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David Métais est cofondateur de la société MySkillz, créée en 2020. Geoffrey Klein, en est le « product manager. » Les outils développés par MySkillz visent à démocratiser le développement des soft skills, les savoir être. Grâce au Fonds Régional d’Innovation pour la Formation (FRIF), Myskillz a élaboré un parcours pour des publics éloignés de l’emploi, en lien avec deux organismes de formation. Pouvez-vous nous décrire ce qu’est le programme MySkillz ? Ce que nous proposons, c’est une application et un catalogue de formation en format micro learning sur des thématiques de soft skills, de savoir-être, et des thématiques professionnelles. Nos programmes sont personnalisés. Les apprenants se perfectionnent à raison de 5 minutes par jour via la plateforme, grâce à des vidéos, des exercices pratiques. Ce sont des temps très courts, que les utilisateurs peuvent consulter à leur rythme, quand ils peuvent et où ils veulent. En complément, ils assistent à des ateliers en présentiel pour renforcer la mise en pratique de ces compétences. Un parcours, c'est une dizaine d'heures en autonomie. Les contenus sont accessibles pendant un an. Un des intérêts du micro learning, c’est qu’il est assez facile de revenir sur les capsules qui sont faites pour être visionnées plusieurs fois, en fonction des besoins. Ce ne sont pas des vidéos que l’on regarde une seule fois et qu'on connaît à vie. Sur quoi avez-vous basé votre réflexion ? Au cours de mes expériences professionnelles dans diverses entreprises, je me suis interrogé sur ce que je faisais au quotidien. J’ai rencontré des dirigeants, des DRH des formateurs, des doctorants, des coachs. J’ai constaté qu’il y a une corrélation directe entre soft skills et performance. En gros, plus un manager a des soft skills solides, plus l'équipe est performante, épanouie, et meilleure est la qualité de vie au travail. Il y a aussi moins de problématiques de burn-out, ou de personnes qui se réorientent parce qu’elles ont été déçues d'un métier ou d'une entreprise. Deuxième constat, c'est que les managers ou les DRH manquent de temps pour se former. L'idée était de travailler sur un outil de formation efficace, à distance, utilisable en parallèle du quotidien personnel ou professionnel. Comment avez-vous débuté ? Nous avons commencé à travailler sur l’ingénierie pédagogique avec des chercheurs et experts en neurosciences de l’ENS et l’Université de Bordeaux. Ensuite, nous avons très vite accompagné des organismes de formation puis des écoles, les universités de Bordeaux et de Pau, ainsi que l'académie de Poitiers. En parallèle, nous avons accompagné quelques entreprises. Nous sommes toujours reliés à un organisme de formation qui assure le présentiel pour nos accompagnements, soit une école, une université pour les étudiants, un organisme de formation dédiée aux demandeurs d'emploi ou à la formation continue pour les autres professionnels. Pourquoi le FRIF ? Avec le FRIF, nous expérimentons un parcours hybride axé sur les compétences comportementales, avec une pédagogie qui alterne les cours et le e-learning. L'idée est d'améliorer le lien entre la fin de la formation et le début de la vie professionnelle. Aujourd'hui, les entreprises recrutent essentiellement sur des notions de savoir-être et de posture, principalement sur des bas niveaux de qualification. L’idée d'accompagner le développement de ces compétences avec des personnes éloignées de l'emploi, c'était de voir quel impact cela pourrait avoir dans leur insertion professionnelle. On est vraiment sur de la formation. Qu’y-at-il de spécifique avec les demandeurs d’emploi ? Avec ce public, on est plutôt sur la prise en mains des soft skills dans le cadre de l'insertion professionnelle. Notre expérimentation est menée avec deux publics différents. Des apprenants qui suivent une formation en Agent de Propreté Hygiène (APH) avec Insup Formation, et d’autres sur l’anglais appliqué au tourisme avec le Greta. Pour eux, nous avons spécifiquement développé 4 formations liées à la reprise d'emploi : développer et maintenir sa motivation, la confiance et l'estime de soi, l'organisation de la recherche d'emploi, enfin la posture, comment se comporter en entretien. C’est un peu la boîte à outils d'un demandeur d'emploi qui sort avec un diplôme, de quelle manière on recherche un emploi aujourd'hui. Quel est le rôle des formateurs ? Nous avons travaillé directement avec les formateurs, on leur a présenté l'outil et comment le prendre en main, on a défini ensemble les parcours, sélectionné certains éléments. Nous leur avons fourni la pédagogie clé en main, qui comprend l'application, les contenus de formation, et toutes les fiches pour animer les ateliers. Pour les ateliers, nous les avons accompagnés sur certaines séances, pour qu'ils puissent organiser la mise en pratique des notions que les apprenants ont abordées à distance. Pour que ça fonctionne, il faut qu’il se prépare en amont, au besoin en échangeant avec nous. C’est essentiel d’avoir un lien fort avec les formateurs, de personnaliser l'accompagnement en fonction des typologies métiers qu’ils maitrisent mieux que nous. Ce sont eux qui font vivre les savoirs par le biais d'ateliers. Avez-vous connu des surprises ? Il y a un point auquel nous n’avions pas été trop confrontés jusqu'à présent, c'est la fracture numérique. Quand on accompagne des publics comme sur la formation APH et qu’on leur propose notre application de formation, nous constatons que regarder des vidéos toutes simples sur leur téléphone n’est pas toujours possible, parce qu’ils ne sont pas équipés ou qu’ils ne savent pas s’en servir. Les formateurs nous disent qu’ils voudraient pouvoir consulter les vidéos tous ensemble, les visionner sur grand écran afin que tout le monde puisse les regarder en même temps et avancer au même rythme. Nous n’avons connu ça, ni avec les publics étudiants, ni en entreprise, parce que cette fracture numérique n’existe pas. Le deuxième problème que nous avons rencontré, était de trouver des créneaux pour travailler avec les formateurs et caler les périodes de formation en atelier et sur l'application en fonction de leur planning. En pratique, cela a été très compliqué de les mettre en place, de trouver ces créneaux et de prendre le temps de leur présenter les formations. Les formateurs assurent la formation mais aussi tout le suivi administratif, ce qui fait qu’ils ont assez peu de disponibilités. Nous en avons même perdu en cours de route, parce qu'ils n’avaient pas le temps. Cela a été une surprise, on ne pensait pas que ce serait aussi difficile. Si nous devons le refaire, il faut vraiment que nous trouvions un moyen avec les structures pour assurer la disponibilité des formateurs. Quels enseignements avez-vous tiré de cette expérimentation ? Nous avons fait évoluer notre offre en cours de route. Par exemple, la capsule « gérer ses émotions », que nous ne voulions pas proposer au début mais qu’on nous a demandé d'intégrer dans le parcours APH. Nous nous sommes rendu compte qu'elle n’était pas pertinente. En revanche, les parties « dompter sa colère » et « tromper son ennui » ont mieux fonctionné. Typiquement, c’est l'expérimentation qui nous a permis de tester certaines séquences et d’en vérifier l’intérêt sur ces publics. Nous ne sommes pas là pour imposer le présentiel et le digital, mais plutôt pour bien tirer parti des deux modalités. Le présentiel présente un grand intérêt sur la prise de conscience et la mise en pratique. Alors que le digital offre plus de personnalisation, et permet de se former sur des temps très courts au moment où la personne est le mieux disposée. De plus, on peut facilement mesurer sa progression, c'est tout l'intérêt du digital. Marier le meilleur des deux mondes, c’est la manière la plus sûre d’accompagner efficacement les bénéficiaires. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences et du PACTE de la Région Nouvelle-Aquitaine : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
Nouvelle dynamique pour le GARF
Cécile Gouspy est responsable de l’organisme de formation continue de l’Institut des Métiers de la Santé (IMS Académie) du CHU de Bordeaux. Elle a récemment repris la présidence du Groupement des Acteurs et Responsables de Formation (GARF) de Nouvelle-Aquitaine. Son objectif est de relancer la dynamique collective du groupe régional, après qu’il a connu un ralentissement important de ses activités lors de la crise sanitaire. Que pouvez-vous nous dire sur le GARF ? Depuis l’origine, le GARF a pour objectif de rassembler, dans une communauté de pairs, des gens qui ont tous le même point commun, celui d'agir sur la formation professionnelle. Le GARF s’adresse aux responsables formation, aux directeurs formation en entreprise, qu'ils soient dans le public ou dans le privé. Plus largement, à tous les acteurs de la compétence, ainsi qu’aux acteurs du monde institutionnel de la formation professionnelle. Qu’est-ce qui différencie le GARF d’une autre association de responsables RH ? Le secteur de la formation professionnelle évolue très rapidement. Même s'il appartient au monde des ressources humaines, il existe une spécificité via le cœur de métier qu’est l'ingénierie de formation : l'analyse du besoin pour trouver la meilleure solution. Les responsables formation exercent beaucoup de responsabilités au sein d'une entreprise. Nous devons être multi compétences, c'est-à-dire que nous devons être autant sur l’ingénierie de formation, que sur le droit de la formation, l’ingénierie financière, etc. Cela reste donc vraiment une nécessité d'avoir une association dédiée, parce que le domaine est vaste et les évolutions constantes. Quels sont vos projets pour 2023 ? Nous avons souhaité organiser 4 événements pour 2023, afin de relancer la dynamique du groupe. Le premier a eu lieu le 21 mars dernier, au siège Cap Métiers Nouvelle-Aquitaine à Pessac, autour de l'actualité de la formation professionnelle à destination des responsables formation en entreprise. Nous avons souhaité démarrer par une action en partenariat avec Cap Métiers, parce que c’est une collaboration historique avec un acteur institutionnel régional important. Un deuxième événement s'est tenu le 6 juin sur la thématique du « design thinking ». En quoi cette méthode interroge l'ingénierie de formation ? Quelle plus-value apporte-t-elle ? L’ingénierie constitue le cœur de métier des responsables formation mais également le point sensible. C’est là que nous avons le plus de difficultés, c'est à dire à mobiliser et sensibiliser les partenaires internes pour définir les besoins de formation et ne pas se contenter de demandes ou de commandes. En septembre, nous aurons un atelier sur le coaching. Les acteurs RH connaissent bien le coaching individuel, mais le coaching collectif, le coaching d’organisation, c’est encore autre chose. Lorsqu’une équipe rencontre des difficultés de performances ou a du mal à travailler ensemble, on peut utiliser les techniques du coaching pour la faire mieux collaborer ou collectivement trouver des solutions. Nous voulons consacrer le dernier rendez-vous de l’année à l'organisation apprenante avec SOL France, via un évènement national en distanciel. Quelles sont les perspectives du GARF régional ? En Nouvelle-Aquitaine, nous avons une dynamique particulière parce que le GARF national nous laisse une grande marge de manœuvre en matière d’organisation. Notre priorité est vraiment de recréer une dynamique de rencontre, d’ouvrir un espace de coopération. C’est pour cette raison que nous ne proposons pas nos événements qu’aux seuls adhérents. Nous voulons avant tout faire connaître le GARF, attirer les nouveaux responsables formation du tissu économique local que nous ne connaissons pas, toujours dans le but d'enrichir notre communauté de pairs. Aujourd’hui, notre bureau compte une dizaine de personnes, et autant de sympathisants, qui essaient de faire vivre le GARF au niveau local. Nous sommes ouverts à toute demande de responsable formation pour nous rejoindre et apporter des idées d'autres formats. Je souhaite également que nous ayons du plaisir à être ensemble, à se rencontrer, à échanger. Je pense que c'est important. Quel public espérez-vous toucher par vos actions ? Nous voulons rassembler de nouvelles énergies, des gens qui ont envie de s'investir. Notre ambition est d’organiser des évènements qui attirent du monde, qui soient visibles, afin que l’on puisse rencontrer des gens, créer des réseaux, faire venir des personnalités locales ou nationales… Aujourd’hui, le secteur bouge vite, les gens ne restent pas en poste. Nous avons besoin de renouvellement. Nous avions surtout envie de nous rencontrer, en présentiel. En commençant par Bordeaux. Nous verrons ensuite pour nous développer progressivement à la Nouvelle-Aquitaine. Je pense que nous sommes déjà ambitieux en organisant 4 événements de qualité. Quels sont aujourd'hui les besoins ou les enjeux principaux exprimés par vos confrères ? Les interrogations les plus prégnantes concernent les métiers en tension, la fidélisation et le rôle de la formation dans l’attractivité. La question des financements est toujours présente également. Mais c'est une dimension qui sera toujours présente, parce que même si le législateur a voulu simplifier le système, il reste complexe pour les acteurs de la formation. Parmi nos futurs projets, nous voulons reprendre le partenariat avec l'université de Bordeaux, et son département des sciences de l'éducation, pour la mise en place d'un colloque annuel coconstruit avec les étudiants. La fidélisation et l’attractivité sont des thèmes que nous leur proposerons d'aborder. Je pense que ça mérite un temps fort.
