Je préfère prévenir: je vais employer des mots tabous. Je vais parler de Juifs, de Noirs, de Blancs, d’Asiatiques, et de race et d’ethnicité. Pas moyen de faire autrement.
Aux Etats-Unis, il est difficile d’oublier sa couleur de peau ou son origine, les « communautés » elles-mêmes s’en réclamant à cor et à cri pour être sûres que la société ne les lèse en aucune façon.
Plus de 20 millions d’élèves de terminale ont passé des vacances de Noël fébriles, planchant sur leurs dossiers de candidatures à la fac. Angoisse jusqu’en avril ! Leurs notes comptent, mais pas seulement : les activités extra-scolaires et l’origine ethnique sont déterminantes.
A la mi-décembre, un prix prestigieux de la presse américaine a récompensé un essai paru dans la revue mensuelle The American Conservative, intitulé « Le mythe de la méritocratie américaine ». L’auteur, Ron Unz, y pointait le fait qu’aujourd’hui les meilleurs élèves des lycées américains sont largement asiatiques, mais qu’ils sont sous-représentés dans les facs d’élite.
Aussitôt ont fleuri dans la presse des tribunes commentant – pour le critiquer ou le justifier – ce phénomène flagrant d’ostracisme, dont une de l’universitaire Carolyn Chen :
« Plus que ce qu’ils imaginent, le résultats de la course aux admissions dépendra de la race des élèves. Si vous êtes asiatique, vos chances d’entrer dans les collèges et les universités les plus sélectifs seront certainement moindres que si vous êtes blanc. »
Pour comprendre les dessous de la polémique, il faut connaître son contexte. Mes trois enfants (blancs), aujourd’hui tous en fac, viennent de passer par là, je peux raconter le processus par le menu.
Tout lycéen de terminale désireux d’entrer à l’université va sacrifier entièrement son mois de décembre au remplissage des dossiers. Bien que les conseillers d’éducation recommandent de ne pas déposer plus de cinq à huit dossiers de candidature, la plupart des jeunes en complètent une dizaine, dont la forme varie selon les cibles.
Il faut bien sûr fournir son relevé de notes des quatre années de lycée, ainsi que les résultats de son SAT. Cet examen national fait office de bac aux Etats-Unis. On peut le repasser plusieurs fois pendant sa scolarité pour l’améliorer, sachant que sa note globale est le premier des critères de sélection.
Il faut aussi obtenir des lettres de recommandation personnalisées des professeurs, et surtout écrire des essais, sortes de lettres de motivation spécifiques à chaque université convoitée.
Il faut remplir un questionnaire concernant ses activités en dehors de l’école (sportives, artistiques, bénévoles, professionnelles du soir ou du week-end), faire état de toutes les compétences possibles (en langue, en leadership…), preuves vérifiables à l’appui, évidemment.
Enfin, on demande au candidat sa religion et son ethnicité [PDF] : hispanique ou latino, blanc, afro-américain, asiatique, indien américain, natif d’Alaska, d’Hawaï ou d’une autre île du Pacifique (l’origine moyenne-orientale est considérée blanche). La réponse à cette question est facultative. Elle sert à alimenter les statistiques. Mais aussi à équilibrer la composition ethnique des effectifs de l’université.
Ne hurlez pas tout de suite. C’est grâce à cette mesure, l’« affirmative action » (discrimination positive), qu’un nombre important de bons élèves pauvres appartenant à une « minorité » ont accès gratuitement, ou à très bas prix, aux universités du pays tant publiques que privées, et à celles, ultra prestigieuses, de la Ivy League...
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Vincent DUBOIS