Initiatives locales et paroles d'acteurs
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Des salariées mises à l'honneur

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Nadège Alexandre est en charge du pôle ville local et solidarités de la communauté de communes de Montesquieu (sud de Bordeaux). Avec Carine Naffetat, Responsable du service emploi et insertion de la CDC voisine, Jalle-Eau-Bourde, une action de valorisation des salariées des services à la personne, baptisée « Dans les coulisses, des femmes ordinaires…extraordinaires » a été menée. Cette action est lauréate du Fonds Régional pour l’Innovation dans la Formation.

 

D’où vient votre projet ?

En 2020, nous avons mené une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences territoriales (GPECT) copilotée par la communauté de communes de Montesquieu et celle de Jalle-Eau-Bourde. Lors du séminaire de restitution au printemps, nous avons présenté un plan d’action qui incluait la volonté de travailler sur les métiers des secteurs de la propreté et des services d'aide à la personne. Et sur des collectifs autour de l'organisation de services RH et des conditions de travail. Une des actions préalables consistait à valoriser ces métiers par une action à dimension culturelle et artistique.

 

En parallèle, nous avons travaillé avec le réseau des bibliothèques sur un projet qui s'appelle « les Simone », consistant à identifier et valoriser toutes les femmes « extraordinaires » qui ont contribué à écrire notre histoire mais sont un peu oubliées. Dans le même esprit, et pour faire un peu différemment des forums emploi et des ateliers participatifs habituels, nous avons imaginé une action de mise en avant de ces femmes ordinaires, ces salariées invisibles des services à la personne, qui font l'histoire au quotidien. Parce qu’elles exercent des métiers essentiels pour maintenir le lien social et sortir des personnes de l'isolement.

 

Comment vous avez abordé cette action ?

On s’est dit que pour parler des services d'aide à la personne, ce qui pouvait être intéressant c'est d'aller toucher l'émotion des gens. On peut avoir un plan d'action très structuré, très organisé, avec des organismes de formation, le soutien de la Région, etc. Mais finalement on est un peu dans un entre-soi et on n’arrive pas forcément à aboutir à des prises de décision qui permettraient vraiment de changer en profondeur les conditions de travail et le regard qu'on peut porter sur ces salariées et ces métiers. Notre volonté c’était de toucher ce qui peut interpeller chacun d'entre nous, la maladie, la vieillesse, la dépendance, auxquelles nous sommes tous confrontés d'une manière ou d'une autre. 

 

Quelle a été votre approche ?

Notre idée était de faire intervenir une compagnie théâtrale que nous connaissions déjà, la compagnie des Volets Rouges avec pour objectifs de parler de ces métiers et des salariées qui les occupent sur nos territoires. C’est un collectif d'artistes très en prise avec les sujets de société. Ils nous ont proposé de rencontrer ces salariées, d’aller les observer dans le cadre de leur travail, faire des entretiens et les restituer sous forme de portraits sonores d’une dizaine de minutes. Nous voulions entendre les salariées parler de leur métier, de leurs conditions de travail un peu particulières, des amplitudes horaires importantes, des relations humaines, de leur implication pleine et entière dans ce travail. En résumé, avoir une meilleure connaissance de ces métiers. Et peut-être susciter des vocations, des envies chez certaines personnes qui s'interrogent aujourd'hui sur le sens donné à leur travail, leur place dans la société, un besoin de reconnaissance et d'utilité sociale.

 

Nous voulions aussi mettre en évidence le fait que ce sont des vrais métiers, qui requièrent de la formation, des temps de préparation, des temps de régulation. Nous ne sommes pas tous confrontés au deuil dans notre travail, à des formes d'agressivité qui peuvent être avérées chez des personnes atteintes de maladies Alzheimer. On est face à l'humain cela nécessite d’avoir des compétences. Aujourd'hui, certaines salariées nous disent ne jamais avoir suivi de formation, alors qu’elles travaillent depuis 20 ans.

 

Comment avez-vous procédé pour trouver les salariées ?

Nous nous sommes adressées aux employeurs, ça nous paraissait important qu'on ait leur aval. On avait évalué à 8 heures le temps nécessaire à consacrer à ce projet.  Donc nous avons présenté la démarche à des structures type CCAS, à des structures d'insertion. Certaines d'entre elles avaient participé à la GPECT, donc ça n’était pas une surprise. Elles ont à leur tour présenté le projet aux salariées. Certaines s'en sont saisies, d'autres non. Nous avons proposé une réunion à toutes celles qui étaient intéressés, pour leur expliquer dans quoi on s'engageait tous collectivement. Finalement nous avons pu trouver 8 salariées bien réparties sur nos collectivités, donc c'était parfait.

Quelles ont été les réactions des salariées ?

Nous voulions vraiment entendre leurs réserves éventuelles. Ce qui a été assez drôle, c'est qu’elles ne voulaient pas qu'on raconte une belle histoire. On s'est rendu compte que « valorisation des métiers » fait partie des expressions qu'on utilise dans notre jargon professionnel. Mais qu’en fait, l’enjeu était bien plus de valoriser les salariées. Et aussi de mieux faire connaître tout ce qu’implique l’exercice de ces métiers. Ça nous a obligé à effectuer un exercice de précision et d'explicitation de ce qu'on attendait de ce projet.

