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Illettrisme, une histoire individuelle
A Limoges, Hélène Merigoux et Maïder Echeverria sont codirectrices de l'association Lutter pour l’Inclusion et le Respect par l’Ecriture (LIRE). La principale action portée par LIRE est l’accompagnement individuel des personnes en situation d'illettrisme. Elle est soutenue par la Région dans le cadre de l’appel à projets régional « Innover contre l’Illettrisme. » En quoi consiste votre projet ? A la base du projet nous sommes 3 éducateurs spécialisés, dont les deux codirectrices actuelles. On travaillait dans la protection de l'enfance, dans un foyer avec des mineurs qui n'avaient pas le niveau nécessaire pour être autonomes dans leur vie quotidienne. Nous avons essayé de faire intervenir des associations de soutien scolaire, mais le fait que ce soit un « simple » soutien scolaire ne suffisait pas. Il manquait un accompagnement global qui tienne compte des réalités sociales de ces jeunes. Nous avons pris deux ans pour réfléchir à un projet qui réponde à des besoins individuels, dont l’apprentissage du français pour accéder à l'autonomie et l'insertion. Comme il n’existait rien de similaire sur le département, nous avons rencontré beaucoup de futurs partenaires, présenté le projet aux institutions publiques et privées qui pouvaient nous aider à le monter et le financer. En 2020, nous avons commencé des accompagnements à la Bibliothèque francophone multimédia de Limoges, ensuite nous avons pu louer nos propres locaux. Quel est votre public aujourd’hui ? On s'adresse à toute personne en situation d'illettrisme. Cette année il y a une forte demande de la part de jeunes en apprentissage qui ont des problèmes de maitrise de la langue. D’autres ont connu des échecs scolaires et se rendent compte que leur niveau de lecture et d'écriture est trop bas pour accéder à une formation qualifiante. Les personnes ne sont pas forcément illettrées au sens officiel du terme, mais en pratique, elles le sont dans leur vie quotidienne, parce que leurs carences les empêchent de s'insérer, de trouver de l'emploi, ou même d’avoir des relations sociales normées. Au point que certaines ne sortent plus de chez elles, ne font plus leurs courses, ne savent pas prendre le bus. Notre objectif, c’est qu’elles soient autonomes et qu'elles trouvent du travail ou une formation à leur niveau. Quelle est la particularité de votre action ? Ce qui est innovant dans notre façon de faire, c’est l’accompagnement individuel, sur le principe un formateur, un apprenant. Nous tenons à ce que nos formateurs bénévoles suivent au moins une formation dans l'année au Centre Ressources Illettrisme Analphabétisme (CRIA Nouvelle-Aquitaine) et participent à nos formations internes sur la relation éducative. Il nous paraît important qu’ils sachent éviter les écueils de la relation avec notre public, qu’ils ne soient pas trop dans l'affect et gardent la bonne distance. La deuxième particularité de notre méthode, c’est qu’elle consiste à répondre à un besoin immédiat. Nous accueillons les personnes qui nous sont adressées avec un premier entretien pendant lequel on discute de leur situation, des raisons de leur venue, de leurs attentes. En fonction de ses réponses, on adapte nos méthodes pédagogiques. Par exemple, si une personne nous dit vouloir passer le code de la route, on va focaliser son apprentissage là-dessus. Elle aura la sensation qu'on répond tout de suite à ses besoins. Comment se déroule ce premier entretien ? Nous utilisons un support avec les renseignements classiques, la situation sociale de la personne, son travail, si elle cherche un emploi, est-ce qu'elle a des enfants, si elle est isolée, si elle prend les transports en commun, etc. Nous lui faisons remplir la partie administrative, ce qui nous donne déjà un premier niveau d'informations : comment elle tient son stylo ? Est- ce qu'elle tremble quand elle écrit ? Est-ce qu’elle a besoin de sa carte d'identité pour écrire son nom de famille ? etc. Ensuite, on lui demande ce qu’elle attend de nous, ça nous permet aussi de voir quelle est sa posture, et si elle est à l'aise à l'oral. On lui explique bien ce qu'on peut proposer, qu'on ne pourra pas forcément lui apprendre à lire et écrire, car il faut 1 500 heures pour ça, mais que nous sommes une première marche vers des formations plus longues. La première demande peut être juste « je veux apprendre à lire et écrire. » D'autres personnes vont venir dans un but précis, parce qu'elles veulent trouver un travail ou passer une qualification, mais qu’elles n’ont pas le niveau suffisant. On leur propose un accompagnement sur la recherche d'emploi. On leur apprend à se présenter, à savoir faire une phrase appropriée lors d'un entretien professionnel, comment ne pas faire d'énormes erreurs. Comment procédez-vous ? Notre méthode et nos outils sont entièrement personnalisés. Aucun accompagnement ne ressemble à un autre. Les personnes viennent pour des séances d’une heure, une ou deux fois par semaine, toujours avec le même formateur. Avec nos apprenants, tout peut servir de support d’apprentissage. On fait des simulations