d’organiser des ateliers rémunérés plus tournés vers le sport ou la restauration que vers le textile. Pour le premier workshop qui s’est déroulé en mars avec 11 personnes, nous avions 6 garçons qui n’avaient aucune appétence pour la couture. Au départ nous avons insisté sur le fait qu’il n’y avait pas besoin de s’y intéresser, et ils ont tous très bien joué le jeu. Ils ont appris à se servir d’une machine, à faire un patron. C’est vrai aussi que nous avons pas mal de profils créatifs, des gens qui voudraient travailler dans la PAO, dans la mode, comme web designer. Quel type d’accompagnement faites-vous ? L'accompagnement est individuel et collectif, sachant que le premier objectif c'est de les raccrocher à la mission locale dès qu’on le peut, de les rendre visibles. Ce qui est important, c'est que ça ne s'arrête pas au bout d'un mois. Après l’atelier, le groupe continue à vivre tous les vendredis matin. Ils ont rendez-vous avec nous pour travailler le projet professionnel. L'idée c'est de les amener jusqu'à quelque chose de concret. Tant que ça n’est pas fait, on garde le contact le temps nécessaire. En matière de parcours, il n’y a pas d'idéal. Je crois beaucoup à l’individualisation, tout le monde n'a pas besoin de la même chose. Vous avez eu plus de garçons que vous ne l’attendiez, mais avez-vous eu d’autres surprises ? Je trouve que les jeunes sont en plus grande difficulté sociale que ce que j'imaginais, et un peu perdus dans tout ce qui leur est proposé. Ils n’y voient pas très clair dans ce qu'ils veulent faire de leur vie, comment ils veulent avancer. Pour la plupart, je pense qu’ils ont connu des cassures importantes dans leur parcours de vie, leur parcours scolaire. Ils ont essayé des choses, ça n’a pas marché, se sont résignés. Le problème c'est que nous arrivons déjà très tard. Je trouve vraiment que nous avons une génération qui n’est pas très en forme, sûrement en partie à cause du Covid. C’est pour ça que nous leur offrons une solution extrêmement simple. Si on ne fait pas ça, nous aussi on les perd, ils sont complètement dans l'immédiateté. On gère aussi la relation avec les parents et leurs inquiétudes. Quel est le futur de Dyna’meet ? Le programme dure jusque fin 2023. Nous avons un prochain atelier qui va se dérouler en juin. Et nous prévoyons une deuxième « Dyna’meet party » en décembre, qui sera à la fois un moment de mise en valeur de tous les jeunes passés par le parcours et un moment de mobilisation pour d'autres jeunes. Il nous paraît important de faire qu’ils se rencontrent et qu’ils échangent entre pairs. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
Bivouac, camp de base de l’insertion
Vincent Péchaud est cofondateur de l’association « La Smalah » située à Saint-Julien-en-Born (Landes). Le projet «Bivouac, le camp des 4 C » est lauréat du PIC « Repérer et mobiliser les publics invisibles » (RMPI). En quoi consiste Bivouac ? En 2018, nous avons lancé une formation de conseiller médiateur numérique avec des jeunes décrocheurs. Cette première expérience de formation nous a montré que certains jeunes avaient besoin de retrouver la motivation et les bases de la sociabilisation, avant de s'engager dans une formation professionnalisante. Le projet Bivouac part de là. Bivouac, c’est un séjour de remobilisation de 21 jours pour des groupes de 12, deux fois par an. Nous aimons bien cette idée de parenthèse dans un projet professionnel, cette grande aventure pendant laquelle on emprunte des chemins. On peut se tromper, se décourager. Bivouac intervient comme un temps de pause dans cette aventure. Les jeunes touchent des indemnités de 15€ par jour. Cela peut paraître peu, mais c'est une motivation supplémentaire. Comment se déroule un séjour ? Nous avons rythmé un séjour de 21 journées avec différents ateliers pour travailler sur 4 compétences clés qui sont la communication, la coopération, la créativité et l'esprit critique. Ça se passe à Saint-Julien-en-Born, dans un milieu très rural et très naturel qui renforce ce côté bivouac. Et puisqu’on est près de la plage, on essaie de lier des activités physiques avec des animations un peu plus intellectuelles, des activités de plein air et des activités d’intérieur. On s'appuie sur les lieux que l'association La Smalah anime. D’abord