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A La Rochelle, les Spielberg en herbe
Traditionnellement, le Festival International du Film de La Rochelle qui se tient début juillet, accueille des artistes en résidence durant toute l'année pour réaliser des projets de courts métrages, écrits et tournés dans l’agglomération rochelaise. Selon ses termes, il entend contribuer à la sensibilisation des jeunes spectateurs. Il veut aussi offrir un accès privilégié aux pratiques cinématographiques à différents publics, notamment ceux qui se trouvent souvent éloignés de la culture. C’est dans le cadre de son dispositif « FEMA – Action ! », que le festival a pris contact avec la mission locale La Rochelle Ré Pays d'Aunis, afin qu’elle mobilise un groupe des jeunes et leur propose de créer un court-métrage en compagnie d’une réalisatrice bordelaise. La première rencontre s’est déroulée en 2022. Elle vient d’être reconduite cette année, avec la même réalisatrice qui a souhaité renouveler l’expérience. « Le but c'est que les participants prennent vraiment part au projet, que les jeunes en soient acteurs de A à Z » précise Bénédicte Maurin, conseillère référente des actions culturelles. « Que ce soit au niveau de l'écriture, des dialogues et du scénario, même si la réalisatrice avait déjà son idée en tête, ainsi qu’au niveau de tous les aspects techniques du tournage, la prise de vue, la prise de son, l’acting. » A l’issue, le résultat de ce travail sera projeté lors du festival, à l’occasion d’un après-midi dédié à la diffusion de tous les courts métrages réalisés pendant la résidence. Plus généralement, la mission locale est très axée sur l'accompagnement, la recherche d'emploi, la formation, l'insertion. Depuis quelques années, elle cherche à s’ouvrir à d’autres actions, notamment à dimension culturelle. Dans cet esprit, elle entretient notamment un partenariat avec les Francofolies et avec les Escales documentaires, le festival international de la création documentaire. L’objectif est double. Ouvrir les jeunes sur ce qui se passe sur le territoire de La Rochelle, culturellement assez dynamique. Ainsi que mener un travail sur des nouvelles compétences et capacités, et sur la confiance en soi. La valorisation par la culture « Nous essayons vraiment de nous positionner un peu plus sur ce type d'actions, qui sont tout aussi valorisantes que de faire de la recherche d'emploi pure. C’est l’occasion pour les jeunes de démontrer leurs talents et de réelles capacités. C'est dans ce but que la coopération s'est faite avec le festival du film. Globalement, nos publics semblent très éloignés de tout ça. Le monde de la culture leur paraît assez inaccessible en fait. Pour nous, c’est l’occasion de leur dire qu’il existe des choses, parfois gratuites, auxquelles ils peuvent accéder facilement. On peut vraiment valoriser le jeune, compléter son CV, parce que la participation à un court métrage est un élément intéressant à y faire figurer. » La mission locale devait réunir une demi-douzaine de jeunes, accompagnés par Anne-charlotte Giraud, une coordinatrice du festival. Une première réunion d'information s’est tenue en mars, en présence de la réalisatrice. Elle est venue présenter le projet, ainsi que le travail effectué l’année précédente, pour qu'ils se rendent compte en quoi il consiste réellement. Pas de sélection à l’issue. Le choix des participants s’est fait naturellement par libre adhésion. Il faut qu’ils soient en mesure de se rendre disponibles pendant une semaine, de plus à une période où beaucoup d’entre eux commencent à occuper des emplois saisonniers. Les jeunes retenus ne correspondent pas à un profil particulier. « Quand on propose des actions de ce genre, nous les ouvrons vraiment à tout le monde. Nous savons qu'il y a des jeunes qui sont plus tournés vers les métiers du spectacle et de la culture. Ceux-là ont une plus grande appétence et vont peut-être venir plus facilement. D’autres ne se projettent pas du tout dans ce secteur mais, par curiosité, ils prennent ça comme une vraie occasion d’enrichir leur parcours. » Pour les conseillers, c’est l’occasion de leur parler découverte des métiers et des emplois liés à la réalisation, dans tous ses aspects techniques. Certains des jeunes qui ont participé l'année dernière sont revenus pour la deuxième édition. « Pendant la semaine, mon rôle est d’accueillir les participants. Je fais un point dans la journée pour savoir si tout se passe bien. Nous n’avons pas l'obligation d'être présents, la réalisatrice et la coordinatrice du festival du film gèrent très bien les groupes sans nous. En plus les jeunes ont un travail à faire, ils partent filmer à l'extérieur, notre présence n’est pas forcément utile. » On peut constater l’effet de ce type d’actions dans le parcours d'un jeune lors des entretiens individuels. Chaque conseiller fait un bilan avec le jeune qu’il accompagne. Elles peuvent également permettre de reprendre contact avec des jeunes qui n’étaient plus forcément en lien régulier avec leur conseiller. Cependant, il s’avère que dans leur majorité, ils ne sont pas particulièrement centrés sur les activités culturelles. Ils connaissent les Francofolies car elles sont très médiatisées, c’est beaucoup moins vrai pour un rendez-vous comme le festival du film. Casser les représentations « Un de mes objectifs lorsque je veux développer des actions comme celle-là, c'est vraiment de leur faire découvrir tout ce qui peut se passer ici, parce qu'on sent qu'il y a une certaine distance entre les jeunes et la culture au sens large. Soit ils ne connaissent pas, soit ils ne cherchent pas à savoir, ou encore ils pensent que ça n’est pas fait pour eux. Ils peuvent avoir une image élitiste de certaines choses qui se passent sur La Rochelle. » « Mon but est vraiment de leur montrer qu’ils y ont droit, que ça fait partie de la richesse de leur territoire. Et que des perspectives professionnelles leur sont ouvertes. Pas seulement à celles et ceux qui ont vraiment un intérêt pour ce secteur, qui voudraient évoluer vers tout ce qui est événementiel, culturel. Cette action leur permet d'avoir une petite porte d'entrée, de commencer à constituer un peu leur réseau. » Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’engouement des jeunes n’est pas plus fort pour les activités culturelles que pour d'autres actions. Ceux qui participent le plus, le font généralement parce que cela fait partie de leur projet. Finalement, ce sont des profils bien particuliers qui se lancent. Cela dit, les conseillers sont parfois très surpris par les capacités des jeunes à s’engager, à se dépasser, à progresser et à évoluer. La valeur ajoutée de « FEMA – Action ! », c’est que les participants sont vraiment acteurs du projet, véritablement en immersion, au sein d’une équipe de tournage encadrée par des professionnels. Ils sont dans le « faire » plutôt que de se contenter d’être spectateurs. Pour autant, faire un court métrage, réaliser des petites capsules vidéo, nécessite un certain engagement. « Quand on propose des projets qui sortent un peu de l'ordinaire au-delà du CV, des lettres de motivation, de la recherche d'offres d'emploi, les jeunes ont du mal à s’emparer les choses. Je pense que leurs préoccupations liées au contexte familial, social et professionnel peuvent freiner leur envie et leur curiosité. D’où l’importance de proposer des actions visant à la découverte de nouveaux univers. »
Quand les étudiants parlent aux collégiens
La mission principale de L’AFEV est de permettre à des jeunes étudiants de s'investir dans la lutte contre les inégalités éducatives. Depuis 30 ans, l’association mène diverses actions comme le mentorat par des étudiants qui consacrent bénévolement 2 heures par semaine auprès d'un enfant pour ouvrir ses perspectives culturelles, ou les colocations solidaires dans les quartiers afin d’y développer le lien social. Autre aspect, permettre à des jeunes de s'engager, notamment en service civique et de participer à son projet associatif. Le projet Démocampus, qui a débuté à Bordeaux en 2019, s’inscrit dans cette logique de lutte contre le déterminisme social. « Sur cette thématique, travailler autour de l'orientation nous a paru très important », explique Hélène Bananas, chargée de développement. « On sait que seuls 10% des enfants d'ouvriers vont à l'université. On voit vraiment clairement qu'il y a un phénomène de reproduction sociale. C'est difficile de se projeter dans des études supérieures pour quelqu’un qui n’en a jamais entendu parler, qui n'a pas d'exemples dans son environnement socio familial. L'origine sociale d'un jeune, demeure un facteur déterminant de son parcours d'orientation. » La démarche consiste à mobiliser des jeunes volontaires en service civique pour qu’ils témoignent auprès d'enfants issus de quartiers prioritaires, dans le but d’élever le niveau de leurs aspirations. Des binômes de volontaires interviennent dans les classes de 4e et 3e d’une dizaine de collèges de la métropole bordelaise, pour leur parler du lycée, des études supérieures, de la vie étudiante. « Nous ne sommes pas conseiller d'orientation et ça n’est pas notre métier, » précise Elina Burlot, étudiante volontaire. « Mais on peut quand même leur donner le vocabulaire, leur ouvrir un peu la porte pour leur dire ce qui existe. Et que s’ils sont intéressés, il y a plein de manières d'avoir des infos. » Matière études supérieures Ces interventions ne sont pas optionnelles pour les collégiens afin de donner à tous et toutes le même niveau d'information. Tous les élèves participent à 4 ateliers d’une durée de 2 heures à une demi-journée, sur les heures de classe. Pour les établissements et les enseignants, cela représente un certain investissement, 6 heures et une demi-journée prises sur les cours. Le premier atelier est celui de la prise de contact avec les collégiens. Les animateurs leur proposent un questionnaire pour évaluer leurs connaissances, faire l'état des lieux de leurs préjugés et les pousser à les questionner. On leur parle du lycée, des études supérieures, des filières. Le débat qui suit porte sur des questions générales « est-ce qu'il faut être un bon élève pour réussir dans la vie ? » « Faut-il faire des études pour être heureux ? ». Le but est de montrer que l'orientation n'est pas seulement un choix de filières, et même de métier, mais que d'autres facteurs doivent être pris en compte, comme la famille, l'endroit où l’on vit, etc. « On ne veut pas se positionner en profs, on n'est pas là pour leur dire asseyez-vous et écoutez, nous on connaît plein de choses et on va tout vous dire. Simplement, on leur apporte un vocabulaire, des connaissances qu’ils n’ont pas, parce que on est un peu plus loin dans les études. On témoigne de notre expérience qui pourra éventuellement se révéler inspirante, éclairante ou rassurante pour les collégiens. » Le 2e atelier est centré sur les témoignages d’autres étudiants qui viennent leur présenter leur parcours du collège à l'université, y compris les difficultés qu’ils ont rencontrées, les doutes. Ils leur parlent également de questions pratiques, la gestion d’un budget, les courses, les lessives, tous éléments qui peuvent être sources d’inquiétude. On essaie de dédramatiser, de leur montrer qu'il y a plein de champs possibles. Et qu'on peut changer d'avis, il y a plein de passerelles, pas que des parcours linéaires. Le 3e atelier, c’est la découverte de l’environnement universitaire, avec visite du campus de l’Université Bordeaux Montaigne. Ils assistent à un cours en amphithéâtre, visitent la bibliothèque, le restaurant. Tous les éléments qu'ils connaissent au collège, on les retrouve sur le campus, mais en plus grands. Le 4e et dernier atelier est consacré au lycée, à ce qui est le plus proche d'eux. Dans le cadre d’un jeu, ils reçoivent une carte avec un personnage qui a un projet professionnel. Leur but est de créer le parcours de ce personnage à partir de la classe de 3e, en choisissant ses études, ses activités extra-scolaires. « On veut leur montrer que tous les parcours sont possibles, que deux personnes qui suivent le même parcours n’auront pas forcément les mêmes compétences. On veut aussi casser les hiérarchies entre les filières. Si on a une idée de métier en tête, peut être que c’est la filière professionnelle qui est la meilleure voie à emprunter. Certains préjugés sont portés autant par les familles que par le système scolaire.» Démocampus ne cherche pas à se substituer aux professionnels de l’orientation, mais cherche à ouvrir le champ des possibles aux jeunes. Selon Elina, « au début de l'atelier ils nous voient comme des adultes. À la fin de l'atelier, ils nous voient beaucoup plus comme des pairs. C’est quelque chose qui nous permet d'aller beaucoup plus profondément dans le témoignage. On n'a pas oublié ce que c'était d’être collégien, on l’était il n’y a pas si longtemps. Du coup, le contact passe bien. » Se poser les bonnes questions En résumé, les ateliers visent à lever les freins d’autocensure, à informer les collégiens de ce qui existe, à leur dire que tout leur est accessible. Et que si, à 22 ans, un étudiant ne sait pas forcément encore ce qu’il veut faire, qu’il peut changer d’avis, passer d’une filière à une autre, à 14 ans, eux ont tout leur temps pour se décider. "Mais l'important est de démarrer les réflexions et les recherches dès maintenant, car un projet d'orientation et d'insertion professionnelle se construit patiemment et sur le long terme. Souvent, quand on leur parle d'orientation, ils pensent métier. Mais les autres questions à se poser c'est aussi qui vous voulez être ? Qu'est-ce que vous voulez devenir ? Où voulez-vous habiter ? Est-ce que vous voulez aller étudier à l'étranger ? ça leur parle beaucoup. » « Ce qui continue à me surprendre, alors que voilà 10 ans que je travaille dans l'éducation populaire, c'est la force de ces outils. Quand on leur donne la parole, les élèves débattent de manière passionnée, sur ce que veut dire « faire des études » et même sur ce qu’est le bonheur. Souvent ils arrivent à la conclusion que dès qu'on s'investit dans l'apprentissage de quelque chose, on étudie. Que la vie n'est qu’apprentissages, et que chacun trouvera la réponse qui lui convient. » Chaque année, les volontaires sont encouragés à enrichir le projet, apporter de nouveaux outils ou les faire évoluer. Démocampus repose également sur la confiance faite aux volontaires que l’AFEV considère comme des experts de ces thématiques, de par leur expérience. Pour Elina, « l’image du passage de flambeau plaît bien à l’équipe. On entretient la flamme, puis on la passe à d’autres volontaires, d'année en année. Avec la petite graine que nous on a mise. » Pour l’avenir, l’ambition de Démocampus est de toucher plus de collégiens. Et à court terme, de s’adresser plus aux familles, qui jouent un véritable rôle dans l’orientation. Pour les parents, les interventions se font aussi en collège, le soir, sur le même modèle qu’avec les jeunes : informations, travail en petits groupes, échanges avec les volontaires étudiants. L'idée générale est de faire parler les parents entre eux parce que, eux aussi, peuvent être assez stressés par rapport à l’orientation, et notamment aux réformes.
Ma Réussite, le coaching de proximité
Laetitia Debliqui est coordinatrice du programme « Ma Réussite » au sein de L’Association pour la Formation et l’Education Permanente à Tivoli (AFEPT). L’AFEPT porte également l’Ecole de la deuxième chance de Bordeaux. « Ma Réussite » est lauréat du PIC RMPI. Comment a débuté le projet « Ma Réussite » ? Le projet est parti du constat qu’il y avait beaucoup de dispositifs censés aider les jeunes en rupture à se réinsérer, mais qu’ils étaient tous assez lourds, souvent avec des obligations quotidiennes. Certains jeunes n’y sont pas prêts, c’est déjà trop pour eux. On a voulu proposer un accompagnement qui soit très souple, qui propose du temps d’écoute bienveillante, et des outils pour se construire. En quoi consiste-t-il ? Notre approche est essentiellement basée sur des entretiens individuels. Le jeune vient vers nous avec ses problématiques, soit qu’il est perdu, qu’il manque d’envie, qu’il veuille chercher du travail mais ne sait pas comment s’y prendre. Ou encore qu’il rencontre des problèmes administratifs, qu’il envisage de reprendre ses études. Nous lui offrons du temps pour discuter et construire quelque chose ensemble. On précise d’abord avec lui son projet, on « diagnostique » ses atouts et ses freins et on recherche la meilleure façon, pour lui, de parvenir à son objectif. Dans la mise en place de ce projet, on en profite pour lui expliquer qu’il faut qu’il aille s’inscrire à la mission locale, à Pôle emploi, avoir sa carte vitale et sa propre déclaration d’impôts. Que s’il ne le fait pas, il sera bloqué dans sa démarche. L’idée, c’est qu’il se réapproprie le droit commun et qu’il comprenne que ce ne sont pas que des obligations, mais que c’est aussi quelque chose qui va lui servir. On va se centrer autour du jeune, de ses envies, de ses capacités et de ses freins. On va l’aider à construire un objectif qui lui convient. On le conseille mais c’est lui qui prend la décision. Quelle est la nature de votre accompagnement ? On ne fait pas d'accompagnement à proprement parler. On établit un diagnostic en termes de projet professionnel, de niveau de formation, de posture, de disponibilité. Ensuite, charge à nous de lui faire des préconisations, de l’envoyer vers les partenaires les plus adaptés, la mission locale, un parcours santé, des parcours sociaux. Notre objectif c'est toujours de trouver une solution. La majorité du temps elle est professionnelle, un accompagnement spécialisé, une formation, un emploi direct. Mais il y a des cas où c’est un suivi social ou médical. Qui effectue ce travail sur les 5 départements que vous couvrez ? Nous avons 7 coachs sur 5 départements. Un en Deux-Sèvres, un dans la Vienne, un en Charente, deux en Gironde et deux dans les Pyrénées Atlantiques. Ils portent entièrement le dispositif, établissent les partenariats, tiennent des permanences. Ils sont en contact direct avec les jeunes pour faire les accompagnements et les bilans. C'est d'abord un rapport humain. Ensuite, petit à petit, on construit une réinsertion dans ce qu’elle comporte de plus global. Ce qui fait la force de « Ma réussite », c’est que nos coachs se déplacent. Ils reçoivent dans leur bureau, mais surtout ils vont dans des cafés, à domicile, dans un parc, là où se trouve le jeune. Le premier contact se fait comme le jeune le souhaite. En tant que coordinatrice, j'ai la vision d'ensemble sur les 5 départements. Chaque territoire a sa propre façon de fonctionner. Les dispositifs sont les mêmes, mais pas les interactions. Comment se passe le repérage ? Nous avons fait le choix de privilégier le « pair à pair solidaire », en s’inspirant de nos expériences. Même les jeunes les plus isolés gardent au moins un ou deux liens, avec leur famille, avec les camarades de leur dernière année de scolarité. On a fait le choix de sensibiliser leur entourage plutôt que les jeunes directement. En 2022, nous avons établi près de 1 800 contacts avec des « partenaires relais », avec les MFR, les SIAE, dans les mairies, notamment en zone rurale parce qu’elles connaissent très bien les difficultés de leurs habitants. Nous faisons aussi équipe avec des éducateurs de rue, des animateurs, des assistantes sociales. On est très bien reçu par tout le monde. Chaque personne que l'on rencontre nous dit qu’elle connait dans sa famille, dans son entourage, un jeune qui s’est arrêté et qui ne sait pas comment redémarrer. Vous arrivez à identifier tous les jeunes en besoin ? Ce que l’on a mis en place nous permet d'en détecter un certain nombre. Pour faire plus, je pense que le partenariat est indispensable. Par exemple, on est allés aux pieds des immeubles avec des équipes de rue, pour créer des liens. En tant que coach, on n’est pas capables de faire leur métier et à contrario ils ne sont pas forcément capables de faire le nôtre. Pour moi l’avenir c'est d’être ensemble sur le terrain. Même si parfois le partenariat peut s’avérer compliqué à lancer. Depuis septembre, nous avons également mis en place une communication complémentaire vers les entreprises. Dans le cadre de leur démarche RSE, certaines souhaitent proposer des choses à leurs salariés pour leur faciliter la vie. Leurs salariés ont des proches, des enfants, des cousins, qui sont en rupture de parcours. Nous leur présentons « Ma Réussite », comme une solution qu’ils pourraient faire connaître. Intervenir comme ça dans les entreprises, c'est quelque chose d'assez innovant. Depuis novembre, on fait aussi paraître une newsletter avec tout ce qui se passe sur notre territoire et tout ce qu'on met en place. Quelles sont vos observations sur la situation des jeunes ? Nous faisons toujours un peu les mêmes constats. Les jeunes les plus précaires sont fragilisés par la ruralité, par leur environnement familial, etc. Sur des autres dispositifs comme l’E2C, on observe aussi des jeunes qui sont en difficulté psychique, beaucoup de victimes de harcèlement, et des troubles « dys » qui n’ont pas été repérés, d’où leur mise à l’écart. Plus de la moitié ont tenté, à un moment donné, de passer un diplôme que ce soit CAP, BEP ou BAC et qui ont échoué. Je trouve que c'est énorme. Vous effectuez un suivi ? Pendant un an, on appelle les jeunes environ tous les 3 mois, pour savoir ce qu’ils deviennent. Certaines fois, nous n’avons plus de nouvelles, mais c’est plutôt rare. Dans tous les cas, nous avons passé le relais à un autre professionnel. A terme, notre objectif c’est qu’ils deviennent autonomes. On essaie de faire en sorte qu’ils ne connaissent pas d’autres difficultés, qu’ils bénéficient d’un accompagnement adapté. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