Le cheval, ce formateur singulier
Situé à Virson (Charente-Maritime), l’organisme de formation Amazines présente une caractéristique bien particulière, celle de proposer des formations de coaching et de développement personnel par la médiation équine. Sa fondatrice, Joëlle Guasch, a créé cette structure après 35 ans d’expérience professionnelle en tant que cadre au sein de diverses entreprises et de conseillère en chambre consulaire. Elle propose, entre autres, une formation intitulée « retrouver son estime de soi pour mieux propulser sa vie personnelle et professionnelle », financée par l’appel à projets régional « mobilisation vers la formation » (PACTE). En quoi consiste la médiation équine ? On connaît davantage l’équithérapie pour les personnes en situation de handicap par exemple. Dans la médiation équine, on rajoute à ces pratiques de base tout ce qui est coaching et accompagnement au changement. Dans le principe, on met la personne au contact du cheval, on travaille beaucoup par métaphore pour bien intégrer la vraie vie, ses situations personnelles ou professionnelles. La personne comprend ce qui se passe, acquiert des outils d'autogestion pour se sentir mieux et nous l’accompagnons dans son changement. En fait, la médiation équine s'adapte à tout public de 7 à 77 ans. On va toucher des thèmes comme la confiance en soi, la communication, le management, le travail en équipe, le leadership, la créativité, etc. En quoi consiste votre approche ? La particularité d'Amazines, c'est de proposer des formations dont la pédagogie passe par la mise en situation avec l’animal. Un apprentissage par l’expérience sensorielle et émotionnelle, pour être en phase avec soi-même et avec les autres. Le cheval est un animal grégaire qui a besoin du groupe pour évoluer en sécurité. Comme il n’a ni crocs, ni griffe, ni venin, son système sensoriel lui permet de fuir en cas de danger. Il est tellement sensible qu'il est capable de ressentir une variation du rythme cardiaque, par exemple chez l'humain. Cela oblige la personne à être totalement authentique à son contact pour que ça fonctionne. Et comme c'est un animal sans jugement, ça ouvre le champ des possibles pour se réaliser. Face à l'animal on peut apprendre le bon comportement, pour le dupliquer ensuite avec l'humain. C’est pour ça que je suis allée chercher le cheval et que je l'ai intégré dans la pédagogie, qui comprend la PNL, l'approche neurocognitive, et les approches classiques de formation avec évaluations, mesures, indicateurs etc. Nous avons deux axes de formation, les relations interpersonnelles et la santé au travail. Dans le domaine de la santé au travail, on aborde la gestion du stress et des émotions. Dans l’éventail de vos actions, vous proposez une action de mobilisation ? Dans le cadre de cette action, nous intervenons auprès de personnes en rupture sociale, très éloignées de l'emploi, de 20 ans à 50 ans. On leur explique rapidement que nos formations se déroulent en pleine nature, pas sur des bancs d’école, qui est souvent un mauvais souvenir pour elles. L’objectif est de leur permettre de reprendre confiance et développer l'estime de soi, pour qu'elles se sentent capable d'engager une formation et favoriser leur retour à l'emploi. La mise en œuvre se fait en partenariat avec les structures d'insertion, les missions locales, Pôle emploi, etc. On fait régulièrement des points pour voir ce qui a fonctionné, et ce qui est à améliorer, en présence du bénéficiaire. Nous effectuons des évaluations de départ, et nous utilisons des indicateurs de mesure en cours de route. Le principe, c’est de mettre la personne en situation, on débriefe sur ce qu'elle a vécu, et on transforme l'expérience en pédagogie avant de la formaliser. Autre chose importante, c’est que les participants font de la formation sans le savoir. En pratique, cette formation se déroule comment ? Nous avons des groupes de 6 personnes encadrées par 2 intervenants, on est vraiment dans une formation individualisée, même s'il y a du collectif. Le parcours comprend 11 journées réparties sur un peu plus d’un mois et demi. On affine la pédagogie au fur et à mesure, puisqu’elle est étroitement liée à l'évolution des bénéficiaires. Avec tout de même un fil rouge. Par exemple, on intègre de la nutrition parce qu'on s'est rendu compte qu’ils mangeaient très mal, et que ça avait des effets sur leur santé et sur leur situation financière. Donc on observe ce que mange le cheval, dans le but de leur faire prendre conscience en quoi l'alimentation est importante. Que comprend votre pédagogie ? On part de ce qui se passe dans la vraie vie pour conceptualiser. On amène les gens à comprendre ce dont ils ont besoin dans leur vie personnelle et professionnelle, et comment ils peuvent prendre leur place dans le groupe. Ils se rendent compte qu’ils peuvent être eux-mêmes libres et force de proposition. C'est la base du management des organisations transversales, sortir du pyramidal pour entrer dans du transversal et de l'intelligence collective. Prendre conscience qu'il existe différentes formes d'intelligence, et que chacun a sa place, ça change le regard sur soi. Quand le cheval a décidé de brouter et que l'objectif pour la personne est de l'emmener dans le manège, elle est obligée de s'affirmer pour lui imposer de se déplacer. Mais elle ne se rend pas compte qu'elle est en train de s'affirmer quand elle le fait, son objectif c'est déplacer le cheval. Autre exemple, au lieu de faire des mathématiques derrière un bureau, on leur fait calculer des rations de nourriture pour le cheval, des distances à parcourir. En fait tout est ludique, tout est pédagogie, tout passe par le jeu, l'expérience et la transformation. Comment se déroule une séance ? En séance, on commence par observer le troupeau. On explique les règles de sécurité, ainsi que les règles déontologiques de respect, de bienveillance, de non-jugement etc. Selon la capacité des gens, on entre dans le troupeau ou on reste à l‘extérieur. Et on observe ce qui se passe. S’ils en ont peur, c’est normal, ils peuvent rester à distance voire très loin du cheval, ça fonctionne quand même. Là déjà on travaille sur les hiérarchies dans le groupe, les interrelations, les rapports de force. Qu’est-ce qu’un dominant ? Quel est son rôle dans le groupe ? Qu'est-ce qu'un leader ? On travaille par métaphore, on compare les organisations familiales, les organisations professionnelles et les organisations grégaires du cheval. Assez vite les participants se rendent compte que les chevaux fonctionnent comme nous, selon une organisation hiérarchique, avec des besoins essentiels. Une fois qu'on a abordé le rôle du cheval dans le groupe, on s’approche de lui pour travailler le sensoriel par le pansage. On aborde les sens, à quoi ils servent, le lien entre le sensoriel et l'émotionnel. C’est important pour tous ceux qui sont coupés de leurs émotions. On ajoute des outils d'autogestion basés sur la sophrologie, l’auto-hypnose, la relaxation, pour que la personne puisse se gérer elle-même, lorsqu’elle se trouve dans une situation inconfortable. Que se passe-t-il après la formation ? A l'issue des 11 jours, les apprenants ont la possibilité de passer le CLEA équin, une première reconnaissance accessible à ceux qui le désirent. On leur propose aussi les open badges de notre partenaire Diagonales, la régie de quartiers de La Rochelle. Avec les open badges, ils se reconnaissent aussi dans leur savoir être, c'est important pour l'estime de soi. Mais l'objectif de l’action, c'est de leur permettre d'engager une formation en rapport avec les compétences nécessaires à leur projet professionnel. Le travail sur le projet professionnel se fait graduellement. Il est variable d'une personne à l’autre, il n’y a pas de règles. Pour moi, le changement s’opère dès le début de la formation. S’il ne s'opère pas de suite, c'est que quelque chose ne fonctionne pas. Il faut que ce soit court, efficace et opérationnel. L’organisme de formation est certifié Qualiopi et fait partie du réseau international EAHAE dont la particularité est l’éthique dans les pratiques d’équicoaching. Les formations sont éligibles auprès des Organismes Collecteurs de financement dont certaines au CPF. Amazines.fr Contact : Joëlle GUASCH - 0624649610 Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences et du PACTE de la Région Nouvelle-Aquitaine : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
Revenir à l’emploi par l’AFEST
« Nous sommes partis sur quelque chose qu'on ne connaissait pas sous l'appellation d’AFEST. Mais avec notre offre de formation continue, qui inclut systématiquement des périodes en entreprise, nous avions déjà cette culture de l'entreprise et du rattachement au stage. » Kelly Guillemain Laurent, chargée de communication et de développement, au sein de l’organisme de formation « Hommes et Savoirs » (Royan) présente ainsi l’expérimentation menée en 2020 en réponse à un appel à projets régional. L’action a porté sur le titre assistant(e) de vie aux familles (ADVF), pour 4 stagiaires plutôt éloignés de l'emploi, dont deux avaient déjà une connaissance du secteur sanitaire et social. Un parcours d’environ 800 heures comprenant une semaine de positionnement suivie d’une immersion en entreprise. Puis, un rythme d’alternance de 4 jours en centre, une journée en entreprise, pour progressivement inverser la logique et aboutir à un jour en centre et 4 en entreprise. « Notre fer de lance est toujours de travailler sur des métiers en tension sur le bassin d'emploi. Donc nous avons choisi l'aide à la personne qui nous semblait être un des métiers où la pratique et la découverte en entreprise étaient les plus appropriées, que ce soit les gestes auprès d'une personne âgée, en structure ou à domicile, ou pour la petite enfance. » En raison de la forte activité estivale sur son territoire, Hommes et Savoirs a négocié une suspension de parcours à mi-chemin, afin de permettre aux stagiaires de prendre un emploi saisonnier. Ceux qui rencontraient des difficultés en français et dans la constitution de leur dossier numérique, ont été rattachés à l’Habilitation de Service Public (HSP) socle de compétences pendant 2 mois, afin de suivre une mise à niveau accélérée. Une formation multi terrains Les stagiaires sont passés par plusieurs types de structures, comme le requiert le titre ADVF : ehpad, aide à domicile, crèche ou périscolaire en école. Ce qui a impliqué trois protocoles, trois suivis tuteurs, trois sortes d'apprentissage. Donc nécessairement un suivi administratif et un accompagnement spécifiques. Les stagiaires doivent acquérir, en un temps très restreint passé au centre, les compétences qu'ils n'auraient pas vues en entreprise. De plus, il leur faut constituer un dossier professionnel à présenter au jury de validation en fin de parcours. « Le stagiaire doit être un minimum autonome, avoir un peu d'expérience à l'emploi, de mobilité, de capacité à agir seul. Dès la réunion collective, concernant le jury, on leur explique très simplement qu'on n'est pas dans une méthode scolaire et que les professionnels sont bienveillants, qu'ils sont là pour les accompagner, évaluer la pertinence de leur apprentissage. Néanmoins, ce qui peut effrayer les candidats, c'est le travail en amont, la constitution du dossier professionnel, la réflexion sur le travail. S’ils ont des freins ne serait-ce qu'à l'écriture, à la concentration, à la digitalisation de ce dossier, c'est très compliqué de les faire entrer en mode AFEST. » Au départ, l’organisme ne savait pas comment il allait aiguiller les parcours, tant du côté du formateur que du tuteur. Il a pris contact avec l’Institut Régional du Travail Social (IRTS) pour des formations de tuteurs en entreprise, pas spécifiquement fléchées AFEST. Il a également mis en place un appui conseil pour les tuteurs, des temps réservés soit dans leur structures respectives, soit en les rassemblant pour leur présenter le cadre réglementaire de l’AFEST, le rôle du tuteur, comment identifier des situations apprenantes et comment amener à la réflexivité. Pendant l’action, ils bénéficiaient, si besoin, d’un appui par téléphone, par courriel ou sur site, ainsi que des réunions mensuelles. « Les tuteurs manquent cruellement de disponibilité, c'était compliqué pour eux de sacrifier du temps en dehors, sur leur jour de congé, pour suivre les formations. C’était important pour nous d’interpeller les directions de ces établissements, pour qu’elles valorisent ce rôle. Sur ce point, il y a encore beaucoup de travail à faire. Pour autant, l’action a été bien accueillie, mais je pense que nous aurions eu le même accueil avec un autre dispositif. Je crois que les structures étaient surtout en demande de formation métier, d'avoir des stagiaires à modeler selon leurs attentes, à leur éthique, pour pouvoir les embaucher à terme. » Autre difficulté importante, la mise en adéquation des situations apprenantes à construire avec un référentiel métier. Il y avait également nécessité de tenir compte de l’identité de chaque structure, qui fonctionne selon ses propres process, avec ses propres équipements. Il a fallu les accompagner, ce qui a demandé à Hommes et Savoirs une présence régulière, et d’effectuer certains réajustements. « Ce qu'on a réajusté, finalement, c'est surtout du papier. Par exemple, les émargements pour les alléger parce que on ne peut pas attendre des tuteurs qu’ils deviennent formateurs. Ils apportent leur expertise métier, les bonnes pratiques, on ne peut pas leur demander de se concentrer sur le référentiel.» La disponibilité des tuteurs « Les structures d'aide à domicile sont toujours à flux tendu au niveau du personnel. Or, pour une AFEST, Il faut détacher un tuteur et un stagiaire pour aller chez les clients. On n’avait pas forcément anticipé ce genre de problématique. Dans ces métiers, le temps qu'on passe chez une personne est chronométré. Comment faire pour respecter le droit à l’erreur d’un stagiaire à qui on demande de la réflexivité ? On s’est attelé à une tâche ardue sur cette formation précise. Elle a mis en exergue toutes les choses auxquelles nous devions être attentifs, ça s'est avéré très formateur. » Même si la mise en place d’une AFEST reste un processus assez lourd, l’expérimentation a été productive, tant sur le plan administratif que sur le plan pédagogique, ou encore en matière d’accompagnement. L’organisme de formation, les tuteurs, ainsi que les stagiaires, ont avancé au fur et à mesure dans cet axe de formation qui représentait un véritable défi. Les intervenants ont dû s’adapter, penser différemment l'approche de la formation, d’autant que la même certification est également proposée par Hommes et Savoirs dans le cadre de la formation continue classique. « En interne, ce que cette expérience nous a apporté, c'est une grosse réflexion sur le livret de suivi stagiaire et la contractualisation du parcours. Nous avons élaboré des outils de traçabilité intéressants, par exemple des grilles de faisabilité en entreprise, que nous pouvons très bien utiliser pour l'ensemble de nos formations. Ils sont aussi pertinents pour les structures qui nous accompagnent et qui accueillent nos stagiaires. » Reste la question des raisons de rendre « festable » une formation ? Pourquoi celle-ci et pas une autre ? Pourquoi serait-ce plus pertinent sur cet axe de formation ? « En fait on se prend vite au jeu de l’AFEST parce qu’il y a cette idée d'individualisation, et que nous devons penser notre offre en termes de modularisation. Il y a beaucoup de suivi, donc forcément on suit la progression de chaque parcours, on accompagne chaque questionnement, tant des tuteurs que des apprenants. »
Selon Coralie Vidal, directrice de l’organisme de formation GCIF (Bègles), le secteur du commerce et de la grande distribution dispose toujours de beaucoup plus d'offres que de prétendants. Problèmes de recrutement, turnover important, une image dégradée… c’est pour redorer un peu le blason de de la grande distribution, redonner un sens au métier, que le GCIF a décidé de s’emparer de l’AFEST en répondant à un appel à projets régional, afin de mener une expérimentation autour du métier d’Employé Commercial en Magasin (ECM) sur plusieurs territoires aux caractéristiques bien différentes : Bordeaux, Bayonne, Agen, Langon, le bassin d’Arcachon. L’action s’est déroulée d’avril à décembre 2021, avec des parcours d’une durée de 4 mois, pour 43 personnes. Les stagiaires ont suivi un rythme de 4 jours dans l'entreprise, un jour au centre, une semaine d'intégration en entreprise, une dernière semaine hors entreprise pour se concentrer sur la certification. « L’AFEST est une méthode pédagogique intéressante, mais est ce que les partenaires allaient vraiment comprendre les enjeux de ce dispositif ? Avant de lancer l’action, nous avons fait le tour des entreprises, afin de sécuriser cet aspect. Nous avons choisi nos partenaires par rapport à nos habitudes de travail, nous avons beaucoup échangé sur l'ingénierie, sur les plans individuels de formation, etc. » Le GCIF n’a pas sollicité seulement ses partenaires habituels. Il a voulu donner l’occasion à de nouvelles entreprises de connaître le dispositif. « Commencer une AFEST pendant la crise sanitaire, sur plusieurs sites, c'était ambitieux. Avec nos prescripteurs, nous avons constitué des groupes par secteur et trouvé les entreprises qui avaient envie de participer au projet. Des entreprises de la grande distribution, mais aussi d’autres enseignes, plutôt axées vente, qui avaient engagé des nouvelles réflexions métiers, notamment pour intégrer des employés commerce magasin en plus des vendeurs. » Public ciblé par l’action, des personnes plus proches de l’emploi que les « 1er niveau de qualification » habituels (HSP), des personnes qui se sentaient un peu plus fortes que les autres. Celles qui n’ont pas été retenues par les prescripteurs avaient besoin que leur parcours soit mieux balisé, que leur projet soit plus mûr ou qu’elles n’aient pas de contraintes trop fortes en matière de transport ou de garde d’enfant par exemple. L'Afest, pour redonner confiance « Pour moi l’Afest, c'est vraiment une façon d'amener au travail les gens qui n'aiment pas l'école ou qui n’ont pas eu de réussite professionnelle, une clé d'entrée pour sécuriser l'emploi et la certification. C'est redonner confiance à un public un peu démotivé. Surtout pour les personnes chez qui il existe un enjeu réel de travail. Pour d’autres, qui ne savaient pas trop pourquoi ils étaient là, même si elles étaient motivées au démarrage, il aurait peut-être fallu des PMSMP en amont. J'insiste sur la notion de valorisation et de mise en confiance du stagiaire. » Un gros travail a été mené par le centre auprès des tuteurs, notamment de la formation en visioconférence. Le but étant de rappeler ce qu’était le « faire » et comment l’évaluer au travers des photos, des entretiens. Une plateforme pédagogique a également été créée sous forme d’une application pour téléphone, qui reprenait les fondamentaux de la compétence. Il avait été convenu avec les tuteurs que les apprenants puissent disposer d’environ une heure par semaine pour utiliser cette plateforme sur leur lieu de travail. La relation avec les tuteurs est très importante en AFEST. Surtout que les professionnels de la grande distribution ont l’habitude de ne pas mâcher leurs mots. Le GCIF a décidé de ne pas mâcher les siens, de ne pas rester dans une attitude trop prudente vis-à-vis d’eux, même si le risque existait qu’ils ne prennent pas de stagiaire. « Il y a eu une certaine complicité qui s'est vite créée entre les stagiaires et les tuteurs. Pour ceux qui ont voulu jouer ce rôle, nous avions organisé des challenges. Les stagiaires envoyaient des photos avec leur tuteur dans un rayon installé, dans une tête de gondole… Puisque nous ne pouvions pas être sur le terrain tous les jours, on voulait garder une trace, que ça ne vienne pas que du jeune mais aussi de son accompagnateur tuteur. Avec ces défis, on a pu voir que certains étaient impliqués de façon récurrente. » « Il faut pouvoir avancer ensemble. Plus généralement je pense qu'il faut remettre, au sein de la formation, le sens de la communication vis-à-vis de l'autre. Surtout que nos stagiaires ECM, le plus souvent, ne savent comment s’exprimer au démarrage. Les gens de bonne volonté avaient envie de bien pratiquer L’AFEST dans tous ses aspects. Pour ceux qui l’ont fait par opportunisme, ça a donné les résultats de l'opportunisme. Si nous avions fait un peu plus de sélection dans nos recrutements, cela nous aurait peut-être permis d'être un peu plus exigeant vers les entreprises. » Autre enseignement de cette expérimentation pour Coralie Vidal, la nécessité de faire évoluer le métier de formateur, notamment parce que le public a changé, ses aspirations sont différentes. A noter que les entreprises du commerce et de la grande distribution tiennent de plus en plus compte de ces attentes, par exemple en révisant leurs horaires. Formateur, un nouveau métier ? Selon elle, le métier est en train de se transformer et la notion d'accompagnement et de communication n'est pas assez présente. A travers la méthode AFEST, la méthode active ou d’autres approches similaires, l'idée serait de se réapproprier une façon d'aborder les stagiaires et peut-être d’évoluer vers un nouveau métier de formateur accompagnateur et de tuteur accompagnateur. L’action a enregistré 96% de résultats positifs aux examens. Plusieurs stagiaires ont poursuivi sur un apprentissage, les autres ont pu conforter leur projet professionnel et se prouver à eux-mêmes qu’ils possédaient des compétences réelles. « C’était une première expérimentation, à laquelle nous avons consacré beaucoup d’énergie et de temps. Si nous en faisons une deuxième, ce sera avec moins de personnes, moins de secteurs, moins de partenaires. » « Au-delà d’un recrutement plus poussé, plus qualitatif, il faudrait mettre en place un accompagnement plus directif de l'entreprise. C'est compliqué, et nous n’avons pas vraiment osé le faire, mais je pense que nous devons pouvoir sortir une entreprise du dispositif si elle ne joue pas le jeu. Il nous faudra aussi mieux anticiper certaines problématiques que nous avons rencontrées, et les travailler avec les tuteurs, comme les questions de transport, des retards réguliers, certains comportements limites, des manques d’équipement, etc. »
Mentorat et formation, la formule Artside School
Artside School est un centre de formation bordelais qui propose plusieurs types de cours, notamment un bachelor en 4 ans et une formation à distance de 14 mois sur 3 spécialisations différentes. Il est entièrement dédié aux métiers artistiques digitaux orientés jeu vidéo ou cinéma d'animation : concept art, illustration, interface artist, « 3D modeler », artiste de personnage ou d'environnement, lumières, effets spéciaux, etc. La création du centre a été voulue en réponse à un problème national, celui d’un manque de formations de qualité sur la dimension artistique de ces métiers. « Nous sommes dans un métier numérique qui évolue énormément chaque année, techniquement et artistiquement. » Pour Camille Delmeule, un des cofondateurs, « le problème est que la plupart des écoles ont un corps pédagogique éloigné de la production, des formateurs dont c’est le métier principal. Malheureusement après quelques années, c’est compliqué pour eux de rester en phase avec la réalité de la production. Après 10 ans, leurs connaissances sont obsolètes. » Artside a fait le choix de ne recruter que des intervenants professionnels, qui occupent un poste dans leurs entreprises respectives. C’est aussi le cas des 4 dirigeants. Ils alternent entre Artside et les productions de jeu vidéo. Ce sont environ 70 professionnels qui donnent ainsi des cours ponctuellement ou plus régulièrement, ce qui permet de mettre à jour les formations chaque année puisque ces formateurs suivent en temps réel ce qui se passe dans les productions. Un programme de 3 mois En 2020, l’organisme a lancé un programme de mentorat pour répondre aux nombreuses demandes qui exprimaient un besoin de formation courte sur des compétences ciblées, pour accéder à un emploi, intégrer une école ou un centre de formation. Son principe, proposer un suivi individualisé par un mentor choisi en fonction des besoins d’un élève. Le programme est un cycle de 3 mois avec un suivi journalier, dont le but est de s’initier ou de se perfectionner à l’utilisation d’un logiciel, ou encore de travailler sur le workflow d’un studio précis dans le but d’y postuler. Le programme a été retenu par l’appel à projets régional « digitalisation », qui a pris en charge son coût pour une vingtaine d’élèves. Le mentorat proposé est ouvert à tout public. Avec une condition tout de même, que les candidats possèdent certaines compétences. Être sorti d’une école ne suffit pas, beaucoup d’élèves y apprennent des bases mais n'ont pas le niveau suffisant pour occuper directement un emploi. « Nous disposons de chiffres qui montrent qu’il y a beaucoup de personnes diplômées à Bac +3 ou Bac + 5 en sortie d’école qui, malgré tout, sont bloquées dans leur recherche d'emploi, et qui au bout d’1 ou 2 ans sans vraiment trouver de solution, finissent par changer de carrière. » Le centre devait trouver des candidats soit en direct, soit en sollicitant des partenaires comme Pôle emploi. La sélection s‘est faite sur entretien, avec présentation de folio afin d’évaluer le niveau de chaque personne et s’assurer qu’un accompagnement de 3 mois constituait une véritable solution pour elle. « En faisant un petit bilan de compétences, nous pouvons lui dire si ce qu'elle souhaite en termes de carrière professionnelle est cohérent par rapport à sa situation. Et si, en 3 mois, nous sommes capables de l'aider. Quand son projet est impossible dans le cadre du mentorat, nous lui disons dès le départ. » « Les candidats correspondant à l’appel à projets de la Région ont été plus difficiles à trouver que ce qu'on pensait. D’abord parce que l’école est encore assez récente. Par ailleurs, certains candidats envoyés par les partenaires n’avaient vraiment aucune connaissance. Nous avons écarté une vingtaine de profils qui ne correspondaient pas du tout, parce que les gens n'avaient pratiquement jamais dessiné avant. Or on n’apprend pas un métier en 3 mois, et l’objectif du mentorat est d’accéder directement à un emploi. En revanche, toutes les personnes que nous avons identifiées et qui ont suivi le programme ont obtenu une attestation de formation. Elles ont toutes trouvé un emploi direct, intégré une école ou un centre de formation. » Un mentor pour chaque besoin Un candidat retenu se voit associer un mentor qui connaît bien le domaine qu’il doit travailler, logiciel, production, etc. Et qui va être capable pendant 3 mois de le faire progresser sur les points techniques ou artistiques évoqués lors de l’entretien. Le rythme de formation dépend complètement de l'élève et de l'intervenant, qui doivent trouver un terrain d’entente. Le mentor est aussi formateur, il utilise les outils développés par le centre, notamment une plateforme de visio conférence pour donner des cours à distance, en direct ou en VOD, des espaces pour mettre à disposition des éléments et récupérer les travaux des élèves. Tout se fait à distance, puisque les intervenants peuvent se trouver partout en France, ou encore au Canada, en Suède… L'objectif est de trouver le meilleur mentor possible sans contrainte géographique. « Au départ, la structure du mentorat était fixe, une durée de 3 mois avec un suivi journalier. On s’est rendu compte à travers de nombreux mentorats qu'on avait besoin d’une structure beaucoup plus souple pour définir le bon rythme entre l'intervenant et l'élève. Cela peut être 2 heures la même journée, 3 fois par semaine ou une grosse journée de cours une fois par semaine, le but étant que ce soit cohérent en termes de pédagogie. » Pour Artside, une sortie est considérée comme positive à partir du moment où l’objectif et le souhait annoncés au début du mentorat par l'apprenant (rejoindre une école, se perfectionner sur une technique, trouver un emploi), soit validé à 100%. « Si quelqu'un veut travailler comme concept artist dans un studio de production de jeux vidéo et qu’il se retrouve finalement à travailler en tant que 3D modeler dans un cabinet d'architecture, on n’estime pas que c'est une réussite. » Dans l’avenir, le mentorat va changer de structure, avec plus de souplesse horaire mais également de durée. Ainsi le programme pourra durer un mois comme 6, plutôt que 3, en fonction du rythme qui est indépendant de la personne et de l'intervenant. « Le prochain gros changement sera de proposer une solution aux professionnels. Nous venons d’obtenir la certification Qualiopi et notre objectif est de rendre le dispositif de mentorat éligible au CPF , ainsi que les formations courtes à Bordeaux. Les studios nous contactent déjà pour savoir si nous pouvons leur proposer des perfectionnements.»
