« Dans notre réseau, on est beaucoup sur la communication métier, mais pas forcément sur la partie orientation. Avec ma collègue de Dordogne, on s'est dit qu'on pourrait peut-être essayer d'y travailler ensemble. » C’est pour répondre à l’appel à projets régional « expérimentations en matière d’orientation » que l'ANEFA Limousin, l’ANEFA Dordogne et la maison familiale et rurale Périgord-limousin ont créé ensemble le dispositif CORA, pour « course d'orientation rurale agricole ».
« On s'est cantonné à la Haute-Vienne et à la Dordogne. Notre projet s'articule véritablement sur ces 2 départements, » précise Anne-Hélène Peuch, directrice de l’ANEFA Limousin. « L'idée était de concevoir un dispositif un peu ludique, une véritable course d'orientation sur les exploitations pour des groupes d’une trentaine de personnes au maximum. On demande aux participants d'essayer de se repérer en trouvant le nord, le sud, l'est, l'ouest. Et sur chacun des points cardinaux, on leur propose des animations. »
Les deux bassins concernés souffrent d’un manque de candidats pour travailler dans le secteur agricole, ainsi que d’un véritable problème de renouvellement des générations, notamment pour reprendre les exploitations. C’est le public en voie d'orientation de moins de 30 ans qui est visé. À commencer par les collégiens, ainsi que les jeunes de mission locale. Mais l’action peut également intéresser des personnes en contact avec les Espaces Régionaux d’Information de Proximité (ERIP) ou des organismes de formation, peut-être un peu plus âgées, et qui cherchent aussi une nouvelle voie d'orientation professionnelle.
Une introduction aux métiers
« Avant de passer à la course d'orientation proprement dite, nous faisons une petite présentation du secteur d'activité, de l'emploi et des productions, parce que ça n’est pas évident pour tout le monde. Beaucoup de jeunes ne se rendent pas compte de la place de l'agriculture dans la vie quotidienne. Puis, on se rend chez un exploitant qui propose au groupe la visite d'une exploitation et de ses productions. »
Viennent ensuite les animations qui constituent le cœur du dispositif. Sur chaque point cardinal, un thème et une animation. Par exemple, le groupe doit se rendre au sud pour trouver un atelier de reconnaissance de végétaux. Les animateurs aident les participants à trouver le nom des graines, puis leur expliquent à quoi elles servent : alimentation humaine ou animale, fabrication de produits cosmétiques, d’isolants, etc.
A l’est, le travail porte sur les signes officiels de qualité, leur signification, leur rôle. A l'ouest, on parlera des différentes races bovines que l'on trouve sur les bassins, surtout de la limousine. Enfin, au nord, l’animation tourne autour de la transformation, le processus pour aboutir à un produit fini. Les animations s’appuient sur des petits livrets distribués au début de la visite, qui contiennent des énigmes que les jeunes doivent résoudre.
« On peut aller plus loin, parler environnement et biodiversité, mais plutôt lorsque nous avons des publics un peu plus âgés. On ne va pas échanger avec des élèves de 4e sur la biodiversité et les paysages. On s'adapte au public que l'on a. nous parlons agriculture de façon générale, on n'est pas à proprement parler sur une animation métier, mais plutôt sur une animation cultures et environnement. »
Après l’étape course d'orientation, une petite phase de réflexion avec un autre livret. Il s’agit de faire un point sur les projets professionnels des jeunes, leurs attentes, leurs connaissances du secteur agricole et leurs impressions à l'issue de la course. Quels étaient leurs projets initiaux ? Comment ils voyaient l'agriculture ? Quelle est la partie qui les a le plus intéressés, les animaux, le végétal, le machinisme agricole ? Quels sont les éléments qui ont pu déclencher une envie pendant cette visite, comme le travail à l'extérieur, la nature ?
Pour faire connaître CORA, l’ANEFA a adressé un petit document de présentation à l'ensemble des opérateurs. Assorti de relances téléphoniques auprès de ceux qui ne sont pas déjà partenaires de l’association. « Nous leur demandons si la démarche les intéresse, s’ils ont des groupes à proposer. Pour eux, ça n’est pas forcément possible dans l'immédiat mais nous avons déjà programmé beaucoup de visites pour l'automne prochain. Le plus difficile, c'est d’avoir des collégiens, parce que nous n’avons pas la clé d'entrée dans les établissements, même si nous avons largement diffusé notre documentation. C’est dommage, puisque c’est le public phare sur l'orientation donc pour tester correctement notre dispositif, nous aurions besoin de plus d’élèves. »
Mobiliser les exploitants
Du côté des agriculteurs, l’Anefa s’appuie sur son propre réseau, hébergé dans les chambres d’agriculture, et sur celui des maisons familles et rurales. Les exploitants sont dans l’ensemble plus faciles à mobiliser que les opérateurs pour des raisons d’emploi du temps ou de public. « Pour beaucoup d’entre eux, les agriculteurs aiment bien parler de leur métier, ils le font souvent par passion et en sont assez fiers. Et puis ils sont très conscients des enjeux de renouvellement des générations, et de la nécessité d’attirer de nouvelles personnes vers le secteur. »
« Pour les groupes qui vont venir, nous avons modifié notre stratégie, en essayant de préparer un peu plus en amont les visites d'exploitations. Nous faisons une petite sélection des exploitants chez qui nous allons, pour privilégier ceux qui ont plus l'habitude de parler à des collégiens, qui communiquent plus facilement avec des jeunes et des publics novices. Certains restent trop dans leur jargon, et même s’ils sont passionnés, il se laissent emporter par les termes techniques, et ça crée vraiment un décalage avec le public en face. »
Par cette opération, l’Anefa veut expliquer que si l'installation dans une exploitation peut constituer une fin en soi, il existe un grand nombre de métiers accessibles en tant que salarié agricole qui sont très intéressants pour entamer son parcours professionnel. Ils permettent d'avoir une vision très large des secteurs, des activités, des modes de production. Le salariat est une porte d'entrée dans le métier, il donne l’occasion de travailler sur plusieurs exploitations différentes, par le biais de groupements d’employeurs, en direct, ou en faisant des saisons.
« C’est le message que nous voulons faire passer, notamment quand on intervient dans les lycées agricoles, parce qu’il y a assez de peu de jeunes qui se tournent vers le salariat. Or, on a aussi besoin de salariés agricoles. On leur explique que l’expérience qu’on acquiert de cette manière est intéressante, on peut la transposer lorsqu'on envisage de s'installer ultérieurement. C’est différent pour des jeunes qui reprennent l'exploitation familiale. Je pense que c'est véritablement une force de passer par des phases de salariat et de découvrir d'autres exploitations avant de se lancer. »