Partenaires pour les jeunes
Emilie Guérin Grazide est chargée de projet et conseillère en insertion à la mission locale du Libournais. La structure a mis en place le projet R’accord, lauréat du PIC RMPI (Repérer et Mobiliser les Publics Invisibles) dans la continuité du PIC « IN système »*. Comment avez-vous élaboré le projet R’accord ? Après l‘expérimentation « IN système », nous avions vraiment pris conscience que le repérage des jeunes demande énormément de temps et de présence sur le terrain, et que nous n’aurions pas, à nous seuls, cette capacité à se déployer sur tout notre territoire. Donc on s'est appuyés sur les structures et on a construit R’accord en partenariat. Nous avons aussi réfléchi aux besoins des jeunes et aux solutions pour introduire de la fluidité et du suivi entre les différents acteurs qui gravitent autour de ce public. L’important, c’est de se tenir régulièrement informés entre nous. C'est déjà ce qu'on fait plus ou moins, mais là, nous y avons porté une attention particulière parce que ce sont des jeunes plus fragiles qui peuvent facilement décrocher. Quels types de partenaires ? Nous avons formé un consortium avec l’association Alter Ego pour la mobilité, « Le lien » pour le logement, « Les Cygnes de vie » à Castillon la bataille. Et deux partenaires qui ne sont pas membres du consortium, LEPI (Libournais Equipe Prévention Insertion), association de prévention, et Habitat Jeunes en Pays Libournais. Au fur et à mesure, se sont agrégés des partenaires auxquels on n’avait pas pensé dans un premier temps. Ainsi, nous travaillons depuis un an avec l’ADAV 33, l'association des gens du voyage. Notre démarche est très opportuniste, on est aussi en lien avec toutes les collectivités locales, et dès qu’un partenaire organise un événement ou des actions qui mobilisent potentiellement des jeunes, on essaie d'être présent, de proposer une animation, de se rendre visible. Que comporte le projet ? Opérationnellement, nous avons plusieurs axes de travail. Le premier consiste à conforter et renforcer le partenariat. Concrètement nous organisons des rencontres régulières avec nos partenaires et nous maintenons la proximité avec eux, de personne à personne, de professionnel à professionnel. Sinon, en pratique, environ une fois par mois, nous participons aux maraudes que font déjà les intervenants sur différents territoires. L'idée, c'est de pouvoir entrer en relation directe avec des jeunes, leur parler de la mission locale. Quels sont les deux autres axes ? Le deuxième axe de travail, c’est la mise en place de nouvelles modalités de repérage en allant au plus proche des lieux de vie des jeunes. Pour ça, nous avons créé des temps forts, par exemple une journée autour des questions de mobilité ou autour des jeux vidéo. Nous proposons des animations de présentation des métiers avec des casques de réalité virtuelle, on utilise des simulateurs de conduite pour donner envie aux jeunes de venir nous rencontrer. Notre objectif est de créer des événements pour nous rendre visibles, en utilisant des supports attractifs. Notre troisième axe de travail vise à permettre aux jeunes de se remobiliser. Nous avons choisi la mobilité comme support. On leur propose, par exemple, de passer le code de la route, un prétexte pour leur donner envie d'entrer dans une dynamique d'insertion. Notre but caché, sans leur dire, c'est de travailler leur projet professionnel et de leur proposer ensuite d'aller sur un accompagnement. Avoir le permis, c’est un vrai facteur d’insertion professionnelle. Chez nous, la plupart des jeunes n'accèdent pas à la formation ou à l'emploi, principalement à cause des problèmes de mobilité. Comment faire adhérer un jeune au principe d’un accompagnement ? Il faut d’abord lever les difficultés qui relèvent de sa subsistance. Si sa première préoccupation est de savoir où il va dormir, ce qu’il va pouvoir manger, c'est sûr qu'il ne sera pas en capacité de s'engager dans l'accompagnement. Nous devons très rapidement mobiliser des aides financières en s’appuyant sur les dispositifs de droit commun, sur les associations caritatives pour l'aide alimentaire, et trouver des solutions de mobilité quand elles existent. R’accord a permis de financer des places sur un dispositif d'hébergement d'urgence, des colocations avec l’association Le lien, qui peut les accueillir pour une période de 3 à 6 mois, jusqu'à ce qu'ils trouvent une solution plus pérenne. Quel est le public que vous visez ? Notre cible, c'était les jeunes 16-25 ans qui ne nous connaissent pas, ou qui ne veulent plus venir à la mission locale. Mais on avait aussi envie de cibler les jeunes parents au RSA qui ont un peu de mal à se projeter dans des projets d'insertion professionnelle. Au départ, nous avions pour objectif de toucher 100 jeunes. Par toucher, il ne faut pas forcément comprendre accompagnement. Un rendez-vous à la mission locale est déjà une réussite. Pour l’instant nous en sommes à une cinquantaine, mais nous avons une obligation de moyens, pas de résultats. Sur une de mes journées, si je reviens avec deux jeunes à suivre, c'est déjà énorme. On savait déjà que c’est un travail de fourmi qui demande beaucoup d'énergie pour des résultats très modestes. En plus, on se rend compte que plupart des jeunes de notre territoire connaissent la mission locale, sont déjà suivis par elle ou d’autres partenaires, ou ont été suivis par le passé. En fait, les vrais invisibles, il y en a très peu. A la mission locale, qui participe à R’accord ? R’accord est un projet d’équipe, même si nous avons un animateur recruté pour ce projet. Tous les conseillers sont partie prenante. Dans la mesure du possible, ils participent aux actions de maraude, parce que nous voulons rassurer au maximum le jeune et qu’il n’ait pas à raconter quinze fois son histoire. Le principe est aussi de faire en sorte que son premier interlocuteur soit la personne qui va assurer son accompagnement. Quel bilan tirez-vous de l’action? L’intérêt et la plus-value qu'on voit dans ce projet ce sont les partenariats, ça nous incite vraiment à travailler en complémentarité. Cela nous oblige aussi à sortir de nos bureaux, à réfléchir à des manières d’évoluer pour mieux répondre aux attentes de la jeunesse, comment nous rendre attractifs. R’accord nous a poussés à rentrer dans cette réflexion et à sortir d'une logique institutionnelle, purement administrative. Pour les conseillers c’est un exercice qui s’apprend, ça nous demande de construire une nouvelle approche des jeunes. Pour la mission locale, l’enjeu de visibilité marche dans les deux sens. * IN Système est le projet de 37 Missions Locales, porté en consortium par l’Association Régionale des Missions Locales de Nouvelle-Aquitaine, en 2020 et 2021. Il visait l’accompagnement vers le droit commun de jeunes particulièrement éloignés de l’insertion socioprofessionnelle Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
A Royan, le repérage à la plage
Yoni Pitcho est conseiller à la mission locale de l’agglomération Royan Atlantique. Le projet “In Real Life”, mené conjointement avec la mission locale de Rochefort-Marennes-Oléron, est lauréat du PIC RMPI. C’est quoi In Real Life ? Il s’inscrit dans la continuité d’un autre projet qui a duré 2 ans, appelé « In system », dont l’objectif était déjà le repérage des invisibles. Au début de cette année, nous avons enchainé sur « In Real Life », qui est globalement le même projet, parce que nous avons trouvé la démarche intéressante et utile. L’idée principale, c'est de repérer les invisibles en menant des actions atypiques, hors de nos murs. Pour certaines actions, nous travaillons avec la mission locale de Rochefort. Chacun garde aussi ses projets spécifiques. Notre objectif est de repérer une centaine de jeunes par an et par structure. Quelles sont les actions communes ? La mission locale de Rochefort a une webradio qui s’appelle « On’R ». Cet été ils ont délocalisé leur studio pour faire des émissions en direct, liées ou pas à un évènement, afin de proposer à des jeunes de prendre la parole à l’antenne, éventuellement faire des chroniques. En quoi consistent vos actions de repérage ? Le principe c’est de sortir de nos locaux, parfois sur des horaires décalés, le samedi ou en soirée. On fait aussi ce qu'on appelle des « pieds d'immeuble ». On va dans les différents quartiers de Royan, avec les centres sociaux. Pour organiser des animations ludiques, sportives ou culturelles. Pour l'instant, on y va plutôt sur le temps des vacances. Autour d’un café ou d’un thé, on se fait faire connaître des habitants du quartier. Même si on ne s’adresse pas qu’à des jeunes de 16 à 25 ans, on rencontre les familles, les cousins, les grands-mères, les copains, qui peuvent transmettre notre message. C'est du repérage indirect. Le centre social possède un camping-car aménagé dans lequel on peut recevoir. Si quelqu'un veut faire un entretien tout de suite, parler de sa situation au calme. C’est en quelque sorte notre bureau mobile. Comment procédez-vous ? Nous ne faisons pas la même chose l'hiver et l'été. Notre équipe de prévention tourne sur toutes les villes autour de Royan. Pas tous les jours, mais une fois par semaine ou tous les quinze jours, pour qu’il y ait une récurrence. On ne peut pas se rendre partout, on se concentre sur les points de rassemblement potentiels où on sait que les jeunes se rassemblent, ou ceux qui nous sont signalés. Avec l'expérience, on arrive à mieux cibler les endroits intéressants, les plages et les parcs où les jeunes se trouvent. En hiver, nous tenons des permanences au centre social, on organise à la mission locale des ateliers cuisine, des forums emploi ou apprentissage, des découvertes métiers dans les entreprises… Ce sont des événements ouverts à tout public. Un jeune peut y participer, même s’il n’est pas encore inscrit chez nous. Quel est le rythme de vos sorties ? On a constaté qu’un rythme d’une fois par semaine n'était pas suffisant. Et qu'en été, avant 22 ou 23 heures, les jeunes ne sont pas là. Donc on a aussi adapté nos horaires. Particulièrement dès le début des vacances, avec des sorties quasiment tous les soirs, parce qu’il y a plus de fêtes. L’équipe de prévention, plutôt que de travailler la journée, va tourner le soir et un peu au début de la nuit. Comment abordez-vous les jeunes ? Avec l'expérience on s'est rendu compte que venir les mains dans les poches et se présenter comme conseiller de la mission locale, ça ne marche pas. Alors pour faciliter la prise de contact, entamer la discussion, on leur propose des petits cendriers de plage, des casquettes, des lunettes ou des briquets. Si on dit bonjour à un jeune, ça ne suffira pas à le faire venir tout de suite à la mission locale. Il faut prendre le temps de créer un climat de confiance, apprendre à se connaître avant qu’il nous rende visite. Et puis les discussions ne s'axent pas toujours autour du projet professionnel ou de ce qu’ils font dans la vie. On va les aborder en parlant d’une musique qu’ils écoutent, d’un jeu de cartes qu’ils sont en train de faire. C’est comme ça qu’on essaie de leur laisser quelques infos. On ne les aborde pas frontalement en leur posant des questions sur leur situation. Nous avons très rarement des réactions négatives. Pour être mieux identifiés, que ça ait un effet, on sait qu’il faut être présent souvent mais pas forcément longtemps. Sinon les jeunes oublient notre message. On multiplie les opérations un peu spécifiques, un tournoi de foot, un événement culturel. En été, on va aussi participer aux soirées, organiser le bal de promo du lycée, participer à la nuit du bac. On est dans une petite ville, l’idée c’est de semer des petites graines. A force, on croise régulièrement les mêmes têtes, et ça fait son effet puisqu’ils se confient. Ensuite, ce sont les jeunes qui prennent contact avec vous ? Nous avons toujours des cartes de visite sur nous. S’ils sont d’accord, on prend leur numéro et on essaie de rester en contact. Pour ça, le SMS fonctionne pas mal. L’idéal, c'est qu’ils nous rappellent dès le lendemain pour prendre rendez-vous, mais ça ne marche pas à tous les coups. Selon vous, qu’est-ce qui peut les inciter à venir fréquenter la mission locale ? En fait il y a 2 types de jeunes. Ceux que nous n’avons jamais vus, qui ne savent pas trop ce qu'on fait. Leur connaissance de la mission locale est très limitée. S’ils n’ont pas un copain ou quelqu'un de la famille qui a déjà eu affaire à nous, ils ne nous connaissent pas. Et il y a ceux qu'on n’a pas vu depuis très longtemps et qu'on redécouvre. Ils ne savent pas forcément qu'on peut aussi les aider sur le logement, l'apprentissage, la santé, la mobilité… Une fois qu'on a « accroché » un jeune, il entre en relation avec une personne, un conseiller, plutôt qu'avec la structure. Quand ce climat de confiance est installé, on essaie de leur montrer qu’on a des solutions pour lui. A commencer par nos actions de remobilisation, comme Jump ou « Reste deter ». Vous arrivez à évaluer votre taux de réussite ? Le taux de réussite n'est pas toujours évident à calculer parce que certains jeunes vont réagir tout de suite. D’autres, à qui on va délivrer notre message, ne vont venir que plusieurs semaines plus tard, par exemple en septembre quand ils se rendent compte qu'ils n’ont rien pour la rentrée. On sait que c'est un travail un peu long. Mais c'est la caractéristique de ce public qui n’est pas facile à récupérer. Les jeunes ne viennent pas pour nous faire plaisir, mais quand ils ont besoin. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
Privilégier l'accompagnement global des jeunes
Christine Desport est responsable de secteur Mission Locale Rurale Centre et Sud Vienne (Civray – Vienne). La structure anime depuis 2021 le projet « Inter'Actions Jeunes», lauréat du PIC RMPI. En quoi consiste Inter'Actions Jeunes ? Notre démarche est de repérer les publics fragilisés et de les remobiliser. Dans notre territoire rural, c'est vraiment un enjeu majeur parce que ces « invisibles » existent et qu’ils sont peut-être encore plus isolés que les jeunes de milieu urbain. En plus de leur isolement, ils souffrent du manque de mobilité, notamment de transports en commun. Nous sommes partis de l’idée que nos dispositifs et notre façon de fonctionner depuis des années dans les missions locales, ne correspondent pas à ce public qui manque de repères et de cadres. Comment peut-on les attirer, les motiver à revenir dans la communauté ? Nous avions déjà travaillé sur ce public en 2020, dans le cadre d’un dispositif porté par l’Association Régionale des Missions Locales (ARML) pour le collectif des missions locales. Il nous avait permis d’amorcer les choses, mais on estimait qu'on n’avait pas suffisamment œuvré, essentiellement à cause du contexte très compliqué. Nous avions mis des actions en place, mais on était plutôt sur du repérage. Quelle est votre approche ? Nous avons monté un partenariat local fort. Cela a pour effet de créer une dynamique locale et de nous obliger à repenser notre façon d'agir en direction des jeunes. On voit aussi qu'avec Inter’Actions Jeunes et le Contrat d'Engagement Jeune, nous avons des dispositifs différents et qui, intelligemment combinés, apportent une réponse motivante aux jeunes. En fait, notre métier est en train d'évoluer. Nous étions beaucoup sur l'accompagnement individuel, même si on organisait des ateliers de remobilisation. Ces accompagnements doivent continuer mais l’offre d’ateliers collectifs se renforce. Nous sommes en train de renforcer ce qui forge l’ADN, la valeur première des missions locale à savoir l'accompagnement global, à travers une approche qui a trait à l'animation, pour redonner envie et remobiliser. Inter’Actions Jeunes, comme le CEJ, est vraiment l'affaire de tous les conseillers et non de conseillers spécialement dédiés à ces dispositifs. La mise en place d’ateliers très variés permet de maintenir le niveau de mobilisation et de motivation des jeunes. Cela favorise aussi le raccrochage des jeunes qui peuvent venir expérimenter avant de s’engager. Comment effectuez-vous votre repérage ? La nouveauté, c’est que nous intervenons hors les murs. Deux associations partenaires ont été financées pour l'acquisition d'un minibus aménagé, ce qui nous permet d’aller faire des permanences au plus proche de la population. De plus, nous sommes maintenant labellisés information jeunesse. Nous avons aussi recruté des jeunes en service civique pour être des ambassadeurs auprès des invisibles, ainsi que des lycéens qui peuvent être en situation de décrochage. Nous intervenons également dans les mairies, les MJC ou encore les épiceries sociales pour montrer qu'on existe et pour que les jeunes, les familles, trouvent un interlocuteur de proximité pour répondre à leurs questions. Selon vous, quelles sont les conditions d’un « bon » repérage ? Bien sûr, il faut communiquer sur les réseaux sociaux. Mais je pense surtout que sortir de notre structure est incontournable. Avec le camion AMOR, les permanences chez des partenaires de type MJC, l’appui des jeunes qui sont en service civique. C'est travailler aussi avec des associations sportives pour orienter des jeunes et faire de la remobilisation à travers le sport. Ça pourrait aller jusqu’à tenir une permanence dans un café par exemple. Nous avons même évoqué la possibilité de faire du porte-à-porte, mais ça demande des moyens humains. Sans compter qu’il n’y a pas seulement les jeunes invisibles, il y a aussi tous les autres qu'il nous faut accompagner. Pour l’instant, quels ont été vos résultats ? Nous avons repéré beaucoup plus de jeunes cette année que par le passé. D’ici fin 2023, nous avons prévu un total de 126 jeunes dont 50 en ZRR. Sur notre territoire, les zones péri-urbaines sont limitées, mais elles concentrent le plus de population, donc c'est là où y a le plus de potentiel. Il faut se dire que certains jeunes voient les missions locales comme une nouvelle institution qui implique des obligations pour eux. Il faut casser un peu cette image, le côté très formel de nos accueils, parce que c'est aussi ce qui les dissuade de venir à la mission locale. Nous disons souvent aux jeunes qu’il faut travailler la confiance en soi et oser franchir la porte. C'est aussi à nous de nous adapter, faire la démarche inverse en allant vers eux, nous remettre en cause et revoir notre façon de guider les jeunes. Que faites-vous avec Inter’Actions Jeunes en matière de remobilisation ? Nous avons reconduit des actions comme « Dès-code ton code », pour les préparer au code de la route. Ou « Projette toi », comment un jeune imagine son avenir, pas seulement en termes professionnels. Et puis nous allons beaucoup travailler sur le numérique, afin de raccrocher des jeunes autour d'ateliers plus innovants, comme participer à la Gamers Assembly, travailler sur les fake-news ou sur le pilotage de drone. Certains nous demandent de pouvoir animer un temps collectif pour les autres. Cet été par exemple une jeune a animé un atelier « bien-être » et a donné des conseils pour prendre soin de soi, se maquiller… Nous faisons en sorte d’afficher des activités ludiques, artistiques, même si on continue de leur parler d’insertion professionnelle, de formation. On s'appuie sur des activités proposées par des partenaires, une MJC, un centre socioculturel ou une épicerie sociale qui organise des « journées famille. » Nous avons aussi les vacances accompagnées avec visite d’entreprises, à travers lesquelles on propose à des groupes de partir ensemble une semaine, de monter un budget, etc. Bref, nous essayons de diversifier les choix pour que chaque jeune ait sa place et trouve un intérêt à venir participer. Que font les jeunes ensuite ? Nous évaluerons ce que deviennent les jeunes, quel est le résultat concret derrière. Ça peut être un emploi, une entrée en formation ou en Contrat d’Engagement Jeunes. Mais une sortie positive, ça peut très bien être un jeune qui a travaillé sa mobilité, qui a obtenu son permis de conduire, trouvé d’autres solutions de mobilité, ou encore appris à gérer son budget. Tout ça pour nous, c’est un parcours réussi. Tous les progrès peuvent être valorisés. Je crois qu'il faut voir au-delà du projet professionnel et parler du projet de vie. Les différentes solutions à l’issue du parcours ne sont pas des objectifs absolus en soi, mais ce sont des éléments positifs pour nous. Ça veut dire qu’un jeune trouve sa place dans la société, le monde du travail, qu’il reprend un parcours de formation, qu’il signe un contrat d’apprentissage, un contrat de professionnalisation ou un contrat aidé. Ou encore qu’il s’inscrive dans un parcours d'accompagnement plus intensif avec la mission locale. Quels enseignements tirez-vous de cette expérience ? Cette expérience nous conduit à adopter de nouvelles pratiques en termes d’accompagnement et faire preuve d’innovation, mais aussi à mieux comprendre les jeunes générations et l’évolution sociétale . J’entends trop souvent dire que les jeunes n’ont plus la valeur travail. Mais c’est faux. Ils connaissent la valeur travail mais ils ne la vivent pas de la même manière que nous. A côté de ça, il y a d'autres valeurs qui sont importantes pour eux. Ce sont les curseurs qui ont bougé. On revient sur « l'agir ». Avec les injonctions de placer les personnes en emploi ou en formation, on a eu un peu tendance à oublier qu’il y a des choses à travailler en amont. Et que ça, il faut aussi le financer parce que ça demande beaucoup de temps de travail. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