Mobiliser les démobilisés
Le CPA Lathus (Vienne) est une association connue principalement pour ses camps de loisirs d’été et ses centres équestres ouverts aux enfants et aux adultes. Il dispose d’un Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement (CPIE) ainsi que d’un chantier d’insertion avec 3 services : animation, restauration, agriculture, espaces verts et maraichage. L’association a également un service formation/insertion, regroupant notamment des formations qualifiantes dans l’animation. Considérant que le centre se focalisait surtout sur l’insertion professionnelle pure et dure, avec pour objectif la mise à l’emploi, l’équipe a pensé qu’il serait utile de proposer une solution sur le territoire pour les personnes démobilisées. Elle a gardé en tête ce projet pendant plusieurs années, baptisé initialement « dynamisons les zones pour les résignés ruraux », avant qu’il prenne corps en 2020 grâce à l’appel à projets régional « Mobilisation Formation ». Le CPA Lathus coordonne aujourd’hui cette action. « Il a fallu trouver un nom que l’on puisse proposer aux participants. Les retours sur le terme « résignés » étaient négatifs, même si le concept lui-même ne l’est pas, puisqu’il décrit la réalité de la situation de personnes qui n’arrivent plus à avancer, mais qui sont volontaires pour trouver de l’aide auprès de certains intervenants. » Reprendre confiance C’est donc une action de remobilisation qui est aujourd’hui proposée aux publics. Elle vise trois objectifs : favoriser la capacité à oser et aller vers, développer l’appétence à se former, trouver une place dans le champ socioéconomique du territoire. Le terme formation n’est pas utilisé, il peut parfois effrayer. Elle est ouverte aux personnes qui ont besoin de se remobiliser, de reprendre confiance en elles, ainsi que celles qui ont des projets mais sont freinées par des problèmes de mobilité, de santé, de garde d’enfants. Elle s’adresse tout autant aux jeunes qu’aux bénéficiaires du RSA, aux demandeurs d’emploi, aux personnes en arrêt maladie qui envisagent une reconversion, ou encore des personnes en reconstruction après des accidents de la vie. « Nous leur proposons d’avancer ensemble, de travailler sur la vie quotidienne, la connaissance de soi et du territoire. Le but est d’atteindre aussi aisément que possible leurs objectifs propres. Les projets sont ambitieux, donc on avance étape par étape et on met en place un plan d‘action pour la suite. Les personnes sont un peu dans le flou au début, mais il suffit qu’elles se reconnaissent un moment dans la description que nous leur faisons de l’action pour se sentir concernées. » Chaque session dure 3 mois, à raison de 3 à 4 jours par semaine. Au sein d’un groupe de 8, les participants trouvent de l’entraide, de la bienveillance. D’autant plus que la diversité d’âge entre 16 et 50 ans, d’expériences de vie, de difficultés et de connaissances rendent les échanges plus riches. On leur laisse la possibilité de choisir ce qu’ils veulent faire, et travailler collectivement pour construire des activités. Le premier jour d’une session est consacré à la visite du CPA et à la proposition d’un planning à débattre avec le groupe. Certaines activités sont d’ores et déjà programmées, mais si une personne exprime un besoin particulier (découvrir une association, une entreprise, etc.) il est pris en compte dans la mesure du possible. L’emploi du temps comporte des activités physiques au centre ou à l’extérieur, de la sensibilisation à la transition écologique avec le CPIE, des activités de vie quotidienne. Visite de la centrale de Civaux, d’un refuge pour chats, matinée nettoyage de la nature, tout est envisageable. Le but est que chaque personne qui ressent un besoin de découvrir quelque chose puisse le faire au cours de l’action. « Nous proposons du théâtre avec l’association Tusitala, des jeux d’expression orale et de communication pour que les participants apprennent à se connaître, travaillent sur la prise de parole, la gestion de l’intonation et des émotions, etc. Ils mettent en place un petit projet artistique. Par exemple, les participants à la session précédente ont écrit des textes qu’ils sont ensuite allés déclamer au saut de la Brame, un lieu naturel un peu isolé. » Modifier le lien avec les conseillers « Nous avons aussi organisé deux ateliers de partage des savoirs, avec des conseillers de mission locale ou de Pôle emploi, des travailleurs sociaux de la MDS de Montmorillon, de la PASS (Permanence d'Accès aux Soins de Santé) et de l’ADECL (Association dynamique d'entraide du Canton de Lussac-les-Châteaux), qui viennent partager un moment avec le groupe. Chaque participant transmet un savoir-faire: du tricot, du dessin, des puzzles, de la pétanque… Le but est de modifier la relation et de mettre en place une réciprocité. C’est une façon de les valoriser, de révéler les talents, de partir de leur terrain. » Le programme inclut également 3 entretiens individuels avec une accompagnatrice au mieux-être (Carole Champain – libr&Sens) afin d’engager la construction d’un projet personnel ou professionnel, de travailler sur les freins et la gestion du stress. Ceux qui le désirent peuvent bénéficier d’une séance de réflexologie. Tous les participants peuvent solliciter un entretien individuel dès qu’ils en ressentent le besoin. Pour faire connaitre le projet sur le territoire et mobiliser les partenaires*, afin qu’ils identifient et orientent des personnes, le CPA Lathus a organisé des informations collectives dans diverses structures. "Le bouche-à-oreille a bien fonctionné pour la première session. Nous n’avons pas rencontré de problèmes de mobilité, grâce au covoiturage qui s’est facilement mis en place. Comme l’action n‘est pas rémunérée, on souhaitait qu’elle ne coûte rien aux participants, donc nous avons remboursé les frais de déplacement, et de garde s’ils en avaient. Nous déjeunons tous ensemble au CPA Lathus afin de renforcer les liens et de rencontrer les utilisateurs de la structure. C’est une façon de lever certains freins. » L’objectif de ce projet est également de découvrir le secteur de la formation. L’idée est de faciliter la découverte, lever les aprioris qui sont liés à leurs représentations. « La deuxième session est en cours, elle se terminera fin janvier. C’est une vraie solution pour tous ceux qui ne se sentent pas prêts à travailler ou entrer en formation. C’est une sorte de sas. On débouche aussi sur d’autres dispositifs, comme Amorce de parcours ou des entrées en SIAE. » * Les partenaires du CPA Lathus : le CIDFF sur les comportements et préjugés sexistes, le droit des familles, la MJC Claude Nougaro (Montmorillon), la MJC Vignes Aux Moines (Secteur St Germain et St Savin), le CFPPA de Montmorillon, Mobi’Vienne (éco mobilité), la PASS.
Le charme de l’ancien, la modernité de la formation
Begonia est l’ambassadrice de Rétro Certification. Elle arbore fièrement son capot à la une du site Internet de cet organisme de formation bordelais récemment créé. Begonia n’est pas une formatrice, mais une Renault Dauphine de 1961, à l’origine de l’aventure Retro Certification. C’est en voulant trouver des professionnels pour l’aider à la restaurer que Rosa Bouhachi-Leroux, directrice, a constaté qu’il était difficile de trouver des garages spécialisés, que les délais et les coûts étaient particulièrement importants. Son expérience en tant qu’utilisatrice l’a poussée à en savoir plus. Elle a ainsi pu entrevoir le besoin en développement des compétences dans le véhicule récent autant qu’ancien, les nombreux problèmes d’employabilité et de recrutement. « Je suis issue d’une famille de mécaniciens. J’ai grandi dans un garage et j’ai gardé une passion pour les véhicules anciens. Après 10 ans passés dans le secteur du commerce, je me suis reconvertie pour devenir consultante en ingénierie de formation et de certification, dans le but d’accompagner des organismes de formation. Je me suis dit que je pourrais lier l’utile à l’agréable en lançant un centre de formation sur le véhicule ancien. » Rejointe par Christophe Korczeniuk, ancien directeur de la fondation Apprentis d’Auteuil en Aquitaine et spécialiste de l’accompagnement et de l’insertion des publics en difficulté, Rosa Bouhachi-Leroux s’est mise en quête d’une solution de financement, qu’elle a trouvée fin 2020 avec le Fonds Régional pour l’Innovation dans la Formation. Les deux associés ont voulu d’emblée faire de leur structure un véritable organisme de formation. « Pour moi c’était très clair qu’il fallait proposer cette solution pour répondre aux problématiques de terrain : l’adéquation entre l’employabilité des jeunes issus de la formation initiale et les besoins des garages, l’adaptation des compétences en fonction des évolutions des métiers et des besoins du marché... Sur le véhicule ancien, il faut vraiment conserver le savoir-faire, aider à la reprise des garages spécialisés tenus par des professionnels souvent proches de la retraite. » De l'ancien au récent Aujourd’hui, on évalue à plus de 2 millions le nombre de véhicules anciens en France, dont 100 000 seulement sont immatriculés. De plus en plus de jeunes collectionneurs veulent apprendre à réparer, mais ils ont aussi besoin de professionnels compétents. « Ce qui nous a permis de lancer notre réflexion, c’est le lien entre l’ancien et le récent. Les compétences socles de diagnostic et de réparation sont les mêmes. On en a de plus en plus besoin sur les véhicules récents, notamment parce que les gens veulent conserver leur véhicule le plus longtemps possible, le réparer, le maintenir. » « Nous sommes allés à la rencontre des professionnels et des représentants de branche pour dresser un portrait aussi complet que possible du secteur et de ses besoins. Globalement, ils se disent peu satisfaits par la formation. Pour autant, ils voudraient être accompagnés dans plusieurs domaines, ils souhaitent développer leurs compétences sur certaines technologies. La formation est un sujet important chez eux, et soulève de grosses attentes. » Les lacunes en softskils et compétences transversales, les limites de la pratique et de la technique en formation initiale ou encore le grand écart générationnel entre tuteurs et alternants, sont autant de sujets qui accentuent les besoins et difficultés des professionnels du secteur de l’automobile. « Nous voulons agir sur ce point par de l’accompagnement des tuteurs, leur faire comprendre cette différence de générations et comment la gérer. Nous voudrions compléter ce qui fonctionne, pas recréer ou inventer ce qui existe déjà. Mais plutôt combler cette marche en accompagnant les jeunes sur les compétences manquantes, qu’elles soient transverses ou techniques. » Face à la hausse des besoins depuis 10 ans, la Fédération Française des Véhicules d’Epoque a travaillé en 2019 avec la branche pour sortir 4 nouveaux CQP spécifiques véhicules anciens. « Pour nous, il fallait aller plus loin que le seul CQP technique. Accompagner les personnes pour ouvrir et gérer un garage, réaliser l’administratif, la dimension RH, qui manquent aujourd’hui sur ces professions artisanales. C’est pourquoi nous avons l’ambition de créer notre propre certification qui sera un bachelor véhicules anciens pour les personnes en reconversion, les jeunes, les demandeurs d’emploi. Plus largement tout adulte souhaitant se former.» Pour ce qui est des véhicules récents, RC s’appuiera sur les titres pros et CQP existants, sur lesquels sera ajouté un complément en management ou en gestion d’entreprise. Tout sera modulable et finançable par blocs. Une offre de formation en développement L’organisme s’est fixé une phase de lancement de 3 ans, afin de progressivement mettre en place toutes ses formations. A terme, il proposera deux univers : le véhicule ancien et le véhicule récent, et des « packs » destinés aux salariés (Pack pro), aux chefs d’entreprise (Pack entreprise) et aux particuliers (Pack découverte). « Sur le côté technique, nous savons que notre offre de départ devra être modifiée au gré de l’apparition de nouvelles technologies. C’est aussi ce qui fera vivre l’organisme et qui nous permettra de tenir notre objectif de répondre aux besoins immédiats des entreprises du secteur. » Beaucoup de professionnels ont appris avec l’expérience. Le « bidouillage » est long à maîtriser, il fonctionne sur le principe de l’essai/erreur. « Notre pari c’est d’analyser ce système D et de le traduire en formation grâce à des techniques d’AFEST et d’analyse du travail. Ce qui s’apprend en plusieurs décennies de pratique pourrait être appris en 18 mois de formation avec les bonnes techniques, l’apport de la technologie et de l’immersion professionnelle. Nous voulons valoriser les professionnels en leur offrant la possibilité de participer à la transmission de leurs savoir-faire acquis dans la durée. » « Nous voulons aussi contribuer à casser la mauvaise réputation des métiers. Le véhicule ancien a une image valorisante, nous allons montrer que c’est un métier de passion, avec une dimension artistique, qui nécessite de la réflexion et une personnalisation du travail. Notre ambition est d’éviter le syndrome du choix par défaut. » Car si des jeunes se dirigent vers la mécanique ou la carrosserie par goût, ils sont nombreux à le faire par obligation. Après leur cursus, il n‘est pas rare qu’ils se dirigent plutôt vers le BTP. Le public féminin, présent dans la vente mais très peu dans les ateliers, fera aussi l’objet d’une attention particulière. Retro Certification va petit à petit constituer son propre plateau technique, tout en gardant au maximum le lien avec le terrain en pratiquant largement l’immersion en entreprise. A partir du mois de mai 2022, il sera en mesure d’ouvrir sa formation véhicule ancien. A terme, il pourra accueillir deux groupes de 8 à 12 personnes en atelier, et 3 groupes différents en salles de formation. « Nous travaillons avec la société "Immersion" qui nous accompagne sur le développement de modules en réalité virtuelle, axés sur l’apprentissage par le jeu, pour aller plus loin dans les techniques avant de passer à l’atelier. » L’équipe pédagogique sera constituée de coordinateurs spécialisés par type de public : jeunes, salariés, chefs d’entreprise. Pas de formateurs internes, les contenus seront apportés par les professionnels, garagistes, mécaniciens, carrossiers, qui seront accompagnés sur le volet pédagogique. « Notre idée est de créer des relations de partenariat avec les professionnels. Nous voulons montrer qu’on peut s’adapter, qu’on pense à tous les intervenants de l’entreprise et que nous avons des solutions pour chacun. Les entreprises sont très majoritairement des TPE qui fonctionnent beaucoup sur la discussion, la rencontre, l’échange. C’est comme cela que nous allons construire notre relation avec elles. »
Pédagogie et jeu, une histoire d'équilibre
