« Nous n’aurons pas d’autre moyen que taxer les dépôts » | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

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« Nous n’aurons pas d’autre moyen

que taxer les dépôts »

 

Comment réagiraient les autorités si un nouveau krach devait survenir ? Nous avons posé la question à l’économiste français Marc Touati, fondateur du cabinet de conseil ACDEFI, et qui a publié récemment « Guérir la France, la thérapie de choc » (éditions du Moment).

 

Dans son ouvrage, Marc Touati présente une cinquantaine de propositions (réduire les dépenses publiques, doper les investissements innovants, améliorer la culture financière de la population, etc.) pour résoudre les problèmes de nos pays.

 

La crainte de Marc Touati est que si une nouvelle crise devait surgir ces prochains mois, nos pays ne s’attaquent à l’épargne. « Dans une de ses recommandations de 2013, le FMI a déjà annoncé la couleur : taxer les dépôts bancaires et l’épargne sur livret au sens large, à hauteur de 10 % au-delà d’un certain seuil, par exemple 100.000 euros », rappelle-t-il.

 

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Trends-Tendances : Cette crise, vous la voyez venir. Pourrait-elle éclater en raison de la fragilité du système bancaire ? Certaines études estiment qu’il subsiste en Europe 900 milliards de crédits toxiques.

 

Marc Touati : Oui. Pour moi, toutefois, les crédits les plus toxiques sont les obligations d’État ! Si les taux continuent à augmenter comme ils le font ces derniers jours, cela risque d’être dramatique. Nous vivons une situation qui est l’inverse des subprimes. Les titres qui étaient adossés aux crédits immobiliers américains comportaient des risques, mais ils offraient au moins des rendements. En revanche, aujourd’hui, en achetant des obligations d’État, vous prenez un risque important (de retournement des taux) et de plus vous n’avez pas de rendement ! Vous n’avez ni le beurre ni l’argent du beurre !

 

 

Si les dépôts sont en danger, est-ce à dire que vous conseillez, comme d’autres, de débancariser l’épargne ?

 

Je ne prône pas la débancarisation. Je conseille cependant de ne pas laisser trop sur ses comptes. J’indique le seuil de 100.000 euros parce que c’est celui qui a été fixé par l’Europe pour couvrir les dépôts. J’espère que l’on n’oserait pas ponctionner en deçà. Mais rien ne le dit.

 

 

Vous croyez réellement qu’en cas de crise, les gouvernements pourraient taxer les gros dépôts ?

 

J’espère que nous n’en arriverons pas là, mais s’il y a une prochaine crise, nous n’avons plus aucun autre moyen de réaction. En 2008 nous avons pu faire une relance de 5.000 milliards de dollars, faire tourner la planche à billets, abaisser les taux. Mais aujourd’hui nous avons tout utilisé. Comment faire pour relancer la machine, si un krach survenait ? Et puis j’entends dans mon pays depuis quelque temps des raisonnements qui me le font penser. J’entends dire que les ménages français ont 12.000 milliards de patrimoines, et que si l’on taxait les dépôts à 10 %, cela ramènerait plus de 700 milliards dans les caisses de l’État. C’est d’autant plus tentant que, parallèlement, on assiste à une sorte de chasse aux riches. On dit qu’il y a de plus en plus d’inégalité, qu’un petit groupe de plus en plus restreint accumule toujours plus...

 

 

Dans ce contexte, que doit faire un particulier qui possède une fortune moyenne ?

 

D’abord diversifier ses placements, ne pas laisser plus de 100.000 euros sur ses comptes, quitte à les multiplier. Il faut diversifier géographiquement aussi, car tous les pays ne pratiqueront pas la même politique dont on peut d’ailleurs douter de l’efficacité : taxer les gros dépôts à 10 %, c’est utiliser un fusil à un coup. Dès que vous l’avez utilisé, pour éviter la fuite des capitaux, vous devez instaurer une série de mesures, tel un contrôle des changes.

 

 

On peut revenir aussi un peu sur l’immobilier. Cela dépend cependant des pays.

 

Je conseille aussi à ceux qui ont des entreprises d’investir dans ce secteur, et même à ceux qui n’en ont pas ! Les grandes entreprises ont des activités internationales, et bénéficieront donc d’une croissance mondiale qui sera plus tonique que celles de nos pays. Et puis carpe diem. Profitez de la vie. Faites les voyages que vous avez envie de faire : ce qui est pris n’est plus à prendre. J’aime beaucoup cette phrase !

 

 

 

Par Pierre-Henri Thomas (expert) - trends.levif.be – le 3 juin 2015.