Mieux se connaitre pour mieux s’orienter
L’une est sophrologue, l’autre dirige une agence de communication. Mères d’adolescents toutes les deux, elles ont constaté que, s’il existe des salons étudiants avec beaucoup d’informations, il n‘existait rien de comparable pour les plus jeunes, de 14 à 16 ans. Il y a 3 ans, elles ont décidé de créer l’association Teen’s Up, dans le but de créer un évènement avec le soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine*, la mairie de Bordeaux, la chambre de métiers et de l’artisanat, la Macif. Dans un premier temps, elles ont réalisé un micro-trottoir auprès d’une centaine de jeunes pour recueillir leurs opinions sur les sujets qui les intéresseraient. De cette démarche sont ressorties 4 thématiques : préserver la planète, se connaître, s’orienter et s’engager. C’est autour de ces sujets que l’association a lancé son premier salon en 2020. Il devait se tenir en présentiel, mais les circonstances l’ont transformé en rencontre virtuelle, à laquelle ont participé une dizaine d’établissements, pour environ 850 connexions aux ateliers à distance. « Notre objectif c'est aussi de valoriser les associations du territoire qui interviennent bénévolement, » précise Sandrine Bocquet, cofondatrice avec Virginie Perrot. « Nous ne voulions pas faire un 2e salon de l'étudiant avec des écoles de commerce ou mettre en avant une formation particulière. Teen’s Up s'adresse plutôt aux élèves de 3e et de seconde, mais c'est ouvert à tous. » 4 thèmes, 4 parcours En 2021, la manifestation a pu avoir lieu physiquement, dans les locaux de la Région et ceux de la bibliothèque Meriadeck, prêtée pour l’occasion par la mairie. Les associations partenaires participaient sous l’égide d’une de ces 4 thématiques. Elles avaient la possibilité de proposer une conférence, un atelier ou un stand, en fonction des moyens humains disponibles sur la journée. Les professeurs inscrivaient leurs classes sur un des 4 parcours proposés, avec des animations, des conférences, des témoignages de jeunes. Elles pouvaient ensuite déambuler dans les stands. Cette édition 2021 a accueilli des classes issues de 32 établissements (lycées, lycées professionnels et collèges), pour un total de plus de 2 000 jeunes. Un des parcours est spécifiquement dédié à l’orientation, les autres sont d'une nature légèrement différente. « Nous pensons qu’un jeune n'est pas qu'une orientation. Avant de choisir telle ou telle formation, il nous paraît important de l’aider à définir ce qu’il aime, en quoi il est bon, ce qui l’attire. » C’est pourquoi l’association a privilégié la présence de professionnels, des « ambassadeurs métiers », qui viennent présenter leur métier et les formations qui peuvent y mener. « Nous avons constaté que les jeunes se dirigent souvent vers le métier de papa, de maman, de l'oncle ou de la tante. Notre moteur à toutes les 2, c'est de planter des graines, de leur ouvrir le champ des possibles, particulièrement aux jeunes en difficulté. Dans le même esprit, nous avons aussi apporté notre soutien à l’organisation de l'événement de la Cité éducative en termes de communication, gestion des flux, ainsi que pour identifier, contacter les professionnels et planifier leur venue pour témoigner de leur métier. Il s’adressait uniquement aux élèves du Grand Parc, un quartier de Bordeaux. Ça n'était pas un événement Teen’s Up, mais ça allait tout à fait dans le sens de notre démarche. » Pour les éditions futures, Les 4 thématiques vont être conservées. L’orientation garde une place prépondérante. Elle permet notamment d’aborder les idées reçues sur les métiers masculins et féminins, de mettre en avant les métiers de l'artisanat. L’idée générale n'est pas tant de les aider à faire leurs choix de matières après la terminale, la première ou la 3e, mais plutôt de les inspirer et de les inciter à se projeter plus loin. Les ateliers « se connaître » ont également connu un vif succès, tandis que les associations « planète » et « engagement » avaient monté des stands ludiques qui ont plu aux visiteurs, comme un atelier de dégustation d’insectes ou un simulateur de deux roues. « L'orientation et « se connaître » restent les 2 sujets principaux. Sans doute en raison d’un certain malaise chez beaucoup de jeunes. Je pense sincèrement que pour choisir une orientation, choisir de s'engager, aborder l’écologie, il faut d'abord se connaître soi-même. C'est ce que je mets en avant. Mais les 4 thématiques plaisent. « Planète » est vraiment un gros sujet, les jeunes sont très investis sur le sujet qui les préoccupe beaucoup plus que les adultes. » Le principe proposé aux classes par Teen’s Up consistait en un temps de préparation de l’évènement, un temps pour le vivre et un temps pour expérimenter. Les classes avaient à leur disposition un kit de préparation, des questions pour chaque parcours. Chacune d’entre elles avait la possibilité de choisir un défi parmi un liste, et de les présenter le jour du salon sur un stand dédié. Les défis les mieux réalisés et les classes les plus investies se voyaient offrir une séance de sophrologie au sein de leur établissement. Déployer le concept en Nouvelle-Aquitaine « Les associations partenaires étaient très satisfaites, d’autant plus qu’elles participent parfois à des événements où elles ne voient que très peu d’élèves. Il reste beaucoup de choses à améliorer, mais le bilan est largement positif. Par exemple, nous avions constaté l'année précédente que les jeunes décrochaient si les formats étaient trop longs. Nous étions initialement partis sur 45 minutes de conférence, nous avons réduit à 30 minutes. » Au regard des résultats, la Région a proposé à Teen’s Up de déployer la manifestation sur Poitiers et Limoges. Les deux cofondatrices se déclarent passionnées par ce projet, mais ne comptent pas arrêter leur activité respective. Pour les aider à préparer l’avenir, elles envisagent d’embaucher une jeune fille qu’elles avaient déjà recruté en alternance pour l’édition 2021. Objectif affiché, passer à 3 000 visiteurs à Bordeaux en novembre prochain, si la place disponible le permet. « Dans ces conditions de développement nous avons également besoin de locaux, que la mairie devrait mettre à notre disposition. Poitiers s'annonce assez bien, nous avons déjà pris un certain nombre de contacts. Ce que l’on cherche, c'est une personne sur place qui connait les établissements, qui peut aller à leur rencontre. Nous avons aussi trouvé une personne à Limoges. Le CRIJ est également d’un bon soutien. Virginie et moi nous faisons beaucoup de bénévolat, même si nous avons une aide financière, mais il nous serait difficile de tout gérer. C’est pour ça que nous avons besoin de quelqu’un d’entièrement disponible pendant 2 mois. » https://teens-up.com/ * Dans le cadre de l’appel à projets « Expérimentations et innovations territoriales en matière d’orientation. »
Bivouac, camp de base de l’insertion
Vincent Péchaud est cofondateur de l’association « La Smalah » située à Saint-Julien-en-Born (Landes). Le projet «Bivouac, le camp des 4 C » est lauréat du PIC « Repérer et mobiliser les publics invisibles » (RMPI). En quoi consiste Bivouac ? En 2018, nous avons lancé une formation de conseiller médiateur numérique avec des jeunes décrocheurs. Cette première expérience de formation nous a montré que certains jeunes avaient besoin de retrouver la motivation et les bases de la sociabilisation, avant de s'engager dans une formation professionnalisante. Le projet Bivouac part de là. Bivouac, c’est un séjour de remobilisation de 21 jours pour des groupes de 12, deux fois par an. Nous aimons bien cette idée de parenthèse dans un projet professionnel, cette grande aventure pendant laquelle on emprunte des chemins. On peut se tromper, se décourager. Bivouac intervient comme un temps de pause dans cette aventure. Les jeunes touchent des indemnités de 15€ par jour. Cela peut paraître peu, mais c'est une motivation supplémentaire. Comment se déroule un séjour ? Nous avons rythmé un séjour de 21 journées avec différents ateliers pour travailler sur 4 compétences clés qui sont la communication, la coopération, la créativité et l'esprit critique. Ça se passe à Saint-Julien-en-Born, dans un milieu très rural et très naturel qui renforce ce côté bivouac. Et puisqu’on est près de la plage, on essaie de lier des activités physiques avec des animations un peu plus intellectuelles, des activités de plein air et des activités d’intérieur. On s'appuie sur les lieux que l'association La Smalah anime. D’abord un café associatif, un vrai lieu de vie dans lequel une quarantaine de bénévoles proposent au moins une dizaine d’ateliers par semaine : cuisine, écriture, lecture, informatique, théâtre, guitare… Nous avons aussi une salle de formation et un plateau technique, le grenier de Mézos, qui comprend des imprimantes 3D, de découpage laser et des machines-outils plus traditionnelles. L'idée de l'atelier, c'est de créer des objets à partir de rebuts (bois, plastiques…). Quel sont les grands principes du programme ? Les 4 premiers jours, les jeunes fabriquent ensemble une borne d'arcade de jeux vidéo, avec différents matériaux trouvés à l’atelier. Ils sont aidés par un menuisier et une designeuse. Pendant la première semaine, nous leur faisons rencontrer des conseillers de Pôle emploi et de la mission locale autour d’un café, pour qu’ils renouent des contacts avec les institutions. C’est l'occasion de signer une période de mise en situation professionnelle (PMSMP) pour faire un stage conventionné la semaine suivante, dans des entreprises locales, des associations, des artisans de notre réseau. Nous leur proposons aussi deux jours d'éducation aux médias, encadrés par des journalistes, avec qui ils réalisent un petit reportage vidéo sur des professionnels et des gens du territoire qui ont quelque chose à raconter, qui peuvent être inspirants. Les participants sont logés ensemble en bungalow, nous en profitons pour travailler aussi sur l'alimentaire et sur le vivre ensemble, parce que souvent ce sont des jeunes qui n’ont jamais vraiment quitté leurs parents. Certains doivent apprendre ou réapprendre la sociabilité. Les derniers jours sont consacrés à « apprendre à te raconter ». Nos jeunes, selon leur parcours, ont tendance soit à se dévaloriser complètement, soit au contraire à se survaloriser. Notre idée, c'est de trouver un juste milieu. On travaille avec eux sur un petit texte de présentation de leurs envies, de leurs besoins, de leurs passions, et on lie ça avec des perspectives de reprise d'études ou de retour à l'emploi. Ils repartent avec une sorte de feuille de route, des objectifs à 3 et 6 mois. Ils peuvent ensuite aller sur une formation un peu plus professionnalisante. Au besoin, nous pouvons continuer à les accompagner dans leur projet. Quel est le public concerné ? Nous touchons vraiment des publics « invisibles », des 18-30 ans qui ne sont inscrits dans aucun dispositif, pour certains qui sont passés par l’aide à l'enfance ou qui ont des problèmes sociaux, de harcèlement à l’école, des problèmes d'addiction. Souvent, ce sont des jeunes isolés, qui n'ont pas beaucoup d'amis, qui ont coupé avec le collectif. Bivouac, c’est l’occasion de vivre une expérience en bande, qu’ils n’ont jamais connue avant. Comment les repérez-vous ? Notre association compte 1 300 adhérents qui sont des parents, des amis, des membres de la famille. Le bouche à oreille fonctionne bien, et l'écosystème de la Smalah est porteur d'une dynamique qui peut les remotiver. Nous mettons aussi en place des campagnes sur les réseaux sociaux, et la mission locale nous donne les cordonnées de certains jeunes qu’elle a vu passer, mais qui ne sont entrés dans aucun dispositif. Même avec tout ça, c'est difficile d'aller débusquer ceux qui restent dans leur chambre à jouer aux jeux vidéo 12 heures par jour. Prioritairement nous visons des jeunes du territoire, mais ça a du sens pédagogiquement d’en faire rentrer qui viennent d’un peu plus loin ou d'autres milieux. Ainsi nous gardons toujours deux places pour des demandeurs d'asile et des réfugiés. C'est intéressant aussi pour les jeunes de se confronter à l'altérité. Avec le recul, quel bilan tirez-vous ? Nous avons identifié des choses à modifier dans notre dispositif. La durée de 21 jours marche très bien, nous n’avons eu qu’une seule personne qui a décroché sur les trois promotions. Mais la temporalité (deux par an) est compliquée pour les jeunes, parce qu’il faut réussir à les avoir au bon moment. Ce serait mieux de pouvoir les accueillir au fil de l'eau. Nous sommes en train de repenser un peu les choses, plutôt pour 2024. D’ici là, le dispositif restera globalement le même. Pour l’instant, les groupes ont très bien fonctionné, peut-être parce que on n'est pas du tout dans un système classique. On est plutôt dans une sorte de colonie de vacances où on travaille sur soi. Avez-vous rencontré des difficultés particulières ? Outre le problème du sourcing, la question du logement nous cause plus de problèmes que prévu. Nous sommes dans un territoire qui est marqué par la saisonnalité, avec une surpopulation en été et donc aucun logement disponible. L’hiver, plus personne, et toujours pas de logement disponible, ou alors loués très cher. Par ailleurs, nous rencontrons des jeunes qui ont des problèmes psychosociaux et médico-sociaux importants. Souvent ils sont sous traitement, une sorte de palliatif à leurs difficultés d’accéder aux soins. Nous n’avions pas forcément identifié qu'il y aurait autant de problème là-dessus. Heureusement, nous avons associé une psychologue à l’équipe pédagogique qui nous aide à identifier les éventuels freins périphériques, des choses qui empêchent d'avancer. Pendant les 3 semaines, elle reçoit chaque jeune à plusieurs reprises. Le cas échéant, elle peut aussi faire le lien avec des dispositifs de soin. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
La solidarité, source d'apprentissage
Leslie Terrasson et Valentine Jaulin sont chargées de développement local pour l’AFEV, respectivement à Bordeaux et à Poitiers. Elles animent le programme « Apprentis solidaires », un service civique particulier puisqu’il est aussi une Prépa apprentissage. D’où vient le programme Apprentis solidaires ? Apprentis solidaires est une idée qui a émergé en 2016 à Grenoble. Faisant face à des difficultés de recrutement, EDF a contacté l’AFEV pour que des jeunes en service civique travaillent sur leur projet professionnel dans le but d’intégrer ensuite une formation avec EDF. Par la suite, l’AFEV a mené une réflexion plus large sur les problèmes de recrutement des entreprises. En s’appuyant sur le service civique, qui constitue une première expérience permettant aux jeunes d’acquérir les codes du monde du travail. Nous sommes convaincus des bienfaits de l’engagement des jeunes. Ceux que nous accompagnons développent des compétences, des savoir être et une confiance en soi qu’ils peuvent mettre au service d’un futur apprentissage. Notre approche est un peu originale par rapport à d’autres prépas apprentissage, puisque l’AFEV n’est pas connue pour ça. Justement, pourquoi l’AFEV s’est-elle positionnée sur une Prépa apprentissage ? Parce que cela rejoint l’objectif de départ de l’AFEV, de lutter contre les inégalités d’accès à l’éducation et d’accompagner des jeunes en situation de décrochage scolaire auxquels le système classique ne convient pas. Nous utilisons le levier des missions solidaires et de l’engagement des jeunes pour les remobiliser, leur donner un sentiment d’utilité, leur redonner confiance en eux. A travers l’aide qu’ils vont apporter aux autres, ils trouvent une place plus valorisante dans la société. « Apprentis solidaires » est un service civique ou une Prépa apprentissage ? Les deux. Le dispositif s’appuie sur trois piliers, l’engagement associatif et les missions solidaires, le travail sur le projet professionnel et les PMSMP, enfin la remise à niveau sur les savoirs de base. L’originalité du projet réside dans les missions de service civique, ce qui va permettre aux jeunes d’avancer d’une autre manière, c’est un plus dans leur parcours. L’idée est de leur faire découvrir l’engagement associatif. C’est nouveau pour eux puisque leur milieu ne les a pas forcément sensibilisés à ça. L’engagement citoyen leur montre qu’être utile à la société leur fait du bien. Ils ont souvent connu un parcours scolaire ou de vie marqué par l’échec et la dévalorisation. Passer une journée dans une épicerie solidaire, par exemple, leur fait prendre conscience qu’ils savent faire des choses, qu’ils ne sont pas bons à rien, qu’ils ont des compétences. Quels publics visez-vous ? Apprentis solidaires est ouvert à des jeunes qui ont au maximum un niveau bac non validé. On s’adresse à des publics en rupture avec le système scolaire classique pour qui les solutions de formation sont soit l’alternance, soit la formation professionnelle. Cette dernière est plus compliquée parce qu’il faut remplir certaines cases pour avoir des financements. Nos jeunes rencontrent aussi des difficultés très importantes de logement, de violences, de santé, de mobilité. Si on ne travaille pas sur ces questions-là avec eux, ils ne peuvent être disponibles pour un apprentissage. Cet accompagnement social est une autre spécificité du programme. Il faut aussi qu’ils aient envie de se former par l’alternance, qui est une modalité intéressante pour eux, particulièrement ceux qui sont en décrochage. Avec Apprentis solidaires, ils bénéficient d’un accompagnement plus cadré, d’un service civique un peu adapté. Pendant les 6 mois qu’ils passent avec nous, ils ont des temps de réflexion et de préparation approfondis sur le projet professionnel, les techniques de recherche d’emploi (CV, lettre de motivation), etc. Des choses qu’ils n’ont fait que survoler. Ce sont des outils qu’ils ont besoin d’avoir dans leur vie professionnelle et qu’ils ne maîtrisent pas encore. Comment se passe l’intégration d’un jeune dans Apprentis solidaires ? Un jeune qui arrive démarre tout de suite les missions solidaires et le travail sur la construction de son projet professionnel. On lui propose de faire deux stages de 15 jours en PMSMP. L’objectif final est qu’il postule à un contrat d’apprentissage. On mène vraiment les deux de front, dès le démarrage du service civique. On sait que beaucoup de ces jeunes n’ont pas les codes, qu’ils n’arrivent pas à décrocher un contrat d’apprentissage parce qu’ils ne savent pas faire un CV et une lettre de motivation. Quand ils arrivent à l’entretien, ils n’ont pas la bonne posture, la tenue adaptée, le langage approprié. Même quand ils décrochent un contrat, il y a rapidement des ruptures. En pratique ça se passe comment ? Avec les missions solidaires, on continue à travailler sur le projet du jeune, puisqu'on lui fait prendre conscience des compétences qu’il développe. Nous partons de son projet professionnel, de ses envies. Par exemple, un jeune qui veut s’orienter vers les métiers du BTP, on va le diriger vers l’association « habitat humanisme » qui fait de la rénovation de logement pour des personnes en difficulté. Le fil rouge, c’est le fait d’apporter de l’aide aux autres, en plus d’acquérir des compétences. Par ailleurs, un jeune qui s’engage en service civique, ça en dit beaucoup sur qui il est, sa sensibilité aux autres. Et ça peut plaire aux entreprises. Nous pouvons aborder tous les secteurs. Cela dépend du projet du jeune. A nous de créer les ponts vers le secteur qui l’intéresse. Les PMSMP sont là pour confirmer ou non son envie de départ. Au travers de missions solidaires, les jeunes peuvent aussi se rendre compte de ce qu’ils veulent faire. Quelles sont les autres activités proposées ? Ils ont une remise à niveau qui fait également partie du service civique, à raison d’une demi-journée par semaine (français, maths, numérique). Nous travaillons également avec des associations sur des ateliers très spécifiques de technique de préparation d’entretien, de présentation, des ateliers théâtre pour améliorer la prise de parole en public, affirmer sa confiance en soi. Ou encore un atelier jeu coopératif pour travailler la cohésion d’équipe. Toute une série d’actions qui ne sont pas présentes dans un service civique classique. Combien de participants encadrez-vous ? Une dizaine par promotion. Pour trouver des candidats, il faut s’approcher du secteur médico-social, là où sont les jeunes. Ça demande un travail de fourmi d’aller rencontrer en amont les centres d’animation, les associations, faire connaître le dispositif. Et puis l’AFEV n’est pas connue sur ce terrain-là, nous sommes plus connus par le public étudiant. On ne croule pas sous les candidatures. Sans compter le caractère hybride du programme. Il faut que les jeunes soient à la fois partants pour l’alternance et pour les missions solidaires. Est-ce qu’un service civique qui est aussi Prépa apprentissage demande une organisation spécifique ? C’est une ingénierie de projet un peu particulière, un travail qui est toujours en cours. Le profil des intervenants est différent de ceux qui encadrent habituellement les services civiques. Nous sommes toujours sur la lutte contre les inégalités, mais d’une manière très différente. Pour son recrutement, l’AFEV s’est tourné vers des éducateurs, des formateurs ou des professionnels de l’insertion professionnelle. Le travail sur le monde économique est nouveau pour nous. Dans un premier temps, nous avons essayé de nous faire connaître des fédérations des professionnels et des entreprises, pour le stages et l’orientation. Ça se fait petit à petit en fonction des jeunes que l’on reçoit et de leur projet. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