Adeline BENEZET, Aude THEPAULT et Philippe GUILLEM sont formateurs et médiateurs numériques au sein du réseau Canopé en Nouvelle Aquitaine. Depuis plusieurs années, ils développent des escape games à vocation pédagogique et ils forment enseignants et formateurs à la création et à l’utilisation de cet outil ludique. Comment vous êtes vous intéressés au concept d’escape game comme outil pédagogique ? (Adeline BENEZET) J'ai découvert cette modalité pédagogique il y a 5 ans lorsque je suis arrivée dans le réseau canopé, en Occitanie. J’ai très vite participé à la création d’un escape game à destination d’élèves de primaire. Il s'appelait « les éclaireurs » et sa thématique était l'histoire de la Première et de la Seconde Guerres mondiales. 4 parcours différents, 4 escape games en un. La première contrainte était d’imaginer un jeu qui concerne tout le monde, puisque les enseignants devaient pouvoir faire jouer en même temps toute une classe de 25 à 30 élèves. Ce qui n'est pas possible avec un jeu de plateau classique. C'était l'occasion de manipuler des objets historiques puisqu'on passe par le corps, par la fouille, ce qui n'est pas toujours le cas des modalités ludiques. Ça a été ma première expérience en ce qui concerne les escape games et la raison pour laquelle je me suis lancée dans la création. (Aude THEPAULT) En 2017, en parallèle de mon travail, je suivais un master 2 « médiation et médiatisation des savoirs ». Dans ce cadre j'ai été amenée à travailler avec Cap Sciences pour la mise en place d'une formation sur l’enquête au cœur des médiations culturelles et pédagogiques. Cette année-là, il y avait une grande exposition de Cap Sciences qui était un escape game géant sur la lumière. J'ai fait mon mémoire de recherche sur ce qu'apportait cette modalité. Toute ma démarche a consisté à comprendre ses enjeux. En Gironde nous avons été les premiers à faire jouer le jeu V.ritas, un outil d’éducation aux médias et à la vérification de l’information. On l'a beaucoup utilisé dans les classes de 2nde et de 3e. Nous avons constaté que ça marchait très bien avec les élèves. L’année suivante, nous avons créé un escape game sur l’hygiène bucco-dentaire. Nous sommes intervenus auprès d’enseignants dans le cadre du plan académique de formation, soit en les mettant en position d’observateurs d’une classe jouant à un escape game, soit en les faisant jouer eux-mêmes. Quels retours avez-vous eu de ces formations ? A l’usage, on s'est rendu compte que cette modalité a quelque chose en plus. Elle crée une dynamique en classe, grâce à son côté immersif. Surtout, on fait appel à des compétences qui ne sont pas scolaires. Quand on est dans une activité de fouille et d'enquête, il y a des profils de joueurs qui émergent, qu'on n’identifie pas forcément quand on est enseignant. On peut mettre en valeur certains élèves « non scolaires », utiliser cela ensuite dans sa pédagogie. Comme il n'y a pas de consigne, ni de règles à suivre, un élève très scolaire peut aussi découvrir ce que c'est d'être en difficulté. Sur l’empathie dans une classe, c'est très intéressant. Il n’y a pas de doute que dans la pédagogie, c'est un format qui est extrêmement efficace. Mais il faut que ça reste le point de départ d'une cohésion de groupe, un moment fort et un peu exceptionnel. En aucun cas ça n'est un format qui permet des apprentissages. C’est très important que les enseignants et les formateurs gardent ça en tête. Le format s’adresse à quel type de public ? Nous avons pensé que si ça marchait avec des jeunes, avec un support adapté on pouvait forcément l'utiliser avec des plus grands et des publics adultes. L’approche n’est pas la même chez l’enfant et chez l’adulte. Les enfants vont littéralement retourner la pièce, y compris les tables et les chaises alors que l'adulte ne va pas oser. Le comportement est différent. La personne qui est scolaire va au début balbutier un petit peu, alors que celle qui ne l'est pas va chercher à mettre du sens et va plus rapidement mettre les choses en lien. C'est peut-être un peu caricatural mais c'est ça qui en ressort. En quoi consiste les formations que vous proposez aux enseignants et aux formateurs ? Avec les enseignants, la formation durait une journée. Nous sommes passés à 2 jours avec les formateurs. Même si nous présentons les modalités numériques, les possibilités d’hybridation, nous avons vraiment besoin de présenter le jeu en présentiel. L’idée est d’avoir deux jours pour que les formateurs commencent à engager leur création, qu’ils soient accompagnés dans la phase de démarrage qui n’est pas forcément simple : créer des situations immersives, les différents parcours, agencer les énigmes. On leur fournit un bagage pour démarrer. Au début de la séance, on utilise V.ritas pour briser la glace en même temps que faire découvrir la modalité aux participants. En plus c’est un outil que les formateurs peuvent reprendre, il est disponible gratuitement à tout utilisateur. D’ailleurs, on trouve pléthore d’escape games disponibles librement, que l'on peut réutiliser selon sa discipline. Ça permet aux enseignants et formateurs de tester des choses régulièrement et de réinvestir ce que les autres ont fait. Le but de la formation, c’est de leur faire découvrir la modalité active et sa plus-value. Comprendre qu’on peut se lancer dans une création sans pour autant élaborer une grosse machine. Ils repartent avec l’idée qu’ils peuvent déployer un escape game dans le cadre d’un enseignement. Dans l’idéal, il faudrait que la formation soit suivie en même temps par tout l’équipe pédagogique d’un établissement ou d’une structure. Que faut-il savoir avant d’envisager de créer soi-même un escape game ? Les problématiques de matériel, de temps dédié à cette création, restent les mêmes pour formateurs et enseignants. On leur dit bien que c’est chronophage. Or ils ont tous des temps limités. Si on n’en fait qu’un seul durant l’année, c’est déjà bien. Nous insistons sur le fait que c’est une modalité pédagogique parmi d’autres, un élément parmi tout un panel de possibilités. Ils se rendent compte également que tous les thèmes ne s’y prêtent pas. Ils le comprennent en essayant. Si un apprentissage fonctionne déjà bien, pas besoin de passer par la ludification. On garde ce qui marche, et on ne fait appel au jeu que pour ce qui ne marche pas. C’est là qu’il apporte une plus-value. Nous tenons le même discours en formation sur la pédagogie inversée, c’est-à-dire qu’on ne transforme pas des choses qui fonctionnent bien. Par exemple, la thématique de la sécurité est quelque chose qui passe mal quand elle est abordée de manière frontale, avec une liste de tous les éléments à retenir. Dans ce cas, la modalité ludique est adaptée parce qu’on passe par le toucher, le test, plutôt que par des vidéos qui endorment le public. Selon vous, comment faut-il utiliser ce type de jeu ? L’escape game est intéressant parce qu'il permet de faire jouer tout un groupe en même temps, sur un temps court. C'est le format qui condense tout l'intérêt des méthodes de ludification : la collaboration, la coopération, les essais erreurs, une posture différente, le défi qui est très présent. On passe par le corps, le toucher, on est libre de mettre en lien les choses. Surtout on a le droit à l'erreur. Dans un escape game se tromper ça n'est pas grave. Au contraire, l’effet erreur est valorisé. On peut prendre des notes sur les profils pour les utiliser sur d'autres phases de ludification ou d'autres éléments de classe. Mais en tout cas on ne va jamais évaluer un élève sur sa phase de jeu. C’est interdit, cela casserait le cercle magique du jeu. Mais on ne fait jamais un escape game pour faire un escape game. Il doit servir en situation initiale. On considère qu’un participant ne connaît rien de la thématique qui sera abordée. Il va tout rencontrer dans le jeu, faire des liens, vivre son expérience commune avec la classe ou le groupe. Dans un deuxième temps, le débriefing est nécessaire, sinon ça n'a pas d'intérêt. Il faut prendre le temps de se poser et de regarder ce qu'on a rencontré, ce qu’on a fait et pourquoi. Cela va nourrir toute la séquence d'apprentissage qui suit. https://www.cap-metiers.pro/pages/550/ludification-formation.aspx
Du projet de création d’activité au projet de vie
Depuis plus de 30 ans, AIRELLE fait de l’accompagnement à la construction de projets d’activité économique, essentiellement de la création et reprise de petites entreprises. L’association intervient à toutes les étapes d’un projet, de la définition de l’idée à sa concrétisation et à l’accompagnement post création, en passant par l’étude de l’environnement, la stratégie commerciale, les compétences à acquérir, etc. En Corrèze, elle accompagne ainsi environ 350 personnes par an. « Notre principe, c’est de les aider à prendre des décisions qui sont justes pour elles, » estime Miriam Guzy, co-directrice. « Notre but ça n’est pas la création d’entreprise en elle-même, mais que les personnes recueillent assez d’éléments pour décider de poursuivre ou pas. » Beaucoup concrétisent, mais certaines s’arrêtent en cours de route, parce qu’elles ne se sentent pas prêtes à prendre un tel risque, ou que ça n’est pas compatible avec leur vie familiale, leurs compétences, etc. « Le but est aussi de les aider à répondre à la question du « comment j’y vais », à acquérir les réflexes, la manière de penser d’un chef d’entreprise. C’est permettre aux personnes de monter en autonomie et d’avoir les bons outils. » AIRELLE s’adresse essentiellement à des demandeurs d’emploi, des bénéficiaires du RSA et des personnes en insertion, puisqu’un des fondements de l’association est le droit à l’initiative pour tous. Pour elle, les compétences entrepreneuriales sont importantes dans tous les domaines. Elles peuvent servir dans la vie quotidienne, sur le plan personnel autant que professionnel. « C'est quelque chose que l’on cultive dans notre travail au jour le jour, mais qu'on voudrait davantage formaliser et mesurer dans le parcours que l’on met en place. » Un recours accru aux outils numériques « Notre accompagnement est essentiellement individuel mais depuis quelques années nous avons introduit de plus en plus de collectif, sous forme d’ateliers. Compte tenu de la période, nous nous sommes saisis de l’outil numérique, plus que nous l’avions fait auparavant. C’est une réponse aux problèmes de mobilité sur nos territoires. Mais notre public ne maitrise pas forcément l’outil, en plus des carences en termes d’équipement et de réseaux. » Fin 2020, l’association a déposé un dossier auprès du Fonds Régional pour l’Innovation dans la Formation, afin de modifier en profondeur le parcours d’accompagnement qu’elle propose. Elle prévoit notamment de créer une plateforme numérique ainsi que la mise en place d’un réseau de points d’accès numériques à usage de ceux qui ne disposent pas du matériel ou des compétences, en s’appuyant d’abord sur les espaces numériques existants. « Parmi nos porteurs de projets, nous avons des salariés qui ont des horaires très peu flexibles. D’autres ont des problèmes de garde d'enfants. Le distanciel permet de pallier leurs contraintes et de répondre à des problèmes d'emploi du temps. Le maître-mot c'est de garder notre capacité d'adaptation. Le numérique doit être un outil au service de cette capacité d'adaptation des parcours. » Dans les grandes lignes, il s’agirait de mettre en place une plateforme de type Moodle, avec des fonctions d’échange entre les conseillers et les porteurs de projet, des boîtes à outils mises à disposition, un forum pour les porteurs de projets et les chefs d'entreprise, etc. L’outil sera testé dans un premier temps sur le public d’AIRELLE, le but à terme est qu’il soit étendu à d’autres publics (Pôle emploi, missions locales). Le nouveau parcours sera testé sur une cohorte d’utilisateurs, sur la base du volontariat, afin de décider quels seront les éléments à intégrer dans les pratiques de l’association. « Par ailleurs, nous avons envie de prendre du recul sur nos pratiques et de structurer un parcours d’accompagnement qui soit très lisible. Beaucoup de nos façons de faire sont tacites. Le soutien du FRIF est l'occasion de mieux les formaliser, d’identifier des blocs de compétences de façon à pouvoir mieux expliquer notre service à l'extérieur. On ne parlera pas seulement d'accompagnement, mais aussi de formation. » L'apport des indicateurs d'évaluation Le parcours de formation nouvelle formule s’étendra sur 2 mois, avec des entrées et sorties permanentes. Il comportera du travail collectif et du coaching individuel, avec à parts égales du distanciel et du présentiel. « La nouveauté, c'est que les choses seront mesurables. Le travail sur des blocs de compétences avec lesquels on identifie très précisément ce qu'on propose aux participants d'acquérir sera plus explicite et les progressions plus faciles à évaluer. » Construit par blocs de compétences, le parcours individualisé mobilisera différentes modalités pédagogiques, notamment digitales : classe virtuelle, MOOC, accès aux forums et conférences. « Nous sommes organisme de formation depuis très longtemps, mais on ne fonctionnait pas exactement comme un organisme de formation, du moins sur la partie administrative. Voilà longtemps que l’on sait qu’il nous faut des indicateurs parce que nous évoluons dans un environnement qui est de plus en plus concurrentiel et que nous avons besoin de communiquer. Nous devons nous remettre un peu au goût du jour. » Depuis septembre, l’association a engagé un travail de remise à plat de son offre, d’établissement d’un référentiel de compétences, et de conception d’un cahier des charges pour la plateforme numérique. Toute la démarche s’effectue en parallèle du travail déjà engagé pour la certification Qualiopi. « Nous avons le souci de faire converger ces approches. Les contenus vont globalement rester les mêmes qu’auparavant. C'est dans la forme que va avoir lieu le vrai bouleversement. Nous voulons que ce parcours bien formalisé serve aussi à des personnes qui n'ont pas de projet de création d'entreprise, afin d’acquérir un ensemble de compétences utiles. Notre ambition c’est qu’il soit pertinent pour n'importe quel parcours d'insertion professionnelle. » « Nous utilisons déjà beaucoup la pédagogie active, la pédagogie inversée, le « apprendre en faisant ». Je pense qu'il faut qu'on le garde. L'interrogation que j'ai par rapport à notre public, c'est que si on utilise le terme de formation, il y a un risque que certains soient rebutés. Actuellement, les personnes accompagnées montent en compétences sans s'en apercevoir. Très clairement il faut qu'on reste sur un mode participatif. Au travers du travail sur le projet, les gens apprennent mieux parce qu'ils sont motivés par leur projet et qu'ils sont dans l'action. » Au-delà d’introduire un plus grand formalisme dans ses pratiques, AIRELLE veut se mettre en capacité d'aller chercher des financements pour la formation professionnelle, et ainsi de continuer à accueillir tout porteur de projet dans un parcours modulable capable de répondre à la diversité des situations. Pour l'instant il ne concerne que la Corrèze, mais sa volonté est qu’il soit transférable à terme sur d’autres territoires.