un café associatif, un vrai lieu de vie dans lequel une quarantaine de bénévoles proposent au moins une dizaine d’ateliers par semaine : cuisine, écriture, lecture, informatique, théâtre, guitare… Nous avons aussi une salle de formation et un plateau technique, le grenier de Mézos, qui comprend des imprimantes 3D, de découpage laser et des machines-outils plus traditionnelles. L'idée de l'atelier, c'est de créer des objets à partir de rebuts (bois, plastiques…). Quel sont les grands principes du programme ? Les 4 premiers jours, les jeunes fabriquent ensemble une borne d'arcade de jeux vidéo, avec différents matériaux trouvés à l’atelier. Ils sont aidés par un menuisier et une designeuse. Pendant la première semaine, nous leur faisons rencontrer des conseillers de Pôle emploi et de la mission locale autour d’un café, pour qu’ils renouent des contacts avec les institutions. C’est l'occasion de signer une période de mise en situation professionnelle (PMSMP) pour faire un stage conventionné la semaine suivante, dans des entreprises locales, des associations, des artisans de notre réseau. Nous leur proposons aussi deux jours d'éducation aux médias, encadrés par des journalistes, avec qui ils réalisent un petit reportage vidéo sur des professionnels et des gens du territoire qui ont quelque chose à raconter, qui peuvent être inspirants. Les participants sont logés ensemble en bungalow, nous en profitons pour travailler aussi sur l'alimentaire et sur le vivre ensemble, parce que souvent ce sont des jeunes qui n’ont jamais vraiment quitté leurs parents. Certains doivent apprendre ou réapprendre la sociabilité. Les derniers jours sont consacrés à « apprendre à te raconter ». Nos jeunes, selon leur parcours, ont tendance soit à se dévaloriser complètement, soit au contraire à se survaloriser. Notre idée, c'est de trouver un juste milieu. On travaille avec eux sur un petit texte de présentation de leurs envies, de leurs besoins, de leurs passions, et on lie ça avec des perspectives de reprise d'études ou de retour à l'emploi. Ils repartent avec une sorte de feuille de route, des objectifs à 3 et 6 mois. Ils peuvent ensuite aller sur une formation un peu plus professionnalisante. Au besoin, nous pouvons continuer à les accompagner dans leur projet. Quel est le public concerné ? Nous touchons vraiment des publics « invisibles », des 18-30 ans qui ne sont inscrits dans aucun dispositif, pour certains qui sont passés par l’aide à l'enfance ou qui ont des problèmes sociaux, de harcèlement à l’école, des problèmes d'addiction. Souvent, ce sont des jeunes isolés, qui n'ont pas beaucoup d'amis, qui ont coupé avec le collectif. Bivouac, c’est l’occasion de vivre une expérience en bande, qu’ils n’ont jamais connue avant. Comment les repérez-vous ? Notre association compte 1 300 adhérents qui sont des parents, des amis, des membres de la famille. Le bouche à oreille fonctionne bien, et l'écosystème de la Smalah est porteur d'une dynamique qui peut les remotiver. Nous mettons aussi en place des campagnes sur les réseaux sociaux, et la mission locale nous donne les cordonnées de certains jeunes qu’elle a vu passer, mais qui ne sont entrés dans aucun dispositif. Même avec tout ça, c'est difficile d'aller débusquer ceux qui restent dans leur chambre à jouer aux jeux vidéo 12 heures par jour. Prioritairement nous visons des jeunes du territoire, mais ça a du sens pédagogiquement d’en faire rentrer qui viennent d’un peu plus loin ou d'autres milieux. Ainsi nous gardons toujours deux places pour des demandeurs d'asile et des réfugiés. C'est intéressant aussi pour les jeunes de se confronter à l'altérité. Avec le recul, quel bilan tirez-vous ? Nous avons identifié des choses à modifier dans notre dispositif. La durée de 21 jours marche très bien, nous n’avons eu qu’une seule personne qui a décroché sur les trois promotions. Mais la temporalité (deux par an) est compliquée pour les jeunes, parce qu’il faut réussir à les avoir au bon moment. Ce serait mieux de pouvoir les accueillir au fil de l'eau. Nous sommes en train de repenser un peu les choses, plutôt pour 2024. D’ici là, le dispositif restera globalement le même. Pour l’instant, les groupes ont très bien fonctionné, peut-être parce que on n'est pas du tout dans un