Collégiens et entreprise, l’expérience « stages des talents »
Rapprocher l’école et l’entreprise est le principe du projet « Stages des talents ». Initialement porté par l’association « Talents de la réussite », fondée par Anaïck Jusy, il l’est aujourd’hui par une autre association, « Entreprendre pour apprendre », dont elle est devenue entretemps directrice pour la Nouvelle-Aquitaine. « Stages des talents » a pour ambition de traiter différents problèmes liés aux stages de classes de 3e. Soit les collégiens n’en trouvent pas ou trouvent des stages peu adaptés, soit les entreprises n’ont pas le temps ou les moyens d’accompagnement nécessaires pour accueillir un stagiaire sur une semaine. « J’ai mené une expérimentation dont j’ai préparé toute la structuration pédagogique, avec le rectorat de Bordeaux et le collège Capeyron de Mérignac. Nous avons bâti le principe d’un stage collectif d’une semaine afin d’accueillir des groupes d’élèves et ne mobiliser chaque entreprise que le temps d’une visite. » Le programme proposé aux collégiens lors de cette expérimentation a servi de base pour « stages des talents ». La première journée est consacrée à des activités de cohésion, les jeunes évoluant par groupes de 4-5 élèves. On aborde l’entreprise à l’aide d’une « carte mentale » enrichie tout au long de la semaine. L’après-midi, travail sur le CV, suivant le principe du « j’apprends en faisant ». « Nous leur donnons différents CV en leur demandant de se mettre dans la peau du recruteur, analyser de ce qui convient ou pas, ce qu’il faut mettre et éviter de mettre. » La journée se termine par un escape game de découverte de l’économie locale : les grandes filières d’activité, les différents emplois, etc. Autre objectif, aborder les questions d’égalité femmes hommes. La deuxième journée débute par un atelier ludique sur ce thème. « Dans une classe de SEGPA, les enseignants nous disaient que les filles avaient tendance à se diriger toujours vers les mêmes filières comme les services à la personne. Nous avons voulu pousser en avant les femmes qui travaillent dans l'industrie. » Ensuite, préparation des visites proprement dites. Les jeunes jouent un rôle actif, ils doivent effectuer des recherches sur les entreprises qu’ils visiteront, et doivent présenter le résultat de leurs recherches aux employeurs. Ils remplissent des fiches avec les informations recueillies sur Internet : les activités de l’entreprise, comment elle gagne de l’argent, quelles sont les conventions de son milieu, ses actions en faveur du développement durable, etc. Des visites actives Ils font aussi un focus sur deux métiers, que chaque groupe doit présenter aux personnes qui pratiquent ces métiers dans l’entreprise. Les visites durent 2 à 3 h, elles sont intenses dans leur contenu. « Tout l’intérêt du processus est qu’ils arrivent en étant actifs. Cela enrichit les échanges lors de la visite. En amont, nous donnons les outils pédagogiques aux entreprises. Je fais aussi un travail de repérage préalable pour voir quelle thématique traiter, sur quel sujet appuyer. » Cette dynamique se poursuit pendant 3 jours, en variant les secteurs d’activité, les types d’entreprises. Le dernier jour est consacré à la restitution. Le matin, un exercice de formalisation vidéo par groupes. L’après-midi, des exposés individuels de 2 minutes pour que chaque élève dise comment il a vécu la semaine. Un mois plus tard, une évaluation à froid permet de savoir quelles compétences ont été acquises et les apports de l'expérience pour chaque participant. Pour toutes leurs activités, les élèves sortent de leur établissement. Ils ne restent pas dans le cadre scolaire afin de travailler différemment. Les enseignants adhèrent à cette formule, d’autant plus qu’ils ne disposent pas du temps et du réseau nécessaire à mettre en place un tel dispositif. Mêmes retours du côté des entreprises qui apprécient le côté interactif avec les élèves. Les questions posées leur permettent de voir comment elles sont perçues. Par ailleurs la formule n’est pas chronophage, parce qu'elles n'ont rien à préparer avant les visites. À la base, le projet était ouvert aux stages d'observation de 3e, mais en raison des nombreuses demandes, il concerne désormais des classes SEGPA, des CAP ou des 3e générales pour la préparation des stages. « L’idée est d’apporter aux jeunes des attitudes et des compétences entrepreneuriales qui puissent leur servir ensuite dans le monde professionnel. Nous avons bâti différentes activités autour de çà, pour qu’ils développent des compétences, des activités de groupe, la connaissance de l’entreprise, ainsi que la prise de parole en public. » Les élèves participants sont mobilisés par les établissements scolaires, soit par classe entière, soit par groupes d'élèves de classes différentes. Quand un établissement s'inscrit, il choisit les entreprises qu’il voudrait faire découvrir à ses élèves, en fonction de leur profil. L’association s’adapte autant que possible à leurs attentes. Elle ne vient pas avec un catalogue d'entreprises clé en main. Il faut compter 3 mois pour mobiliser les professionnels sur un territoire. « On s'attache beaucoup au territoire. L'important c'est de recruter des entreprises implantées localement parce que ça permet aux élèves de découvrir l'économie et l'écosystème locaux. L'établissement scolaire en fait d’ailleurs lui-même partie. Cela facilite également les questions de transport. Mais le premier objectif c'est de découvrir le territoire, ce qui se passe autour d'eux.» Démystifier le monde de l'entreprise « Stages des talents » ambitionne d’être une ouverture vers le monde de l'entreprise, une première approche qui aborde le contexte professionnel et toutes les aptitudes et les compétences qu'il faut développer. Il permet également de démystifier l’entreprise auprès des jeunes, qui ont tendance à l’imaginer comme un milieu très austère. On leur parle de valeurs et de performance en leur montrant qu'elle n’est pas que financière, mais aussi humaine, respectueuse de l'environnement, etc. « Depuis la première action en novembre 2020 au collège Jeanne d’Albret à Pau, nous en avons programmé 5 autres. Maintenant nous réfléchissons à la manière d’aller chercher les enseignants pour ce type de projet, puisque ce sont toujours un peu les mêmes établissements qui participent. Nous avons fait une étude qui montrait que 70 pour 100 des enseignants qui venaient étaient des personnes qui avaient connu autre chose que l'enseignement dans leur parcours. Finalement, ils apprennent autant que les élèves. C'est pour cela que nous souhaitons accentuer la formation des enseignants, les faire monter en compétence sur la pédagogie de ce genre de projet. »
L'orientation en formule colo
Pour Delphine Lacaille, fondatrice de Colombus (Bordeaux), l'orientation ne se fait pas uniquement à partir des résultats scolaires d’un élève et de son niveau dans les différentes matières. Faire des choix de vie ou de formation nécessite de prendre en compte beaucoup d'autres paramètres. « Si on veut agir en prévention plutôt qu’en réparation, il faut investir dans le périscolaire en complément de ce qui se fait à l’école. Le cœur du sujet c’est que pour aider les jeunes à faire leurs choix, je crois à l’action de terrain, à la découverte et aux expériences, aux rencontres et aux échanges. C’est ce que j’ai eu envie de proposer avec Colombus Camp. » L’idée générale du programme Colombus Camp est d’organiser des séjours d’une semaine, pendant les vacances scolaires, sur le modèle des colonies avec toutes les activités habituelles : soirées, jeux, temps libres, piques niques, etc. Au programme de chaque journée, des visites d’entreprises et des ateliers « clés pour soi » de développement personnel. C’est un cadre ludique bienveillant proposé aux jeunes de 12 à 17 ans , qui permet de dédramatiser les questions d’orientation et de les aborder sans pression. « Je suis persuadée que la colonie de vacances est un lieu de développement personnel, de lien et de mixité sociale qui permet d’atteindre les objectifs du programme tant au niveau humain que dans l’accompagnement en orientation. » Un univers par jour Les séjours sont thématisés, sur le principe « 5 jours 5 univers ». Chaque journée de visites est dédiée à un thème différent : nature et environnement, art et culture, santé et solidarité, commerce et artisanat, industries et technologies. Les entreprises sont choisies en fonction des lieux et de l’économie locale. Les jeunes sont en quelque sorte mis dans la situation de reporters, de façon à les rendre les plus actifs possible lors des visites et les pousser à poser des questions. L’économie sociale et solidaire ainsi que les technologies numériques sont toujours abordées dans la démarche. « Par exemple, lors de la journée arts et culture, on peut aller chez un artisan qui utilise peu ou pas du tout d’outils numériques, ou une startup qui fait du marché de l’art en ligne. Nous cherchons un équilibre entre le traditionnel et l’innovant, la petite structure et la plus importante, des parcours atypiques et des parcours plus linéaires. Afin qu’il y ait des typologies différentes en termes de métiers et de témoignages. » Colombus Camp s’adresse à deux publics. D’abord les 12-14 ans, qui ne se trouvent pas encore à proprement parler dans une démarche d’orientation. Ils y sont tout de même sensibles, notamment ceux qui envisagent de rejoindre une filière professionnelle à l’issue de la 3e. Le pari du programme c’est de leur apporter un nouveau regard sur ces questions, de façon ludique et sans stress. « Finalement il n’y a pas d’âge pour les motiver, leur donner des outils, les rendre acteurs de leur parcours. Plus on commence tôt, mieux c’est. A cet âge, on est encore sur de l’éveil, dans une curiosité plus naturelle, spontanée. Quand on s’occupe des décrocheurs ou des jeunes de 16 à 20 ans, la démarche est plus complexe et demande du temps individuel et sur mesure . » Deuxième public visé, les 15-17 ans, plus compliqué à mobiliser, dont la préoccupation immédiate s’appelle Parcours Sup et son éventail d’options. « Notre rôle c’est de faire le lien entre l’école et le sens qu’ils vont donner à leurs choix sur le terrain. Avec les rencontres professionnelles, on les aide à faire leurs choix en confiance et en conscience. On leur montre qu’ils peuvent déterminer leur orientation en rapport avec leur vocation, ou en suivant des voies différentes. On s’adapte vraiment à chaque profil, en essayant de leur donner des outils pour supprimer l’autocensure et les freins à leurs envies qu’on appelle les croyances limitantes. Mon rôle est de trouver des visites intéressantes et des rencontres inspirantes pour que les moments partagés soient un plaisir autant pour les professionnels que pour les jeunes. » « Je travaille avec des coachs certifiés, puisque l’accompagnement en développement personnel est un vrai métier technique. Deux structures m’accompagnent : ApiEco qui travaille sur la « permaculture humaine », le concept de permaculture attaché à l’humain. Et un coach scolaire, « Etud’avenir », une professionnelle de Parcours sup, des filières, une sorte de conseillère d’orientation 2.0. » Un travail partenarial Colombus travaille également en partenariat avec l’association « Cap d’Agir » qui fait de l’accompagnement à la scolarité en quartier prioritaire de la ville. Les jeunes suivis dans le cadre de l’aide aux devoirs se voient proposer des sessions individuelles d’orientation et des sessions collectives pendant les vacances. Ils pourront également bénéficier de stages en entreprise avec le « Pass métiers » de la chambre de commerce et d’industrie qui propose aux jeunes de faire des stages en entreprise pendant les vacances scolaires. En complément des colonies de vacances, Colombus souhaite développer d’autres partenariats avec des structures diverses comme les missions locales, les tiers lieux, les établissements scolaires, les centres d’animation. La méthodologie d’accompagnement des adolescents de 12 à 16 ans leur est présentée : connaissance de soi, renforcement des apprentissages, développement de la curiosité sur le terrain, rencontre de professionnels inspirants, afin que les structures qui le veulent mettent en place la démarche sur leur territoire. « Nous lançons un autre programme qui s’appelle « Colombus mentoring », un accompagnement individuel sur mesure qui peut répondre à des urgences d’orientation, plus spécifiquement pour des jeunes de 3e qui vont probablement être orientés dans une filière professionnelle, et qui n’ont aucune idée du métier qu’ils veulent choisir. On va agir pour une orientation choisie plutôt que pour une orientation subie, grâce à cet accompagnement individuel et des stages, pour qu’ils vérifient avant ce qui leur convient. Nous allons le proposer aussi à des lycéens qui n’ont aucune idée des vœux qu’ils vont faire, qui ont eux aussi besoin d’accompagnement individuel. » Pour l’instant, le programme Colombus camp propose des séjours à Arcachon, ainsi qu’à Bordeaux en partenariat avec Aerocampus avec des jeunes qui sont accueillis en résidence sur leur site. Une journée est consacrée à l’industrie et la technologie aéronautiques, les 4 autres à des visites dans diverses entreprises du territoire. D’autres villes seront concernées à terme, comme Poitiers, Limoges, Pau, La Rochelle. Le but est d’accueillir des jeunes de ces villes dans les autres lieux de Nouvelle-Aquitaine, afin de créer de la mobilité et de leur permettre de découvrir d’autres territoires que le leur, de créer du lien entre ruraux et urbains, de leur faire de découvrir différents écosystèmes pour se préparer au monde d’aujourd’hui et de demain.
AZIA, pour la valorisation des métiers et l’attractivité d’un territoire
Vivre et travailler sur le territoire est une problématique que partagent beaucoup de zones rurales. La Soule, région du Pays basque, ne fait pas exception. A Tardets, l’association AZIA, association « de jeunes pour les jeunes » dont les bénévoles ont entre 18 et 35 ans, s’est pleinement emparée du sujet depuis plusieurs années. En 2015, elle a mené un diagnostic de territoire pour évaluer la situation économique et de l‘emploi. « Avec cette enquête on s'est rendu compte que les jeunes Souletins partaient faire leurs études dans les grandes villes, et qu'ils ne revenaient pas sur le territoire parce qu'ils ne pensaient pas pouvoir y trouver de l'emploi, » explique Laure Etcheberriborde, animatrice territoriale. « De l'autre côté, des chefs d'entreprise qui voulaient intégrer des jeunes pour qu'il y ait des nouvelles dynamiques dans les entreprises. C'est de là que l'idée du « guide de l'emploi » est née. » Le guide de l’emploi est un classeur qui contient une présentation économique du territoire de la Soule et des fiches où des professionnels de 7 secteurs d'activités du territoire expliquent leurs métiers, leurs atouts, leurs contraintes, les études qu'ils ont suivies. Particularité, ces professionnels sont des jeunes actifs, peut être plus à même de s’adresser à leurs pairs et à les intéresser à leur parcours. Il est disponible à une trentaine d'exemplaires dans les services publics, mairies, mission locale, centre multi services, bibliothèques et CDI des établissements scolaires. « Nos partenaires sont des entreprises qui nous ont soutenu financièrement pour créer cet outil. Nous avions lancé une campagne de mécénat qui avait très bien marché, parce que l'association est bien connue. Nous travaillons en réseau avec toutes les structures du territoire, les associations, Pôle emploi, la mission locale, les chambres consulaires, les établissements scolaires, la communauté d’agglomération, qui sont associés dans le comité technique et le comité de pilotage du guide. » Des témoignages en vidéo Pour être encore plus attractif, l’outil papier est complété par des vidéos disponibles sur les réseaux sociaux et le site Internet de l'association. Les bénévoles de l’association ont suivi des formations en tournage et montage avec une société coopérative de production audiovisuelle locale, Aldudarrak bideo (Bidarrai). Ils se sont ensuite rendus sur le terrain à la rencontre des jeunes pour recueillir leurs témoignages. La première version du guide, réalisée en 2018, comportait 24 fiches. Pour la nouvelle en cours d’élaboration, l’association bénéficie du soutien financier de l’appel à projet régional « expérimentations et innovations territoriales en matière d’orientation ». « Notre but, c'est de continuer à alimenter l’outil. Tous les 2 ans, deux secteurs d'activité avec une dizaine de nouveaux témoignages. Cette année, c'était une mise à jour pour la santé et l'industrie. Nous avons aussi envisagé de faire un nouveau diagnostic, d’aborder des secteurs qu'on n'avait pas vus pour la première édition. » AZIA intervient également dans les établissements scolaires en partenariat avec l'Odace, Organisation pour le Développement par l'Action et la Coopération Economique, le centre d'appui aux entreprises de Soule (Libarrenx). Elle propose un parcours d'orientation destiné aux collégiens de 3e, qui se compose de 4 ateliers suivis de visites d'entreprises. Le premier atelier sert à faire connaissance, le deuxième à présenter le guide et les vidéos. Le troisième atelier est consacré à la préparation des visites d'entreprises. Les élèves sont pleinement impliqués, ils choisissent les entreprises parmi celles qui leur sont proposées, les contactent et préparent des questionnaires. Après les visites, c’est le temps des bilans, l’occasion de savoir comment améliorer les ateliers, ce qu’ils pourraient apporter de plus. En fin d'année, AZIA rencontre les équipes pédagogiques, les établissements scolaires et les entreprises pour recueillir leurs impressions. « Par nos interventions, nous touchons environ 300 jeunes par an. Nous essayons de couvrir tout le territoire de la Soule, mais on ne peut pas aller dans tous les établissements scolaires. Nous demandons une participation financière pour les animations, mais tous ne peuvent pas. Dans les ateliers, nous constatons qu'il y a beaucoup de jeunes qui ne sont jamais entrés dans une entreprise, qui ne savent pas ce que c'est. C'est vrai que la classe de 3e c'est tôt, mais on veut tout de même leur montrer ce qui est possible sur le territoire, éveiller leur curiosité en découvrant des entreprises, même si elles ne les intéressent pas spontanément. » Toucher tous les publics En 2018, des présentations avaient été faites pour le grand public, dans 4 villages de la Soule, pour présenter l'outil, montrer ce qui avait été fait, savoir comment les habitants voyaient leur territoire et son évolution sur l’emploi et sur leur vie quotidienne. AZIA reçoit des jeunes toute l’année, et les aide sur l'orientation puisqu'elle est labellisée réseau d'information jeunesse (PIJ). Ils peuvent consulter de la documentation sur les formations, sur le logement, apprendre à faire leur CV et leurs lettres de motivation. Le guide de l’emploi est venu combler un manque en proposant un outil spécifique à la Soule. L'association propose aussi des conventions de stages, notamment pour ceux qui ont découvert une entreprise et qui souhaitent y faire leur stage de 3e. « Nous avons aussi été sollicités pour présenter notre guide lors d'une plénière sur l'orientation à Anglet en début d'année. Nous avons rencontré d'autres structures, qui ne nous connaissaient pas forcément, et qui nous ont demandé de venir présenter ce qu'on faisait, et de parler de ce qu'on pourrait mettre en place ensemble. Ce projet pourrait essaimer sur d'autres territoires. » « AZIA est une petite structure, elle est vouée à connaître beaucoup de changements. En ce moment, il existe une bonne dynamique sur les jeunes qui veulent rester sur le territoire, qui veulent s'impliquer au maximum. Nos jeunes font partie d'autres associations comme les comités des fêtes, les clubs de sport. Le guide, ça a été un gros travail mené par des bénévoles qui y ont consacré beaucoup de leur temps. C’est maintenant à la nouvelle équipe de reprendre le flambeau et de continuer de le développer. » http://azia.xyz/