Trajectoires, faire réseau avec les Open Badges
Imaginez une constellation formée de badges. Au centre se trouve un pilote, entouré de satellites. C’est le schéma qui a été choisi par le pôle formation de la régie de quartiers rochelaise « Diagonales » pour son projet « Trajectoires ». Le pilote, c’est la personne aux commandes. Les satellites, ce sont les acteurs locaux de l’emploi, de la formation, de la vie sociale, de l’accès aux droits. Les Open Badges ce sont les étoiles que le pilote va utiliser pour tracer sa trajectoire. Trajectoires ambitionne de rendre visibles les compétences transversales acquises par les personnes dans leur vie quotidienne, tous ces savoirs peu ou pas du tout identifiés par les employeurs, mais aussi par les professionnels de l’insertion voire par les personnes elles-mêmes. « On s’est dit qu’il fallait mettre en place quelque chose qui permette de reconnaître autrement tout un potentiel, pas uniquement celui que l’on évalue suite à un module de formation, » explique Chantal Guéry, responsable du Pôle Formation. « Tout ce qui peut être valorisé sur le lieu de travail, quand on est bénévole dans une association, ou pendant un stage d’alphabétisation. Quelles que soient les situations, il y a plein de choses positives que l’on peut mettre en avant et qu’on ne capte pas. » Rassembler les acteurs locaux Autre objectif de la démarche, créer les conditions d’un travail collectif entre acteurs, un projet rassembleur sur un sujet qu’ils n’ont pas l’habitude d’aborder ensemble, et qui permettrait une meilleure reconnaissance du potentiel de ceux qui ont le plus besoin de les mettre en avant, afin de dynamiser leur insertion professionnelle, voire leur insertion sociale. Le pôle formation de Diagonales travaillait déjà dans cet esprit, notamment avec des salariés de structures par l’insertion économique ou avec les chercheurs d’emploi du PLIE de l’agglomération rochelaise. « Nous essayons de favoriser l’adaptabilité. Pour certains, notamment les plus éloignés de l’emploi, ce sont des mots mais ça n’est pas incarné. Un des objectifs des Open Badges c’est de faire référence a quelque chose de concret. Que l’employeur, même s’il ne connait pas les badges, puisse se rendre compte que la personne a mis en jeu des savoir divers et variés, qu’elle peut réutiliser. » Le projet, soutenu par le Fonds Régional pour l'Innovation dans la Formation, s’est construit en plusieurs étapes, toujours en suivant le principe d’un panel représentatif de tous les intervenants. D’abord la constitution de « focus groups » pour le structurer. Ensuite une phase d’information des « satellites » et des « facilitateurs » sous forme d’entretiens individuels et collectifs, en externe et en interne. « C’était important de les sensibiliser, et de trouver avec eux les catégories de savoirs qu’il nous parait important de reconnaitre collectivement, pour déboucher sur des idées de badges à construire ensemble. » Lors d’« ateliers découverte », des pilotes ont aussi été intégrés au même titre que les acteurs du territoire. Le but de ces séances est de demander le point de vue de tous les participants, de faire avancer les idées et de trouver un nom aux badges : « comme un poisson dans l’eau », « je suis carré », « j’ai le peps », « j’en apprends tous les jours ». Tant dans le contenu que dans la forme et leur appellation, ces badges doivent parler à tout le monde. A commencer par le pilote. Le nom d’un badge est un enjeu en lui-même. Il faut éviter qu’il ait un effet discriminant. Et que les badges soient compris comme des outils conçus seulement pour des gens en difficulté, alors qu’ils s’adressent autant aux salariés et aux bénévoles qu’aux personnes en insertion professionnelle. C’est au sein d’« ateliers badges », dernière étape de la démarche, que les idées retenues prennent véritablement corps. Toujours sur le principe de la co-construction, on y détermine le contenu et la description du badge, ainsi que ses critères d’attribution. Le but est d’aboutir à des « badges de territoire » plutôt qu’à ceux d’une structure particulière. Le "sac à badges" Les créations sont mises en ligne sur le site Trajectoires (1). L’utilisateur clique sur le badge qui l’intéresse, il est renvoyé vers le site Open Badge Factory où il retrouve une description détaillée de chaque badge et ses conditions d’obtention. Pour en faire la demande, il remplit un formulaire en fournissant le maximum de détails sur ses expériences, ses réalisations. Au besoin il peut se faire aider par un animateur. Les demandes sont validées en comité de pilotage. Si sa demande est acceptée, la personne en est informée et peut retrouver son badge dans son compte en ligne (son « sac à badges »). « L’idée est de faire en sorte qu’une trajectoire se mette en place, qu’un badge permette de passer d’un satellite à un autre. C’est le réseau local qui fera la différence. Le pilote a son mot à dire sur ce qui va l’intéresser. C’est d’abord lui qui va se reconnaitre, se sentir légitime à présenter une demande. Il choisit les badges dans l’ordre qu’il veut parmi ceux de Diagonales et ceux des partenaires du réseau BOAT (2). Nous voulons aussi que cela développe une réflexivité chez les personnes sur leur potentiel.» L’ambition est de « faire réseau » entre professionnels, ainsi qu’entre pilotes en les mettant en contact de diverses manières, pour qu’ils échangent sur leurs projets et créent ensemble une dynamique qui leur fait parfois défaut quand ils sont isolés. Pour l’instant, Trajectoires comprend 5 badges. D’autres idées sont en chantier, certaines plus complexes à réaliser que d’autres. « Pour moi l’open badge est un outil, une modalité de reconnaissance, mais pas une fin en soi. Il restera un gadget s’il n’y a pas une structuration solide. Cette structuration, c’est le projet Trajectoires, qui est avant tout une démarche collective. Alors que si on considère l’open badge en lui-même, il peut être compris comme un outil très individualiste. » (1) Site Trajectoires : https://trajectoiresenbadges.org (2) Site du réseau BOAT : https://bconnexion.fr
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La gastronomie au service de l’emploi
« Des étoiles et des femmes » résulte d’une idée originale du chef étoilé Alain Ducasse. Son but est de mettre « l’excellence de la gastronomie » au service des femmes éloignées de l'emploi. En pratique, cette action propose à un public exclusivement féminin la possibilité d’obtenir un CAP de cuisine en un an, assorti d’un accompagnement socioprofessionnel. Pourquoi un public féminin ? D’une part en raison du fait que le personnel de cuisine est majoritairement masculin, d’autre part parce que le taux de chômage est plus important chez les femmes que chez les hommes. Enfin, à cause de la pénurie de profils qualifiés que connait le secteur. « Notre sélection se fait sur la base de la motivation de la personne à intégrer ce dispositif. 10 mois de septembre à juin, 2 semaines de vacances sur l'année, avec un rythme d'alternance d’un mois de cours, 3 semaines de stage. C'est très intense, particulièrement pour des femmes qui ont souvent quitté l'école il y a plusieurs années, » précise Sonia Josefowicz, chargée de projet de l’association bayonnaise Céleste. « Deuxième chose importante, c'est que nous choisissons des femmes majeures, quel que soit leur âge, qui ne pourraient pas accéder à un CAP classique sans notre aide. Pour l’instant, on est sur une moyenne d'âge de 35 - 40 ans » L'association Céleste existe depuis plus de 50 ans. Son domaine d’expertise est la petite enfance. C'est la première fois qu’elle porte ce type de dispositif. Elle fait partie des 13 structures qui animent ce projet un peu partout en France. Céleste a pris un tournant il y a 2 ans, parce que les familles sollicitaient de l’aide pour leurs enfants, mais qu’elles venaient aussi avec des difficultés familiales plus globales. « Avec ce projet, nous avons voulu aider l'ensemble de la famille. En soutenant les femmes éloignées de l'emploi à se former, à retrouver un emploi. C’est notre volonté de nous positionner de plus en plus sur des projets d'économie sociale et solidaire, par exemple sur la prévention sanitaire, la justice alimentaire et sur les inégalités. » Formation et accompagnement socioprofessionnel « Concrètement, c'est notre organisme de formation « Défi » qui porte « Des étoiles et des femmes », mais c'est le Greta qui dispense la formation au lycée de Navarre à Saint-Jean-Pied-de-Port. Il définit le contenu, la répartition des cours, les emplois du temps. De notre côté, nous nous chargeons de la partie administrative et de tout l’accompagnement socioprofessionnel. » Pour que les candidates suivent cette formation le plus sereinement possible, on les aide à lever certains freins comme la garde d'enfants, les remises à niveau en français, en mathématiques, la mobilité, l'achat de tenues professionnelles. La plupart sont hébergées en internat, les autres reçoivent une aide à la mobilité. Pour trouver les participantes de la première promotion, qui a débuté en septembre 2022, tous les prescripteurs ont été sollicités. Service Départemental de la Solidarité et de l'Insertion, Pôle emploi, missions locales, PLIE, le GIP DSU à Bayonne, toutes les structures qui ont vocation à rencontrer des femmes éloignées de l'emploi ont été informées du lancement du dispositif. Afin d’être retenues, les candidates doivent suivre plusieurs étapes, à commencer par un premier entretien individuel avec l’accompagnatrice socioprofessionnelle de l’association. Il est suivi d’un deuxième entretien pour répondre à des questions sur leur motivation, passer des tests de positionnement, des tests de compétences dans les savoirs de base, de manière à vérifier qu’elles aient un niveau suffisant pour le CAP. Ainsi que des tests dans le domaine de la vie collective. « Notre but c'est que le groupe reste ensemble jusqu'à la fin de l'année. On étudie toutes ces évaluations pour effectuer une première sélection. Ensuite un jury se réunit, composé de restaurants partenaires, du Greta, d'une personne du lycée de Navarre. C'est à l'issue de ce jury que l’on sélectionne 12 personnes. » Céleste travaille également en partenariat avec l’organisme de formation « Carrières & insertion » sur l’accompagnement social renforcé. Le programme comporte des ateliers sur la communication, sur la posture professionnelle, sur le sexisme au travail, le CV, la lettre de motivation. Ainsi que des ateliers bien-être, de réflexologie et de sophrologie. Il inclut également des visites d’entreprises, des vignobles, des fromagers, des agriculteurs, toujours liées à la cuisine, à l’alimentation et aux produits du terroir. Celles qui rencontrent plus de difficultés en cours peuvent bénéficier d’un soutien scolaire. L’accompagnatrice socioprofessionnelle intervient quasi quotidiennement. Pour chaque problème, elle essaie de trouver une solution, qu’il s’agisse de questions de santé, de logement, d'addiction, de garde d'enfants… « les participantes arrivent avec tous leurs passifs et toutes leurs problématiques. C’est pour ça qu’il nous faut une personne au quotidien qui prenne en charge ces problèmes et trouve des issues. Nous faisons aussi des entretiens individuels tous les mois, pour faire le point sur leur progression, leurs problématiques, etc.. » Une expérience valorisante C’est l’association qui choisit les restaurateurs et place les stagiaires dans les différents établissements. La plupart d’entre eux souhaitent rencontrer la stagiaire avant de l’accueillir. Ils s’engagent à lui transmettre leur savoir, à lui apprendre le métier de cuisinier. Seule véritable condition, qu’ils adhèrent aux valeurs du dispositif. « Nous travaillons avec des restaurants étoilés et gastronomiques, la concurrence est un petit peu rude mais il arrive qu’ils proposent des contrats pour la saison, ou du temps partiel sur du long terme. La particularité du dispositif, c’est de viser l'excellence de la gastronomie. Cela permet aux stagiaires d’ajouter une belle référence à leur CV. » La deuxième promotion est en cours de recrutement, pour un démarrage de la formation en septembre. « Même si on reçoit 30 personnes, mais qu’il n’y en a que 8 qui ont le profil, nous n’en retiendrons que 8. Il arrive que nous en écartions certaines lors du premier jury parce qu’elles sont trop diplômées. Ça n’est pas spécialement facile de dire à quelqu'un qu’on ne peut pas la prendre à cause de ses diplômes. En revanche, on les oriente vers d’autres formations. Dans un groupe, s’il existe une différence de niveau trop importante, ça se ressent dans la dynamique collective. » « Notre première promotion fut une réussite et tous nos partenaires, professeurs compris, sont très surpris que nous ayons conservé 12 personnes jusqu’à la fin de la formation. Nous ne les avons pas lâchées. Pour ma part, ce que je retiens, c’est leur motivation. Je suis ravie de les voir aussi motivées, compte tenu de tous les problèmes auxquels elles doivent faire face. » * "Des étoiles et de femmes" a reçu le soutien financier de la Région par l'appel à projets "soutien aux actions de développement dans les quartiers "politique de la ville".
Le panier formation des Restos du Coeur
Marie France HUGON est présidente des Tremplins des Restos du Cœur, qui est l’organisme de formation des Restos du Cœur. Leur projet "Les tremplins 100% mobilisés" est lauréat du PIC 100% inclusion. Que représentent aujourd’hui les Restos du Cœur ? Les Restos du Cœur, c’est un siège national à Paris et, dans chaque département, au moins une association départementale. En tout il y en a 117. Chacune a un contrat d'agrément avec l'association nationale, tout en gardant une certaine autonomie. L'aide alimentaire reste le socle des Restos, mais aujourd'hui « l’aide globale à la personne » fait partie du Projet Associatif National des Restos. Un accompagnement sur les problématiques de santé, de langue, d’accès au droit à la justice, au travail, est proposé aux personnes accueillies dans les centres d’activité des Restos. Quel est le rôle des Tremplins dans cet ensemble ? Les Tremplins sont uniques aux Restos. Ils ne sont pas comparables aux associations départementales, dans la mesure où ils n’assurent pas d'aide alimentaire. Nous sommes un organisme de formation, une association juridiquement indépendante sous contrat d'agrément avec les Restos du cœur. Nous proposons des parcours d’insertion professionnelles aux personnes accueillies dans toutes les structures Restos (Centres d’Activité, Ateliers Chantiers d’Insertion et structures logements) de toutes les Associations Départementales. Quels sont les formations que vous proposez ? Nous proposons deux types de parcours. D’abord un parcours de Mobilisation Renforcée vers l'Emploi, pour les gens très éloignés de l'emploi. Ensuite un parcours de professionnalisation construit avec des entreprises partenaires, sur des métiers en tension pour lesquels les entreprises peinent à recruter Nos parcours de formation s’adressent aux personnes accueillies par les centres d'activité, autrefois appelés « centres de distribution », qui leur proposent toute une variété d’aides et d’activités. Les centres nous envoient des personnes rencontrées par des bénévoles, ou par les travailleurs sociaux des Ateliers Chantiers d'Insertion et des quelques structures d'hébergement que compte le réseau. Elles sont orientées vers nous parce qu’elles ont passé la porte des restos à un moment donné et ont partagé leur problématique emploi avec un bénévole ou salarié. Comment intervenez-vous ? Nous n’intervenons sur France entière que depuis le conventionnement avec la CDC dans le cadre du programme 100% Inclusion. Pendant longtemps, nous n’avons travaillé qu’en Île-de-France par manque de ressources. Jusqu’à récemment, certaines associations départementales ne connaissaient pas notre existence, justement parce que nous étions très Franciliens. Il y a déjà eu tout un travail de communication interne à faire. Le plus difficile, c'est d'arriver à convaincre, informer correctement, pour que les bénévoles et salariés dans les ateliers chantiers d'insertion s'emparent de cet outil d’insertion que sont les Tremplins. Et en pratique ? Nous formons des groupes de 10 et 15 personnes, après avoir déterminé un territoire pertinent pour nos publics. La mobilisation est très longue, il nous faut d’abord commencer par les bénévoles et les salariés sur le projet. Une fois qu’ils sont convaincus, on peut démarrer. Charge à eux de convaincre les publics qui sont très éloignés de l’emploi et rencontrent souvent des problèmes de mobilité. Nous essayons de lever les freins, en facilitant les transports, en prenant en charge les frais de déplacement et de restauration, éventuellement des moyens de garde pour les femmes qui ont des enfants à charge. Quelqu’un qui a envie de se rapprocher du monde du travail va rencontrer un bénévole, échanger avec lui. Parfois, c’est long à se mettre en place, mais le bénévole pourra lui parler des Tremplins et de ses parcours. Si la personne est intéressée, un premier échange diagnostic peut être fait. Quelles sont les conditions pour participer à une formation ? Il faut respecter trois conditions pour intégrer un de nos parcours. Être majeur, avoir une autorisation administrative de travailler sur le territoire national, comprendre et se faire comprendre en français. Nous n’avons pas de grosses exigences linguistiques, mais nous ne faisons pas appel à des interprètes. Par ailleurs pour rejoindre un parcours de mobilisation renforcé vers l'emploi, il faut en avoir l'envie et la motivation. Dans la pratique, comment se déroule un Parcours de Mobilisation Renforcée vers l’Emploi ? Lors des parcours, une partie des ateliers est assurée par des bénévoles volontaires, notamment les savoirs de base, le numérique. L’autre partie par des prestataires que l'on rémunère. A Paris, nous avons une équipe de bénévoles qui peut se déplacer pour animer les sessions. On fait aussi intervenir une psychologue du travail pour tout ce qui relève des codes de l'entreprise, et une association qui travaille sur l'image de soi, des choses aussi simples que les questions de présentation, d'hygiène, de code vestimentaire. Nous faisons également beaucoup d’entraînements aux entretiens d'embauche. Nous proposons des visites d’entreprises qui acceptent de nous ouvrir leurs portes, même si elles n’ont pas d’emplois à proposer. C'est l’occasion pour certains d’entrer pour la première fois dans une entreprise, de découvrir un secteur d'activité, un site industriel, un hôtel, un café restaurant, une grande surface… Quand on dit visite, on fait en sorte qu'il y ait des échanges avec les salariés, pour que nos stagiaires prennent vraiment la mesure de ce qui se fait dans l'entreprise et des métiers envisageables pour eux. En matière de formation professionnelle, nous avons des partenaires historiques des Restos, par exemple Carrefour avec lequel nous organisons un parcours pour le métier de boucher, avec un contrat de professionnalisation à la clé. Nous faisons quelque chose d'un peu semblable avec Sodexo, pour des Employés Techniques de Restauration. Nous travaillons à quelque chose d'un peu semblable avec la branche de la propreté, c'est un long processus. Que se passe-t-il à l’issue des formations ? Dans le cadre des Parcours de Mobilisation Renforcée vers l’Emploi on ne garantit pas une sortie à l'emploi. Notre engagement, c'est de valider un projet professionnel, de leur faire découvrir le monde de l'entreprise et du travail. Une fois que le parcours est terminé, nous effectuons un suivi à 6 mois avec un conseiller d'insertion professionnel et des bénévoles. Souvent, une personne garde le contact avec le bénévole qui l'a orientée dans le centre qu’elle continue à fréquenter, ne serait-ce que pour l'aide alimentaire. Il peut aussi y avoir un accompagnement sous forme de parrainage ou de coaching par d’autres bénévoles. Un réseau, ça peut apporter beaucoup de choses. Dans le cadre des parcours de professionnalisation, Carrefour proposent un contrat de professionnalisation d’un an, Sodexo propose aux personnes formées et ayant acquis un premier niveau de qualification, un emploi sur l’un de leurs sites. Quelles sont les perspectives pour les Tremplins ? Avec l'expérience, nous constatons qu’il est plus facile de mobiliser bénévoles et salariés sur cet outil dans des villes moyennes comme Alençon ou Montauban. Nos propositions sont mieux accueillies, probablement parce que les dispositifs y sont moins nombreux. Nous avons cependant déjà travaillé sur Bordeaux, Toulouse, Lyon… Notre force, est l’accompagnement de grande proximité que nous assurons. Quand une personne passe la porte d'un centre d'activité des restos, on lui réserve un accueil « inconditionnel ». Elle repartira forcément avec quelque chose à manger, mais ça ne s'arrête pas là. On l’informe aussi, au besoin lors d’un deuxième entretien, de toutes les autres aides dont elle va pouvoir bénéficier dans son centre. Notre objectif est que toutes les personnes salariées et bénévoles des Restos connaissent les parcours Tremplins, et que nous puissions ainsi former des équipes qui localement seront mobilisées sur l’organisation de nombreux parcours. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences et du PACTE de la Région Nouvelle-Aquitaine : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