d'appels téléphoniques, des sorties, on va prendre le bus, faire des courses, on ne s’interdit rien. L’accompagnement se termine quand le besoin est satisfait. Mais il peut reprendre plus tard dans l’année, par exemple pour des personnes qui sont entrées en formation, mais qui ont besoin d’un petit coup de main pour leurs examens. En tant qu’éducateur spécialisé, avez-vous une approche particulière ? Le métier d'éducateur a pleinement son rôle dans le champ de l’illettrisme, parce que c'est un métier du lien. Nous avons l’expérience du travail en foyer avec des adolescents récalcitrants, nous avons l’habitude de nous adapter. Nous disons à nos formateurs qu’ils sont là pour l'apprentissage du français et que pour tout ce qui relève du social, c’est nous qui intervenons. Nos publics sont le plus souvent dans des situations administratives assez complexes, ils n’ont pas besoin de nous réexpliquer tout leur parcours. Comme nous sommes des travailleurs sociaux, nous savons à peu près où ils en sont. Je pense que c'est pour ça que ça fonctionne bien. Quel est le profil de vos formateurs bénévoles ? Nous avons tous les profils. Beaucoup de retraités, mais aussi de plus en plus de jeunes en quête de sens. Nous sommes attentifs à ce que ça reste un plaisir pour eux de venir. Nous faisons des parcours individualisés aussi pour chaque formateur bénévole, c'est-à-dire qu’on respecte le temps qu’il veut donner à l'association. On essaie de créer des binômes formateur/apprenant sur la base de leurs centres d'intérêts communs. Et notre collègue Grégory Salles organise des temps de regroupement de formateurs trois fois dans l’année pour parler des outils pédagogiques, des pratiques, des formations… Quels sont vos projets ? Nous aimerions toucher beaucoup plus les salariés. Nous savons que dans les entreprises, il y a des personnes qui ne savent pas lire et écrire, qui sont en difficulté. En Haute-Vienne, l’illettrisme c’est 7%, soit 26000 personnes. Elles sont bien quelque part. Les entreprises en sont très conscientes, mais dès qu'on leur parle de payer pour mettre en place une formation auprès de leurs salariés, il y a moins de candidats. Nous voulons aussi devenir organisme de formation, on sait que l'avenir de l'association dépend aussi de ça. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences et du PACTE de la Région Nouvelle-Aquitaine : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
La méthode Griso, aborder l’illettrisme autrement
Avant de créer sa propre structure, Graziella Griso s’est consacrée pendant plusieurs années à l’enseignement du Français Langue Etrangère. Elle a été évaluatrice dans une plateforme d’évaluation et d’orientation. Au sein de son organisme « Méli-Mémo », créé à Agen en 2017, elle reçoit par petits groupes des personnes en situation d’illettrisme ou d’origine étrangère qui veulent perfectionner leur français, ou encore qui souffrent de « troubles DYS ». Elle applique au quotidien la « méthode Griso », qu’elle a formalisé en mettant à profit les périodes de confinement. Une méthode en dix étapes chronologiques, à utiliser selon le profil de chaque personne, à son rythme. Elle convient à tous les apprenants, même ceux qui ne connaissent pas les lettres de l’alphabet. « Dans un deuxième temps, lorsque les personnes commencent à bien déchiffrer, je leur propose de travailler avec 5 petits livres sur des thèmes du quotidien. Des thèmes « adultes » et des « besoins d’urgence », comme la carie, le bus, les élections ou le permis. Je les ai écrits parce que, en général, les adultes qui ont besoin de travailler sur les savoirs de base ne disposent que d’outils qui s’adressent au public jeune. C’est peu adapté à leur situation. » Tous ces livres se présentent sous le même format, dans une logique de progression de par leur longueur, le vocabulaire employé, la répétition des mots déjà lus dans les livres précédents, des termes plus complexes au fur et à mesure des histoires, etc. L’objectif commun à tous les ouvrages est de travailler sur des compétences transversales, le développement personnel, la persévérance et l’autonomie. « C’est un public fragile. Par exemple, le premier livre de la série, « la carie », s’adresse aux personnes qui ne vont pas se faire soigner. J’en ai fait un sur les élections, parce que le fait d’aller voter présente beaucoup d’obstacles quand on ne sait pas lire. Si les personnes se sentent capables, elles peuvent repartir avec le livre et aller le lire chez elles. » La publicité comme support d'apprentissage En plus de ces livres, le cœur de la méthode Griso avec les personnes en situation d’illettrisme, c’est l’utilisation de documents « authentiques », particulièrement des prospectus publicitaires. « C’est très efficace, il y a énormément d’éléments à travailler sur ce genre de supports. Et ça intéresse les gens, tout simplement parce qu’ils font les courses et que c’est quelque chose qui va leur servir. C’est là où on commence à créer une utilité, un besoin. » Toutes les informations contenues dans ces dépliants se transforment en levier d’apprentissage : les poids et les mesures, les pourcentages, l’origine