Des campus de projets pour les jeunes ruraux
La Communauté de Communes Parthenay-Gâtine rassemble 38 communes. Elle résulte de la fusion, en 2014, de 4 communautés de communes antérieures (Parthenay, Secondigny, Thénezay, Ménigoute). Dès le départ, les élus ont engagé une réflexion sur un projet de territoire qui s’est notamment traduit par le développement d’une politique attractive pour la jeunesse. En parallèle, la Gâtine et le Bocage (Bressuire) ont, à l’époque, réalisé un diagnostic jeunesse qui a souligné l’importance des partenariats locaux, la nécessité de créer des lieux identifiés et de mieux associer les jeunes de 16 à 30 ans dans la mise en œuvre des actions. Cette volonté a débouché sur la création du projet « les jeunes s’en mêlent » dont la coordination est aujourd’hui assurée par l’association « Bogaje » pour « Bocage Gâtine Jeunesse ». Son ambition est de couvrir le territoire d’espaces d’accueil et d’accompagnement des jeunes, les « campus ruraux de projet ». Ces lieux ont pour vocation de favoriser la création d’activités et de projets citoyens, ainsi que de proposer des services de proximité. Les jeunes doivent pouvoir y trouver de quoi maitriser leur parcours de vie et continuer à vivre sur le territoire s’ils le désirent. Une logique de réseau « Notre objectif, c’est de mettre en place des campus pour les jeunes locaux de 16 à 30 ans et de mettre en réseau ces espaces pour être en harmonie sur tout le territoire, » décrit Alexis Bailly, coordonnateur jeunesse de la communauté de communes de Parthenay Gâtine. « Jusqu’à l’adolescence nous avons un foyer de jeunes, mais il y a un vide dans l’accompagnement des autres tranches d’âge. Nous voulons aussi prendre en compte le lien inter générationnel et interprofessionnel, et laisser une place pour les échanges et l’apprentissage de pair à pair. » Chacun des sites a pour ambition d’accompagner la mobilité et l’autonomie des jeunes dans tous types de projets : loisirs, culturels, professionnels (CV, permis de conduire). Ils auront également pour mission de faciliter l’accès aux droits, aux savoirs de base numériques, à la transmission de savoirs et savoir-faire en adéquation avec le territoire. A terme, il est envisagé qu’ils soient labellisés information jeunesse. « Ce sont des lieux novateurs, expérimentaux. Ils sont ouverts à tous, sans exclusive, autant pour des demandes individuelles que collectives. Ils s’adressent aux jeunes actifs salariés, à ceux qui font des études supérieures et qui souhaitent venir y travailler, mais aussi les décrocheurs connus de la mission locale, en lien avec la Garantie Jeunes. Les campus se doivent permettent de jeter des passerelles entre eux, mixer les différents publics et usagers. » Le site de Ménigoute, ouvert depuis 2020, est pour l’instant le seul à être pleinement opérationnel. Il occupe les locaux d’un ancien bistrot, situé en centre bourg. Il comprend un espace détente, des postes informatiques en libre accès. A l’étage, des logements dédiés. En l’absence d’adultes, les jeunes peuvent accéder au lieu avec leur « CVQ » (Carte de Vie Quotidienne). Le référent jeunesse (un par territoire) et la mission locale y assurent des permanences. « Le référent jeunesse est à la croisée de tout, il est un peu homme ou femme à tout faire. Il reçoit les jeunes, analyse leurs besoins, et peut servir de passerelle avec d’autres interlocuteurs comme la mission locale, la CAF, la MSA, une auto-école, un employeur potentiel, etc. Il travaille beaucoup au cas par cas. » Le covid a freiné la montée en charge des campus. Ils ont dû s’adapter aux besoins des jeunes en lien avec la crise sanitaire. D’où la distribution de paniers alimentaires en lien avec les associations caritatives. Les référents jeunesse reçoivent régulièrement les jeunes pour savoir comment ils vivent la période. Leur principal problème est le manque de projection. Associer les jeunes au projet Les autres sites se préparent à ouvrir pleinement d’ici à la rentrée. A Thénezay le campus a investi les locaux d’un ancien site de coworking. A Secondigny et Parthenay, les jeunes, les partenaires associatifs et les élus sont associés à la démarche. Quelques projets culturels ont déjà émergé. « Les jeunes ont été associés dès le départ à des groupes de travail. Nous avons fait des micros-trottoirs à Parthenay pour recueillir leurs besoins avant de lancer la réflexion. Nous captons leur parole dans les clubs sportifs, les associations culturelles, les lieux d’hébergement… A partir de cela, nous allons mobiliser un groupe autour du projet. C’est en cours aussi à Secondigny. » Les dynamiques associatives ne seront pas les mêmes sur les 4 territoires. Chaque pôle structurant a des problématiques différentes, même s’ils ne sont situés qu’à quelques dizaines de kilomètres les uns des autres. « Lorsque nous réunissons les référents jeunesse, les échanges sont très riches. Chacun peut se projeter sur l’action des autres, ou de profiter de ce que fait un partenaire pour le mettre sur son territoire, plutôt que d’inventer des solutions nouvelles à chaque fois. La communauté de communes est aussi signataire, avec la MSA et la CAF, d’une convention territoriale globale qui réunit tous les acteurs. Ils ont été associés à la démarche, et peuvent aussi bénéficier des campus. Ce sont des nouveaux lieux qui ne font pas concurrence à l’existant. »
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Création d'entreprise, un levier pour la mobilisation
Barbara Valbonesi est responsable de secteur Emploi et activités collectives à la Mission Locale de l'Agenais, de l'Albret et du Confluent. Elle coordonne le projet « J’entreprends mon projet d’avenir » qui est lauréat du PIC 100% inclusion. Qu’est-ce que le projet « j'entreprends mon projet d'avenir » ? C'est un projet porté par un consortium dirigé par l'association nationale des groupements de créateurs (ANGC), qui pilote un réseau de 49 groupements portés essentiellement par des missions locales, des Maisons de l’emploi et des PLIE. Elle est à l'origine de la création d'une démarche d'accompagnement vers l'entrepreneuriat, qu’elle diffuse depuis une vingtaine d’années. La singularité de leur méthodologie, c’est qu’elle peut s’appliquer à des publics éloignés de l'emploi. Pourquoi avez-vous rejoint cette démarche ? La Mission Locale de l'Agenais, de l'Albret et du Confluent a rejoint le réseau en 2018, nous étions les seuls en Nouvelle-Aquitaine. Plus récemment, la Mission Locale de Saintonge Romane et celle de Limoges ont suivi. Depuis des années, on souhaitait proposer à notre public une réponse aux besoins d’aide à la création d'activité sur notre territoire, mais ça ne fonctionnait pas. Nous arrivions seulement à orienter vers les structures d'accompagnement à la création, mais rien ne se passait. Il y avait un trou dans la raquette entre l'orientation et l'arrivée. Quand l’ANGC nous a présenté sa démarche, on a été séduits parce qu’elle était fondée sur la pédagogie de l'action, c'est à dire que nous utilisons le levier de l'entrepreneuriat comme prétexte à l'insertion. Quels sont vos publics ? Nous nous adressons à des publics peu ou pas qualifiés, de tous âges, parfois complètement décrocheurs de toute proposition d'insertion. Ce sont des gens qui vont plutôt essayer de construire un emploi qui leur ressemble. Dans le cadre de « j'entreprends mon projet d’avenir », nous proposons des parcours d’une durée maximum de 15 mois. A la fin de ce parcours, soit la personne fait le deuil de son projet, soit elle le poursuit, par exemple en suivant une formation. Elle peut aussi simplement le mettre entre parenthèses, le temps de trouver des solutions financières. Nous allons chercher les invisibles, les personnes qui sont peu demandeuses d'aide, mais qui ont tout de même une envie de faire. Nous saisissons cette envie, qui n'est pas forcément un projet au départ, parce que souvent elles n’osent pas en parler de peur d’être jugées. Nous les accompagnons d'un point de vue général, global. On travaille sur la confiance en soi, c'est ce que nous faisons toujours en tant que mission locale. Le plus souvent, nous les aidons à faire le deuil de leur projet, notamment quand on constate que la création est un prétexte à ne pas accepter la difficulté d'un poste de salarié, ou parce qu'elles ont été abîmées par une expérience professionnelle et qu’elles pensent que la solution est de créer leur propre emploi. Nous essayons éventuellement de les réconcilier avec leur métier d'origine ou un autre métier. Est-ce que l’approche par la création d'activité vous permet plus facilement de toucher les « invisibles » ? Je pense que c'est intéressant d'aller chercher ces publics invisibles ou sortis de l'accompagnement, parce qu'on s'intéresse spécifiquement à la personne et à ses projets. On ne lui propose pas une offre de services clés en main. On part de cette personne et on va d'abord l'écouter. Le PIC c'est avant tout aller vers. Quand on parle d'aller vers nous, c'est aussi aller sensibiliser des structures pour qu'elles nous envoient des publics. Ça peut être des éducateurs de rue, des mairies, des associations sportives, des commerces des zones rurales ou des quartiers politiques de la ville, des structures IAE, dans les épiceries solidaires. On va dans ces lieux faire de la sensibilisation, pour donner envie d’aller plus loin à ceux qui veulent rêver. Comment les abordez-vous ? Nous leur expliquons qu’on ne va pas leur donner des réponses techniques, mais les aider à prendre de la distance avec leur projet. Et surtout les aider à l’écrire. La méthodologie comporte trois étapes. La première consiste pour le porteur de projet à se concentrer sur lui-même, apprendre à se connaître. C’est une sorte de bilan de compétences, avec valorisation de son parcours, de ses savoir-faire et savoir-être, les formations qui pourraient compléter ses compétences. On aide la personne à se fixer elle-même des objectifs. La deuxième étape, c’est la description du projet et sa faisabilité. On les aide à comprendre ce qu’est une étude de marché, ils cherchent à en savoir plus sur le métier visé, sur la concurrence éventuelle, sur le secteur. La dernière étape consiste à faire un lien avec la réalité, par des rencontres avec les professionnels, des enquêtes métiers, des stages, ou même une expérience en emploi. Faut-il comprendre que la création d’activité est surtout un prétexte ? Nous avons entre 6 à 10% de projets qui débouchent sur une création. C'est peu, mais ce n’est pas le premier objectif visé. Nous avons en revanche plus de 50% de taux de sortie en emploi ou en formation, et ce sont des chiffres à peu près similaires à d’autres dispositifs d'insertion. Notre approche, c'est d’apprendre aux gens à faire seul, à comprendre et décrypter le panorama de la création d'activité. Nous continuons à faire notre métier historique, à être un carrefour d'information, d'orientation et de relations avec les partenaires du territoire. Avec cette action, nous restons dans la même logique, mais sur la partie entrepreneuriale. Nous intervenons comme un préalable à l'accompagnement, nous préparons les personnes à pouvoir comprendre les réponses techniques en matière de garantie financière ou de fiscalité qui leurs seront données plus tard par d’autres partenaires. Quelles sont les différences avec vos approches habituelles ? Le PIC nous a permis d'expérimenter de nouveaux outils. En revanche, ça demande des moyens qui ne sont pas évidents à mettre en place. Aujourd’hui, nous avons deux conseillères entièrement dédiées au groupement de créateurs, et un local conçu comme un espace de coworking. Il est commun avec l’ERIP, puisqu’il s’adresse au même public et que les ateliers correspondent tout à fait à ce qu'on propose pendant la première phase de l'accompagnement. Ce qui est prégnant, c'est le besoin de se rassembler. Les gens travaillent ensemble. Pourtant ce sont des profils entrepreneuriaux qui disent vouloir créer leur propre entreprise seuls. Sauf qu’ils ont besoin de se rassembler et de collaborer, au point parfois de créer des projets ensemble. Ces publics ont avant tout besoin d’écoute et de réponses adaptées, donc personnalisées. Notre travail c'est aussi de les orienter vers les bons interlocuteurs. Ce travail autour d'un projet, que ce soit de manière individuelle ou collective, a complètement révolutionné notre manière d'aborder les choses au sein de notre structure. On s'est inspiré de cette méthode pour modifier notre manière d'accompagner les publics. Combien de personnes avez-vous accompagné depuis le début ? Notre objectif initial était de quatre-vingts personnes par vague de 18 mois. Depuis septembre 2020, nous en sommes à 181, il nous reste du temps puisque nous finissons le 31 août. En fait, toutes les structures qui ont rejoint le projet ont dépassé les objectifs, nous comptons 920 participants pour l’ensemble des 10 structures qui ont intégré le PIC. Certaines personnes sont déjà sorties, d’autres ont créé leur entreprise, d'autres encore ont repris un emploi ou une formation. Quelle suite envisagez-vous de donner à ce projet ? Nous savons que nous répondons vraiment à une demande. Notre objectif c'est d'arriver à stabiliser le projet, et ça n’est pas évident. Pour la suite, notre idée est de former l'ensemble des conseillers de la mission locale à la méthodologie du groupement de créateurs, de manière que chacun d’entre eux, quand il accueille un jeune, soit dans la logique de l’inscrire dans une dynamique de projet. Peut-être que nous devrons être moins ambitieux qu’aujourd’hui en termes d'outillage. Fin 2023, nous projetons de créer une « Flashcoop ». C'est une coopérative éphémère labélisée, qui dure une semaine, et qui permettrait de vivre l'expérience de l'entrepreneuriat de A à Z, de la création de l’idée à la commercialisation d’un produit avec des publics féminins des Quartiers Politique de la Ville. Nous avons obtenu un financement du Fonds Régional PAREF financé par l’Etat, la Région et BPI France. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences et du PACTE de la Région Nouvelle-Aquitaine : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
Si tu ne vas pas à la science...
Une tente gonflable jaune, bien visible au pied des immeubles. Cette tente, c’est le laboratoire des Petits Débrouillards qui y déploient leurs expériences, sous forme de petits défis scientifiques : des machines infernales avec des parcours de billes, des animations en « stop motion », de la pâte à modeler qu’il faut s’efforcer de faire flotter… Mission des Petits Débrouillards, association créée en France en 1986 : la découverte et la transmission de la culture scientifique et technique. Parmi ses actions, la « science en bas de chez toi »* consiste à installer ce laboratoire mobile au milieu des tours, pendant la période estivale, sur un espace fréquenté par les jeunes. Ils sont invités à venir échanger avec les animateurs, découvrir, expérimenter. « Pour nous la base c’est l’éducation populaire, toucher le maximum de jeunes qui n’ont pas forcément accès à la culture scientifique, » explique Kevin Guénée, coordinateur d’activité. « Et cette action-là correspond complètement à nos idées et valeurs. On va dans les quartiers, c’est gratuit pour les enfants, sans inscription. C’est assez libre et flexible pour eux. Ça permet d’avoir une grande partie des enfants du quartier qui ne viendraient pas si on faisait des ateliers payants. » Les sciences, toutes les sciences La culture scientifique est un terme qui peut faire peur. L’association conçoit les sciences au sens large : numérique, sciences et vie de la terre, sciences sociales… Son objectif principal, c’est l’éveil à la curiosité, l’envie d’apprendre. « Chez nous il n’y a pas forcément de scientifiques. Certains animateurs ont un bagage scientifique, mais pas tous. On n’est pas des spécialistes, mais on a un regard curieux sur tout. Et on essaie d’attirer l’attention, de donner envie d’approfondir les choses, faire des expériences en physique et en chimie, mais aussi des sciences sociales en abordant les questions de différence homme femme, les stéréotypes, etc. Mais ça reste les vacances, on n’est pas des professeurs.» A La Rochelle, deux ou trois animateurs interviennent chaque après-midi, parfois le matin, pour 4 heures d’animation avec le public. Un QPV (quartier politique de la ville) par semaine, du début à la fin des vacances scolaires. En organisant ce rendez-vous quotidien pendant une semaine, les enfants découvrent cette sorte de « stage sciences » et reviennent les jours suivants. Le but est de les fidéliser, les faire suivre une dynamique, proposer des nouvelles expériences, s’adapter à leurs demandes. Le public est majoritairement composé de jeunes qui ne partent pas en vacances et dont les parents travaillent. Ils ne ne sont pas inscrits au centre de loisirs, par manque d’envie, ou de moyens. La « science en bas de chez toi » comporte une dimension animation, autour de la proposition de découverte et d’amusement. Les interventions sont annoncées par affiches et flyers distribuées aux commerçants, par réseaux sociaux. « Il y a des jeunes qui viennent parce qu’ils ont vu l’info, et certains qui viennent tous les ans, qui nous connaissent. On commence aussi à voir des jeunes parents qui ont connu le laboratoire il y a des années, puisque ça fait plus de 15 ans que nous faisons cette action. » L’objectif d’amener le maximum de jeunes vers la science n’est pas affiché frontalement. Certains veulent juste s’amuser, d’autres vont aller plus loin, poser des questions, qui déboucheront sur d’autres tests. On veut les mettre dans cette dynamique de curiosité, dans un format ouvert. S’il y a échec, on recommence. C’est une façon de mettre en valeur, ceux qui peuvent être en difficulté à l’école. « La manipulation et le jeu, c’est la meilleure façon d’apprendre. C’est la meilleure façon d’accrocher les enfants. A partir du moment où ils commencent à jouer, découvrir, manipuler, sans s’en rendre compte ils apprennent des concepts scientifiques. On commence par des choses simples, faire de la pâte à modeler, fabriquer des voitures avec des ballons, créer du gaz avec du bicarbonate et du vinaigre pour propulser des petites fusées. Des choses qui leur parlent directement. » « Ensuite, quand on les a accrochés par deux ou trois expériences, on peut aller plus loin sur d’autres phénomènes. On va parler de Co2, de pression, de forces centrifuges. Ils apprennent parce qu’ils sont dans une dynamique, ils sont investis dans un projet. Tout ce qu’on fait, ils peuvent le refaire chez eux. » Faire des jeunes de futurs scientifiques n’est pas le but. Ce que veulent les Petits Débrouillards, c’est toucher le maximum d’enfants. Si à la fin de la semaine, certains disent vouloir continuer sur la voie scientifique, que leur regard a un peu évolué, qu’ils ont trouvé des expériences à faire sur les réseaux sociaux, c’est un plus. Aucune évaluation, à part quelques quizz, mais toujours sous forme de jeu. L'influence des fake news Les enfants ont tous les mêmes besoins et les mêmes lacunes, qu’importe le quartier. Ce que constatent les animateurs, c’est qu’ils sont souvent influencés par les fausses informations qui circulent sur Internet, les vidéos qu’ils regardent, qui vont du meilleur au pire. « Beaucoup de jeunes nous disent qu’ils connaissent un sujet parce qu’ils ont visionné certaines expériences en ligne sur Youtube. Parfois il suffit juste d’essayer d’en reproduire une, pour leur montrer que ça ne fonctionne pas. » « Quand ils testent en réalité, ils se rendent compte qu’il y a une grosse différence. S’ils effectuent la manipulation avec nous, ça rentre. Et s’ils veulent la reproduire, ils comprendront pourquoi ça marche. C’est peut-être une des raisons d’un niveau scientifique un peu faible… C’est ça aussi qu’on essaie de mettre en place : tu as vu une vidéo, mais essaye par toi-même. Manipule, vérifie que c’est vrai, essaie de comprendre pourquoi ça marche. En 2022, « la science en bas de chez toi » a touché 300 participants à la Rochelle, 40% de filles et 60% de garçons. La moyenne d’âge est d’environ 8-9 ans. « C’est très compliqué de toucher les pré-ados, les 13-15 ans, on ne les voit pas. De temps en temps, on capte des petits groupes. Une fois qu’on a réussi à communiquer, ils sont intéressés, mais ils ont plus envie d’aller se promener avec leurs amis. Donc ça reste très compliqué d’avoir ces publics. Le plus gros, ce sont les plus jeunes, avec ou sans leurs parents. » « Les enfants se souviennent de nous quand on intervient dans les écoles. Mais tant qu’on ne peut pas leur proposer une animation régulière, c’est difficile de les capter à l’année. Notre objectif, ce serait de monter un club scientifique les mercredis après-midi, dans un centre social ou dans une médiathèque. Pour que ça fonctionne, il faudrait que cette activité soit accessible à tous. Parce qu’il y a aussi des jeunes qui n’aiment pas faire de foot ou de la danse. Il y en a plein qui seraient intéressés, on sait qu’il y a de la demande. » * « La science en bas de chez moi » est une action soutenue par la Région Nouvelle Aquitaine dans le cadre de l’appel à projets de soutien aux actions de développement dans les quartiers "politique de la ville".