Les métiers se donnent en spectacle
Les activités artistiques sont assez peu pratiquées au sein des lycées. Parmi elles, la danse fait encore plus figure de parent pauvre. Pourtant, les académies ne renoncent pas à mener des actions de diffusion. A Limoges, Séverine Dahler, professeur d’éducation physique et sportive est chargée, au sein de l’académie, de développer ces activités pour des jeunes qui ont très peu accès à ce domaine, particulièrement dans l’enseignement professionnel. En 2021, une de ses collègues lui signale une action menée dans un lycée professionnel de Vendôme (Loir-et-Cher). Un petit film de 10 minutes réalisé par un chorégraphe et un vidéaste, sans paroles, en noir et blanc, montrant les jeunes danser leurs différents métiers en quelques gestes. « On s’est inspirés de cet exemple pour monter une formation de proximité sur laquelle j’ai travaillé avec Caroline Delage, une autre enseignante spécialisée danse en lycée général. Nous avons pris en compte les points forts du lycée pro, c'est à dire des groupes de jeunes qui ont un même projet professionnel, en partant de leur quotidien pour les amener petit à petit, au fil des séances, vers une activité de plus en plus artistique. » Une première expérience a été menée à la rentrée 2021, avec un section carrosserie, sur des métiers assez typés masculins. Pour ce qui concerne les professeurs d’EPS, la démarche consistait à monter une séquence accessible, qu’ils puissent mener dans leurs établissements, sans pour autant avoir de connaissances particulières dans la discipline. « Pour nous formateurs, c’est un défi de simplifier la séquence, pour que je n'ai pas besoin de passer par la démonstration afin de ne pas les mettre en difficulté. On leur donne un jeu de consignes pour amener les élèves à réaliser une chorégraphie. ». 8 heures pour les enseignants Ce nouveau format de formation, ouvert aux professeurs et aux étudiants, comporte 4 séances de 2 heures. Les participants sont mis en situation comme s’ils étaient des élèves pour comprendre les difficultés que les consignes engendrent. On ne leur demande pas de prouver leur expertise de danseur, ils n’ont aucune démonstration à faire. On leur présente des situations progressives et des supports musicaux pour qu’ils n'aient pas à les rechercher eux-mêmes. L’objectif est de leur fournir une séquence clé en main. « Notre enjeu c'est de rassurer les collègues, qu'ils se sentent capables de faire progresser des élèves dans des activités de création. Par rapport à de la gymnastique, il y a vraiment un projet de construction collective. » Parmi les arguments présentés, le fait que les activités artistiques mettent particulièrement en avant les compétences qui permettent aux élèves de vivre ensemble un processus de création. « C’est important dans le développement du jeune parce que on a besoin de le confronter à sa créativité, à son imaginaire. Et puis surtout de lui apprendre à travailler avec les autres, négocier des choix, proposer des choses sans les imposer. » Les activités sportives traditionnelles impliquent un regard essentiellement technique. Avec la danse, c’est en présence d’un public qu’il faut assumer ce qu’on fait. La mise en jeu du corps n'est pas du tout la même, avec des questions de posture, de communication entre danseurs, le jugement dans le regard des autres qu’il faut accepter. « Nos consignes sont extrêmement précises. Avec les élèves, on va parler d'espace, de gestion du temps, de rythme, mais on est soucieux de ne pas être dans le jugement. Dans notre population quotidienne en EPS, nous avons plein de jeunes qui ne savent pas gérer leur corps. C'est très intéressant et très riche de les amener à mieux se connaître, à mieux maîtriser leur schéma corporel, d'arriver à se reconnaître comme étant singulier et à accepter que les autres ne sont pas comme eux. » Les élèves suivent 8 à 10 séances de 2 heures par an, au cours desquelles ils vont mettre en place des « tableaux », au minimum deux. La durée des chorégraphies n'est pas un indicateur pour les évaluer, c’est la qualité de la production qui est recherchée avant tout, et le plaisir à le faire ensemble. Pour ne pas les perdre, le choix a été fait de travailler avec des classes entières plutôt qu’en sous-groupes, afin qu’aucun élève ne reste spectateur. Les chorégraphies reposent sur la force du groupe, afin d’entraîner ceux qui auraient des réticences. Les élèves n'ont pas besoin, du moins au début, d'être force de proposition. « Les premiers essais ont complètement conforté ce choix de démarrer avec des classes entières. On crée des sous-groupes dans la deuxième partie des cours. On n'est pas sur une production longue parce qu'il y a des difficultés de mémorisation et d'attention. Il faut beaucoup de concentration et d'écoute de l'autre pour être synchronisés. Quand ils ont vraiment construit quelque chose de précis, il y a une vraie fierté chez les élèves. » Acquérir des compétences transverses « Le plus de l'activité, c'est vraiment que les élèves créent des mouvements avec leur corps, dans l'idée de communiquer un message autour de leurs métiers. Et ça on ne le retrouve nulle part, parce que dans les activités sportives, on reproduit plus ou moins bien un geste technique identifié comme étant le plus performant. Ce n’est pas la difficulté technique qui importe, mais la capacité à se mettre au service d'un groupe, à faire des choix ensemble et d'arriver à les mettre en œuvre. » La démarche ne repose pas sur un style de danse particulier, surtout pas la danse classique qui nécessite un niveau technique élevé. On parle ici de « pratique sociale de référence », le modèle est plutôt celui de la compagnie que de l'école de danse notre modèle. Le professeur définit un thème à partir des pratiques professionnelles, pour ne pas perdre de temps à le faire choisir aux élèves. Ensuite il met en place le processus de création avec eux. On constate qu’avec des consignes identiques, chaque élève et chaque sous-groupe arrive à construire des éléments différents. A la fin d'une séquence chaque production est singulière. « Le minimum obligatoire c'est de nous présenter le travail dans la classe pour être évalué en EPS. Dans notre projet, et je pense que ça se mettra en place cette année, il y avait l'idée que, quand un bout de chorégraphie est prêt, on l'amène dans l'atelier de travail, donc un espace différent qui donne un autre sens à la danse, pour le danser et le filmer. Ça sera l’occasion pour les professeurs d'atelier de voir que leurs élèves peuvent se comporter différemment. C'est à la fois un autre regard porté sur l'élève et un autre regard sur le métier. » En fin d’année, cette expérimentation devrait déboucher sur une formation à public désigné, donc obligatoire, pour tous les enseignants d’EPS de l'académie qui enseignent en lycée professionnel. « Beaucoup de mes collègues se sont reconnus dans cette idée que, au-delà du choix d'un support particulier comme la danse, l'idée est bien de redonner confiance en soi, de s'assumer, d'écouter les autres, de partager des choses sans jugement. C’est vraiment un enjeu de développement des compétences transversales. » Séverine Dahler est intervenue dans le cadre des "Innovantes 2022", où elle a été sollicitée par différents professionnels présents intéressés par sa démarche et ses effets sur l'apprentissage des compétences transverses.
Décoder le monde de la formation pour l’apprivoiser
Le décodeur de la formation, c’est une sorte de mallette de jeu. A l’intérieur, une fiche explicative pour les animateurs et une dizaine de visuels. Chacun d’entre eux est un avatar, incarnant différentes situations. Par exemple, Mourad, 21 ans. Il a arrêté ses études en première scientifique et voudrait devenir menuisier. Un visuel est donné à chaque groupe, auquel l’animateur demande de travailler sur 4 questions : est-ce que le personnage est obligé de se former pour atteindre son objectif ? Comment peut-il réaliser son projet ? Comment obtenir le diplôme nécessaire ? Quelles sont les différentes manières d'entrer en formation ? Idée générale de ce produit simple en apparence, proposer un atelier à des jeunes de mission locale afin qu’ils abordent le thème de la formation de manière ludique. N’ayant à leur disposition que la fiche qui leur est distribuée, ils doivent déterminer ce que devrait faire le personnage qui leur est proposé pour réaliser son souhait au sens large. S’il doit se former, comment faire ? Quand et pour quelle durée ? Comment vit-il pendant le temps de la formation ? Les participants doivent ensemble se poser les questions qui pourraient être évoquées entre un jeune et son conseiller. A l’origine de la création, trois conseillers de la mission locale de Poitiers qui intervenaient exclusivement sur la garantie jeunes. Dans leur travail d’animation collective, Ils avaient le sentiment d'avoir face à eux des jeunes pour qui la formation était un concept assez nébuleux. Ils entendaient des réflexions sur le mode « de toute façon moi j'ai pas les moyens » ou « moi l'école c'est pas mon truc », sans toujours savoir comment démentir ces idées reçues. Combattre les idées reçues « Malheureusement on l'entend encore beaucoup, » explique Sonia Chopin, chargée de projet orientation formation à la mission locale d’insertion du Poitou. « C’est très ancré cette idée « qu’il faut que je travaille, que je mette de l'argent de côté pour aller me former parce que ça coûte cher ». C'est vraiment avant tout pour contrer ça, que nous avons monté cet atelier. De fait, il rejoint les préoccupations de la mission locale et les préoccupations de l'Etat et de la Région à propos de l’augmentation du niveau de qualification des jeunes : comment amener plus de jeunes à se former afin de sécuriser leur parcours ? » « C'est un sujet qui nous préoccupe depuis pas mal d'années, comment rendre attractive l'offre de formation quand on voit que le jeune n’a pas trop de moyens pour affronter le marché du travail. Il va trouver des petits boulots, rester dans la précarité ou dans l'intérim. Mais s'il veut s'assurer un parcours un peu durablement, pour certains ça doit passer par l'accès à la formation. » L’atelier s’appuie beaucoup sur des méthodes déjà utilisées, afin de les appliquer à la question de la formation : le travail en petits groupes, les échanges, la recherche d’informations en autonomie. « Dans les échanges, il y a toujours un moment où il y en a un qui va dire « tiens on va chercher un peu plus d'info sur ce métier-là » ou « on va peut-être aller voir les entreprises où on exerce ce métier » ou « on va aller faire un stage ». L'idée c'est de les laisser chercher, même si les animateurs peuvent les aiguiller un peu, leur proposer des choses si elles ne viennent pas spontanément. » Les jeunes s’aperçoivent qu'en cherchant la bonne formation, ils identifient plusieurs diplômes, plusieurs organismes de formation. Parmi eux, il y a des CFA. Mais c'est quoi un CFA ? C'est quoi l'apprentissage ? Pour résumer, ils découvrent ce que veut dire « valider un projet ». Deux groupes qui travaillent sur la même fiche ne vont pas forcément trouver les mêmes solutions, prendre le même chemin. Les animateurs se saisissent de tout ce qu’ils entendent pour revenir aux bases de l'environnement de la formation, peu importe la thématique ou le métier ciblé. Mais le principe est qu’ils ne surchargent pas les jeunes d’informations, l’objectif n'étant pas de leur présenter tous les dispositifs existants. Le décodeur est utilisé dans le cadre de ces ateliers, mais les choses ne s’arrêtent pas là. Le travail peut déboucher sur des enquêtes métiers, des rencontres avec des professionnels, avec des organismes de formation. Ce qui a été vu en collectif peut aussi être utilisé dans le cadre de l'accompagnement individuel pour que le jeune avance sur son propre trajet. Un outil commun au réseau Cet outil a été créé en 2021, avec les moyens du bord, par la mission locale d’insertion du Poitou, puis testé avant d’être présenté au réseau régional. L’Association Régionale des Missions Locales (ARML) s’en est saisi pour en assurer la formalisation, et la diffusion auprès des 43 structures de Nouvelle-Aquitaine. Pour Claudette Lemière, directrice adjointe de l’ARML, c’est en droite ligne de sa mission de capitalisation et de valorisation des actions des missions locales. « Dans le cadre de notre programme régional d'animation, nous partageons plusieurs constats avec les missions locales, notamment sur la difficulté de proposer à certains jeunes des parcours vers la formation, parce que ça n’est pas leur demande première. Quand ils arrivent, ils demandent plutôt à travailler, même si ça n’est pas très clair pour eux sur quoi, comment, où, dans quelles conditions ? C’est assez difficile de faire en sorte de ramener vers un dispositif de formation des jeunes qui ont quitté les bancs de l'Education nationale avec plutôt peu de succès. » « Lorsque nous avons vu la démarche, nous avons décidé d’en faire quelque chose de plus formel, de créer un outil d'animation simple et agréable à utiliser. Nous avons travaillé avec la mission locale, avec le même groupe de conseillers, pour réécrire un peu les avatars. Et notre chargé de communication nous a fait une proposition de mise en page. Comme il était pensé à l'origine comme un jeu d'animation, nous avons conservé cette idée d'avoir des cartes, une pochette, une règle de jeu. » Pour l’instant, le décodeur comprend une dizaine de fiches. Les thèmes retenus ne l’ont pas été au hasard (travailler avec des enfants, auxiliaire de vie, menuisier, etc.). Ce sont les métiers qui ont des chances de parler aux jeunes, ceux exercés par les membres de leur entourage ou encore qu’ils ont eux-mêmes pratiqués. Tous des sujets qui reviennent de manière récurrente en mission locale. A chaque séance, les animateurs n’en retiennent que 2 ou 3, quel que soit le nombre de jeunes, quitte à amener plusieurs sous-groupes à travailler sur le même profil. Cela permet également d’alléger un peu la restitution du travail de chaque groupe qui, sinon, pourrait être longue et fastidieuse. Le décodeur peut être décliné de beaucoup de manières différentes. « C’est ça qui va être intéressant dans l'échange de pratiques avec les autres missions locales. C'est que même la fiche d'animation a été conçue par rapport à nous, ce que nous avons expérimenté sur Poitiers. Mais les autres missions locales pourront prendre des largesses par rapport à cette « règle ». Et ce sera tant mieux. » De son côté, l’ARML va continuer le développement de la mallette. « Nous allons créer de nouvelles fiches, de nouvelles illustrations, parce qu’il y a des territoires qui sont peut-être plus marqués par certains lieux, certaines formations. Nous savons que le monde de la formation est très complexe, les gens s’en font beaucoup d’idées fausses. Le grand public a besoin de médiateurs. Les conseillers en évolution professionnelle et les conseillers en insertion des missions locales font partie de ces médiateurs indispensables. »
A chacun ses envies, à chacun son chemin
Depuis une vingtaine d’années, le centre socioculturel Les Pictons (Marans - 17) a décidé de mettre l'accent sur l'insertion et la formation pour adultes. Situé dans un territoire sans organisme de formation ou d’agence Pôle emploi, avec une permanence de la mission locale une demi-journée par semaine, il est progressivement devenu organisme de formation, espace régional d'information de proximité (ERIP) et travaille avec le Département sur les mesures emploi et santé pour les bénéficiaires du RSA. Plus récemment, il a émis la volonté d’essayer de se rapprocher des « invisibles » et de trouver une autre façon d’accompagner cette population qui n’est connue d’aucun intervenant ou dispositif. Pas forcément sur un projet professionnel mais plutôt, dans un premier temps, sur un projet de vie. Selon Laurent Fargier, conseiller en insertion professionnelle, « le centre n’arrivait pas à mobiliser ces personnes pour de la formation, ni pour de la recherche d'emploi, pas même pour du lien social. Nous avons voulu travailler sur la motivation de celles et ceux qui sont un peu perdus, ne savent pas trop où aller et quoi faire de leur vie. » En 2019, l’appel à projets régional « mobilisation formation » a été l’occasion de lancer une expérimentation baptisée « A chacun son chemin », destinée à ce public particulier « Lorsqu’on leur propose un projet construit, ces personnes ne viennent pas, » précise Sophie de Quelen, psychologue. « On s’est autorisés à penser autrement, partir du principe de construire le projet avec eux. C'était ça notre idée originale, les mobiliser en leur demandant de parler de leurs envies.» Compte tenu de sa dimension expérimentale, le projet nécessitait la constitution de deux groupes, de manière à pouvoir effectuer des comparaisons. Au départ, 16 personnes en tout, soit deux groupes de 8. La crise sanitaire est venue perturber le programme initial. Le premier groupe a été accompagné de février à décembre 2020, le deuxième de janvier à juin 2021. Vivre une aventure collective Les participants ne devaient répondre à aucun prérequis particulier, à part celui de ne pouvoir s'inscrire dans des dispositifs existants comme la garantie jeune. « A chaque fois que nous avons rencontré des participants éventuels, nous leur avons dit que la seule condition était qu’ils soient prêts à expérimenter avec nous, qu’on allait construire ensemble, petit à petit, avec le collectif. Nous ne leur avons pas du tout mis la pression. Nous leur avons présenté le projet comme une aventure que nous allions vivre ensemble. » Les personnes repérées ont toutes été reçues en entretien. Certaines ont tout de suite proposé des idées, d’autres ont eu plus de mal à exprimer des envies. Mais toutes étaient partantes. D’autant que le côté expérimental du projet ne les a pas rebutées, particulièrement celles qui avaient gardé de mauvais souvenirs de formation ou d'accompagnement. Comme « A chacun son chemin » n’était pas une formation, elles n’avaient pas l’impression de prendre de risques. Seule contrainte, être prêt à essayer des choses nouvelles. Les premières réunions étaient très courtes, 45 minutes tout au plus, afin de prendre en compte le fait que les participants n’avaient pas l’habitude d'être en groupe, même réduit. Ni celle de fixer leur attention pendant plusieurs heures. La première séance s’apparentait à un groupe de parole dont le but était de définir le projet collectivement. Cette rencontre était déjà un défi pour