système classique. On est plutôt dans une sorte de colonie de vacances où on travaille sur soi. Avez-vous rencontré des difficultés particulières ? Outre le problème du sourcing, la question du logement nous cause plus de problèmes que prévu. Nous sommes dans un territoire qui est marqué par la saisonnalité, avec une surpopulation en été et donc aucun logement disponible. L’hiver, plus personne, et toujours pas de logement disponible, ou alors loués très cher. Par ailleurs, nous rencontrons des jeunes qui ont des problèmes psychosociaux et médico-sociaux importants. Souvent ils sont sous traitement, une sorte de palliatif à leurs difficultés d’accéder aux soins. Nous n’avions pas forcément identifié qu'il y aurait autant de problème là-dessus. Heureusement, nous avons associé une psychologue à l’équipe pédagogique qui nous aide à identifier les éventuels freins périphériques, des choses qui empêchent d'avancer. Pendant les 3 semaines, elle reçoit chaque jeune à plusieurs reprises. Le cas échéant, elle peut aussi faire le lien avec des dispositifs de soin. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
Remobiliser au sein d’un collectif
En Nouvelle Aquitaine, les centres socio-culturels sont assez peu nombreux à investir le champ de l'insertion professionnelle. C’est le cas de l’Espace Mosaïque de Courçon (Charente-Maritime) qui travaille depuis plus de 20 ans sur les questions d’emploi. Il intervient sur un territoire rural constitué de 14 communes, éloigné des organismes de formation et les structures d'insertion professionnelle. Fin 2020, la structure a mis en place un projet baptisé ODAS, pour Osez Développer votre Accès aux Savoirs. Son idée générale, le retour à la formation et à l’emploi des demandeurs d'emploi et des publics vulnérables, avec une approche un peu différente des démarches habituelles plus marquées par le social. La volonté de Séverine Menard et de Sandrine Toudic, toutes deux conseillères en insertion professionnelle, était de s'appuyer sur un collectif pour remobiliser les participants, expérimenter des choses au sein d’un groupe complètement sécurisé. « Notre cœur de public ce sont des personnes qui ont des difficultés à aller vers des réseaux d'employeurs ou de formation parce qu’elles ont eu des expériences négatives avec le monde de l'entreprise, de l'école et de l'apprentissage en général. Ça c'est notre point de départ. » « C'est un public que l’on connaissait déjà en partie, puisque nous recevons individuellement les personnes qui rencontrent différentes problématiques. Pour ODAS, nous nous sommes rapprochés de tous les partenaires et des réseaux avec lesquels on travaille, pour s'assurer que nous étions bien en adéquation avec leurs publics afin qu’ils les dirigent vers nous. » ODAS, c’est un parcours de 3 mois, à raison d’une journée et demie par semaine, parfois plus, suivant un calendrier qui permet aux candidats de visualiser à l’avance ce qui leur est proposé. L’objectif était de constituer des groupes de 6 personnes, potentiellement 8, mais le centre était limité par les capacités d'accueil de ses locaux. Pour les plus éloignés, les frais de transport étaient pris en charge, ainsi que les repas, ce qui permettait d’organiser des journées entières. Travailler sur son image Le programme comprenait différentes activités ayant toutes pour objectif de gagner en estime personnelle et en confiance en soi. Par exemple, des ateliers autour de l'écriture de poèmes, une manière ludique d’aborder l’écrit pour des personnes qui ont parfois connu des difficultés importantes dans ce domaine. Un autre atelier, animé par un coach spécialisé, utilisait le jeu de rôle en proposant aux participants de se mettre dans la peau d’un personnage pour travailler plus facilement la prise de parole en public. Plus spécifique, un atelier dédié à l’image de soi avec intervention d’une socio esthéticienne. Pour la plupart des formateurs extérieurs, intervenir dans un cadre qui mixait questions psychosociales et insertion professionnelle était une première. Au sein d’un atelier de création musicale, le projet portait sur l’écriture d'une chanson commune. « Ça n'était pas gagné d'avance parce que nous leur demandions de sortir de leur zone de confort, de se livrer au travers de mots, de