Dans le cadre de ses missions, l’Ufolep aborde des problématiques de société comme la santé, la prévention des conduites addictives, la parentalité, le maintien de l'autonomie des seniors, etc. Son support principal, celui des activités physiques. Plus récemment, l’Ufolep 64 a décidé de s’occuper d’insertion professionnelle des jeunes, en déployant son projet « bouger pour son avenir » en territoire prioritaire à Bayonne, avec le soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine et son appel à projets « Expérimentations en matière d'orientation". A l’origine du projet, un certain nombre d’actions qui étaient déjà menées dans ce même QPV, en lien avec le GIP DSU de l’agglomération bayonnaise, avec des jeunes en difficulté ou qui pouvaient être amenés à se questionner sur leurs projets ou leur orientation. A l’occasion des activités sportives, des séances collectives ponctuelles, les animateurs percevaient différentes problématiques relatives à l’insertion ou à la mobilité, qui constituaient autant de freins à l’épanouissement de ces jeunes. A l’époque, l’Ufolep réfléchissait à la mise en place d’un parcours coordonné, avec un accompagnement régulier sur la durée. « Nous n’avions pas de parcours complet mais des bouts de parcours », précise Bertrand Bedin, agent de développement sport et société à l’Ufolep 64. « Nous sommes agréés pour la formation premiers secours, on forme aussi aux métiers du sport, et nous avons pensé qu’un accompagnement des jeunes pouvait être intéressant au regard de leurs questionnements, sur une tranche d’âge qui est difficile à capter pour les structures du territoire. Surtout dans une période où les perspectives ne sont pas très positives, qui vient se rajouter pour certains à des difficultés familiales ou de perte de repères. » Par ses dispositifs ludiques et activités existants, l’association ambitionnait notamment de toucher des publics de 16 à 25 ans orientés par Pôle emploi et la mission locale, mais également de s’adresser à ceux totalement sortis du circuit d'accompagnement. Education, sport et insertion « Bouger pour son avenir » repose sur le triptyque éducation, sport et insertion-emploi. La dimension sportive s’appuie sur des activités physiques attractives, susceptibles de créer du lien avec des jeunes en difficulté, voire en rupture. En matière d’éducation, l'idée était de partir des objectifs éducatifs de l'éducation populaire. La partie insertion emploi consiste, à la suite des temps collectifs, de faire un point de situation individuellement. En résumé, le projet comporte plusieurs phases, une phase de mobilisation, une phase d'accompagnement collectif pendant laquelle tous les jeunes pratiquent ensemble différentes activités, ce qui permet de repérer ceux qui ont besoin d'être épaulés, par rapport à leurs projets ou leurs problématiques. Puis en phase d’accompagnement individuel, l’association identifie les points de blocage et trouve une manière de les lever à terme, par exemple l'accès au permis. Les jeunes sont également informés des dispositifs de droit commun dont ils n’ont pas forcément connaissance. Les participants s’engagent à être présents régulièrement pendant au moins 6 mois. Aucune obligation contractuelle, cet engagement est volontaire. « Au-delà c'est un peu plus compliqué, parce que leur parcours évolue rapidement. Ils sont à un âge où leur situation bouge beaucoup. Et si on leur propose un accompagnement trop long, on prend le risque de les perdre. L’idée c'est qu’ils utilisent ce laps de temps avec nous pour construire leur projet, même s‘ils peuvent partir à tout moment. Sur une année, on fait 2 groupes d’une douzaine de jeunes, un par semestre. Sur la deuxième période, on ne lâche pas totalement le premier groupe, puisque nous avons amorcé quelque chose, nous voulons préserver ce lien. La charnière se fait pendant l'été parce que, pendant cette période, beaucoup de jeunes se positionnent sur des offres d'emploi. À partir de la fin août, c'est important de réenclencher une dynamique, que l'on puisse les mobiliser plutôt par semestre. Fin 2022 nous avons eu notre quatrième « promotion ». » Répondre aux besoins des jeunes Lors de la première rencontre, les animateurs essaient de déterminer les projets de chacun, s’ils en ont un, et dans ce cas, ce qu'ils aimeraient faire comme activité. C’est là qu’ils évaluent les besoins de chaque jeune et que, en fonction de leur situation et des freins éventuels, ils envisagent un accompagnement complémentaire. Dans l’idéal, le rythme des temps collectif est mensuel. En individuel, des contacts réguliers pour savoir comment leur situation évolue, s’ils ont des besoins particuliers et pour leur proposer d'autres initiatives. Par temps collectifs, il faut comprendre une activité sportive, karting, pirogue hawaïenne, randonnée, vélo ou autre, à laquelle sont conviées des entreprises, une auto-école, un organisme de formation, etc. Le but étant de créer la rencontre avec différents acteurs, faire circuler son CV. La découverte de milieux professionnels fait aussi partie du programme, au besoin en scindant le groupe pour proposer un choix, autant dans la nature de l’activité que dans le secteur considéré (BTP, services à la personne…) afin que chacun s’y retrouve. Sachant que les effectifs comptent environ 40% de filles. La crise Covid a plus que jamais mis en lumière l’importance de la notion de lien chez les jeunes. L’association savait qu’il existait des disparités importantes dans ce public, mais peut-être pas au point de rencontrer quelques jeunes complètement perdus. Elle a dû intégrer le fait que, pour certains jeunes en perte de repères, des activités à priori simples comme se rendre à un rendez-vous peuvent représenter une difficulté ou un effort. D’autres savent au contraire très bien ce qu’ils veulent, et ce qu’ils ne veulent pas en termes d’horaires et de conditions de travail. Selon les profils, la démarche d’accompagnement est dès lors très différente. « Les jeunes qui ne connaissent pas de difficultés particulières, qui ont un projet, sont importants pour nous au sein de l’action. Parce que même si l'accompagnement ne va pas être, pour eux, directement lié à l'emploi, ils sont très utiles en termes de mobilisation et de dynamique pour les autres jeunes. Leur participation peut créer des effets d'entraînement. Pour des jeunes qui sont isolés et en galère, c'est très important. » « Au départ, nous pensions nous concentrer sur la partie insertion professionnelle, mais on a constaté que c’est l'accompagnement global qui est un déclencheur pour tout le reste. On l’avait peut-être un peu sous-estimé. Dans la période, même s'il y a des secteurs qui connaissent des difficultés et de la précarité chez les jeunes, le milieu de l'emploi n’est pas totalement bouché. Le taux de chômage est relativement bas et il y a des propositions. Dans ce contexte, le plus important c'est d'amorcer une démarche active, et de multiplier les apports de positivité. Pour ça, l'activité physique est un bon support. »
Provoquer la rencontre hors les murs
Romain Brémaud est conseiller à la mission locale de Bressuire (Deux-Sèvres). Il est en charge de plusieurs actions de repérage et de mobilisation, qui sont lauréates du PIC Repérer et Mobiliser les Publics Invisibles (RMPI). Ces actions s’inscrivent dans la continuité du projet « In système », porté par la Région Nouvelle-Aquitaine entre 2019 et 2021. Pour quelle raison avez-vous monté votre projet ? Les jeunes du Bocage Bressuirais n’ont pas trop de difficultés à se rendre à la mission locale, mais nous sommes dans une région sur un territoire majoritairement rurale, avec de nombreuses petites communes aux alentours, plutôt isolées, mal desservies par les transports. D’autre part, le territoire est également composé d’un quartier QPV « politique de la Ville » avec d’autres caractéristiques (populations primo arrivantes, intégration, …). Sur ces deux types de territoire, quartier et zones rurales, nous voulions nous rendre au plus près de ces jeunes. Nous avons déjà quelques permanences délocalisées, mais notre idée était d'aller encore au-delà, en termes de repérage et de raccrochage à travers un « conseiller hors les murs ». Et proposer autre chose à ces jeunes qui ont des difficultés à trouver une solution, en leur permettant d’accéder à un stage de 3 semaines pour les sortir de leur isolement, les mettre en mouvement et entrer dans une nouvelle dynamique en vue d'une formation ou d’un emploi. En quoi consiste votre démarche ? Nos axes majeurs s’articulent autour des démarches de « repérage », « raccrochage » et de « remobilisation ». Il s’agit dans un 1er temps de travailler avec des nouveaux partenaires tels que les assistantes sociales, les associations caritatives … et également, d’investir des territoires où nous n’étions encore jamais allés. Les actions de repérage sont plutôt ponctuelles, en fonction des retours des partenaires. Les actions de raccrochage et de remobilisation sont beaucoup plus cadrées, régulières, avec un planning déjà défini à l'avance. En ma qualité de « conseiller hors les murs », je suis de plus en plus à l'extérieur, soit sur les chantiers, soit sur des actions de de repérage et de raccrochage. Cet appel à un projet nous a permis de se donner le temps de créer les partenariats et de développer ces démarches de repérage, raccrochage et remobilisation en direction des jeunes dits invisibles ou perdus de vue. En quoi consistent vos actions ? La première action est à la fois du repérage et du raccrochage. Elle s’appuie sur des « chantiers de découverte des métiers » en lien avec la Colporteuse, une association présente sur le territoire. Au lieu d’essayer de raccrocher les jeunes de façon traditionnelle avec des entretiens individuels dans les locaux de la mission locale. On leur propose des stages de 3 semaines dans un cadre bienveillant, sur une thématique et un environnement professionnel original et valorisant, telle que la fabrication de mobiliers en métal et en bois, ou le maraichage, la permaculture. On les remobilise avec des petits ateliers qui ont pour objectif de leur permettre de reprendre un rythme de vie adapté, de reprendre confiance en soi, de révéler leur potentiels … Souvent ces jeunes sont isolés, sans lien et vie sociale et ne font pas grand-chose de leur journée. Pour certains, l'objectif vise juste à tenir les 3 semaines, d'arriver à se lever le matin et d'être là le lendemain et à s’inscrire dans un cadre collectif. Lors de ces chantiers mon rôle consiste à « faire avec » les jeunes et d’être à leur côté lors des moments d’activités et de travaux. Nous ne sommes pas dans la posture classique « face à face » dans un bureau. L’autre action notable, consiste en la mise en place en 2022 d'une permanence au sein d’une épicerie solidaire portée par le centre socioculturel à Cerizay. Je m’y rends de manière assez régulière pour faire du repérage et du lien avec les usagers. Des jeunes, mais aussi des familles, des voisins, des amis. Je leur parle des actions et de l’offre de service de la mission locale, et ils me signalent parfois des jeunes qui auraient besoin de nous. Le bouche à oreille fonctionne bien avec les pairs, les familles et les partenaires. Vous avez d’autres moyens pour les repérer ? Le centre socioculturel a une liste de bénéficiaires prescrits par les assistantes sociales et les travailleurs sociaux du secteur. Sur ces listes, j'ai identifié les 16 25 ans qu’on n’a jamais vus, ou qui avaient déjà été accompagnés mais qui n'avaient pas rencontré leur conseiller depuis un ou deux ans. Pour une bonne part, on est plus sur du raccrochage que du repérage. Quand je les rencontre à l'épicerie, je leur propose de faire le point sur leur situation. Après, soit on met en place un accompagnement un peu plus régulier, soit on fait juste une mise à jour des informations et de leur dossier. C'est vraiment au cas par cas. Selon vous, pourquoi certains publics sont qualifiés d’invisibles ? Je pense que c’est un tout. Même si les partenaires connaissent la mission locale, cela peut leur être difficile d’orienter les jeunes parce que les dispositifs changent rapidement. L’idée c'est de remettre à jour notre offre de service auprès des partenaires, leur rappeler nos actions, comme le « point santé » qui est récent, ou notre accompagnement sur la mobilité. On compte sur eux pour faire passer l’information quand ils rassemblent des familles, lors des groupes de parole pour des parents en difficulté. On essaie aussi de travailler régulièrement avec les éducateurs de prévention ou l’Aide Sociale à l’Enfance, en fonction des situations dont ils assurent l’accompagnement. Aujourd’hui les nouveaux invisibles, ce sont les décrocheurs scolaires, qui ne connaissent pas forcément la mission locale alors qu'ils pourraient bénéficier d’un dispositif. Grâce au partenariat avec les assistantes sociales, le CIO, les différents collèges, on reçoit ces jeunes. Le maillage et le réseau des acteurs jeunesse permet de repérer ces jeunes et de faire rapidement le lien avec les services de la mission locale. C’est plutôt positif qu’on ne laisse pas ces jeunes dans une période de non prise en charge et d’incertitudes pendant plusieurs mois, ce qui rend le raccrochage plus difficile. D’ailleurs, nous travaillons sur une autre problématique, celle des « hikikomori », ces jeunes qui, notamment depuis la période de COVID, sont très isolés, en rupture avec le monde extérieur et qui ne sortent pratiquement pas de chez eux. Notre idée, c’est d'aller le voir à domicile, pour ceux qui sont d’accord, afin de mener des entretiens tripartites avec l’assistante sociale et la famille. C'est un public que je prends vraiment le temps de rencontrer avant de lui proposer de venir à la mission locale. Quelles sont vos actions de remobilisation ? La majorité des jeunes intègrent assez facilement un dispositif d’insertion. Pour autant en parallèle, on propose quand même, à certains, des stages découvertes où on fait de l'accompagnement individuel, sur des actions concrètes de découverte des métiers. Une fois que ces 3 semaines sont effectuées, ils peuvent intégrer un contrat engagement jeune ou un accompagnement Pacea, en y voyant déjà un peu plus clair sur leur projet. Pendant ces actions de remobilisation, pour 80% des jeunes que j’accompagne, on travaille à la fois sur les savoir-être professionnels et les savoir être dans la vie de tous les jours. C'est à dire se lever, arriver à mettre son réveil. On est vraiment sur des règles de base et sur du savoir-être global. Comment voyez-vous la suite ? Je pense que l'information est passée auprès des différents partenaires. Pour moi, ils sont une source de repérage importante. On n'est pas à l'abri de devoir continuer à diversifier nos actions pour toucher un public qui va continuer d’évoluer dans les prochains mois. Même sans appel à projets, notre volonté c’est de poursuivre les actions engagées. Les actions de raccrochage via les chantiers jeunes devraient continuer à se développer, sans forcément que ce soit la mission locale qui les porte, mais plutôt un autre partenaire. Par rapport aux autres missions locales, nous avons fait le choix de mener plusieurs petites actions que l’on fait évoluer en fonction de leur réussite, et que nous n’hésitons pas à arrêter si on constate qu’elles ne sont pas véritablement adaptées. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
Métiers en images, image des métiers
Depuis 2007, le métier de Nathalie Pinson, c’est la découverte des métiers. Après plusieurs années en tant que responsable pédagogique sur le voilier « Fleur de Lampaul », elle a œuvré à l’information des publics dans un quartier populaire de Nantes, avec son association « Entreprises dans la Cité ». « J'ai tout de suite été mise à disposition de la maison de l'emploi de Nantes pour un forum extraordinaire, unique en France « Place Ô Gestes ». Deux jours pendant lesquels les collégiens sont invités à tester les métiers par le geste, que ce soit conduire une pelleteuse, fabriquer un objet, ou élaborer un médicament avec des étudiants en pharmacie…. « Au début, on s’adressait surtout aux « mauvais élèves » des classes de SEGPA, d’Option Découverte Professionnelle (ODP), mais pas aux lycéens alors que j'étais déjà convaincu que la découverte des métiers, si elle était bien pensée pédagogiquement, concernait tous les niveaux. » Très vite convaincue que l’approche par métiers « en tension » ne répondait pas aux besoins, Nathalie Pinson a élaboré des outils pédagogiques reposant sur des témoignages filmés. Outils qu’elle a expérimenté au sein de plusieurs collèges à partir de 2016. En 2018, nouvelle étape. Avec sa sœur, ancienne conseillère de mission locale et encadrante en entreprise d’insertion, elles créent l’association « La Place des Métiers », « parce que pour nous, la place des métiers est primordiale pour beaucoup de publics. En contact des enseignants, l’association a très vite déployé des actions en présentiel, des concours, à destination de différents publics. Et élaboré un projet numérique parce que persuadée qu'on pouvait faire quelque chose à distance avec les enseignants. Puis le confinement est arrivé. Via les réseaux sociaux, l’association leur a proposé une action numérique pour leur permettre de garder un lien avec leurs élèves et leur faire découvrir les métiers. Un véritable parcours de découverte « La Place des Métiers » a voulu sortir « des clous » en ne procédant pas selon une entrée filières, et en refusant de se cantonner à présenter aux publics les seuls métiers qui leur sont accessibles, notamment en raison du niveau d’études attendu. Au-delà de présenter des métiers l’idée est de privilégier les « histoires de métiers. » Pour se faire, l’association propose aux enseignants de réaliser au sein de leur classe un parcours qui comprend trois modules. « Souvent l'orientation est traitée de façon individuelle, alors qu’il me paraît important que la découverte des métiers se fasse collectivement. Toute la classe découvre les mêmes films avant d’échanger ce qui constitue du commun. » Pour le premier module, 4 films, 4 témoignages de rencontres avec un métier : un souffleur de verre qui a découvert la matière, une astronome qui a suivi son rêve de petite fille de travailler un jour dans les étoiles, la reconversion réussie d’une coiffeuse en « monteuse systèmes mécaniques » dans l’industrie, et l’histoire d’un jeune apprenti pâtissier dont la vocation est née d’un coup de foudre pour une abeille en sucre. En les visionnant, les élèves comprennent qu’on peut rencontrer son métier par hasard, aux portes ouvertes d’un CFA ou dans un forum, que leur choix peut ne pas être contraint par les adultes, leurs parents ou leurs professeurs. Pour le deuxième module, les élèves endossent le rôle des membres du jury d’un festival. Au cours de 4 séances de moins de 20 minutes, ils voient des films, à raison de 5 par séance, classés dans 4 catégories distinctes : compétences, parcours, le genre des métiers (catégorie qui suscite le plus de débats). Et enfin, la catégorie « coup de cœur », des films que les deux sœurs aiment bien partager. « Dans chaque catégorie, les élèves choisissent leur histoire préférée. C’est simple, tout le monde peut le faire. C'est un vote commun à la classe, nous leur envoyons les résultats. C'est très intéressant que les élèves prennent conscience qu’ils peuvent se retrouver sur un choix collectif. Ça veut dire qu'ils ont une culture commune. On sait à l’avance que certains films n'auront pratiquement aucun vote, mais ils auront tout de même été vus par les élèves, c’est le plus important. » Vient ensuite le « champ des possibles », le troisième module. Chaque élève est invité à explorer la chaîne YouTube de l’association qui rassemble plus de 3 500 films. Les consignes sont simples et précises : cherche un film sur un métier que tu as envie de partager avec les autres et un film sur un métier que tu ne connaissais pas. Si certains métiers reviennent plus souvent que d’autres, l’intérêt des jeunes ne se porte pas forcément sur ceux que l’enseignant imaginaient. Elargir l'éventail des possibilités Cette liberté totale donnée aux élèves n’est pas habituelle. Pour différentes raisons, on leur propose le plus souvent de s’intéresser toujours au même éventail de métiers « classiques », voire de les contraindre vers une voie professionnelle que l’on estime « faite pour eux ». « Si on leur dit « va choisir un film sur un métier que tu as envie de faire », d’avance je sais que je vais avoir des footballeurs et des Youtubeurs en puissance, des vendeuses et des éducatrices de jeunes enfants, rarement des carrières qui impliquent de longues études. » A chaque séance, les élèves ont la possibilité de laisser un message grâce à des documents en ligne, que l’association peut consulter en temps réel. « Dans ceux que nous recevons, on constate que les plus jeunes ne font pas toujours la différence entre « je n’ai pas aimé le métier » et « j'ai appris quelque chose ». Comme si on ne pouvait apprendre que dans le plaisir. Plus on va vers des classes de lycée, plus les élèves comprennent qu’on peut ne pas aimer un film, mais tout de même y trouver des informations intéressantes. Pour moi, l’essentiel est de comprendre pourquoi ils n’ont pas aimé, et savoir l’expliquer. » Quand un enseignant exprime son intérêt pour les outils proposés, l’association lui envoie un lien d’inscription et lui demande de remplir un dossier afin de présenter sa classe, le niveau de ses élèves, ses attentes, ainsi que sa localisation géographique. Ensuite, l’enseignant reçoit les différents modules par courriel. Chacun d’entre eux est accompagné d'un vade-mecum, un ensemble de consignes simples, ainsi que des documents personnalisés, tableurs et traitement de texte à l’intention des élèves, le tout compatible avec les logiciels dont disposent les enseignants. « Le parcours n’est pas le même pour tous les niveaux de classe, mais il me paraît important que l'enseignant soit autonome dans son emploi du temps, dans la façon dont il va l’organiser. Pour nous le plus important c'est que les diffusions collectives donnent lieu à des échanges et ce, quel que soit le métier. L’objectif de notre projet, c’est de développer l'esprit critique, y compris en matière d’éducation à l’image. » Actuellement, « La Place des Métiers » a déployé sa méthode en Pays de la Loire, avec le soutien du conseil régional. Elle a été également retenue par la Nouvelle-Aquitaine dans le cadre de son appel à projets "Expérimentations en matière d'orientation". « Les enseignants nous ont souvent dit qu’au départ, ils ne comprenaient pas trop où nous voulions les emmener. Mais après avoir expérimenté les trois modules, ils sont convaincus. Et ceux que nous avons accompagnés nous disent qu’ils veulent renouveler l’expérience. » https://www.linkedin.com/in/nathalie-pinson-1983019a/
Décoder le monde de la formation pour l’apprivoiser