certains, qui n’avaient plus d'envies et pas l'habitude qu'on leur demande d’en parler. « Nous sommes partis sur une première liste d'une quarantaine de souhaits, aussi simples que de se balader dans la forêt ou en vélo, découvrir des pratiques sportives, participer au salon de l'agriculture, etc. Beaucoup de choses en lien avec la nature, pour se ressourcer. Il y avait aussi l’envie de visiter l'île d’Aix parce que personne n'y était jamais allé, ou l'aquarium La Rochelle. Nous leur avons dit que tout était imaginable, mais pas forcément faisable. Etonnement, les envies sont restées raisonnables et modestes.» Le programme était pensé pour progressivement monter en puissance. La première semaine, une demi-journée, deux demi-journées pendant la deuxième semaine, etc. L’objectif étant d’aboutir à un rythme de 3 journées par semaine, pour que les participants puissent en théorie être prêts à intégrer un dispositif classique. « Nous étions censés arriver à 3 jours complets, puisqu’un des objectifs était de les préparer à entrer en formation. Il fallait pouvoir les amener à un rythme assez soutenu. Mais ça n’a pas été facile de les mobiliser sur des journées entières. Nous avons constaté que partir de l'envie des gens, alors qu’eux-mêmes ne savent pas trop comment s’y prendre, ça demande une énergie énorme. » Le large champ des possibles Les accompagnateurs ont eu le souci de ne pas faire un tri dans les souhaits exprimés par le groupe. Leur rôle était de rendre les activités possibles, ou de mettre en place quelque chose d’approchant. Mais aussi d’amener les participants à être autonomes, de les aider au départ, de les pousser à organiser eux-mêmes les sorties, faire les réservations et les achats le cas échéant. Pour certaines actions, comme un chantier de végétalisation du centre, il leur a fallu être un peu plus directifs, afin de susciter la mobilisation de tout un groupe autour de l’aménagement de deux terrasses, les plantations, la fabrication de bacs en bois de palette, etc. « Nous avons essentiellement travaillé sur le côté vivre ensemble. L’importance d’écouter l’autre, d’exprimer ses besoins, la confiance en soi. Comment chacun peut trouver sa place. Le but c’est vraiment de les faire sortir de leur bulle, à leur rythme. Chacun est différent et possède des petites compétences que les autres n’ont pas, c’est comme ça qu’on constitue une équipe. Mais nous ne l’avons pas fait sous l’angle professionnel. Nous avons tout de même proposé des visites d’entreprises à ceux qui étaient intéressés. » L’idée de départ était de construire un projet de vie. Le projet professionnel n’est pas abordé d’emblée, mais au fur et à mesure de la sociabilisation des participants au sein du groupe. Pour certains d’entre eux, le dispositif a débouché sur un emploi dans un chantier d’insertion. « Dans la plupart des cas, l’expérience s’est traduite par des changements de vie, une prise de confiance dans ses compétences, être assez sûr de soi pour postuler. Ou même simplement retrouver la volonté de sortir de chez soi, de reprendre contact avec d’autres gens, être capable de parler en groupe, ne plus avoir honte d’être resté inactif pendant un certain temps. L’objectif est la resocialisation, pas l’organisation d’un atelier de recherche d’emploi dès le départ. » « En faisant le bilan « d’A chacun son chemin », nous avons pensé que cette façon de faire pourrait intervenir en amont de beaucoup d’autres actions. Ce serait la possibilité pour une personne qui n’a pas travaillé depuis longtemps, qui a perdu l’habitude de se rendre à un rendez-vous tous les jours, de dédramatiser l’entrée en formation. Cette expérience pourrait être une sorte de sas de resocialisation, de reprise de confiance. Parce que dans certains dispositifs, la reprise est parfois trop brutale. La marche est souvent trop haute à franchir pour les personnes que nous avons accompagnées. »
La FOAD au service de la remise à niveau
Depuis quelques années, le CFPPA de Venours a progressivement développé la formation ouverte à distance (FOAD) à l’initiative des responsables de formation et des ingénieurs pédagogiques, mais sans politique globale. Aujourd'hui, elle est au centre d’un projet plus structurant visant à développer à la fois la numérisation des centres (CFPPA et CFA) et celle des formations. « En Nouvelle-Aquitaine, le CFPPA de Venours est un centre de formation agricole avancé en ce qui concerne la FOAD» précise Raphael Roturier, directeur. « 39% de notre activité concernent des formations délivrées en FOAD ou en FAD (100% à distance). Cela signifie que le CFPPA et très orienté vers ces nouvelles pratiques, sans pour autant remplacer le présentiel, des pratiques qui permettent de s'adresser à un autre type de public. » En 2019, avec le soutien de la Région dans le cadre de l’appel à projets Digitalisation, le centre a mené une action de « digitalisation des prérequis ». A la base, le constat selon lequel les candidats montraient des lacunes en ce qui concerne les prérequis légaux lors des entretiens de motivation et des bilans de positionnement. Et parfois en cours de formation, avec des difficultés à remplir leurs dossiers en raison d’un manque de compétences en expression écrite et orale, et d’une maîtrise limitée des outils informatiques. « C’est notamment le cas pour les certificats de spécialisation. Ces spécialisations sont adossées à des diplômes comme le BPREA (Brevet Professionnel Responsable d'Exploitation Agricole) ou le bac pro CGEA (Conduite et Gestion de l'Entreprise Agricole). Pour entrer en formation les candidats doivent normalement déjà avoir un diplôme de l'enseignement agricole, » ajoute Amandine Harouach, ingénieur pédagogique. « Ce n’est pas forcément le cas de notre public, par exemple pour le CS Tourisme vert. Dès le diagnostic initial de positionnement, nous étions obligés de refuser des candidats parce qu'ils ne remplissaient pas les prérequis. » Sur dérogation de la DRAAF, un candidat qui montre une forte motivation, un véritable projet professionnel, peut toutefois s’inscrire en bénéficiant d’une petite formation en amont. Une prépa à la formation L'idée générale du « parcours de prérequis » consiste à proposer aux stagiaires une remise à niveau avant leur entrée en formation, pour faciliter leur intégration, puis leur insertion professionnelle. Cette remise à niveau se fait en FOAD afin d’encourager leur autonomie et la mise en place d’une méthodologie et d’une organisation de travail. C’est aussi une façon de les familiariser avec l'environnement de formation qui est parfois vécu comme un retour scolaire par des adultes qui n’ont pas fréquenté une salle de classe depuis longtemps. « Souvent les adultes se sous-estiment parce qu'ils ont peur de ne pas aller au bout de la formation, à cause de leurs difficultés en français ou en informatique. Avec ce parcours préalable, notre but est de favoriser le bien-être et la réussite de l’apprenant. Quand l'entretien est bon et que l'on sent qu'il y a juste un petit manque d’assurance, nous essayons plutôt d'accompagner la personne sur la prise de confiance. » La remise à niveau concerne trois thématiques. Les mathématiques, importantes pour les calculs des surfaces, les volumes et les masses. Le français, notamment la communication écrite et verbale, et la communication en milieu professionnel. Et l'informatique, avec les programmes classiques en bureautique et la méthodologie de recherche en ligne. « Dans leur parcours de formation, les stagiaires devront forcément aller chercher des informations sur le net. Certains sont perdus dans la multitude d'informations. Techniquement, savoir utiliser un traitement de texte ou un tableur, cela leur permet aussi de participer sereinement à la formation lorsqu'ils ont un dossier à composer. » Le suivi est effectué par le centre de ressources, en lien avec le responsable de formation. « Si le stagiaire évolue lentement, on peut être amené à poursuivre la remise à niveau après son entrée en formation. On n’arrête pas brutalement, de façon à éviter échec et frustration. Les parcours sont lancés par groupes, de manière que le stagiaire ne se sente pas seul, qu'il se sente appartenir à un collectif. Du coup, certains se connaissent avant la rentrée, c'est plus confortable. » Pour des personnes déscolarisées depuis longtemps, la FOAD se révèle être une modalité moins lourde, plus souple, qui ménage des temps de réflexion, sans imposer un rythme contraint. La durée du parcours dépend du positionnement du stagiaire. S’il lui manque des bases sur les trois thématiques, il dure environ 3 semaines à raison de 35 heures par semaine (28h pour l’informatique). Certaines personnes ne sont concernées que par une ou deux thématiques, d’autres ne peuvent se rendre disponibles que sur une semaine. Dans tous les cas, pendant cette période, ils savent qu'ils seront autonomes et qu'ils devront être des acteurs très dynamiques de leur parcours. Le plus important c’est que ce temps ne doit pas empiéter sur la formation, ce qui serait préjudiciable sur le plan pédagogique. Priorité à l'individualisation « Normalement, ce parcours est un temps bien distinct de la formation. Mais nous avons fait le choix d'être plus souples parce que c'est ça l'individualisation. Nous effectuons un suivi régulier, avec des contacts tous les jours. Si nous constatons que ça ne marche pas, nous évitons de stresser le stagiaire avant son entrée en formation. Nous laissons le parcours ouvert toute l'année sur la plateforme. Si les stagiaires veulent y revenir et travailler sur certaines choses en autonomie, ils le peuvent. Ils ont également la possibilité de solliciter directement le CDR. » Dans la mise en place du projet, le CFPPA s’est heurté à des difficultés matérielles. Avec les apprenants habituels de la FOAD le problème se pose rarement, puisqu’ils anticipent leurs besoins avant la formation. Mais quand les modalités à distance sont proposées à des publics qui ne disposent pas toujours d’une connexion de qualité et d’un matériel informatique adapté, elles constituent un frein non négligeable. « Nous avons questionné cette modalité FOAD, en se demandant si elle était pertinente pour ces publics. Pour ceux qui habitent loin se pose le problème du logement, du transport et de la nourriture. Cela rajoute encore un facteur défavorisant. En fait, lorsque l’on met bout à bout tous les obstacles à la formation, il apparaît que la FOAD n'est pas un frein plus important que celui de la mobilité ou de l’hébergement. » La FOAD est une modalité souple mais qui nécessite un bon suivi. L’écueil principal du parcours de prérequis tient peut-être dans le fait que la remise à niveau est, pour presque tous les stagiaires, du déjà vu qui ne génère pas forcément une grande appétence. « Il faut faire attention à ce que ça ne soit pas vécu comme un retour à l’école. Il ne faut pas que ça annihile l’enthousiasme initial du stagiaire d'aller sur une formation où il va découvrir des choses nouvelles qui correspondent à son projet professionnel à venir. » Au vu des résultats, le centre entend continuer la remise à niveau en FOAD avec les stagiaires. Le même dispositif a été expérimenté avec un public d’apprentis, mais il a donné de moins bons résultats. Manuela Fonseca, responsable du Centre de Ressources précise, « nous allons mettre en place une formation quasi systématique en informatique, notamment pour le BPREA puisque c'est un métier où on utilise de plus en plus les tableurs pour les rotations la comptabilité, la gestion, l'organisation du travail. Les formateurs l'utilisent aussi de plus en plus. Il faut que, en amont, nous en facilitions la prise en main. »
Découvrir un nouveau métier, le modèle AVEC
Margaux Dupont est directrice de l’antenne de Bordeaux de l’association Action Emploi Réfugiés (AERé). Elle coordonne les programmes d’Accélération Vers l’Emploi et la Carrière (AVEC), lauréats de l’appel à projets national du PIC « Intégration Professionnelle des Réfugiés », qui visent à favoriser l'insertion professionnelle des personnes bénéficiant de la protection internationale. Dernier né, le programme AVEC « Stratifieur ». Comment est né « AVEC Stratifieur » ? Pour ce programme spécifique, nous étions au préalable en lien avec plusieurs intervenants autour du métier de stratifieur, dont l’organisme de formation IFI Peinture, le chantier naval Couach (Gujan Mestras) et l’agence d’interim Domino Missions. En faisant connaissance d’IFI Peinture, nous leur avons présenté nos programmes AVEC : formation technique, cours de français (avec l’Alliance Française), et accompagnement individuel et collectif des participants. Compte tenu des besoins de Couach en matière de recrutement et de formation, et la motivation des différents acteurs pour offrir des solutions au public réfugié, nous avons décidé de lancer un programme sur le métier de stratifieur avec ces différents acteurs. Donc ce programme a été réellement coconstruit en fonction des besoins du terrain, et des possibilités de mettre en place un groupe dans un temps assez court, puisque nous avons commencé à en parler en mai pour un début de formation en juillet. Il a fallu être assez réactif pour saisir cette occasion de monter un programme qui pourrait profiter au public réfugié et aussi à l’entreprise. Dans l’idée que ce soit du gagnant-gagnant. Quelles sont les différences avec les précédents programmes ? La nouveauté est que les participants signent un contrat de professionnalisation d’une durée d’un an. Sur cette année, 19 semaines sont consacrées à la formation, qui inclut : la formation technique assurée par IFI Peinture dans les locaux de Couach, des temps de Français Langue Etrangère à Bordeaux avec l’Alliance Française, et des ateliers collectifs avec AERé sur le marché du travail en France, sur certains aspects administratifs ou encore sur la mobilité avec Wimoov ou la gestion budgétaire avec l’UDAF 33. Il y a aussi un accompagnement individuel pour déceler les freins et difficultés de chaque personne, et les orienter dans leurs démarches en matière de logement, de mobilité, ou autre. Tous les programmes AVEC suivent la même logique, mais là on a un volume d’heures plus important. 210 heures pour le français et les ateliers collectifs contre 85 en moyenne dans les autres programmes. On peut aller plus en profondeur sur certains aspects. Les moments de formation ne sont pas sur un rythme de 3 semaines/une semaine, mais sur des blocs : un mois de formation pour commencer, ensuite deux mois en entreprise, pendant lesquels les stagiaires intègrent les équipes au sein de l’entreprise, en contrat de travail, en acquérant des techniques et des compétences, puis deux semaines de formation, et ainsi de suite. Sur quoi débouche le programme ? Les personnes passeront le titre pro stratifieur en matériaux composites. Elles doivent remplir un dossier pour l’obtenir, les cours de français sont là pour les aider. On pourra également les accompagner dans l’organisation du travail, leur mettre à disposition un endroit pour être au calme en cas de besoin, et répondre à leurs interrogations. C’est un programme qualifiant, qui est source de motivation pour beaucoup d‘entre eux. Comme c’est un secteur dynamique, il existe de réelles possibilités d’emplois. D’autant que les stagiaires se trouvent déjà dans une entreprise qui a des besoins et qui est volontaire pour les intégrer. Dans ce cas, les gens sont déjà dans l’entreprise. Dans d’autres cas, les programmes AVEC constituent plutôt un tremplin pour accéder à l’emploi. Combien de stagiaires pour ce programme ? Le groupe actuel est composé de 8 personnes qui habitent toutes à Bordeaux métropole, à 40 minutes en train de Gujan-Mestras. Nous sommes en lien avec le FJT de La Teste pour des besoins d’hébergement éventuels. La plupart des personnes souhaitent rester à Bordeaux et faire le trajet, pour rester à proximité de leurs réseaux. Les participants ont découvert qu’avec le train, on peut vivre à Bordeaux et travailler sur un autre territoire. En général les réfugiés veulent aller à l’emploi rapidement. La durée du programme n’est-elle pas un obstacle ? Au contraire, puisque c’est un emploi en même temps qu’une formation. C’est plus difficile de mobiliser les publics sur une formation « pure ». La chance pour les participants, et pour nous les organisateurs, c'est que ce programme est un contrat qui inclut de la formation. Il permet aux personnes d'avoir une visibilité à moyen terme. Cela leur permet d'avancer dans certaines démarches et de souffler financièrement. C’est motivant pour elles. Comment avez-vous effectué votre sourcing ? Nous avons démarré fin juillet. Nous nous sommes occupés de la mobilisation de la majorité des candidats, deux d’entre eux ont été identifiés par IFI Peinture. Nous avons communiqué auprès de nos partenaires et des personnes qu'on accompagne, qui ont pu nous orienter des candidats. Nous avons également tenu des réunions d'information collectives. La sélection s'est faite ensuite par les différents partenaires. Dans le programme stratifieur nous avons travaillé avec des personnes qui n'avaient pas d'expérience préalable de ce métier ou qui n’avaient pas, au départ, le projet de devenir stratifieur, puisque c'est un métier très peu connu. Ce qui est intéressant dans le sourcing, c'est de mettre en avant les éléments transposables dans les expériences et aspirations des personnes. Quels enseignements tirez-vous de ce programme ? Nous en sommes encore au début. Nous pourrons faire une analyse complète à l’issue. Pour l’instant, l'enseignement principal c'est que d'avoir la capacité d'adapter ce modèle aux réalités et aux situations du terrain est un véritable plus. Je pense que c'est bien d'avoir la possibilité d'avoir différentes variantes. Et de disposer de programmes qualifiants, d'autres certifiants ou préqualifiants, parce qu'ils ne s'adressent à des personnes qui ne sont pas toutes au même niveau de leur insertion professionnelle. Cela permet d'avoir une complémentarité entre les différentes solutions. Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx
Solution virtuelle pour formation en détention