des produits qui sont un prétexte pour s’intéresser aux pays de provenance. Les dates également, les jours et les mois de l’année étant des concepts difficiles à manier pour les personnes en situation d’illettrisme. « J’essaie de donner un sens à l’apprentissage, d’aboutir à l’autonomie et la confiance en soi, parce que les gens ne restent pas chez moi éternellement. Même quand ils ne viennent pas en séance, ils peuvent se débrouiller tout seuls, utiliser les supports qu’ils reçoivent dans leur boite aux lettres. Ils le font sans avoir l’impression de faire des « devoirs. » D’ailleurs, j’évite tout ce qui leur rappelle leur passé scolaire, et donc l’échec. Si on perd ces publics à cause d’une méthode qui ne leur plaît pas, on les perd définitivement. » Les apprenants suivent des parcours de 140 h, en entrées sorties permanentes, selon un rythme assez soutenu, soit 9 heures par semaine en 3 séances. Avec le travail en petit groupe de 4, ils trouvent leur compte et un sens à l’apprentissage. « Ce qui est sûr, c’est qu’il faut un délai d’environ une année. Il faut tenir le rythme et ça ne pose pas de problème à personne. Je crois vraiment que si on leur propose quelque chose qui leur plait et qui leur sert, c’est gagné. Surtout si les progrès sont visibles. » La méthode est assez souple pour s’adapter à tous les profils, quel que soit l’âge ou le niveau de maîtrise de la langue. Avec 4 personnes, il est plus facile d’installer une dynamique de groupe, ou de faire travailler en binôme des personnes qui ont le même niveau. Au besoin, il est possible d’improviser des séances sans perturber la progression. Graziella Griso n’hésite pas à mélanger les publics, à intégrer des réfugiés. Elle y trouve un intérêt parce que chacun a potentiellement quelque chose à apporter aux autres. Les personnes en situation d’illettrisme connaissent le vocabulaire français et peuvent aider les personnes étrangères. A l’inverse, les « FLE » qui savent lire dans leur langue, même s’ils ne connaissent pas le sens des mots français, peuvent aider ceux qui ont des difficultés de lecture. L’ambiance est bonne et propice à l’apprentissage. Le contexte est important, il n’y a pas que l’oral et l’écrit qui entre en ligne de compte. Autre but du projet soutenu par la Région dans le cadre de l’appel à projets « Illettrisme et illectronisme », former les bénévoles intervenant au sein d’associations spécialisées dans la lutte contre l’illettrisme, ou celles qui envisagent d’accompagner ces publics. « Je propose de former les bénévoles à ma méthode afin qu’ils soient mieux outillés. Deux journées de formation, avec théorie et pratique, par groupes de 4 aussi, de manière à leur montrer la dynamique qu’on retrouve avec les apprenants. Ils suivent la même méthode, avec les mêmes supports publicitaires, exploitent les documents pour voir ce qui en ressort. Je propose aussi à des bénévoles de voir ce que je fais en cours lors de modules de suivi. C’est plus concret pour eux, ils visualisent mieux la mise en œuvre. » Une méthode clés en main A l’issue de la formation, les bénévoles repartent avec un coffret qui contient les 5 livres, ainsi qu’un document spécifique aux accompagnateurs, un livret didactique à utiliser comme fil conducteur lors de leurs interventions. Pour chacun des livrets, il les aide à mettre en place des activités. Mais les bénévoles peuvent aussi partir de leurs propres idées. « On peut avoir l’impression que l’illettrisme et les savoirs de base, c’est très compliqué à mettre en route. Je veux désacraliser tout ça. Avec une méthode accessible et un fil conducteur, je crois que n’importe qui est capable de le faire. Une fois que vous avez compris comment monter une séance type, vous pouvez trouver des choses à faire faire aux gens, même de façon improvisée. Je pense que si on manque de bénévoles, c’est justement parce qu’on pense que s’occuper de personnes en situation d’illettrisme est trop complexe. J’ai envie de montrer que si on a une méthode qui fonctionne, ça peut être facile autant pour le formateur que pour l’apprenant. » Malgré le contexte, la méthode a pu être lancée, formalisée et les livrets édités. Un livret descriptif, sorte de guide du formateur, viendra bientôt s’ajouter à l’ensemble. Pour varier les supports, un travail est en cours sur la création d’un jeu de cartes qui permettrait d’arriver petit à petit vers la conjugaison, à la construction de phrases simples. Reste à faire la promotion de l’outil auprès des bénévoles et, à terme, des professionnels. « J’ai commencé avec les bénévoles, il faut déjà que je légitime tout ça avant d’éventuellement m’adresser à des accompagnateurs professionnels. Et plus globalement à tous les intervenants qui expriment un besoin de se doter d’une méthode facile à prendre en main. »
Syllabe, mieux repérer pour mieux former aux compétences de base