Le décodeur de la formation, c’est une sorte de mallette de jeu. A l’intérieur, une fiche explicative pour les animateurs et une dizaine de visuels. Chacun d’entre eux est un avatar, incarnant différentes situations. Par exemple, Mourad, 21 ans. Il a arrêté ses études en première scientifique et voudrait devenir menuisier. Un visuel est donné à chaque groupe, auquel l’animateur demande de travailler sur 4 questions : est-ce que le personnage est obligé de se former pour atteindre son objectif ? Comment peut-il réaliser son projet ? Comment obtenir le diplôme nécessaire ? Quelles sont les différentes manières d'entrer en formation ? Idée générale de ce produit simple en apparence, proposer un atelier à des jeunes de mission locale afin qu’ils abordent le thème de la formation de manière ludique. N’ayant à leur disposition que la fiche qui leur est distribuée, ils doivent déterminer ce que devrait faire le personnage qui leur est proposé pour réaliser son souhait au sens large. S’il doit se former, comment faire ? Quand et pour quelle durée ? Comment vit-il pendant le temps de la formation ? Les participants doivent ensemble se poser les questions qui pourraient être évoquées entre un jeune et son conseiller. A l’origine de la création, trois conseillers de la mission locale de Poitiers qui intervenaient exclusivement sur la garantie jeunes. Dans leur travail d’animation collective, Ils avaient le sentiment d'avoir face à eux des jeunes pour qui la formation était un concept assez nébuleux. Ils entendaient des réflexions sur le mode « de toute façon moi j'ai pas les moyens » ou « moi l'école c'est pas mon truc », sans toujours savoir comment démentir ces idées reçues. Combattre les idées reçues « Malheureusement on l'entend encore beaucoup, » explique Sonia Chopin, chargée de projet orientation formation à la mission locale d’insertion du Poitou. « C’est très ancré cette idée « qu’il faut que je travaille, que je mette de l'argent de côté pour aller me former parce que ça coûte cher ». C'est vraiment avant tout pour contrer ça, que nous avons monté cet atelier. De fait, il rejoint les préoccupations de la mission locale et les préoccupations de l'Etat et de la Région à propos de l’augmentation du niveau de qualification des jeunes : comment amener plus de jeunes à se former afin de sécuriser leur parcours ? » « C'est un sujet qui nous préoccupe depuis pas mal d'années, comment rendre attractive l'offre de formation quand on voit que le jeune n’a pas trop de moyens pour affronter le marché du travail. Il va trouver des petits boulots, rester dans la précarité ou dans l'intérim. Mais s'il veut s'assurer un parcours un peu durablement, pour certains ça doit passer par l'accès à la formation. » L’atelier s’appuie beaucoup sur des méthodes déjà utilisées, afin de les appliquer à la question de la formation : le travail en petits groupes, les échanges, la recherche d’informations en autonomie. « Dans les échanges, il y a toujours un moment où il y en a un qui va dire « tiens on va chercher un peu plus d'info sur ce métier-là » ou « on va peut-être aller voir les entreprises où on exerce ce métier » ou « on va aller faire un stage ». L'idée c'est de les laisser chercher, même si les animateurs peuvent les aiguiller un peu, leur proposer des choses si elles ne viennent pas spontanément. » Les jeunes s’aperçoivent qu'en cherchant la bonne formation, ils identifient plusieurs diplômes, plusieurs organismes de formation. Parmi eux, il y a des CFA. Mais c'est quoi un CFA ? C'est quoi l'apprentissage ? Pour résumer, ils découvrent ce que veut dire « valider un projet ». Deux groupes qui travaillent sur la même fiche ne vont pas forcément trouver les mêmes solutions, prendre le même chemin. Les animateurs se saisissent de tout ce qu’ils entendent pour revenir aux bases de l'environnement de la formation, peu importe la thématique ou le métier ciblé. Mais le principe est qu’ils ne surchargent pas les jeunes d’informations, l’objectif n'étant pas de leur présenter tous les dispositifs existants. Le décodeur est utilisé dans le cadre de ces ateliers, mais les choses ne s’arrêtent pas là. Le travail peut déboucher sur des enquêtes métiers, des rencontres avec des professionnels, avec des organismes de formation. Ce qui a été vu en collectif peut aussi être utilisé dans le cadre de l'accompagnement individuel pour que le jeune avance sur son propre trajet. Un outil commun au réseau Cet outil a été créé en 2021, avec les moyens du bord, par la mission locale d’insertion du Poitou, puis testé avant d’être présenté au réseau régional. L’Association Régionale des Missions Locales (ARML) s’en est saisi pour en assurer la formalisation, et la diffusion auprès des 43 structures de Nouvelle-Aquitaine. Pour Claudette Lemière, directrice adjointe de l’ARML, c’est en droite ligne de sa mission de capitalisation et de valorisation des actions des missions locales. « Dans le cadre de notre programme régional d'animation, nous partageons plusieurs constats avec les missions locales, notamment sur la difficulté de proposer à certains jeunes des parcours vers la formation, parce que ça n’est pas leur demande première. Quand ils arrivent, ils demandent plutôt à travailler, même si ça n’est pas très clair pour eux sur quoi, comment, où, dans quelles conditions ? C’est assez difficile de faire en sorte de ramener vers un dispositif de formation des jeunes qui ont quitté les bancs de l'Education nationale avec plutôt peu de succès. » « Lorsque nous avons vu la démarche, nous avons décidé d’en faire quelque chose de plus formel, de créer un outil d'animation simple et agréable à utiliser. Nous avons travaillé avec la mission locale, avec le même groupe de conseillers, pour réécrire un peu les avatars. Et notre chargé de communication nous a fait une proposition de mise en page. Comme il était pensé à l'origine comme un jeu d'animation, nous avons conservé cette idée d'avoir des cartes, une pochette, une règle de jeu. » Pour l’instant, le décodeur comprend une dizaine de fiches. Les thèmes retenus ne l’ont pas été au hasard (travailler avec des enfants, auxiliaire de vie, menuisier, etc.). Ce sont les métiers qui ont des chances de parler aux jeunes, ceux exercés par les membres de leur entourage ou encore qu’ils ont eux-mêmes pratiqués. Tous des sujets qui reviennent de manière récurrente en mission locale. A chaque séance, les animateurs n’en retiennent que 2 ou 3, quel que soit le nombre de jeunes, quitte à amener plusieurs sous-groupes à travailler sur le même profil. Cela permet également d’alléger un peu la restitution du travail de chaque groupe qui, sinon, pourrait être longue et fastidieuse. Le décodeur peut être décliné de beaucoup de manières différentes. « C’est ça qui va être intéressant dans l'échange de pratiques avec les autres missions locales. C'est que même la fiche d'animation a été conçue par rapport à nous, ce que nous avons expérimenté sur Poitiers. Mais les autres missions locales pourront prendre des largesses par rapport à cette « règle ». Et ce sera tant mieux. » De son côté, l’ARML va continuer le développement de la mallette. « Nous allons créer de nouvelles fiches, de nouvelles illustrations, parce qu’il y a des territoires qui sont peut-être plus marqués par certains lieux, certaines formations. Nous savons que le monde de la formation est très complexe, les gens s’en font beaucoup d’idées fausses. Le grand public a besoin de médiateurs. Les conseillers en évolution professionnelle et les conseillers en insertion des missions locales font partie de ces médiateurs indispensables. »
La transition, mot d'ordre de l'inclusion
Vincent Raineau est responsable de l'antenne régionale de « Osons ici et maintenant », créée en 2014. L’ambition de l’association est de développer le pouvoir d'agir des jeunes. C’est le cas dans son programme « 100% transition », lauréat du PIC « 100% inclusion ». Comment a débuté le projet 100% transition ? La genèse du programme 100% transition c'est que, au fur et à mesure des années, nous avons vraiment ciblé ce qu’on savait bien faire, c'est à dire remobiliser des jeunes. Pour résumer, notre travail est de les mettre en situation de montrer de quoi ils sont capables, leur donner les clés, leur redonner la confiance et l’envie. Beaucoup d’entre eux ne savent pas comment contribuer. Ils sont perdus dans le système d’orientation et se démobilisent à force de faire de mauvaises expériences. Il y a quelques années, nous avons eu un premier partenariat avec INSUP formation. On s'était dit que ça pourrait être intéressant de « binômer » à nouveau sur l'accompagnement des jeunes, de croiser nos regards, nous dans la partie remobilisation par le service civique d’initiative et INSUP sur la partie freins sociaux et orientation vers la formation. Le PIC a été pour nous la possibilité d'expérimenter en grand un projet que l’on souhaitait mettre en place depuis un petit moment. On s'est aussi associé avec Ellyx, une agence d'innovation sociale qui nous accompagne sur la mesure d'impact auprès des jeunes. Comment avez-vous procédé ? Pour penser le projet, nous sommes partis de nos expériences d’accompagnement pour améliorer le ruban pédagogique. La nouveauté, c'est la dimension de la transition écologique et sociale. Pour les jeunes, le mot transition est abstrait. Nous faisons en sorte de le rendre concret, de les pousser à s'intéresser à des formations et des métiers qu’ils n'auraient pas imaginés auparavant, notamment en rencontrant des professionnels. La transition c'est aussi le passage d'un point A à un point B. Les jeunes que nous accompagnons sont souvent à l'arrêt, en manque de confiance. On leur propose une transition vers un « moi qui se connaît mieux », qui est plus capable d'aborder un projet de vie ou un projet professionnel, et de l'assumer. Où déployez-vous votre programme ? Au démarrage, nos expérimentations étaient plutôt basées en Nouvelle-Aquitaine, essentiellement sur Bordeaux, l'entre-deux-mers et le Béarn. Le PIC nous a permis de mettre en place le programme sur d'autres territoires : Bretagne, Auvergne Rhône-Alpes, Guyane. Donc 100% transition, c'est 8 promotions de 12 jeunes, dont 3 promotions en Nouvelle-Aquitaine. A quel public s’adresse-t-il ? C’est le public service civique, 16 à 25 ans, 30 ans en situation de handicap. Dans nos promotions, il y a environ deux tiers de jeunes qui sont infra Bac. L’idée, c'est plutôt de partir avec des jeunes peu ou pas diplômés, qui manquent vraiment de confiance, ou qui sont isolés. On peut très bien être un jeune démobilisé en ayant un bac plus 4. On leur présente 100% transition avec des arguments qui leur parlent, du genre « viens choisir ta vie avec nous ». Comment faites-vous pour constituer vos groupes ? Le sas d’entrée dans le programme, c’est « la fabriK à talent. » Pendant 3 jours, on réunit une vingtaine de personnes intéressées par le programme. On leur propose des ateliers pédagogiques, de connaissance de soi, un jeu de rôle d’une journée sur la transition. Puis, les structures avec lesquelles on travaille viennent se présenter. A l’issue de ces 3 jours on fait des entretiens individuels pour savoir qui est partant pour participer au programme, et si nous sommes d’accord. Cela peut arriver qu’on devine chez certains de telles fragilités qu’on ne se sent pas capables de les accompagner. On ne garde pas des jeunes qui pourraient être contre productifs dans une dynamique collective. Avez-vous rencontré des difficultés à les identifier ? Pour recruter une promotion de 12 jeunes, nous en rencontrons une trentaine ou une quarantaine. En matière de repérage, l’implantation est importante. Cette capacité d’aller vers les jeunes, les convaincre, est pour moi quelque chose d’important. Nous avons fait le choix d’intervenir sur des territoires où les prescripteurs nous connaissent. Nos coordinateurs se montrent, se présentent partout. Ils doivent non seulement trouver les jeunes, mais aussi des structures d’accueil qui partagent la même envie. Que se passe-t-il quand un jeune rejoint le programme ? Comme c’est un public volatil, la semaine d’intégration commence 10 jours après la « fabriK à Talent. » Le groupe rencontre notre équipe et les structures qui participent au programme. Les jeunes se positionnent, puis on construit des missions concrètes avec eux. Quand on parle de pédagogie de la motivation, je sais qu’un des leviers pour un jeune, c’est d’être acteur de sa mission. S’il choisit sa structure et les grands contours de sa mission, qu’il est dans le « faire », il sera plus motivé. Ce qui nous intéresse c’est de les mettre en contact avec des structures qui interviennent dans le champ de la transition écologique et sociale. Nous voulons déclencher chez eux un déclic vers la contribution dans le domaine environnemental, des Amap, de l’artisanat bio et local, des maisons de retraite, des clubs sportifs, etc. Ils s’engagent pour combien de temps ? Le programme complet dure 8 mois, dont 6 de service civique. Chaque semaine, ils passent 3 jours dans leur structure d’accueil, une journée de formation collective et une journée pour des entretiens individuels. L’idée c’est de les suivre dans l‘évolution de leur projet. Nous organisons aussi des grands temps forts pendant cet accompagnement, et un temps de célébration à la fin du programme. Les jeunes terminent par la période de « l’envol », pendant laquelle ils sont accompagnés dans l’élaboration de leur projet de vie. Ils font des stages ou des PMSP pour confirmer leur projet. Pour certains, ça veut dire aller vers une formation après une remise à niveau. Pour d’autres trouver un job, voire même créer son activité. Quels résultats avez-vous enregistré ? Ce qu’on peut mettre en valeur sur le programme 100% transition, c'est la mesure d'impact sur la confiance et l'estime de soi, sur la définition d'un projet de vie et d’un projet professionnel. On travaille avec des jeunes qui partent de loin, nous voulons les sortir de l'isolement, qu’ils fassent des rencontres et qu’ils s’engagent vers la transition écologique et sociale. Notre approche est confortée par les premiers résultats des mesures d’impact d’Ellyx sur l’élévation de la confiance, de la connaissance et de l’estime de soi. Avant, on le ressentait de manière empirique dans nos accompagnements. Maintenant c’est plus formalisé, plus scientifique. Par exemple, au bout de quelques jours seulement, les participants sont près de 90% à sentir un effet bénéfique du programme, 58% une amélioration de leur état psychologique et relationnel, et environ un tiers sentent confusément qu'ils retrouvent de l’enthousiasme et de la confiance. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
L’insertion, une affaire de sportifs
« Notre volonté c’est de rendre notre sport accessible, que nous puissions accueillir n'importe quel gamin ou gamine, quelles que soient les barrières financières et sociales » explique Fabien Drouin, directeur des Girondins Bordeaux Bastide Handball. L’histoire de ce club commence en 2014, suite au dépôt de bilan de la structure précédente. A cette époque, la mairie a proposé d’aider à recréer la structure qui était bien implantée dans le quartier de la Bastide, avec pour mission de développer des actions socio-éducatives au travers de la pratique sportive. Aujourd’hui, le Girondins Bordeaux Bastide Handball possède plusieurs équipes, dont une en nationale 1. En l’absence d’une maison de quartier, le club anime également des écoles multisports qui accueillent 170 personnes chaque semaine. Son but est de faire découvrir les activités du quartier, les lieux, les encadrants, et d’amener les pratiquants vers les clubs avec lesquels il a signé des conventions : football, hockey, basket, karaté, yoga, gymnastique volontaire, boxe thaïlandaise. Il effectue aussi des interventions en milieu scolaire et propose des activités physiques, ainsi que du sport santé, à des publics très éloignés de la pratique sportive, des mères de famille, des seniors. « En 2014, nous étions 4 salariés pour prendre en charge un certain volume d'actions. En développant le multi sport, le sport santé, nous avons eu de plus en plus de besoins de ressources humaines. Et comme nous sommes ancrés dans un territoire avec un fort taux de chômage, notamment chez les moins de 30 ans, nous avons dès le départ pensé que nous devions travailler sur l'insertion professionnelle des jeunes adultes, pour répondre à nos besoins et à ceux du quartier. Ainsi, nous sommes progressivement passés de 4 à 10 salariés. » Du service civique à l'emploi Après quelques années de pratique, la structure a ressenti le besoin, en 2019, de mieux formaliser son approche. Elle a fait le choix de mettre en place un parcours sur le schéma « service civique - contrat d'apprentissage – emploi ». L’appel à projets régional « mobilisation formation » a été l’occasion de passer un cap. « Avant ça, on était encore un peu sur du bricolage. L’aide de la Région nous a permis de vraiment étoffer notre action et nos partenariats. » Ayant son propre agrément en service civique, le club accueille 7 jeunes pour des durées de 8 à 10 mois pour les préparer aux métiers du sport, leur faire découvrir l'animation en milieu scolaire, en club, en école multisport, en organisation d’évènementiels ainsi qu’en communication. Les jeunes qui en expriment l’envie sont intégrés en BPJEPS par apprentissage. « Ils peuvent être apprentis chez nous, mais vu que nous accueillons 7 services civiques par an, on ne peut pas tous les prendre comme salariés. Donc nous en gardons 1 ou 2 par an, et nous accompagnons les autres pour trouver une structure partenaire, comme le club de handball de Floirac/Cenon, de Villenave d’Ornon, le centre d’animation de la Benauge. On les accompagne tout au long de leur formation pour qu'ils valident leur diplôme, puis nous les amenons vers l'emploi. » Même si le premier objet du service civique n’est pas la mise à l’emploi, le club a défendu dès le départ l’idée que son approche comportait plusieurs dimensions pour des jeunes qui ont connu un parcours parfois chaotique. A la fois un travail autour de la médiation et de la citoyenneté, et la préparation aux métiers du sport et à la qualification. « Le plus que nous proposons à ces gamins, c’est une expérience de terrain très diversifiée au travers de nos actions : centre de loisirs, club de handball, événements, partenariats. Ça leur permet, quand ils arrivent au concours du BPJEPS d'avoir plus d'expérience que n’importe quel autre candidat. » Au départ, l’objectif du club était de viser un public de QPV, des jeunes qui n'avaient pas forcément réussi à mettre leurs qualités en avant dans le milieu scolaire. Mais il a assez vite constaté que de constituer des groupes issus du même quartier ne présentait pas que des avantages, que cela avait tendance à créer une attitude de repli sur soi. D’où la volonté d’introduire de la mixité sociale et de genre, pour changer les a priori réciproques de jeunes de milieux différents. « Au début, ils se regardent bizarrement parce qu’ils ne se connaissent pas. En fin d'année, c’est devenu un groupe de potes prêts à mener des actions ensemble. Ça c'est magique. Il nous faut impérativement de la mixité, parce que faire évoluer les regards vers le monde et les gens, pour moi, ça fait partie des savoir-être. » Faire une carrière dans le milieu du sport n’est pour autant pas une finalité pour les jeunes qui entrent dans le dispositif. « Dans notre accompagnement, il y a bien sûr les savoir-faire, mais il y a aussi les savoir-être. Si nous arrivons à faire adopter les postures professionnelles à un jeune, c’est positif. S’il ne perd pas de temps à trainer au quartier, c’est déjà gagné. Même s’il ne se destine pas à travailler dans le secteur sportif. Mais de fait, 90% des jeunes que nous suivons partent vers un métier d'éducateur sportif après le BPJEPS. » Tutorat renforcé Depuis 2014, le club a accueilli 49 jeunes en service civique. 47 d’entre eux ont eu leur diplôme et sont aujourd’hui salariés. Il assume son choix de ne prendre que 7 jeunes à l’année, même si ce nombre limité le prive de certains financements. Mais cela lui permet de garantir 95% de réussite. Un tuteur accompagne chaque stagiaire au quotidien. Il doit également lui consacrer du temps en dehors du lieu de travail, pour aller prendre un café ou déjeuner. C’est l’occasion d’échanger sur la situation du jeune, de ses problèmes de logement et de mobilité, de son permis de conduire, de ses besoins financiers. Le cas échéant, de son casier judiciaire. « Souvent les associations disent que c'est compliqué de travailler dans les quartiers. Pour nous c'est plus simple de le faire ici qu'ailleurs, parce qu’aujourd’hui nous avons une vraie aura sur ce territoire. Notre travail est respecté par tout le monde et à toutes les échelles. Des habitants du quartier sont devenus bénévoles, ils participent à l’organisation de nos évènementiels. Nous savons qu’il n’y aura aucun souci, parce que nous avons accompagné les petits frères, les grands frères, les filles, fils et neveux de tous les habitants. Le regard de la population est très bienveillant envers nous. Et ça c'est quelque chose d'important pour que notre travail d’insertion professionnelle soit véritablement couplé à l'intégralité de nos actions. » En raison de son histoire, le club veut assurer sa sécurité en multipliant les partenaires, en développant le partenariat privé, pour ne dépendre d’aucun financeur. Depuis 2019, la structure s’est renforcée. Elle a monté son propre parc informatique. Quand les jeunes entrent en service civique, ils reçoivent une dotation aux couleurs des Girondins. Ils participent à un week-end d'intégration où ils apprennent à se connaître, à rencontrer les encadrants. « Nous avons réussi à muscler ce petit dispositif qui au départ partait de pas grand-chose, qui visait juste à accueillir des gamins qui voulaient découvrir les métiers du sport, et un jour en faire leur métier. Depuis deux ans, nous avons pris un réel virage. Nous venons de signer un partenariat avec le dispositif Sésame qui finance des formations complémentaires comme des BPJEPS, des BAFA ou des CQP. Ce qui ne change pas, c’est que nous voulons que le projet associatif reste au centre de nos actions. »
L’insertion par le grand large