L’association APES 24 (Association Placements Extérieurs et Services) a été créée dans les années 90, dans l’objectif de travailler uniquement avec le public en détention. Depuis plus de 20 ans, elle développe des actions de formation qualifiante en secteur pénitentiaire, notamment dans les domaines des espaces verts et de la mécanique. Elle a plus récemment engagé une réflexion dans le but de trouver des solutions pour renouveler son offre, introduire des nouvelles formations qualifiantes en détention, afin de répondre à une demande des détenus et aux besoins économiques des territoires. « Nous avons étudié les solutions possibles en virtuel » explique Aurore Debordeaux, directrice. « Nous avons proposé à la Région, dans le cadre du Fonds Régional d’Innovation dans la Formation, de monter une formation qualifiante sur le titre professionnel de mécanicien automobile qui, en détention, n'existe pas en Nouvelle Aquitaine. C’est un secteur en tension qui offre beaucoup de perspectives de contrats. » « Le pari que nous avons pris, c'est véritablement de faire un parcours linéaire sur de la mécanique, qui est une activité particulière par rapport aux espaces verts, dans le sens où on y vient par réel choix, par goût. Avant d'accepter la formation, les gens réfléchissent un peu plus. Il y a déjà une sorte de sélection naturelle parmi ceux qui vont postuler. » Formation ente les murs La principale problématique en détention est le manque de place. Difficile de pousser les murs de la prison pour installer des nouveaux plateaux techniques, notamment pour des raisons de sécurité. De plus, il est très délicat d’introduire l’outillage nécessaire, qui doit être contrôlé à l'entrée et à la sortie. Passer par la réalité virtuelle permet de se libérer d’une partie de ces contraintes. Pour autant, la mise en place d’une formation virtuelle en prison n’est pas aisée. Elle nécessite des accords du ministère de la Justice, tout simplement parce que les nouvelles technologies, les ordinateurs connectés à internet, sont interdits en détention. Il faut trouver une technologie qui puisse à la fois être compatible avec les impératifs de sécurité et remplir les conditions d'exercice pédagogique d'une formation. Le projet est développé avec une autre association, l’AFAC 24 (Association Formation Avenir Conseil), un organisme de formation de droit commun qui porte des chantiers d'insertion par la mécanique automobile. L'ingénierie de formation a été prise en main par l’APES et ses formateurs en mécanique. C’est au centre de détention de Mauzac que se déroulera la formation, faisant de lui le premier à accueillir un titre professionnel complet, avec l’apport de la réalité virtuelle. Les apprenants seront des personnes en fin de peine, qui sont à moins de 2 ans de leur sortie. « Pour sélectionner les 8 candidats, nous contournons un peu ce que l’on fait habituellement. Il faut tout de même un certain nombre de pré requis, notamment en termes de permissions de sortie possibles, puisque l’on prévoit des mises en stage. Les candidats doivent pouvoir sortir pour se rendre en entreprise. Ils doivent également avoir le permis afin de pouvoir faire des essais sur route. Les conditions pénales seront étudiées par les services de l’Administration Pénitentiaire et de la Justice. » La phase de création de l'outil est en cours. Elle devrait durer 8 mois. APES a choisi une agence spécialisée pour se concerter avec les formateurs en mécanique afin de numériser chaque geste technique se rapportant au titre professionnel. Le travail consiste à décliner le référentiel sous forme de modules numériques qui passeront par l'utilisation de lunettes virtuelles : intervenir sur un moteur, changer une distribution dans les règles, utiliser les bons outils et les bons gestes techniques, etc. « Sur la partie théorique, nous enseignons des choses tout à fait classiques. On ne peut pas passer 100% du temps avec un casque de réalité virtuelle. C'est l'alternance de ces pratiques et des modules numériques qui fait que l’on va réussir à créer quelque chose de cohérent par rapport à la demande pédagogique. » Du virtuel, mais aussi du réel Globalement, les formateurs voient arriver cette modalité avec intérêt, même s’il subsiste quelques inconnues, comme la capacité de l’outil à prendre en compte les poids et les forces à exercer. C'est tout l’intérêt d’inclure dans la formation des périodes de stages en entreprise d’une semaine pour chacun des 4 modules, afin que les stagiaires soient confrontés aux réalités tangibles de leur futur métier. Les formateurs du centre de détention, plutôt spécialisés en mécanique agricole, sont également partie prenante. Ils ont une légitimité d'intervention dans la partie théorique en raison de leur bonne connaissance du public et des caractéristiques de la détention. Dans la réalité de la formation, les formateurs de l’APES seront présents avec leur groupe de stagiaires. Le terme de sortie positive prend une signification toute particulière dans un tel contexte. La validation du titre professionnel est une première étape. Ensuite, interviendra concrètement le placement en entreprise, avec un contrat de travail. « C'est pour ça que le sourcing est important. Il nous faut des gens qui sont potentiellement libérables à la sortie, pour prendre des postes dans des entreprises qui ont des besoins de main d'œuvre. Nous avons aujourd'hui largement assez d'entreprises pour accueillir tous nos stagiaires. » « Aujourd’hui, en droit commun, élaborer un outil 3D ne paraît pas particulièrement innovant. Mais en détention, c’est un vrai défi. À l'intérieur d'une prison, on ne peut pas avoir de téléphone, pas d'internet, pas d'ordinateur connecté, on fonctionne encore aujourd'hui avec du papier. Pour entrer en prison, les casques de réalité virtuelle doivent être à chaque fois vérifiés par les services informatiques du centre de détention. De plus, nous travaillons avec des publics qui, parfois, sont incarcérés depuis 20 ans et qui ne connaissent pas du tout la réalité virtuelle ou même l'informatique. » Un premier module sera présenté en fin d’année. Cette présentation sera suivie d’une phase d’ajustements. « Nous allons développer et expérimenter l'outil sur Mauzac. Si l'outil et les méthodes d'apprentissage fonctionnent, elles pourront être mises en place dans d'autres établissements, particulièrement dans des endroits plus petits où on ne peut pas développer de formation par manque de place. »
BAC +1, un pied dans l’emploi, un pied dans l’enseignement supérieur
A l’origine du projet de formation BAC +1, la volonté du Cnam de s’inscrire dans le cadre du discours de politique générale du Premier ministre de l’époque qui annonçait en 2017 la création de BAC +1 professionnalisants. Il s’agissait de proposer une solution aux jeunes issus de formation initiale qui ne trouvaient pas nécessairement chaussure à leur pied dans l’enseignement supérieur. « Ce qui nous intéressait, c’était d’inscrire ce projet dans une politique d’ouverture sociale », explique Pierre Rieben, directeur du réseau de la réussite Vincent Merle. « C’est-à-dire à la fois d’offrir une réponse concrète aux jeunes sortis de formation initiale, en particulier les bacheliers pros, et de s’attacher à faire revenir à la formation des publics décrochés. Des jeunes qui ont quitté leur scolarité depuis quelques années, avec ou sans le bac, qui ont éventuellement démarré des parcours dans l’enseignement supérieur, sans réussir ou y trouver de l’intérêt ». « Certains jeunes, parce qu’ils habitent dans une ville moyenne et qu’ils n’ont pas les moyens d’aller suivre des études dans les métropoles, considèrent que leurs études se termineront, quoi qu’il arrive, au bac. Nous avons voulu offrir une solution à des publics en transition difficile, que ce soit entre formation secondaire et supérieure, ou entre formation et emploi. Nous allons jusqu’à chercher des jeunes très éloignés de l’emploi. » Le dispositif a été expérimenté de manière ponctuelle en 2018 à Paris et en région Centre-val de Loire, sur des spécialités différentes (tourisme, gestion et intégration Web). En 2021, il sera déployé sur une quarantaine de sites. Entre-temps, le diplôme d’établissement BAC +1 du Cnam a été labellisé par le ministère de l’Enseignement supérieur, « Formation supérieure de spécialisation »[1]. Elle correspond à la validation de 60 crédits ECTS (European Credit Transfer System) d’une année d’enseignement supérieur après bac. Elle est d’une durée de 1 000 heures, dont 400 heures de stage. La reconnaissance du ministère permet d’élargir cette reconnaissance aux autres établissements d’enseignement supérieur. Pour entrer en BAC +1, il faut être titulaire du bac ou d’un diplôme équivalent. Pour pouvoir accueillir ces jeunes de façon large, le Cnam a cherché à construire un diplôme articulant deux types de compétences. D’une part des compétences transverses et « douces », de l’autre des compétences techniques et professionnelles. Le travail sur les compétences transverses s’adresse au premier chef à un public qui n’a pas nécessairement une grande confiance en soi, ni confiance dans l’appareil éducatif. « C’est un public qui ne sait pas toujours mener un entretien, qui ne sait pas mobiliser son réseau d’amis ou de proches pour aller rechercher des possibilités d’emploi. Elles sont d’autant plus intéressantes qu’elles sont mobilisables par des méthodes adaptées : pédagogie active et par projet, travail en groupes, enquêtes, etc. » Sécuriser son parcours « L’idée de ce parcours est de sécuriser cette orientation vers le supérieur, vers lequel certains jeunes hésitent à se diriger. Pour un jeune, cela consiste à mettre le pied à l’étrier sur un temps assez court, pour voir s’il y arrive, s’il trouve la motivation. Le phénomène que l’on rencontre couramment, c’est que ces jeunes ont pour beaucoup subi leur orientation passée. Le Bac +1 est un moyen pour eux de se réapproprier leur projet, vérifier s’ils trouvent une voie qui leur correspond. Cela fait partie de la formation qu’ils soient mis en posture réflexive par rapport à leur projet professionnel. Nous ne sommes pas obligatoirement là pour les pousser vers un métier particulier. » Le programme du BAC +1 du Cnam inclut des compétences métiers qui permettent une insertion professionnelle immédiate. La mise à l’emploi directe est une des ambitions. Ainsi les jeunes se voient offrir la possibilité d’avoir un diplôme en un an, puis de chercher un emploi ou de poursuivre leur parcours vers un Bac +2/+3. La longue période de stage en entreprise facilite la reconnaissance et l’intégration dans l’entreprise. La démarche BAC +1 s’inscrit dans le cadre d’un autre projet important du Cnam baptisé «Au cœur des territoires », dans lequel l’établissement mobilise son réseau et son offre pour aller au-devant des villes moyennes en leur proposant de mettre en œuvre des nouvelles offres de formation supérieure en réponse à leurs besoins. Le BAC +1 fait partie de la volonté du Cnam d’apporter des formations dans les territoires, dans la logique de ses valeurs qui sont l’accès aux connaissances et à la formation pour tous. Une fois dans les territoires, l’objectif est de se rapprocher des partenaires pour imaginer des passerelles et des choses utiles pour les jeunes sur place. « Les constructions sont très différentes d’un centre régional Cnam à l’autre. Le point commun, c’est l’inscription dans le cadre du projet « Au cœur des territoires », de s’installer dans des endroits où il y a des besoins en termes d’emploi, des publics peu mobiles pour lesquels l’accès à l’enseignement supérieur est difficile.» * * * * * « Aujourd’hui ce format de formation n’est pas encore installé dans le paysage de l’enseignement supérieur, il est tout nouveau. A l’avenir, il devrait être plus intégré dans les esprits. Ce dont nous sommes sûrs, c’est qu’il correspond à une vraie réponse pour un certain nombre de jeunes », ajoute Bruno Guillet, responsable développement au Cnam Nouvelle-Aquitaine. « Les possibilités de passerelles sont à explorer au cas par cas, il faut les travailler sur chaque territoire avec des établissements partenaires ». « Nous avons effectué un travail d’écoute auprès de différents territoires de la région Nouvelle-Aquitaine. Ce travail a consisté à appeler les principaux acteurs de l’emploi et de l’insertion et les représentants des entreprises afin de mesurer les besoins. C’était aussi l’occasion pour nous de nous rapprocher du terrain, de nous faire mieux connaître des acteurs locaux. » Il est ressorti de ces consultations que par exemple à Limoges, existait un intérêt pour le BAC +1 « Architecture et construction » dans une logique de filière formation complète dans le domaine du BTP. A Dax, les besoins étaient plutôt autour de la professionnalisation des personnes dans le domaine de l’accompagnement de la personne âgée. Le résultat de ces travaux d’écoutes a été présenté à la Région, qui a décidé d’accompagner le Cnam sur trois territoires (Dax, Limoges, Niort). Permettre la poursuite d'études « La logique sur laquelle nous souhaitons travailler également, ce sont les poursuites d’études après le Bac + 1. Un exemple très concret : à Limoges, les jeunes qui vont entrer dans le BAC +1 vont en fait entrer dans une première année de DEUST (Diplôme d’Etudes Universitaire Scientifique et Technologique en 2 ans). Ceux qui voudront poursuivre leurs études pourront le faire en intégrant la deuxième année en apprentissage. » Etant labelisée par le ministère, la formation apparaît dans Parcours sup. Quelques jeunes ont candidaté par ce biais. Par l’intermédiaire des délégués territoriaux emploi-formation de la Région, le Cnam est aussi allé présenter le dispositif aux prescripteurs (Pôle emploi, misions locales, associations) pour leur faire découvrir cette solution adaptée à leurs publics. L’organisme communique également par le biais de son site, des réseaux sociaux, avec l’accroche « sans solution tout n’est pas perdu ». D’un point de vue pédagogique, la formation place l’élève au centre du dispositif en mettant en œuvre une pédagogie active, par projet. Ceci demande un accompagnement spécifique des intervenants vacataires qui sont habitués à travailler sur un mode plus traditionnel. Pour répondre à toutes leurs questions sur cette pédagogie particulière, un responsable de formation a été affecté spécifiquement à ce projet. « Nous avons une plateforme d’enseignement à distance sur laquelle nous pouvons proposer des travaux, déposer des ressources. Nous n’avons pas créé d’outils spécifiques, c’est vraiment dans la pédagogie qu’il faut que nous accompagnions nos intervenants. » * Un Bac + 1 démarre à Limoges le 18 octobre. Les Bac + 1 à Dax et Niort vont démarrer le 28 octobre. [1] https://www.cap-metiers.pro/actualites/23358/Enseignement-superieur-creation-deux-labels.aspx
Contre la déqualification des emplois, accompagner les Parcours Emploi Compétences
Pour Sylvie Godard, secrétaire régionale de l’OPCO Santé, le dispositif Parcours Emploi Compétences (PEC) « s’inscrit dans l’histoire des contrats aidés. Il prend place dans la gamme des dispositifs de soutien à l’insertion durable dans l’emploi et la sécurisation des parcours. C’est une réponse ouverte aux adhérents associatifs de l’OPCO Santé ». Dans cette logique, l’OPCO Santé a décidé de mettre en place un accompagnement des salariés bénéficiaires d’un PEC, de faciliter leur accès à la formation afin qu’ils acquièrent des compétences, sécurisent leur parcours professionnel et leur insertion durable dans l’emploi. Deuxième grand objectif, accompagner les employeurs pour les aider à détecter les besoins en compétences de leurs salariés à l’aide de référentiels, des modélisations de parcours professionnels. Et leur donner des clés pour identifier les formations adaptées. L’accompagnement des PEC n’est pas une création nette, mais le prolongement et l’aboutissement d’une première expérimentation déployée en 2018 en Nouvelle-Aquitaine (187 salariés formés, 300 actions de formation), qui a posé les jalons de ce nouveau projet. Cette action présente la particularité d’associer trois OPCO dans son ingénierie et son déploiement. L’OPCO Santé la porte pour le compte de ses deux partenaires, l’Afdas et Uniformation (cohésion sociale). La première expérimentation, portée à l’époque par l’Afdas a permis de dégager des axes de progrès qui ont servi de base à ce projet soutenu en 2020 par le Fonds Régional pour l’Innovation dans la Formation. « Au-delà du fait que nous relevons de l’économie sociale et solidaire et que les employeurs qui peuvent contractualiser des PEC relèvent du champ associatif, nous avons des métiers qui offrent des porosités en matière de compétences, ce qui nous permet de travailler ensemble les questions d‘ingénierie au service des parcours. » Modéliser les parcours La première étape a consisté à modéliser des parcours de compétences selon les emplois occupés par les PEC dans les champs d’activités des trois OPCO. L’idée étant de tenir compte de la singularité de chaque profil de bénéficiaire. Plusieurs thématiques ont été définies, comme la sensibilisation du secteur et de l’environnement professionnel dans lequel le salarié est intégré, les notions d’hygiène, prévention et sécurité, ou encore l’acquisition des savoirs de base, et les compétences d’accueil et de communication. Pour chacune d’entre elles, les partenaires ont identifié des formations mobilisables par les employeurs (Caces, premiers secours, HACCP…). Dans la plupart des cas, des compétences transverses qui s’adressent à tous les salariés. Dans un deuxième temps, aider les employeurs dans leur fonction RH, sachant que les TPE de moins de 50, voire de moins de 250, sont assez peu fournies en outils d’accompagnement de la montée en compétences des salariés, qui se fait beaucoup sur le tas. « Pour accompagner les structures dans l’appropriation de l’approche par la compétence dans la gestion des emplois, nous avons créé des « Kits RH » qui contiennent des outils très opérationnels : un référentiel de compétences sur les métiers les plus habituellement pourvus par les PEC, une grille de positionnement pour chaque métier à l’usage du salarié et de son tuteur, qui sert à mesurer l’écart entre le niveau de maitrise du salarié et le niveau attendu du métier qu’il occupe. » « Nous avons également créé un outil d’aide à l’orientation, appelé la « fleur des possibles ». Au centre de chaque fleur est indiqué le nom d’un des 12 métiers retenus (agent de service, agent administratif, auxiliaire de vie...). Chaque pétale représente les compétences clés du métier et au bout du pétale, on indique des métiers proches ou qui font appel au même socle de compétences. » Ainsi le tuteur dispose de l’ensemble des outils pour dresser un bilan des compétences acquises de son salarié et identifier celles qu’il faut renforcer, puis de sélectionner la réponse la plus adaptée dans les prototypes de parcours. La place centrale du tutorat Dans toute cette démarche, la question du tutorat est centrale. Lors du premier projet, elle avait d’ailleurs donné lieu à la création à la production d’un « guide des bonnes pratiques du tuteur PEC ». « À la vue des profils de salariés en PEC, dont une part importante est peu qualifiée, éloignée de l’emploi et pour certains ne maitrisant pas les savoir être professionnels, le tutorat représente un enjeu central. Pour autant, les structures ne disposent pas toujours ni d’outils, ni de méthodes pour encadrer et accompagner efficacement les salariés en PEC. Ainsi, nous avons conçu une action de formation à destination des tuteurs qui accompagnent des bénéficiaires d'un contrat PEC au sein des entreprises. Cette ingénierie à vocation à accompagner les tuteurs dans l’acquisition des connaissances et bonnes pratiques leur permettant d’exercer au mieux leur rôle auprès des bénéficiaires de PEC : en amont du parcours, pendant le parcours et la sortie du dispositif PEC. » « Nous ne sommes plus dans l’action ponctuelle. Nous mettons en place des appuis à la formation, des financements dédiés un réel investissement des partenaires sociaux pour sécuriser l’emploi durable, concourir à la certification et lutter contre la déqualification des emplois. Dans notre branche associative, le PEC n’est pas utilisé pour avoir de la main d’œuvre à bas coûts. » Autre point original, la présence au comité de pilotage des prescripteurs du PEC, notamment Pôle emploi. L’objectif est d‘articuler l’intervention de toutes les parties prenantes tout au long du parcours du PEC, et de créer une approche systémique dans le déploiement du dispositif en s’adressant aux bénéficiaires, aux employeurs, aux prescripteurs. Les conseillers des OPCO rencontrent les employeurs pour leur expliquer le dispositif, notamment à l’aide d’outils de communication élaborés à leur intention. « Avec ce projet nous entrons par la petite porte. Nous faisons le pari de l’essaimage. Notre idée en ce qui concerne le recrutement, c’est d’aller au-delà du CV, de balayer l’ensemble des potentialités du candidat, dans ses compétences techniques mais aussi ses savoir être qui sont tout aussi importants dans nos secteurs d’activité. Notre outil est un simple tableur, mais il met en lumière les compétences du salarié au regard de l’emploi qu’il occupe, de celles qu’il est nécessaire de conforter, et de choisir les modules de formation les plus adaptés. » L’ambition du projet est donc de concevoir toutes les ressources immédiatement mobilisables par le salarié et l’employeur, mais aussi de leur permettre de penser au-delà du parcours PEC. Pour le salarié, c’est la possibilité de se projeter sur d’autres emplois, dans sa structure ou ailleurs, en identifiant les passerelles vers les métiers voisins.
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