Créée en 2004, l’association agenaise Syllabe est aujourd’hui une plateforme d’accueil, d’évaluation, d’orientation et de suivi des parcours. Sa mission principale est d’organiser les parcours de formation en français ou compétences de base notamment dans le cadre de l’Habilitation de Service Public (HSP) « socle de compétences » de la Région Nouvelle-Aquitaine. Depuis sa création, elle a signé des chartes de partenariat avec les prescripteurs, les organismes de formation et les associations de bénévoles, qui posent le principe du passage des publics par Syllabe préalablement à toute entrée en formation. L’HSP a renforcé ce principe en incitant les acteurs à recourir aux plateformes partout où elles existent. Les publics reçus par Syllabe sont des personnes de plus de 16 ans en difficulté avec les compétences de base, ou avec la maitrise du français lorsqu’elles sont étrangères. « En 2019 nous avons reçu à peu près 70% de personnes scolarisées à l’étranger et 30 % en France » précise Catherine Charlery, directrice. « Les personnes viennent parce qu’elles sont orientées majoritairement par Pôle emploi, la mission locale (Garantie jeunes), les assistants sociaux du Département ou les centres sociaux. L’orientation vers Syllabe des personnes scolarisées à l’étranger est plus facile et évidente pour les prescripteurs. Il n’en est pas de même pour les personnes scolarisées en France que nous ne recevons pas à la hauteur des besoins. On estime à 10% le taux de personnes en situation d’illettrisme en Lot-et-Garonne. » Afin de mieux accueillir les personnes en difficulté, l’association mène depuis 2017 des expérimentations en insistant sur trois points importants : le repérage, la mobilisation et l’accompagnement. « En ce qui concerne le repérage, il faut améliorer la capacité des prescripteurs et des structures qui accueillent du public à être attentifs aux personnes en situation d’illettrisme. Selon Delphine Le Parc, chargée d’évaluation et chargée de mission Illettrisme, « pour qu’il soit efficace, il faudrait qu’il soit systématique. Dans le cadre de notre projet, nous avons notamment fait le tour des CCAS pour informer les équipes sur les signaux, les signes de repérage, les stratégies de contournement. Pour compléter cette première information, le centre ressources illettrisme régional propose des modules plus approfondis. » Si un prescripteur arrive à faire un repérage, il faut ensuite qu’il soit en mesure d’en parler à la personne, en dépassant ses propres craintes et son éventuel malaise. Il peut alors la convaincre de prendre contact avec Syllabe, qui la recevra sur rendez-vous. « Lors du premier entretien d’accueil, nous abordons différents points qui nous paraissent importants. En fonction de ce que la personne nous dit de son parcours scolaire, de son parcours professionnel, on lui propose différents types d’exercices qui vont vérifier sa capacité à communiquer à l’oral et à l’écrit, et ses compétences en mathématiques de base. » Le but est de prendre en compte le projet global de la personne. L’évaluation va permettre de valider ou non son projet, vérifier si elle a les prérequis pour suivre telle ou telle formation, ou lui proposer une période de remise à niveau. Généralement, les gens ont un meilleur niveau que ce qu’ils imaginent. L’orientation proposée par Syllabe est assortie d’un bilan adressé au prescripteur, à l’organisme de formation ainsi qu’à la personne. Lorsque c’est possible, elle repart avec une date de rendez-vous. Pour Catherine Charlery, le choix de l’organisme est fonction de l’évaluation. « Si la personne ne veut pas aller dans un groupe, que ça lui fait peur, nous allons chercher une structure qui va pourvoir l’accueillir soit en individuel, soit en très petits groupes. Nous avons la chance sur Agen de disposer d’un réseau associatif important ainsi que d’un organisme, « Mélimémo », qui est spécialisé dans la lutte contre l’illettrisme par petits groupes de 3 personnes, en particulier des bénéficiaires du RSA. » « Dans notre bilan, nous indiquons des axes de travail, ce qu’il faut que la personne travaille. Les organismes mettent ensuite leurs contenus en regard de ces conclusions. Nous sommes toujours dans une évaluation des compétences de communication, on indique par exemple que la personne sait ou ne sait pas remplir une fiche de renseignement, ou qu’elle peut ou ne peut pas écrire son adresse. L’organisme qui la reçoit peut la faire passer par un petit processus d’évaluation. C’est nécessaire d’un point de vue pédagogique. Il ne s’agit pas de la même évaluation, elle n’a pas les mêmes objectifs, ça n’est pas redondant avec la nôtre. » La durée du parcours va surtout dépendre des attentes de la personne. Dans le cadre de l’HSP socle de compétences, pour les personnes en situation d’illettrisme, le parcours 1 « Se former pour lire, écrire, agir » est d’une durée de 300 heures renouvelable une fois. Lorsque la formation prend fin, l’organisme renvoie les personnes vers Syllabe pour une évaluation de fin de formation. L’association vérifie si elles ont besoin de s’engager dans un nouveau parcours ou de poursuivre sur leur projet de formation professionnelle ou d’emploi. « Dans le cadre de l’appel à projet régional "Illettrisme et illectronisme" , nous devons effectuer un suivi, savoir si une personne est entrée en formation. Et si non, pourquoi. Pour ces publics, on sait que la déperdition est importante. C’est