 

Avez-vous rencontré des obstacles ?

On se posait des questions sur l’aspect artistique, parce qu'en fait, ce n’est pas anodin d’être observé, de donner un entretien enregistré, d’être prise en photo pour une exposition. Nous avons beaucoup échangé avec les salariées, pour leur dire qu’à toutes les étapes du projet, elles auraient leur mot à dire et qu’elles valideraient les supports diffusés, qu’on ne les mettrait pas en difficulté, qu'on resterait à leur écoute. Nous leur avons dit que si elles préféraient, les photos pouvaient être prises de profil, de dos, légèrement floutées. Nous avons aussi pris des précautions en prenant contact avec les familles des bénéficiaires. Leurs réactions ont été très variables. La compagnie a dû s’adapter aux attentes et contraintes des salariés, ainsi qu’aux familles des bénéficiaires. Ça a été un travail de dentelle.

 

Dans l’idéal, quels seraient les effets espérés ?

Ce sont des sujets qui sont abordés au niveau national, mais finalement on a toujours l'impression que ça ne nous concerne pas directement. Je pense que localement, il y a des réflexions à mener. Et peut-être que notre action peut contribuer à une prise de conscience pour agir à notre échelle, dans la proximité. Par exemple, on pourrait imaginer une structure intercommunale employeuse qui offrirait des conditions de travail plus satisfaisantes, des horaires moins morcelés et plus en concordance avec les attentes des salariées. Nous faisons notre part du travail pour essayer de faire bouger les choses localement, provoquer une prise de conscience et peut être déclencher une envie d'agir.

 

Il faudrait que des acteurs se sentent concernés et prennent la suite pour travailler de manière plus concrète sur ces questions. Dans la démarche GPECT, nous avons évoqué, par exemple, la question des équipes autonomes, qui s’autogèrent avec plus de souplesse dans l’organisation de leur planning. Il faudrait travailler avec les services RH des communes et/ou des structures employeur, partager les bonnes expériences pour améliorer les conditions de travail. Peut-être que ce travail de visibilité des salariées facilitera la mobilisation des organismes, que des actions pourront être inscrites à l’agenda de cette année.

 

Vous organisez un évènement de restitution le 29 avril, de quel ordre est-il ?

Nous allons nous retrouver dans l’espace culturel Georges Brassens à Léognan. On pourra y écouter les podcasts et voir la galerie de portraits, rencontrer les salariées participantes et la Compagnie Les Volets Rouges, puis regarder le documentaire Debout les Femmes qui sera projeté à la suite. Tout ce travail sera disponible sur nos sites internet et sur celui de la compagnie. J'aimerais que les salariées prennent la parole si elles se sentent à l'aise. L’idée, c'est que ce ne soit pas une restitution trop formelle. Nous voulons vraiment que ce soit un temps fort, et que les salariées viennent avec leurs enfants. Je pense qu'elles seront contentes de partager ce moment avec leur famille.

 

 

Cet article est publié pour le compte de "La Place", la plateforme collaborative créée par la DGEFP, dédiée aux acteurs du Plan d’Investissement dans les Compétences et du PACTE de la Région Nouvelle-Aquitaine : https://www.cap-metiers.pro/pages/552/Place.aspx

 

 

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Avec la MONA, ouvrir les offices de tourisme à l’amélioration des conditions de travail

Avec la MONA, ouvrir les offices de tourisme à l’amélioration des conditions de travail | Initiatives locales et paroles d'acteurs | Scoop.it

Le secteur des offices de tourisme est pour l’essentiel composé de techniciens en charge de projets et stratégies touristiques. Mais les « managers » qui s’occupent des organisations, de la gestion et de la cohésion des équipes, y sont peu nombreux. Sur 150 structures de 1 à 75 salariés qui font partie du réseau de la Mission des Offices de Tourisme Nouvelle-Aquitaine (MONA), on compte 5 « vrais » DRH. Ce qui laisse penser que la profession ne s’est pas vraiment emparée des enjeux de politique sociale. De plus, il n’existe pas de formation initiale pour être manager d’office de tourisme.

 

Les offices de tourisme se trouvent dans une situation un peu délicate, une sorte « d’entre deux de territoire », avec d’un côté les élus, de l’autre les clients. Ils ont à la fois une mission de service public, des problématiques d’entreprise et le besoin de dégager des résultats financiers. Le réseau est également très hétérogène par nature : statuts différents (associations, SCIC, GIE…), diversité d’activités, fonctionnement qui dépend, dans des proportions variées, de subventions ou de leur capacité d’autofinancement.

