Les femmes de Fukushima | Japan Tsunami | Scoop.it
En cette journée de la femme, je pourrais vous parler de milliers de cas de détresse, d'humiliations, de violences ou de simples frustrations vécues par des femmes à tous les niveaux de la société:
des femmes sans domicile fixe pour lesquelles il n'existe aucun foyer d'accueil dédié, ce qui les soumet à la peine suprême de se voir enlever leurs enfants confiés à la DASS;

des femmes seules, retraitées, avec des pensions de misère parce qu'elles ont eu une vie professionnelle chaotique;

des femmes seules, élevant leurs enfants dans la précarité, qui, pour s'en sortir, cumulent des journées de travail de 15 heures, transports compris;

des femmes confrontées au plafond de verre dans les entreprises;

de toutes celles qui à travail égal n'ont pas de salaire égal etc...

 

En cette journée de la femme, je pourrais vous parler des lois de la République restées lettre morte faute de volonté politique pour les appliquer, des crédits pour le planning familial ou les centres d'IVG en chute libre, des trop faibles moyens consacrés à lutter contre les violences faites aux femmes, des viols collectifs transformés en "tournantes" restés impunis, ou encore de la pression toujours plus forte qui s'exerce sur nos concitoyennes des cités.

 

Tout ceci est connu mais ne change pas, essentiellement parce que les femmes ne pèsent pas suffisamment dans notre société pour infléchir la puissance masculine qui occupe le pouvoir à tous les niveaux, et compte le garder.

Parce que je considère que tous ces sujets méritent d'être abordés, tous les jours, et pas seulement aujourd'hui, j'ai choisi, en ce 8 mars, de vous parler des femmes de Fukushima, auxquelles j'avais fait une promesse lorsque je les avais rencontrées: parler de leur calvaire.

 

Ces femmes vivent dans la région de Fukushima au-delà des 20 kilomètres de la zone interdite, et pour la plupart à Fukushima City, située à 60km de la centrale. Elles se sont regroupées au sein d'une association qui comptait, en septembre 2011, environ 800 familles.

 

Faute de moyens financiers, elles n'ont pu partir, ni faire partir leurs enfants comme l'ont fait les familles plus aisées. Elles vivent le drame de n'avoir pu protéger leurs enfants il y a un an, faute d'avoir été incitées par les autorités à se confiner, et surtout faute d'avoir eu à leur disposition des pastilles d'iode qui auraient pu saturer la thyroïde des enfants.

 

Depuis, elles sont contraintes d'exposer leurs enfants à des doses de radiation équivalentes... à celle des travailleurs du nucléaire en France. Statistiquement, elles savent donc que leurs enfants, tout comme elles, risquent de développer une leucémie ou un cancer de la thyroïde à court terme, comme cela a été le cas à Tchernobyl.

Le risque de cancer ou de leucémie est d'autant plus aigü que la nourriture est plus ou moins contaminée, et que les doses maximales autorisées ont été multipliées par 10 après l'accident. Et elles ne possèdent, en tout et pour tout, qu'une casserole donnée par une association française pour mesurer la radioactivité des aliments. Que faire face à cette situation insupportable ?

 

Il faudrait leur permettre d'avoir accès, a minima, à une nourriture saine, leur assurer un suivi épidémiologique correct et surtout, ce qui relève d'un minimum de justice, leur fournir les moyens de quitter la région pour ceux qui souhaitent le faire. Mais l'industrie nucléaire n'est pas en mesure de le faire, car cette industrie n'est pas assurée à hauteur des dommages engendrés par une telle catastrophe... et ne risque pas de l'être de sitôt d'ailleurs, aucune compagnie d'assurance n'étant prête à assumer un tel risque.

Ces femmes vivent un cauchemar que chacune d'entre nous peut comprendre: en être réduites à devoir exposer, impuissantes, leurs enfants à un risque inéluctable, et être incapables de les protéger. Leur drame devrait être notre drame collectif, à toutes et à tous.

Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas!

 

C'est pourquoi, je souhaite dédier cette journée à toutes ces femmes qui se battent pour leurs enfants, leur combat devrait aussi être le nôtre.