difficile pour eux de franchir le pas et d’aller jusqu’à la formation. Nous pouvons aussi les accompagner jusqu’à l’organisme pour rencontrer les formateurs, voir les lieux, que ce soit un terrain connu pour éviter le stress du réapprentissage. » Syllabe se présente comme une sorte de poste d’aiguillage, une interface entre les prescripteurs, les organismes et la personne. « Notre point de vue est toujours celui de l’apprenant. Dans nos orientations, nous faisons en sorte de répondre au mieux à ses attentes et son profil. Pour cela, nous disposons de plusieurs possibilités d’orientation, l’HSP socle n’est pas la seule. » Pour en savoir plus : https://www.cap-metiers.pro/Fiches-techniques/Formation-creation-entreprise-et-validation-des-acquis/921/Habilitation-service-public-HSP-Socle-competences/
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Le repérage, première étape de la lutte contre l'illettrisme
Catherine Charlery et Delphine Le Parc sont respectivement directrice et chargée de mission de l’association agenaise Syllabe, une plateforme d'accueil, d'évaluation, d'orientation, de suivi de toute personne en difficulté avec les savoirs de base. Elle reçoit près de 1 900 personnes par an. L’association est lauréate de l’appel à projets régional « innover contre l’illettrisme ». Quelles sont les actions concernées par ce nouvel appel à projets ? Le nouvel appel à projets fait particulièrement référence à ce que nous faisons en direction des personnes scolarisées en France, mais ça n’est pas notre seul public. Il s'agit surtout de prolonger ce qu'on faisait déjà en 2020 et 2021. Nos actions précédentes ont porté leurs fruits, parce que nous recevons plus de public. C’est donc que les personnes sont mieux repérées. On constate également que chez celles qui ont été scolarisées en France, la proportion de personnes en grande difficulté est plus vaste. On est passé de 11 à 15%. Le projet de cette année vise prioritairement les salariés de l’IAE. La nouveauté, c’est de travailler à leur repérage et surtout à l’entrée en formation de ceux qui seraient en situation d'illettrisme. Nous avons du mal à les recevoir. Et quand c’est le cas, c'est difficile pour eux d'entrer en formation parce qu’ils ne sont pas forcément libérés sur leur temps de travail, voire pratiquement jamais. L’évaluation que nous faisons à Syllabe n’est pas suivie de formation, ça n'est pas satisfaisant. L’objectif étant de sécuriser leur parcours de manière qu’à la fin de leur contrat d'insertion ils puissent rebondir soit sur de la qualification, soit sur du travail. Quels sont vos objectifs ? Nous avons plusieurs objectifs, à commencer par celui de renforcer le rôle de Syllabe dans le département comme acteur central de la lutte contre l’illettrisme. Ensuite, de continuer le travail de repérage et de mobilisation, ainsi que d'assurer la sécurisation du parcours de formation en lien avec les prescripteurs, Cap emploi, missions locales, Pôle emploi et les organismes de formation. Par ailleurs, depuis la mise en place du CEJ, nous avons constaté une grande baisse de 30% des jeunes qui sont orientés vers nous par les missions locales. Nous voulons à nouveau arriver à toucher ce public. Que faudrait-il pour améliorer le repérage ? Ce n’est pas Syllabe qui effectue le repérage. Nous recevons des gens qui ont été repérés par d’autres. Même s’il y a eu des améliorations dans le repérage, il faut toujours poursuivre l’effort puisqu’il y a beaucoup de turn-over dans les structures. II y a de nouveaux conseillers Pôle emploi, de nouvelles assistantes sociales dans les centres médico-sociaux. Il faut continuellement expliquer notre rôle pour être efficace. Il y a également plus de structures qui font appel au CRI Aquitaine pour des séances de formation de leur personnel, ça c'est positif. S’ils sont mieux formés, ils repèrent mieux, et du coup ils les envoient plus vers la plateforme. Il faut continuer. La lutte contre l'illettrisme, le repérage, la mobilisation, c'est un travail à long terme, puisque même le processus de réapprentissage pour les personnes concernées prend du temps. Nous les captons mieux, elles sont mieux orientées, il s’agit maintenant de transformer ça, qu’elles puissent entrer en formation de manière effective. Quels sont les freins que vous constatez ? Il y a les personnes elles-mêmes, avec lesquelles nous devons travailler sur le long terme pour les décider, pour qu’elles aient suffisamment confiance, en elles et en nous, pour accepter d'aller en formation. En ce qui concerne les SIAE, il faut arriver à les convaincre de libérer du temps à leurs salariés. Et il faut aussi que l’on arrive à travailler avec les organismes de formation dans le cadre de l’Habilitation de Service Public (HSP) socle de compétences pour qu'ils adaptent leurs temps de formation à des groupes de salariés de l’IAE. En Lot-et-Garonne, à la différence d'autres départements de Nouvelle-Aquitaine, le fait qu'il y ait une plateforme facilite les choses. On arrive à avoir des gens qui entrent en formation sur ce parcours 1 de l’HSP*, et qui peuvent le renouveler. Ce n’est pas forcément le cas sur les autres