Dominique Lespagnol est directeur du Centre de Voile de Bordeaux-Lac. Implanté en 1975 dans le nord de la métropole, sa mission a depuis l’origine été de proposer l’activité voile aux scolaires et plus largement d’en faciliter l’accès à tous les publics. Cette année, il déploie le programme national « la mer est à vous », destiné aux jeunes de 18 à 25 ans. Il est lauréat du PIC 100% inclusion. Quelle est l’origine du programme « La mer est à vous » ? C’est un projet qui a été lancé au niveau national par la Fédération Française de Voile, puis décliné au niveau régional. Il a été conçu en 3 vagues. Une première qui s’est déjà déroulée en 2020-2021, avec 8 structures. Une deuxième, que nous avons rejointe, avec 11. L’idée c’est que l’on soit 18 structures pour la troisième vague sur 2022-2023. La genèse du projet, c’est un constat dressé par la FFV d’un gros déficit de main-d’œuvre au niveau de l’encadrement, particulièrement en saison. On le constate pour les métiers du nautisme en général, le transport de passagers, la maintenance nautique, la construction. L’idée générale est de remobiliser les jeunes par une action qui dure 5 mois et demi, avec un gros noyau de formation autour de la pratique de la voile, et la découverte de tous les métiers liés au nautisme. Pourquoi ce programme est-il déployé à Bordeaux plutôt que sur la côte ? Parce que les publics ciblés sont les QPV. Et c’est vrai qu’à Bordeaux Lac, nous sommes en plein dedans. Il faut ajouter que ces publics ne sont pas forcément bienvenus dans les écoles de voile. Le problème que nous avons connu par le passé, c’est qu’une fois qu’on avait réussi à former les jeunes, nous étions regardés avec suspicion sur le fait d’avoir pu diplômer ces jeunes-là pour de l’encadrement. J’avais parfois du mal à les placer. A l’époque j’avais comme partenaire l’UCPA. Elle a fait confiance à certains d’entre eux, qui sont parfois toujours en place dix ans après. Nous avons eu des échecs, mais aussi de beaux succès. Quelle est votre expérience avec ces publics ? Il y a une dizaine d’années, à l’échelle locale de la communauté urbaine de l’époque, nous avions monté un projet de remobilisation des jeunes des quartiers prioritaires de la ville par l’activité sportive. Un projet qui durait 12 mois, au cours duquel nous leur faisions passer un premier diplôme de qualification voile, afin de leur permettre d’enseigner l’activité sur la saison estivale. Puis, éventuellement, d’intégrer les formations BPJEPS par le biais de l’apprentissage, puisque nous étions en partenariat avec le CFA du sport. Nous avons fait ça 3 ans de suite. C’est très lourd à gérer, c’est un public qui demande beaucoup d’attention. Et les dossiers de financement sont compliqués à monter, avec beaucoup d’intervenants. Donc pour vous, ce programme est une sorte de continuité ? Quand on a vu surgir le projet « la mer est à vous », nous n’avons pas réagi. Nous nous étions un peu épuisés sur ce genre d’actions, et nous n’avions pas forcément envie de nous y remettre. Mais l’avantage du dispositif, c’est que tout est préparé. La seule chose que nous avons à faire, c‘est le sourcing, arriver à trouver les jeunes pour les 9 places disponibles. L’AFPA est partenaire de l’opération au niveau national, ainsi que l’APELS (agence pour l’éducation par le sport). C’est aussi ce qui nous a finalement décidé à participer. En quoi consiste-t-il ? Contrairement à notre action précédente, qui était ciblée animation, là on est sur quelque chose de beaucoup plus large. Nous allons leur faire pratiquer la voile, leur faire passer le permis bateau, éventuellement le certificat de radiotéléphoniste restreint, des niveaux techniques voile. Mais surtout, nous allons leur proposer un large panel d’activités. La voile est la porte d’entrée, mais ils vont aussi découvrir le transport de passagers, la pêche, le tourisme fluvial qui se développe de plus en plus... Sur 5 mois et demi ils ont 3 semaines de stage pour découvrir tous ces métiers-là, en plus des plateaux techniques qui leur seront proposés. Le principe est de leur présenter le maximum de choses, et que derrière ils fassent un choix et s’orientent vers le secteur qui les attire le plus. La sortie positive du dispositif, c’est qu’ils trouvent une voie de formation. Comment allez-vous trouver les jeunes ? Nous allons faire le sourcing avec l’AFPA et avec la mission locale, qui connait bien les jeunes de 18 à 25 ans visés par le programme. Nous avons aussi tout le réseau des associations sportives, des maisons de quartier, des centres d’animation. Les premiers retours que nous avons de la mission locale, c’est que dès que l’on propose de faire du bateau, ça freine certains jeunes. Ce qui peut les motiver, c’est que lorsqu’ils arrivent, on les équipe de la tête aux pieds. En plus, ils ont un PC portable en dotation, qu’ils conserveront à l’issue du dispositif. Je n’ai pas besoin d’avoir de prescripteurs. Le premier jeune de 18-25 ans qui passe, originaire d’un QPV, peu qualifié, en gros un public très éloigné de l’emploi, s’il a envie, il rentre. Et je suis son interlocuteur. Son inscription est ensuite validée par les référents nationaux du programme, au niveau fédéral, pour être sûr que l’on est bien dans les bonnes cases. Quels sont les accompagnants ? L’équipe d’animation mobilisée, c’est l’équipe habituelle. J’ai un animateur du centre qui est lui-même issu de notre action précédente, lui-même originaire d’un QPV. A l’époque, quand il est arrivé, c’était un peu compliqué, il avait lâché l’école en 3e. Maintenant il est marié, père de deux enfants, il a construit sa maison. C’est lui qui sera le référent, il apportera la valeur d’exemple. En ce qui me concerne, je serai en coordination générale. Je vais chercher un moniteur en complément, ça va générer de l’emploi au niveau de la structure. Comment le programme va-t-il se dérouler ? Nous allons baliser le parcours par des étapes clés, des sortes de récompenses comme le permis bateau qui va être un peu la carotte pour avancer. Au début, nous mettons en place un petit séjour d’intégration et de cohésion, 2 ou 3 jours à l’extérieur de Bordeaux pour faire différentes activités, accrobranche, course d’orientation. L’AFPA va accompagner les jeunes une demi-journée par semaine, pour faire de la technique de recherche d’emploi, la visite de plateaux techniques. Elle va aussi mobiliser son réseau de relations avec les entreprises pour trouver des stages. Les stages sont répartis en plusieurs fois, une semaine en décembre, 2 semaines en février, pour leur laisser le temps de mûrir leur projet. Le reste du temps, ils seront à l’école de voile. A nous de rendre cette partie la plus intéressante possible, sachant que la période n’est pas la plus facile pour les activités nautiques. Nous savons très bien que, parmi les jeunes que nous allons accompagner, si on en emmène un ou deux vers un CQP ou BPJEPS, ce sera déjà pas mal. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
Un fil d'Ariane vers l'insertion
Sana El Abbeir est juriste-coordinatrice pour l’Association du Lien Interculturel Familial et Social (ALIFS – Bordeaux). Son projet « Le fil d’Ariane » est lauréat de l’appel à projets national du PIC « Repérer et mobiliser les publics invisibles ». Quelle est la vocation d’ALIFS ? Depuis sa création en 1982, sous le nom d'association des Tunisiens de France, son cœur de métier est l'accès aux droits pour tous, ainsi que l’accès à la culture. Au départ, l’association avait deux pôles, ceux de l'action sociale et de l'action culturelle. Ainsi qu’un troisième, un pôle hommage pour les anciens combattants, qui s’est progressivement étendu à l'accompagnement juridique des personnes vieillissantes, à partir de 60 ans. Comment avez-vous commencé à travailler sur l’insertion professionnelle ? En 2015, nous avons décidé d’œuvrer dans ce champ pour répondre à une montée du décrochage scolaire constatée par les services de l’Etat. Nous étions déjà présents dans les établissements scolaires pour des actions interculturelles, des ateliers théâtre, les passeports citoyens, mais on n’agissait pas sur le décrochage. Nous avons lancé un projet, soutenu par des financements européens, « Décolle : l’Entreprise Réussite », qui a duré 3 ans. Le bilan était globalement satisfaisant mais le problème est que pour que l’Europe considère un jeune comme « NEET » (ni en emploi, ni en études, ni en formation), il faut qu’il ait décroché pendant un an et six mois. Donc impossible de prendre en charge, par exemple, un jeune qui commence à tomber dans la délinquance après 8 mois de décrochage. On ne pouvait pas se résoudre à ne pas travailler avec ces jeunes-là. Vous avez imaginé votre projet « le fil d’Ariane » suite à cela ? En 2019, « le fil d’Ariane » a été retenu dans le cadre du PIC « repérer et mobiliser les publics invisibles », ce qui nous a permis de travailler avec des jeunes de 16 à 29 ans. Pour ce projet, nous avons voulu lancer un véritable pôle d'insertion. Nous avons créé un tiers-lieu dans une maison de location, où les jeunes peuvent venir manger ensemble, boire un café, parler de leurs problèmes. Ils disent souvent qu’ils « viennent à la maison ». Ils savent qu’ils peuvent y trouver de l’aide à plusieurs niveaux, pas seulement sur la dimension professionnelle, mais aussi psychologique, sociale, etc. Cet outil a permis un repérage fluide sans que nous soyons obligés d'aller sur le terrain. C'est là aussi que l'on fait les audits administratifs, juridiques et professionnels, un passage obligé pour les jeunes. En quoi consistent ces audits ? C’est un questionnaire administratif basique qui nous sert de révélateur. On demande aux jeunes s'ils ont une carte d’identité, une carte vitale ou une carte de transport en commun pour vérifier s’il y a des amendes qu’ils n'auraient pas payé. Si on trouve un obstacle juridique, une juriste va travailler sur les points qui posent problème, comme des dettes. A cette occasion, on peut se rendre compte que certains jeunes sont SDF. Dans ce cas, on peut les aider à rechercher un logement. On en a également ceux qui ne se nourrissent pas. Avec nos partenaires, nous leur proposons de venir chercher des paniers repas une à deux fois par semaine. Quels étaient vos objectifs initiaux ? Nous sommes partis sur l’accompagnement de 100 personnes, on voulait commencer doucement. Mais pour moi ça n'était pas un chiffre fixé. Dans la réalité, notre pôle insertion accompagne 180 jeunes par an. Notre plan prévoyait de travailler en priorité sur la remobilisation individuelle, sous forme d'art thérapie, d’ateliers théâtre, de sport, toutes ces activités que les jeunes abandonnent souvent parce qu’elles sont trop coûteuses. On a aussi travaillé sur les traumas causés par la violence ou l'humiliation de l'échec, qui concernent beaucoup de jeunes invisibles. Pour les accompagnements professionnels, les jeunes sont coachés par des spécialistes des métiers et des intervenants bienveillants du monde de l'entreprise. Grâce à nos partenariats avec les clubs d'entreprises, on a pu créer des stages d’immersion avant embauche. En fait l'important c'est le réseau. Aujourd'hui nous sommes en contact avec 75 entreprises, associations et ONG. Sur ce projet, nous avons un volet qui s'appelle « accompagnement des entreprises dans le recrutement » qui a pour objectif de les aider à faire toutes les démarches, par exemple une autorisation de travail. Comment procédez-vous pour le repérage ? Le repérage peut être de différentes natures, il fonctionne beaucoup par le bouche-à-oreille. Nous avons opté pour le recrutement d'un adulte relais, un médiateur qui travaille sur des animations et des activités sportives, en allant directement dans les quartiers à la rencontre des jeunes. Ça a été notre premier moyen de sourcing. On a aussi distribué des flyers des affiches dans les lieux de regroupement. La police, la gendarmerie et la protection judiciaire de la jeunesse, nous ont signalé des jeunes. On s'est également associé avec un club de boxe qui travaille sur l'insertion avec les jeunes les plus compliqués. La boxe c'est aussi un facteur de défouloir et surtout une bonne zone de repérage dans le sens où beaucoup de jeunes en colère s'orientent vers les sports de combat. Avec un peu de recul, quel est votre premier bilan ? Dans notre accompagnement, nous jouons sur le volontariat du jeune. Mais une fois qu'il est rendu visible, ça n'est pas pour autant qu'il veut travailler. Une fois qu'il a réglé ses problèmes, il peut très bien disparaître pendant un ou 2 mois. On peut le remobiliser grâce aux activités proposées dans notre tiers lieu. S’il vient à la maison, nous gardons un œil sur lui et on peut faire un point sur sa situation. Souvent, même quand les jeunes sont en emploi ils viennent participer aux animations. Grâce à nos partenaires, nous bénéficions de tarifs préférentiels pour des spectacles, et donc ces jeunes restent dans le réseau le fil d’Ariane. On les suit même s’ils sortent du dispositif, l’objectif étant qu’ils ne redeviennent pas invisibles. Si on se retrouve à avoir plein de jeunes qui viennent mais qu'on n’a pas de sortie positive pour eux, finalement on est aussi bloqués que les acteurs institutionnels et notre activité n'a pas lieu d'être. Pour nous, une sortie positive c'est la mise à l'emploi, en stage ou en intérim. Mais ça peut aussi être une insertion sociale et culturelle. Comment avez-vous géré la crise sanitaire ? Le confinement a été très mal vécu par nos jeunes. On a eu de nombreux appels à l’aide. Nous avons très vite ouvert des séances collectives en visio, des ateliers d'art thérapie, du coaching à distance, pour les faire sortir de leurs craintes. On a aussi largement utilisé les réseaux sociaux. Beaucoup de jeunes ont commencé à braver les interdits parce qu'ils avaient besoin de se retrouver les uns chez les autres. On a beaucoup travaillé sur leur colère face à cette situation. Progressivement, nous avons pu remettre en place les activités collectives en respectant les consignes sanitaires. Mais c'était difficile à gérer parce que les jeunes sont venus nombreux et devaient attendre leur tour.
Samedi matin, c’est métiers
Découvrir des nouveaux métiers chaque samedi matin pendant deux ans. C’est la proposition que l’association bordelaise « Ikigai - l’école du samedi » fait à des jeunes de réseaux d’éducation prioritaire, particulièrement ceux qui manquent d'appétence pour la chose scolaire, qui ne voient pas le lien entre le théorique et le pratique. Elle s’appuie sur deux expériences belges et néerlandaises qui existent depuis 10 à 20 ans, en associant le côté concret, le « faire par soi-même » et une dimension de long terme, un accompagnement tout au long d’un programme qui dure plusieurs années, les « ateliers de l'avenir. » Ikigai constitue des groupes de 25 élèves de classes de CM2 originaires d’écoles différentes. Les candidats potentiels sont repérés par les établissements ou par le biais du Programme de Réussite Educative (PRE) des mairies. Le projet est exposé en classe et aux parents, il ne présente aucun caractère obligatoire. Pour Florian Machayekhi, directeur, « il faut une grande part de motivation parce que c'est un engagement sur le long terme. On se situe en amont du décrochage scolaire qui intervient généralement en fin de collège et au début du lycée. D'une orientation subie à une orientation choisie « L'idée n'est pas de les orienter, parce qu'ils sont encore très jeunes, mais de les motiver pour faire de l'accrochage scolaire. Nous voulons leur donner des perspectives d'avenir très positives, rencontrer des personnes stimulantes, élargir leur champ d'horizon. Notre objectif c'est d'ouvrir le champ des possibles en amont pour éviter les situations d'orientation subie dès la fin du collège. A cet âge-là, ils sont encore très curieux et très ouverts, on peut leur proposer tout un éventail d'activités. » A l’ouverture des inscriptions, Ikigai rencontre chaque jeune et ses parents pour échanger sur la façon dont ils perçoivent l'avenir de leur enfant. Mieux impliquer les parents c'est aussi mieux impliquer les jeunes, et s’assurer qu’ils reviennent d’une année sur l’autre. « Pour les ateliers d'avenir nous avons le souci que les parents comprennent ce que l’on fait avec les jeunes tous les samedis. On leur envoie un petit débrief à la fin de chaque cycle pour les tenir informés. Et nous organisons 2 à 3 fois par an des petits moments festifs, ainsi qu’une réunion de bilan en fin d'année avec une remise de diplôme. » A raison de 25 samedis par an, 2 intervenants par samedi sur 2 ans, c’est une centaine d'intervenants professionnels que les jeunes rencontrent sur l'ensemble de leur parcours. En plus de la découverte des métiers, ils travaillent sur la confiance en soi et l’expression orale. Un des objectifs du programme est aussi de leur faire découvrir leur environnement, les associations et les entreprises de leur quartier, pour faire du lien géographique en plus du lien intergénérationnel. Ces « ateliers de l’avenir » se déroulent au centre de médiation de culture scientifique technique et industrielle « Cap Sciences » (Bordeaux). Les jeunes mettent littéralement la main à la pâte, de façon ludique : monter un petit mur avec un maçon, imaginer la maison de leurs rêves avec un architecte, apprendre à prendre soin des autres avec une esthéticienne, faire des points de suture à une banane avec un chirurgien. Tous les métiers sont abordés, qu’ils soient manuels ou intellectuels, plus ou moins valorisés par la société, sous tension ou pas. Découvrir tous les métiers Le calendrier est organisé en cycles thématiques de 4 semaines (santé, agriculture, industrie…), le quatrième samedi étant consacré à une visite sur le terrain pour renforcer le côté immersif : caserne de pompiers, hôpital, exploitation agricole, tribunal, etc. Le programme de chaque séance n'est pas connu à l'avance, afin de conserver un petit effet de surprise. Au cours d’un cycle, les jeunes savent de quel secteur il s’agit, mais pas les métiers exacts qui seront abordés, de manière à ce qu’ils ne fassent pas de sélection en amont, en fonction de ce qu’ils ont envie de voir ou pas. Cela permet également de lutter contre les stéréotypes de genre, pour que les filles découvrent des métiers traditionnellement masculins qui ne les attirent pas spontanément. Une trame est définie pour chaque atelier, libres aux intervenants de la modifier pour que cela corresponde mieux à leur réalité. L’essentiel est qu'ils aient une bonne interaction avec les jeunes, qu'ils soient dans une approche ludique et de transmission. « L'intervenant ne va pas dans le détail technique puisque les ateliers sont tout de même assez brefs. Ils ne cherchent pas à être à 100 pour 100 véridiques, la priorité c'est de donner un aperçu aux jeunes. Un atelier se termine par un temps d’échange où les questions sont en général plus précises qu’au départ. » La recherche des bons intervenants n’est pas forcément simple, elle prend beaucoup de temps. Ikigai attend d’eux qu’ils s’engagent, bénévolement, au moins une demi-journée par an. « Au début c'était beaucoup de bouche-à-oreille et de connaissances. Nous cherchons des intervenants qui ont envie de partager leur métier, leurs connaissances, et qui soient à l'aise avec les jeunes. On s'appuie aussi beaucoup sur les réseaux sociaux comme LinkedIn et sur les ordres professionnels. On essaie de plus en plus de contractualiser avec les entreprises pour que chaque année certains de leurs salariés participent au programme. » La première promotion, lancée en janvier 2019 vient de se terminer. « Nous étions partis de l’idée de faire des cohortes de 3 ans. Mais finalement, une durée de 2 ans permet déjà une bonne accroche et un nombre suffisant d’ateliers. En septembre 2021 nous allons constituer un groupe sur Bordeaux nord et un autre sur Lormont. Nous envisageons également un développement géographique au niveau régional, peut-être pour septembre 2022 ou l'année d'après, notamment à La Rochelle. » Pour compléter les « ateliers de l’avenir », Ikigai lance dès septembre un deuxième projet plus centré sur l'orientation. Il s’agit en quelque sorte d’un programme d’approfondissement, un réseau d'anciens élèves ouvert à ceux qui ont déjà été accompagnés pendant deux ans, continuer à leur proposer des activités. « L'idée c'est toujours de les pousser à faire par eux-mêmes, qu'ils aient à terme les outils qu'ils pourront utiliser dans leur vie de tous les jours. Nous avons aussi le projet d’organiser des événements qui permettraient de toucher plus de jeunes, sur des temps plus courts, en gardant le côté concret qui est en quelque sorte notre ADN. Pour l'instant nous essayons de nous appuyer sur l'existant et de nous améliorer, en dressant un bilan sur ce qui a marché ce qui a moins bien marché. » "Les ateliers de l'avenir" est un projet soutenu par la Région Nouvelle-Aquitaine dans le cadre de l'appel d'offres "Expérimentations et innovations territoriales en matière d'orientation".
PAIA, faire de l’illectronisme un objet de formation et d’échanges intergénérationnels
Partir de l’appétence des jeunes pour les outils numériques, c’est en résumé le principe de base de PAIA (Parcours Accompagnement Interaction Articulé). Ce projet créé à l’initiative de l’Insup Formation ambitionnait de toucher des jeunes de 16 à 26 ans, décrocheurs scolaires, prioritairement issus des Quartiers Politique de la Ville, pour leur proposer en quelque sorte une première marche vers la formation sur trois sites (Pau, Dax, Mont-de-Marsan). PAIA visait deux grands objectifs. Tout d’abord accompagner des jeunes dans la mise en forme et l’animation d’ateliers de lutte contre l’illectronisme. Ensuite les emmener vers une qualification partielle et obtenir une partie d’un titre, en l’occurrence le TP infographiste, plus particulièrement le CCP « réaliser un support de communication ». Le caractère innovant de l’action consistait à trouver des personnes sans prérequis, qui avaient le désir de suivre la formation, afin de les amener à suivre un parcours à temps partiel sur 6 mois pour acquérir une partie d’un diplôme. Avec la perspective de continuer ensuite pour décrocher la totalité du titre. « Après avoir déposé le projet dans le cadre de l'appel à projets "illettrisme et illectronisme" et reçu l’accord de la Région, nous sommes allés sur chaque territoire, à la rencontre des intervenants susceptibles de nous orienter des jeunes répondant aux critères, » explique Stéphane Bourdens, délégué territorial INSUP 64. « Donc rencontrer Pôle emploi, la mission locale, pour leur présenter le projet de manière à identifier une dizaine de candidats. » Parcours court et parcours long Deux formations ont été mises en place en janvier 2020 pour des groupes de 6 à 8 jeunes, une à Mont-de-Marsan et une à Pau. Ces formations à temps partiel, sans rémunération, proposaient deux types de parcours. D’un côté un « parcours court », destiné à des jeunes déjà engagés ailleurs, par exemple en service civique, centré sur la conception d’ateliers de lutte contre l’illectronisme et la validation du CCP. De l’autre, un « parcours long » de 2 à 3 journées par semaine qui comprenait, outre l’organisation d’ateliers et le CCP, le passage de deux certifications TOSA numériques. « Le plus difficile, c’était de tout mixer : la présentation à un CCP, le TOSA numérique et, pour tous, les animations d’ateliers. C’était protéiforme en quelque sorte. » La formation comprenait une partie technique, au moins une journée avec un infographiste notamment pour préparer le passage du CCP. Et une partie accompagnement menée par une formatrice de l’INSUP, chargée du suivi des jeunes, des emplois du temps, de la préparation des ateliers, etc. « Pour nous il ne s’agissait pas seulement de faire une formation, mais d’aider les jeunes à se projeter dans l’avenir. Nous avons alterné les séances techniques et les phases d’accompagnement, pour éviter qu’ils ne se lassent et garder leur attention. » Première modalité de PAIA, les ateliers de lutte contre l’illectronisme sont des séances de 2 heures environ, sur des thèmes qui tournent autour de l’utilisation des outils numériques : « comment répondre à une offre d’emploi via le Net ? », « qu’est-ce qu’un CV numérique ? », « Comment s’inscrire et consulter ses droits au CPF ? », ou « comment répondre à une offre d’emploi depuis un smartphone ? ». Pour les concevoir, les jeunes ont été formés à l’animation, à l’utilisation des supports, aux différentes manières de capter un auditoire, etc. « Au départ, puisque c’était expérimental, nous avons démarché des missions locales, organismes, associations sportives, en leur proposant d’intervenir auprès de leurs publics mal à l’aise avec l’utilisation des outils numériques. Avec les jeunes, nous avons rapidement décidé de nous focaliser sur la question de l’insertion professionnelle des publics en âge de travailler, pour aider ceux qui, par exemple, rencontrent des difficultés à se servir de l’offre numérique de Pôle emploi. » Les jeunes animaient les ateliers par binômes. Ils étaient accompagnés au cas où les participants leur posent des questions sortant du thème de la séance. « Là où il y a eu des difficultés, c’est que, comme dans tous les groupes, certains étaient plus à l’aise que d’autres sur la prise de parole devant un public. L’essentiel, c’est qu’ils se soient bien préparés et qu’ils arrivent avec des outils bien réalisés. Globalement, les ateliers étaient plutôt bien conçus. » Echanges intergénérationnels autour du numérique Intervenir auprès de publics en situation d’illectronisme, des adultes pour l’essentiel, présentait aussi une plus-value en ce qui concerne les échanges intergénérationnels. Cette dimension était dès l’origine au cœur du projet, celle de mobiliser l’attrait de la jeune génération pour l’outil numérique afin d’opérer un transfert de compétences vers leurs aînés. La crise sanitaire a repoussé les formations au printemps 2020. Au déconfinement, seul le groupe de Pau a pu être reformé pour une prolongation de parcours jusqu’en septembre. La moitié d’entre eux ont finalement validé le CCP (ainsi qu’un jeune à Mont de Marsan), 3 ont également validé le TOSA numérique. PAIA a permis à une dizaine de jeunes de remettre le pied à l’étrier, passer un premier diplôme et poursuivre leur parcours vers d’autres horizons : un DUT multimédia, une formation de développeur web, ou de technicien en fibre optique. D’autres ont choisi de se diriger vers les métiers de l’animation, voire de la puériculture. « Nous avons touché une population plutôt isolée. Pour la plupart, des jeunes qui avaient quitté le système scolaire, n’avaient pas de solution à ce moment-là, ou s’apprêtaient à entrer en service civique. Les jeunes ont tiré un bilan positif de leur parcours, ils ont appris beaucoup de choses sur le plan technique, l’animation des ateliers leur a permis de se sentir utiles. Mais ils ont trouvé que la formation était trop étalée dans le temps, ils auraient aimé pouvoir emporter les ordinateurs et les logiciels chez eux pour pratiquer. C’est un point qu’il faudrait améliorer. Ils auraient également voulu découvrir un environnement professionnel, mais il n’y a pas eu de stages en entreprises, et ça manquait. »
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