 

Florent Guitard, Chargé de projets à la MONA relève qu’« il n’y a pas eu une vraie demande du réseau pour aller sur ces questions. Pourtant quand on travaille en contact avec les offices, la dimension humaine revient beaucoup. Notre programme comporte depuis des années des petites formations sur le management, ou le développement personnel. Nous avons pensé que ce serait à nous de proposer un parcours sur les améliorations des conditions de travail et sur la santé. Avec notre stratégie, pour que les choses se transforment de manière douce et comprise par tous. Entre notre programme de formation, nos expertises avec les structures, nos DRH, nos managers, il manquait le liant des conditions de travail pour que tout fonctionne. »

 

Une "pause inspirante"

 

Le projet Entract est issu de cette réflexion. Présenté comme « une pause inspirante », son postulat est de prendre le temps d’analyser ce qui se passe dans les organisations, d’appréhender la posture du manager. Et de prendre le temps de comprendre comment les changements de métiers, les compétences nouvelles, les formations complémentaires, peuvent être présentés non comme des injonctions aux salariés mais comme des projets auxquels ils peuvent participer. La MONA a sollicité plusieurs structures pour leur proposer de participer à une expérimentation, sans présenter leur démarche comme une offre de formation. « Lors du premier rendez-vous, nous avons abordé des questions que nous n’avions pas forcément l’habitude de poser, comme la politique de recrutement et de rémunération, la prise de décisions. »

 

Entract, c’est en fait deux projets : l’Entract des améliorations des conditions de travail des offices de tourisme (9 participants). Et sa déclinaison locale « qualité de vie au travail territoriale » (QVTT), baptisée Limoges’act, avec 8 entreprises emblématiques de Limoges, hors secteur touristique (culture, industrie, loisirs, digital). Les deux parcours ont été construits et expérimentés en 2020 avec la même intention, les mêmes formats, le même déroulement pédagogique élaboré en partenariat avec l’Association Régionale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (ARACT).

 

2020 a donc été une année d’expérimentation, avec le soutien financier du Fonds Régional pour l'Innovation dans la Formation, dont l’objectif était de donner les moyens aux managers de bien comprendre tous les champs de l’amélioration des conditions de travail, que ce soit l’épanouissement personnel, la santé, les risques psychosociaux. « On peut élaborer des parcours, imaginer l’office de demain, faire monter les personnes en compétences sur la stratégie clientèle, le marketing, la coordination des acteurs locaux. L’Entract, c’est le paquet complet pour permettre que les conditions de formation fonctionnent. C’est pour ça que nous parlons de « pause inspirante » pour les managers en transformation. »

 

Etablir un plan d'action

 

Après une phase d’auto-diagnostic dans les structures, les « Entractés », ont suivi un programme composé de 8 rendez-vous en présentiel, en distanciel et en coaching individuel. La première étape a consisté à leur expliquer les intentions du programme de manière collective, puis à leur faire analyser leur situation. Les séances, incluant parfois de la « ludo pédagogie » leur proposaient de matérialiser leurs problématiques, leur montrer jusqu’où ils pouvaient aller, trouver des idées, avoir un plan d’action. Beaucoup de sujets ont été abordés, comme l’engagement de la structure et des salariés, l’organisation interne, les conventionnements avec un territoire, etc. Le séminaire de clôture de deux jours visait deux objectifs : tirer un bilan individuel et collectif, une auto-évaluation de l’expérimentation. Et une projection sur l’avenir, un travail en intelligence collective sur la façon dont les « Entractés » envisageaient de continuer à évoluer.

 

« Nous avons également organisé, notamment en raison de la crise sanitaire, des causeries mensuelles, les séances de « confiancement » (entre confinement et confiance). Nous avons vraiment identifié la solitude du manager. On lui a fourni des outils, des méthodes, des sujets comme « organiser la reprise ». Nous avons constaté que toutes les structures qui ont réfléchi sur les conditions de travail ont mieux vécu cette période que les autres. »

 

Au chapitre des effets signalés, une amélioration du dialogue social, par exemple l’instauration de temps inscrits dans la vie d’équipe, d’un espace de discussion. Certaines structures ont formalisé leurs valeurs d’entreprise ou construit des accords. Il a été question de sentiment d’appartenance et culture d’entreprise. Certains ont repensé leurs espaces d’accueil pour qu’ils soient utilisés autant par leurs équipes que par les personnes accueillies. « Nous avons également vu une décharge de responsabilité des managers, pour créer les conditions d’émergence des solutions au sein de l’équipe. Une gestion des talents qui s’appuie sur autre chose que la fiche de poste. »

 

Pour 2021, une nouvelle promotion a été recrutée par cooptation par les premiers « Entractés », qui suivra un programme similaire, un peu ajusté afin de tenir compte des enseignements de 2020. « Nous continuerons à accompagner la première promotion en intra sur leurs projets de structure, en gardant la qualité de vie au travail comme fil rouge. Nous ne sommes pas les sachants, nous les accompagnons pour élaborer les parcours. En essayant de mesurer ce qui a vraiment changé dans les structures. Décréter la qualité de vie au travail n’est pas possible, il faut des preuves que la problématique ait été bien prise en compte. »

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