départements. Quand une personne se présente, que lui proposez-vous ? En fait nous évaluons sa maîtrise des compétences de base en relation avec son projet. Et en fonction de ça, on va l'orienter soit vers un parcours 1, qui s’adresse aux personnes en situation d'illettrisme, soit vers un parcours 3 qui est un parcours de remise à niveau. Si c’est trop tôt pour elle, nous allons l’orienter vers une association de bénévoles. Pendant le Covid, nous avons eu moins de bénévoles, donc on a plus largement orienté sur l’HSP. Et on s'est rendu compte que ça marchait, alors qu’on pensait que ce serait une marche trop haute, que ça allait leur faire peur d’être en groupe, que plusieurs heures par semaine, ça pouvait être trop. Notre rôle est aussi de donner de l’information. Par exemple, si une personne rencontre des gros problèmes de mobilité et qu’elle a des droits, des aides qu'elle ne connaît pas, on va l'orienter vers la structure adhoc. Dans tous les cas, on fait le point sur tout ce qui est périphérique, tout ce qui a contribué à sa situation actuelle. L’évaluation est réalisée à l'entrée et à la sortie. Nous restons en lien avec le prescripteur, on lui renvoie l'évaluation mais on ne lui communique pas tout ce qui s’est dit entre nous et la personne, son passé familial, son passé scolaire, sa situation… Et surtout, on préconise une formation. Ensuite, charge au prescripteur d’inscrire le candidat. Pour les personnes en situation illettrisme, on se rend compte que certains trouvent du travail à l'issue de la formation. Ça les remet en route, c'est positif, ça les revalorise. Elles se sentent capables d'aller vers l'emploi par exemple, ou même de passer leur permis, alors qu’elles pouvaient avoir l'impression de ne pas en avoir les capacités. Avez-vous constaté des améliorations ? Nous sommes une des rares régions de France qui proposent une formation destinée spécifiquement aux personnes en situation d'illettrisme. C’est un grand progrès par rapport au dispositif compétences clés, où elles étaient plutôt mélangées avec d'autres. Là on a quand même la garantie que celles qui sont sur le parcours 1, ne seront qu'avec des personnes comme elles, ce qui est quand même primordial. Ça nous permet de créer quelque chose d'assez cohérent. Du coup on essaie d'embarquer tous les acteurs avec nous. Maintenant, il faut que les formateurs soient eux-mêmes formés. Et selon vous, que faudrait-il faire évoluer ? Aujourd'hui quand on fait un parcours 1 on peut en refaire un deuxième. Après, il faut s'arrêter pendant un certain nombre de mois. Avec ce type de public, dans l’idéal, il faudrait pouvoir continuer si la personne le souhaite, aussi longtemps que nécessaire. Il y a aussi le nombre de personnes en formation qu’il faudrait assouplir. On est sur des petits groupes, et s’il y a quelques absences, par exemple que seules deux personnes viennent, en général l'organisme de formation ne fait pas cours. Seulement, on a affaire à un public qu'il a fallu mobiliser. Et on ne peut pas dire à celles qui viennent à chaque séance, de retourner chez elles si les autres ne sont pas là. * Voir fiche technique G1.08 www.cap-metiers.pro/Fiches-techniques/Formation-creation-entreprise-et-validation-des-acquis/921/Habilitation-service-public-HSP-Socle-competences/ Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
D’une difficulté numérique à une envie d’apprendre
Moins de 1% des adultes en situation d’illettrisme poussent la porte d’un organisme de formation. Dès lors, pour CORAPLIS, la COordination Régionale des Actions de Proximité de Lutte contre l'Illettrisme, la question du repérage et de l’accompagnement vers la formation de ces personnes éloignées de l’apprentissage s’avère essentielle. C’est pour y trouver réponse qu’a été mis en place le projet « Première marche vers la formation », dont Olivia Costantino, chargée de projet illettrisme-illectronisme à CORAPLIS, assure la coordination pour l’ensemble des 9 partenaires deux-sévriens. « Dans notre département, il existe une tradition forte de partenariat. On s’est appuyés dessus, on est partis de l’existant pour répondre à l’appel à projets régional Illettrisme et Illectronisme. La première fois fin 2019, la deuxième pour l’année 2021. » Le principe essentiel de « Première marche vers la formation », c’est la constitution de réseaux locaux de repéreurs en illettrisme et illectronisme partout en Deux-Sèvres. Les repéreurs, ce sont toutes les structures amenées à rencontrer des publics, qu’ils soient ou pas en situation de précarité, étant sortis tôt du système scolaire : missions locales, bibliothèques, structures d’insertion, services sociaux, etc. Aujourd’hui, ces réseaux locaux sont au nombre de 10. L'importance des repéreurs « Nous avons travaillé avec nos partenaires co-porteurs pour créer un outil destiné à mieux connaître les différents profils des personnes qui souhaitent revenir en formation. Nous organisons régulièrement des réunions de lancement de réseau de repéreurs locaux et de présentation du projet Première marche, pendant lesquelles nous présentons les différents profils et leurs différences (FLE, alpha, illettrisme, Illectronisme). Nous faisons travailler les professionnels ensemble pour qu’ils sachent bien à qui ils ont affaire quand ils rencontrent des futurs apprenants ou des gens en difficulté. Ensuite nous leur expliquons comment aborder le sujet avec leurs publics, chacun dans leurs missions. » Dans un deuxième temps, les personnes repérées peuvent être envoyées vers un binôme de facilitateurs (par exemple CORAPLIS à Niort). Elles sont reçues pour un entretien individuel informel, une discussion sur leurs envies de formation, leurs freins, leurs peurs éventuelles. A l’issue, elles peuvent se voir proposer un parcours d’accompagnement individualisé dans un organisme de formation ou dans une association. Autre dimension, les « cafés numériques » (ou « modules Première marche »), des moments conviviaux organisés partout sur le territoire, par petits groupes. Généralement en présence d’accompagnateurs que les participants connaissent déjà. Ils constituent en quelque sorte des temps relais entre la rencontre et la prescription. Les personnes intéressées sont invitées à participer à 3 séances de deux heures qui se tiennent à une semaine d’intervalle. Le premier atelier est consacré à la prise de contact, aux échanges libres. Chacun parle de soi, des soucis qu’il rencontre avec les divers outils numériques. « Nous venons avec une unité centrale que l’on fait ouvrir à une personne qui n’y connait rien, c’est une façon de désacraliser l’ordinateur. Souvent les gens se déprécient, alors nous essayons de les valoriser, de leur donner de la confiance et de l’estime de soi. Sinon il n’y a pas d’apprentissage possible. Surtout avec ceux qui ont connu des parcours compliqués, qui ont des problèmes cognitifs, qui ont été rabaissés et abimés psychologiquement. » Lors de la deuxième séance, on demande aux participants ce qu’ils voudraient apprendre à faire avec un ordinateur : rédiger un cv, regarder des vidéos, chercher des informations… Cet exercice est une sorte de prétexte pour les amener à parler de leurs centres d’intérêt. L’objectif de la troisième séance est de susciter l’envie d’aller plus loin, de partir en formation. Des formateurs(trices) viennent expliquer comment ils travaillent, rassurent les gens qui ont des réticences à se former, de peur de se retrouver dans des situations très scolaires. On leur explique que le principe est de partir de leurs envies, d’utiliser des outils dont ils disposent, comme le téléphone mobile. L’objectif est aussi de donner du sens aux gens pour qu’ils restent. En fin de séance, ceux qui le souhaitent peuvent prendre rendez-vous pour visiter un organisme de formation, l’atelier numérique d’une association, un centre social… Le numérique comme clé d'entrée « Pour nous c’était important de provoquer la rencontre de discuter dans une ambiance bienveillante. Les participants sont souvent repérés en raison d’un problème d’illectronisme. Leur rapport au numérique est une très bonne porte d’entrée pour entrer en contact avec les personnes en situation d’illettrisme, faire un point sur les savoirs de base. C’est une manière assez douce d’aborder le sujet, pour que les gens parlent plus facilement de leurs difficultés. » La première saison a été perturbée par la crise sanitaire, mais il aura été possible d’orienter 45 personnes après les accompagnements individuels et les cafés numériques, et d’aboutir à une vingtaine d’entrées effectives en formation (une dizaine en attente). Parmi les personnes accompagnées, de plus en plus d’étrangers et une demande grandissante. Les partenaires travaillent en lien avec des associations, des organismes comme le Greta et l’Asfodep, avec une attention particulière portée à la pédagogie de projet employée, une prise en charge globale de chaque apprenant. « Pour l’instant, nous constatons que les gens sont très preneurs et veulent aller en formation. Ou participer à des ateliers numériques. C’est au niveau de l’organisme de formation ou de l’association que l’on fait le positionnement. En ce qui concerne le parcours 1 de l’HSP socle de compétences (« Se former pour lire, écrire, agir »). Nous rencontrons également des obstacles dus à une offre d’accompagnement numérique très hétérogène sur les différents territoires. » « Malgré le confinement, nous avons tenu des réunions de lancement de réseaux de repéreurs en visioconférence. Nous avons de nouveaux partenaires comme Familles Rurales, qui animait déjà l’équivalent des cafés numériques mais ne connaissaient pas bien les profils. Ainsi que la CARSAT et des bibliothèques qui accueillent de plus en plus de gens qui viennent faire leurs démarches administratives sur leurs ordinateurs. Beaucoup de ces structures ne sont pas formées au repérage et ne savent pas ou n’osent pas aborder la question avec une personne qui ne sait ni lire ni écrire. »
D-CLICS, Le numérique comme support d’apprentissage des savoirs de base