chansons. En plus nous les avions informés qu’ils seraient filmés en train de chanter. Les intervenants ont fait en sorte de les faire progresser petit à petit, en respectant leurs souhaits et leur rythme, en évitant de les brusquer. Le fait qu'ils aient la possibilité de participer à une première séance et ensuite d'adhérer ou pas aux ateliers a facilité les choses. Sur la deuxième session, ça a été encore plus aisé, parce que les premiers participants ont témoigné lors des réunions d'information collective. » L’approche est assez individualisée. Elle vise à ce que les publics testent un panel d’activités. « Au départ nous avons laissé les gens très libres de choisir leurs ateliers. Ils ont beaucoup apprécié d’avoir cette liberté d'action. Mais nous avons toujours fait en sorte de les inciter à tout essayer, au moins de participer à une première séance. Au final, les participants ont suivi tous les ateliers, grâce à la dynamique collective. A chaque fois, le groupe a été moteur. » Les « Odasieuses » et « Odasieux » étaient des adultes entre 30 et 50 ans selon les groupes. Les participants venaient de leur propre initiative, ou ils étaient adressés au centre par différents partenaires comme la Carsat, le Département, Pôle emploi, ainsi que par des structures spécialisées comme Gaïa 17, en charge de personnes souffrant de handicaps psychiques. Le plus souvent les candidats étaient en recherche d'emploi, en arrêt de travail ou en arrêt maladie avec un besoin de se remobiliser sur un projet professionnel ou la volonté de changer de voie pour des raisons physiques ou de burnout. Les deux conseillères du centre coanimaient des ateliers transversaux et intermédiaires pour faire le lien entre toutes les activités et la réalité du projet de chaque personne, son insertion professionnelle, sa personnalité, les points à développer, etc. 5 séances réparties sur les 3 mois. « Nous avons évoqué avec chacun leurs éventuelles envies de formation, ainsi que la mise en place d'ateliers supplémentaires autour de la connaissance des métiers ou du marché de l'emploi. Nous avons aussi utilisé des tests de personnalité pour travailler sur leurs centres d'intérêt et, au final, les aider à aller plus loin dans leur projet. » Des changements visibles Cette action, qui a connu deux sessions en 2021, a débouché sur plusieurs retours à l'emploi, des entrées en formation, notamment autour des savoirs de base et de l'informatique. « Lorsque l'on connaît leur point de départ c'est un bon résultat. Nous avions vraiment des profils de gens qui n'étaient pas sortis de chez eux depuis des années. Dans les paroles des chansons écrites on peut déjà voir ce qui a été bouleversé chez eux, ce que ça a changé. » Le centre a voulu étendre l'initiative à un groupe de jeunes en rupture scolaire ou qui avaient suspendu leur formation. Elle s'est révélée plus délicate à mettre en place, il n’aura pas été possible de mobiliser les jeunes sur une base régulière. « Nous avons présenté le projet lors de réunions d'information collectives, ou en allant à la rencontre des conseils municipaux de notre territoire, ce qui facilitait la connaissance par le public autant que par les partenaires. Mais nous avons encore de la communication à faire, par exemple sur nos réseaux sociaux, auprès de publics qui sont peut-être plus proches de l'emploi. C'est une autre grande question pour les années à venir, de continuer à se faire connaître auprès des demandeurs d'emploi du secteur par le biais des prescripteurs ou par le bouche-à-oreille qui fonctionne assez bien. » « C'était la première fois qu'on se lançait sur ce type de projet, notamment sur l'aspect collectif. Nous avons eu la possibilité d'être inventifs sur des supports d'insertion professionnelle, en s’appuyant sur des activités de développement des compétences psychosociales. Depuis la fin de l'action, nous avons remis en place des ateliers ponctuels, notamment autour de la gestion du stress et des émotions, mais ça n’a pas le même impact que lorsqu’ils sont inscrits dans un vrai parcours où il y a une progression et des projets communs, une cohésion de groupe. » ODAS a été financé au titre de l’appel à projets régional « mobilisation formation 2019 ».
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