« A la ligue de l’enseignement, notre cœur de métier c’est de travailler pour les compétences de base », explique Karin Tudal, directrice de l’Atelier Pédagogique Personnalisé (APP) de Bergerac. « En Dordogne, nous sommes reconnus comme un acteur important dans le champ de la lutte contre l’illettrisme. Et en tant que membre du comité consultatif de l’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme (ANLCI), je suis sensibilisée aux questions de maitrise du numérique de base pour les personnes en difficulté de lecture et d’écriture, et à l’accès aux droits face à la digitalisation des services publics. C’était la motivation pour élaborer le projet D-CLICS. » D-CLICS a été lancé en partenariat avec l’Association Périgourdine d'Action et de Recherche sur l'Exclusion (APARE) de Périgueux, qui gère un centre d’hébergement en urgence et un centre de formation pour les savoirs de base et la lutte contre l’illettrisme. L’idée était de couvrir l’ensemble du territoire départemental. Son principe est de proposer des modules très simples sur les compétences de base en numérique et sur les droits en ligne. Les personnes intéressées sont accueillies par une coordinatrice qui évalue leur niveau de connaissance des outils numériques et des savoirs de base. En fonction de ce positionnement, un programme personnalisé est défini (nombre d’heures, thèmes) en tenant compte du rythme de chaque personne. Les publics viennent essentiellement pour des questions d’ordre administratif et de vie quotidienne (faire un CV, une lettre de motivation). La première étape de l’aide qu’ils reçoivent à l’APP consiste à lever leurs appréhensions, voire leurs peurs, de dédramatiser l’outil et de s’approprier la dimension numérique de la lecture et de l’écriture (utiliser un ordinateur, c’est 90% de l’écrit). Les parcours peuvent durer jusqu’à 150 h. Mais pour un démarrage, pour apprendre certaines bases, la moitié peut suffire. « Le numérique est un prétexte pour entrer ensuite sur les savoirs de base. On essaie de motiver les gens pour qu’ils reviennent sur un dispositif de droit commun. Si on voit que quelqu’un rencontre réellement des difficultés d’écriture, on peut coupler avec un travail sur la graphie, la lecture et l’écriture de base. » L’évaluation des acquis intervient en milieu et en fin de parcours. Par la suite, on essaie d’établir des passerelles avec des dispositifs de droit commun du type de l’habilitation de service public « socle de compétences » de la Région Nouvelle-Aquitaine. Les personnes sont bien évidemment libres de poursuivre ou pas leur parcours. D-CLICS agit comme un sas, une solution souple et ouverte, pour mettre les gens en confiance. « En fait nous mettons en pratique ce que nous faisions déjà, mais dans un cadre plus formalisé, un dispositif contraint avec des prescriptions, des parcours normés, etc. Le but était de mettre en place une offre souple et personnalisée. Un genre de service public, une offre permanente sur les territoires de Bergerac et de Périgueux, pour des personnes qui viendraient chez nous uniquement sur le champ de l’illectronisme. Avec l’idée, en deuxième plan, d’utiliser le numérique dans tous les apprentissages. » Dans cette approche, on ne travaille pas sur les compétences de base avant d’aborder l’outil numérique. Ce dernier est utilisé dès l’entrée du parcours, comme une sorte de levier. L’objectif est d’éviter de revenir aux savoirs de base sur le mode papier-crayon, ce qui peut être très perturbant pour une personne en situation d’illettrisme parce qu’elle pourrait se croire ramenée à une posture scolaire. En passant par un outil numérique, même s’il peut être effrayant de prime abord, et une fois que les usagers ont intégré l’idée que l’on pouvait utiliser un traitement de texte pour rédiger une lettre par exemple, il est possible de revenir sur la maîtrise de l’écrit, en réduisant leur appréhension. L’APP utilise désormais le même principe pour toutes ses activités. « On le fait aussi pour le Français Langue Etrangère en passant sur des sites en ligne. Il y a l’usage pratique pour tout ce qui concerne l’accès aux droits, et il y a l’usage du numérique comme support pédagogique. Quelqu’un qui entre en formation va fatalement devoir utiliser un ordinateur ou passer par une formation en ligne. C’est une obligation de connaître cet outil, pas seulement pour remplir ses impôts ou son dossier CAF ou Pôle emploi, mais aussi dans une logique d’apprentissage de base, qualifiant ou pré qualifiant. » L’APP dispose d’une salle informatique qui sert autant pour l’accompagnement social (RSA) que pour des ateliers numériques. Autre dimension du projet, la sensibilisation des acteurs de premier accueil (missions locales, PLIE, Pôle emploi…) sur des aspects de formation. L’ANLCI a été sollicitée pour apporter son expertise en matière de formation de formateurs, pour aider au repérage des personnes en difficulté avec la lecture, l’écriture et le numérique. « Je vois D-CLICS comme une offre complémentaire à ce qu’on a déjà, comme un sas. Le fait que les gens viennent dans cet endroit où on développe des savoirs, simples mais importants, c’est déjà une forme d’entrée dans la compétence numérique et des savoirs. On est bien dans une complémentarité d’offres sur un territoire, et ça peut générer de l’appétence pour d’autres types de parcours. »
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